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La mort de la mort N° 148. Juillet 2021. Les Biomarqueurs et Longévité

“Les biomarqueurs profonds du vieillissement mis au point à partir de divers types de données sur le vieillissement font progresser rapidement l’industrie des biotechnologies de la longévité. L’utilisation de biomarqueurs du vieillissement pour améliorer la santé humaine, prévenir les maladies liées à l’âge et prolonger la durée de vie en bonne santé est désormais facilitée par la capacité d’acquisition de données qui s’accroît rapidement et par les progrès récents de l’IA. Elles offrent un grand potentiel pour changer non seulement la recherche sur le vieillissement, mais aussi les soins de santé en général », a déclaré Polina Mamoshina, scientifique chez Insilico Medicine.

Thème du mois : Les biomarqueurs et la longévité

Un biomarqueur est une caractéristique biologique mesurable liée à un processus normal ou non.

Dans le domaine médical, un marqueur biologique peut être n’importe quel indicateur biologique mesurable. Ils peuvent être quantitatifs ou qualitatifs. Les biomarqueurs qualitatifs pourraient être impliqués dans la détection d’un processus pathogène dans le cadre d’une analyse oui/non, tandis que les biomarqueurs quantitatifs sont impliqués dans la détection d’un processus pathogène avec un effet de seuil. La plupart des diagnostics sont basés sur des marqueurs biologiques.

Les biomarqueurs et le vieillissement

Les biomarqueurs suscitent un intérêt croissant, ils permettent la mesure du vieillissement, non pas ponctuellement (comme c’est le cas avec l’âge biologique), mais de manière suivie donnant lieu à une mesure nouvelle: le rythme du vieillissement. Les chercheurs ont résumé les biomarqueurs du vieillissement, en différentes sous-catégories :

Les biomarqueurs dit “critères génétiques

L’apparition de mutations somatiques d’ADN au cours du vieillissement laisse supposer que la mesure de l’instabilité génomique (la perte de la possibilité de réparation de l’ADN au cours des divisions cellulaires) pourrait être un biomarqueur du vieillissement.

Concernant la longueur des télomères, celle-ci est diminuée avec le vieillissement. Le raccourcissement des télomères s’explique par une diminution de l’activité de la télomérase. La mesure de l’activité enzymatique de la télomérase dans les cellules humaines pourrait être informative pour évaluer le vieillissement.

La sénescence cellulaire, c’est-à-dire la « mise en pause » de certaines cellules en réponse à un dommage cellulaire, un mécanisme de protection qui, tout au long du vieillissement, est de plus en plus utilisé. La mesure de la sénescence cellulaire est fiable et informative pour évaluer le vieillissement biologique.

L’augmentation du nombre de modifications épigénétiques telles que la méthylation de l’ADN, la modification des histones, la présence d’ARN non codant, apparaissent au cours du vieillissement. Ces mesures, appelées « horloges épigénétiques » ont notamment été étudiées par Steve Horvath.

La réparation des dommages cellulaires (macromolécules endommagées, organites) est un processus clé dans le maintien de l’intégrité cellulaire et les fonctions cellulaires. La capacité d’autophagie diminue avec l’âge, ce qui entraîne l’accumulation de protéines endommagées non fonctionnelles. Évaluer les mécanismes de réparation, de recyclage, et d’élimination de macromolécules endommagées, pourrait permettre de mesurer le vieillissement biologique.

La dysfonction mitochondriale, c’est-à-dire un affaiblissement des mécanismes de production d’énergie dans nos cellules et de la capacité à gérer le stress oxydant par les mitochondries sont d’autres marqueurs intéressants.

Enfin, l’évaluation de l’épuisement des cellules souches, du dérèglement de détection des nutriments, et de l’altération de la communication intercellulaire, pourraient également être des biomarqueurs utiles pour évaluer le vieillissement d’un individu.

Les biomarqueurs dit « critères biologiques

Des niveaux anormaux de ces « marqueurs » indiquent un vieillissement accentué de l’organisme et ils sont, pour la plupart, liés à une moins grande longévité et à un risque de maladie plus élevé.

Grâce à un bilan anti-âge, il est possible d’évaluer le stade de son vieillissement. Ces biomarqueurs sont classés selon les fonctions les plus souvent altérées dans le vieillissement :

Glycémie et insulino-résistance

Le vieillissement est associé à un dérèglement du métabolisme du glucose. Des troubles de régulation de la glycémie (taux de sucre sanguin) et des pics d’insuline sont souvent présents dans les phénomènes liés au vieillissement.

Les biomarqueurs comme l’hémoglobine glyquée (HbA1c), le taux d’insuline à jeun, l’index HOMA (= insuline*glucose / 22.5)… sont des indicateurs reflétant l’état général de glycation des tissus, phénomène majeur du vieillissement.

Adiponectine : cette hormone découverte récemment est corrélée avec les mécanismes de l’inflammation. Les études ont montré qu’elle baissait régulièrement avec l’avancée en âge et a des liens étroits avec l’apparition du syndrome métabolique, du diabète, de l’athérosclérose et de la stéatose hépatique non alcoolique.

– Vitamines et minéraux

Vitamine D : une étude faite sur 10 populations différentes a montré que des niveaux de vitamine D plutôt élevés étaient liés à une diminution du risque de mortalité toutes causes confondues. Les maladies liées au vieillissement et à la vitamine D incluent ostéoporose et Alzheimer.

Vitamine B12 : les niveaux de vitamine B12 baissent souvent après 50 ans. Un taux bas est corrélé dans les diverses études à un risque plus élevé de dysfonction cognitive, de démence et de maladie des artères coronaires.

Calcium : il est démontré que l’avancée en âge est souvent liée à un déficit calcique (menant entre autres à l’ostéoporose). Ce déficit serait dû aux carences en vitamine D et aussi à une diminution de l’absorption intestinale du calcium.

Zinc : la déficience en zinc est fréquente chez le sujet âgé, due à des carences alimentaires et/ou à une moins bonne absorption intestinale. Elle conduit à des phénomènes similaires à ceux observés avec l’inflammation oxydative de l’âge et de l’immuno-sénescence (dégradation des défenses).

Sélénium : Un taux sanguin de sélénium élevé est corrélé généralement dans les études avec des diminutions de risque de cancer.

Albumine : plus connue comme marqueur biologique de dénutrition protéino-énergétique, c’est aussi un marqueur du vieillissement qui a tendance à baisser avec l’âge.

Créatinine et urée : elles permettent d’évaluer un affaiblissement de la fonction rénale.

L’inflammation chronique, qui augmente généralement avec l’âge, est le champ le mieux étudié dans l’immuno-sénescence. Des taux plasmatiques élevés de leucocytes, l’interleukine 6 (IL-6) et TNF-α (Facteur de nécrose tumorale) sont corrélés à une perte de force de préhension.

La protéine C réactive (CRP) ultra-sensible : ce marqueur de l’inflammation est corrélé à la durée de vie selon une étude sur 90000 personnes. Des niveaux plus bas de CRP sont associés à une meilleure longévité.

– Hormones

Testostérone : les niveaux de testostérone baissent régulièrement en vieillissant.

IGf-1 (facteur de croissance 1 ressemblant à l’insuline) : le marqueur de l’hormone de croissance. Sa baisse est associée au vieillissement, appelée la « somatopause ».

La globuline liant les hormones sexuelles (SHBG, pour Sex Hormone-Binding Globulin) : en vieillissant, le taux de SHBG augmente d’environ 1% par an. La baisse des androgènes et l’excès d’oestrogènes augmentent la production de SHBG par le foie.

Cortisol : le taux de cortisol, l’hormone du stress produite par les glandes surrénales, est corrélé aux maladies liées à l’âge. Plus sa sécrétion est anormale et plus le métabolisme du glucose est perturbé.

La déhydroépiandrostérone (DHEA) : le sulfate de DHEA est bien connu pour la diminution de son taux sanguin avec l’âge dans les deux sexes à partir de la trentaine. Une étude a rapporté une baisse moyenne de 5,2% par an.

Prégnénolone : elle baisse généralement avec l’âge, surtout entre 35 et 50 ans où son taux chute fréquemment de 60% ou plus. La prégnénolone permet une meilleure résistance au stress et est très impliquée dans les fonctions cognitives et la mémoire.

– Lipides et acides gras

Les perturbations dans les lipides sanguins sont parmi les marqueurs les plus fiables des risques cardiovasculaires et de mortalité. Les triglycérides et le cholestérol seront donc des marqueurs classiques dans le suivi du vieillissement.

Les radicaux libres peuvent créer des dommages sur notre ADN par oxydation des bases nucléiques. Ces réactions laissent des traces : un fragment de base oxydée appelée 8-hydroxy-2-deoxy-guanosine (8-OHdG).

Les biomarqueurs dit “critères physiques

On ne se réveille pas un matin avec les cheveux gris et une canne. La vieillesse est un long processus fait de changements biologiques.

– Les sens

La perte de l’autonomie survient généralement après 70 ans. Elle s’explique par des changements cognitifs, physiologiques, musculaires et articulaires et dont les premiers symptômes apparaissent entre 40 et 50 ans.

Le premier signe est la presbytie. À 44 ans en moyenne, la vue est affectée par une perte de l’accommodation entre la vision de loin et la vision de près. Vers 60 ans, c’est l’audition qui est touchée : la presbyacousie. 34% des plus de 60 ans ont des difficultés à entendre. Ce sont les trois autres sens qui sont ensuite altérés : le toucher, le goût et l’odorat.

– Le physique et le psychique

Avec la vieillesse, la structure du cerveau et du système nerveux change. Avec l’âge, ces changements cognitifs entraînent des ralentissements psychomoteurs, une altération de l’attention ou encore de la mémoire à court terme.

La diminution des capacités physiques (force de préhension, rapidité de déplacement, …) sont des indicateurs simples et assez fiables du vieillissement.

La vieillesse entraîne encore d’autres changements physiologiques comme la prise de poids, les modifications du système pilaire (cheveux gris et calvitie), le dessèchement et la dégradation de la peau (les rides), une baisse de la résistance immunitaire ou encore la perte des dents. Même le pourcentage d’eau de notre corps diminue.

Améliorer les indicateurs est-il utile ?

De nombreuses thérapies ont pour objectif d’améliorer certains biomarqueurs. Par exemple les thérapies géniques pour la télomérase ou la prise de cocktails d’hormones pour combler la diminution de celles-ci liée à l’âge.

Il n’est cependant pas nécessairement établi que les indicateurs du vieillissement en soient également des influenceurs. Dans certains cas, il est très probable qu’ils en sont principalement un effet (les cheveux gris par exemple). Dans de nombreux autres cas, les thérapies visant à influencer l’indicateur devraient avoir des effets thérapeutiques. Si un indicateur se modifie favorablement, l’impact sera dans une certaine mesure favorable à la longévité en bonne santé.

Nous avons de plus en plus d’informations concernant les biomarqueurs et la manière dont nos actions, thérapies, … les influencent. Des expérimentations nouvelles ne sont pas toujours nécessaires pour mieux les comprendre. Nous pouvons utiliser les immenses ressources de mesures de santé déjà disponibles par des études rétrospectives et par le suivi des thérapies en cours. Plus nous les utiliserons rigoureusement, plus les progrès vers la longévité seront aisés à évaluer et à réaliser.

Nombreuses bonnes nouvelles du mois.

Aubrey de Grey, le dirigeant emblématique de SENS, l’organisation la plus renommée et probablement la plus efficace dans le domaine de la lutte contre le vieillissement, a annoncé la réception de dons pour un montant total d’environ 20 millions de dollars, plusieurs fois le budget annuel de l’organisation.

Laurent Simons, surdoué belge qui vient d’obtenir son diplôme universitaire à 11 ans a comme but ultime: permettre l' »immortalité » notamment de ses grands-parents ». Et c’est pour cela qu’il étudie! 

Vitalik Buterin, développeur de la crypto-monnaie Ethereum et jeune milliardaire surdoué, annonce publiquement sa passion et ses investissements pour la longévité.

L’organisation BioViva présentée par Elisabeth Parrish, annonce une expérience de thérapie génique donnant d’excellents résultats pour la longévité de souris.

Le Royaume-Uni annonce dans un document officiel intitulé « Life Science Vision » : <<[…] il existe désormais une abondante littérature sur les voies et cibles potentielles qui pourraient être utilisées pour s’attaquer à la cause la plus inévitable de maladie dans les populations humaines.>> (traduction) ».

Les États-Unis précisent l’objectif déclaré par Joe Biden de développer un organisme qui s’attaquera aux maladies de manière innovante. Le nom de ce futur organisme est ARPA-H (Advanced Research Projects Agency for Health).

Pour en savoir plus :

La mort de la mort. N° 147 Juin 2021. Records de longévité des organismes vivants

Le scientifique Shin Kubota exprime sa vision dans le New York Times: “l’application de Turritopsis pour les êtres humains est le rêve le plus merveilleux de l’humanité. Une fois que nous aurons déterminé comment la méduse se rajeunit, nous devrions réaliser de très grandes choses. Mon opinion est que nous allons évoluer et devenir nous-mêmes immortels.” (Traduction, 28 novembre, 2012)


Thème du mois : Records de longévité des organismes vivants


Tortue des Galapagos

Comment comprendre les durées de vie les plus longues ? Et pourquoi?

La durée de vie maximale des êtres vivants est extrêmement variable selon les espèces. Globalement, pour les animaux, la durée de vie maximale est plus longue avec un ou plusieurs des facteurs favorables suivants (par ordre d’importance) :

  • Les prédateurs sont rares 
  • Le métabolisme est lent 
  • La taille est grande

Les différences de durées de vie peuvent être énormes entre des espèces biologiquement assez proches. C’est une des raisons d’envisager un jour une thérapie génique ou un autre traitement médical pour augmenter considérablement la durée de vie maximale de l’humain.

Cette lettre reprend des cas connus de longévité extrêmes. Évidemment, dans ces cas de très longue durée, seules des mesures indirectes et parfois contestables sont envisageables.

Le rat-taupe nu et la chauve-souris, une longévité exceptionnelle et pas de cancer ! (35-40 ans)

La longévité des rats-taupes nus étonne surtout quand on la compare à celle d’autres rongeurs en captivité de taille équivalente. Les rats-taupes nus ne devraient pas vivre plus de six ans. Or, le plus vieux rat-taupe nu connu en laboratoire a… 35 ans ! Et, parmi certains de ses congénères qui ont plus de 30 ans, des femelles restent encore fertiles.

Des chercheurs ont découvert pourquoi le rat-taupe nu était à l’abri du cancer. C’est grâce à l’acide hyaluronique, une molécule qui empêcherait la formation de tumeurs dans l’organisme. Selon les chercheurs Vera Gorbunova et Andrei Seluanov, qui ont publié leurs résultats dans la revue Nature, la masse moléculaire de l’acide hyaluronique chez le rat-taupe nu est cinq fois supérieure à celle de la souris.

Le minuscule murin de Brand (espèce de chauve-souris), avec ses sept grammes, taquine les quarante printemps. Le grand murin (Myotis myotis), cinq fois plus lourd, en fait autant. Une équipe internationale s’est lancée dans une étude longitudinale de huit ans. Ses résultats, publiés dans la revue Nature Ecology & Evolution ouvrent des pistes prometteuses pour la recherche sur le vieillissement.

Insecte ayant la plus longue vie : la reine des termites (50 ans)

On pense normalement aux insectes comme vivant moins d’une année à l’état adulte. Cependant, les reines termites, protégées des prédateurs, peuvent atteindre 50 ans.

Oiseaux. L’albatros peut vivre jusqu’à 80 ans

Les albatros sont les oiseaux marins les plus grands du monde : l’albatros hurleur atteint ainsi les 3,50 mètres d’envergure ! Leur longévité est également remarquable, puisqu’ils peuvent vivre jusqu’à 80 ans. Wisdom, une albatros de 70 ans a encore pondu. Un perroquet (cacatoès) a également atteint un âge similaire (82 ans).

Amphibien le plus ancien : la salamandre des cavernes (100 ans)

Les naturalistes attribuent la longévité de la salamandre aveugle Proteus. anguinus à son métabolisme inhabituellement lent, cette salamandre met 15 ans à mûrir, s’accouple et pond ses œufs seulement tous les 12 ans environ, et bouge à peine, sauf lorsqu’elle cherche de la nourriture. De plus, les grottes humides du sud de l’Europe où elle vit sont pratiquement dépourvues de prédateurs, permettant à P. anguinus de dépasser 100 ans à l’état sauvage.

Reptiles : Les célèbres tortues des Galápagos

En 2012, mourait «George le solitaire» à plus de 100 ans. Six ans après sa disparition, le centenaire a refait parler de lui grâce aux révélations des chercheurs de Yale étudiant son génome ! George était le dernier représentant d’une espèce endémique d’une île Galápagos. Il a toujours boudé tout accouplement en captivité. 

Les scientifiques de l’Université qui avaient séquencé son génome de son vivant ainsi que celui d’une autre espèce de tortue géante ont révélé les résultats dans la revue Nature. Les biologistes ont détaillé chez ces tortues 891 gènes, impliqués dans la fonction du système immunitaire. Ils montrent que ces animaux ont développé des copies supplémentaires de gènes qui leur permettent de mieux répondre au stress oxydant, connu pour être un facteur important du vieillissement. Ils ont aussi découvert un gène qui permet aux cellules de mieux se défendre contre des cellules étrangères, des gènes suppresseurs de tumeurs qui sont plus nombreux que chez la plupart des vertébrés et d’autres qui sont impliqués dans la réparation de l’ADN.

L’étude du vieillissement chez les animaux est une source de connaissance pour l’être humain. Les chercheurs ont trouvé quelques similitudes entre le génome des tortues et celui des centenaires.

Jeanne Calment avec ses 122 ans est la personne qui a vécu le plus longtemps dans l’histoire de l’humanité…, mais certes pas de quoi impressionner une vieille tortue. La tortue qui a vécu le plus longtemps semble avoir atteint 189 ans.

Les sphénodons sont d’autres reptiles qui peuvent dépasser le siècle.

Poissons : 150 ans pour l’hoplostèthe orange (Hoplostethus atlanticus)

Hoplostethus atlanticus est appelé « poisson-montre ». L’animal habite les océans du globe à des profondeurs comprises entre 900 et 1 800 mètres, notamment dans les canyons sous-marins.

L’espèce n’atteint sa maturité sexuelle qu’entre 20 et 30 ans, ce qui pourrait s’expliquer par un taux de prédation faible et la rareté des proies dans les abysses. Les adultes peuvent mesurer 75 cm de long pour un poids de 7 kg et l’âge du plus vieux spécimen connu, déterminé par radiation radiométrique des isotopes des concrétions minérales de ses oreilles internes, serait de 149 ans.

Échinodermes : 200 ans pour l’oursin rouge géant (Astropyga radiata)

Assez commun dans l’océan Indien et dans une partie de l’océan Pacifique, cet échinoderme doit son appellation à sa couleur et à sa taille pouvant atteindre près de 20 cm de diamètre, la plus grande connue parmi les espèces d’oursins. Certains individus ont atteint l’âge de 200 ans.

Mammifères : 200 ans pour la baleine boréale (Balaena mysticetus)

Vivant dans les eaux arctiques, la baleine boréale est un cétacé mesurant jusqu’à 20 mètres pour un poids d’une centaine de tonnes. Sa longévité a été estimée à plus de 200 ans grâce à des cicatrices laissées par d’anciennes blessures causées par des chasseurs de baleines. Cette longévité exceptionnelle pourrait s’expliquer par certains gènes. Par exemple, l’analyse du génome de la baleine montre des mutations uniques dans le gène ERCC1 impliqué dans la réparation de l’ADN endommagé. Un autre gène, appelé PCNA et associé à la croissance cellulaire et à la réparation de l’ADN, contient une section d’ADN dupliquée. Cette duplication pourrait ralentir le vieillissement du cétacé.

Requins : 400 ans pour le requin du Groenland (Somniosus microcephalus)

Ce requin gris, plutôt dodu, mesurant cinq mètres, vit dans les eaux de l’océan Arctique et serait le champion de la longévité chez les vertébrés. Sa croissance est estimée à environ 1 cm par an.

Dans un article paru dans Science, une équipe internationale de chercheurs décrit comment ils ont réussi à mesurer l’âge de 28 requins du Groenland. Les résultats ont révélé que le plus grand requin, une femelle de plus de cinq mètres de long, avait 392 ans, avec cependant une marge d’erreur importante de plus ou moins 120 ans. La maturité sexuelle des femelles serait atteinte à l’âge de 150 ans environ.

D’après cette recherche de Julius Nielsen à l’Université de Copenhague, parue en août 2016, le requin du Groenland serait donc le vertébré qui vivrait le plus longtemps.

Mollusque le plus ancien: The Ocean Quahog (500 ans)

Des scientifiques ont déterminé que le quahog de l’océan, Arctica islandica , peut littéralement survivre pendant des siècles, comme l’a démontré un individu, Ming, qui a dépassé la barre des 500 ans (vous pouvez déterminer l’âge d’un mollusque en comptant les anneaux de croissance dans sa coquille).

Arbres. Le Séquoia géant : plus de 3000 ans !

Certains arbres semblent n’avoir aucun mécanisme de sénescence. Ils restent aussi fertiles à l’âge de plusieurs siècles que dans leur jeunesse.

Le Séquoia géant se caractérise par sa longévité puisqu’il peut atteindre plus de 3 000 ans. 

De nombreuses autres espèces d’arbres peuvent vivre durant des siècles : les oliviers, les chênes. Le record absolu semble détenu par un pin de Bristlecone de 5 000 ans.

Enfin, les arbres comme d’autres végétaux peuvent se multiplier de façon clonale et former un organisme collectif. Dans ce sens, la colonie clonale de peupliers faux-trembles Pando est, à 80 000 ans, un des organismes les plus anciens de la planète.

Organismes microscopiques : endolithes (10 000 ans)

Déterminer la durée de vie d’un organisme microscopique est une question délicate : en un sens, toutes les bactéries sont immortelles, car elles propagent leur information génétique en se divisant constamment (plutôt que des relations sexuelles et des morts de vieillissement).

Le terme «endolithes» fait référence aux bactéries, champignons, amibes ou algues qui vivent profondément sous terre dans les fentes des roches. 

Des études ont montré que les individus de certaines de ces colonies ne subissent une division cellulaire qu’une fois tous les cent ans et peuvent avoir une durée de vie de l’ordre de 10 000 ans. 

Techniquement, cela diffère de la capacité de certains micro-organismes à se remettre de la stase ou de la congélation après des dizaines de milliers d’années; dans un sens significatif. Les endolithes sont continuellement «vivants», bien que peu actifs. Peut-être plus important encore, les endolithes sont autotrophes, ce qui signifie qu’ils alimentent leur métabolisme non pas avec l’oxygène ou la lumière du soleil, mais avec des produits chimiques inorganiques, qui sont pratiquement inépuisables dans leurs habitats souterrains.

L’immortalité biologique du homard, des hydres, des éponges et des coraux

Un petit nombre d’animaux multicellulaires semblent n’avoir aucun mécanisme de sénescence. Ils ne se dégradent pas en avançant en âge. Par exemple, leur fertilité reste constante, voire augmente.

Les hydres, comme tous les cnidaires peuvent se régénérer, ce qui leur permet de se remettre d’une blessure et de se reproduire de manière asexuée. Toutes les cellules de l’hydre se divisent continuellement. Il a été suggéré que les hydres ne subissent pas de sénescence et, en tant que telles, sont biologiquement immortelles. Dans une étude de quatre ans, trois cohortes d’hydres n’ont pas montré d’augmentation de la mortalité avec l’âge.

Une espèce d’éponge peut vivre jusqu’à 11 000 ans, à savoir la Monorhaphis chuni, selon une étude américaine publiée dans la revue Aging Research Reviews en 2014.

Certains animaux coloniaux, comme les coraux, peuvent vivre plus de 4000 ans.

Les recherches suggèrent que les homards peuvent ne pas ralentir, s’affaiblir ou perdre leur fertilité avec l’âge, et que les homards plus âgés peuvent être plus fertiles que les homards plus jeunes. Cela ne les rend cependant pas immortels au sens de l’absence d’impact de la sénescence, car ils sont beaucoup plus susceptibles de mourir lors d’une mue de coquille en avançant en âge du fait de leur taille croissante. 

Leur longévité peut être due à la télomérase, une enzyme qui répare de longues sections répétitives de séquences d’ADN aux extrémités des chromosomes, appelées télomères. Contrairement aux vertébrés, les homards expriment la télomérase à l’âge adulte à travers la plupart des tissus, ce qui a été suggéré comme étant lié à leur longévité.

Il a été affirmé que certains poissons, notamment le big mouth buffalo, n’ont pas de sénescence mesurable. Cependant, à l’exception du requin du Groenland, aucun poisson capturé dont on a mesuré l’âge ne dépassait les 200 ans.

Pourquoi pas d’immortalité biologique chez les vertébrés, même ceux sans prédateurs ?

La sélection naturelle, au moins pour les vertébrés, aboutit toujours à des espèces dont les durées de vie restent limitées. Ceci peut être expliqué parce qu’une espèce animale qui serait sans vieillissement perdrait de sa diversité génétique et serait éliminée par tout changement environnemental. C’est aussi ce qui explique la reproduction sexuée : plus de mélanges génétiques, c’est plus d’adaptabilité à l’environnement. 

Mais en un certain sens, le vieillissement systématique reste quand même un mystère de l’évolution. En effet, même des salamandres ou poissons cavernicoles dans un environnement extrêmement stable (de centaines de milliers d’années) et sans prédateur ne semblent pas vivre bien au-delà du siècle.

Cnidaire : l’immortalité biologique et la réjuvénation pour la méduse Turritopsis nutricula

Petite en taille, mais longue en espérance de vie. La méduse Turritopsis nutricula ne mesure en effet que 5 mm de diamètre, mais pourrait vivre ad vitam æternam. Originaire de la mer des Caraïbes, l’espèce est de nos jours très répandue. Plusieurs spécialistes s’inquiètent de la voir proliférer sur l’ensemble du globe.

Grâce à un processus cellulaire particulier appelé transdifférenciation, l’animal est capable de stopper son vieillissement et même de rajeunir. Il est déjà connu que la meilleure façon de pousser une Turritopsis Nutricula à se régénérer est de la stresser. Par exemple, en cas de blessure, le processus s’enclenche aussitôt et en quelques jours à peine, la méduse retourne à son stade juvénile et commence une nouvelle vie.

Ce qui en fait un exceptionnel sujet d’études pour les biologistes et les généticiens et un sujet d’intérêt pour certains groupes pharmaceutiques qui envisagent déjà la production d’une crème rajeunissante contenant l’ADN de Turritopsis. « C’est comme si un papillon était capable de retourner en arrière au stade de chenille », explique Stefano Piraino, professeur à l’université du Salento, en Italie.

La dormance comme stratégie de longévité

La dormance est un terme qui regroupe toutes les formes de vie ralenties. 

Elle correspond à la période où, dans le cycle de vie d’un organisme, la croissance, le développement et/ou l’activité physique (chez les animaux) sont temporairement arrêtés. Cela réduit l’activité métabolique et aide donc l’organisme à conserver de l’énergie.

Surtout dans les milieux extrêmes, ou saisonnièrement très marqués, la dormance ne peut être une stratégie adaptative que si un stimulus permet à la graine de passer de l’état « dormant » à un état « non-dormant » est rendu possible à un « bon moment ». Et effectivement, souvent, la dormance cesse effectivement quand les conditions environnementales le permettent.

La longévité d’une graine (durée de la période pendant laquelle elle peut rester en état de vie ralentie sans perdre sa capacité à germer) est très variable. Chez les végétaux, tous les intermédiaires existent, entre la graine du lotus qui détient le record de la longévité (de l’ordre de 1000 ans) et les graines de cacaoyer, peu déshydratées, qui doivent, sous peine de mort, trouver, dans les quelques jours suivant leur maturation, les conditions permettant leur germination. Des scientifiques ont même réussi à faire germer des graines de silène (une plante à fleurs blanches) gelées depuis près de 32 000 ans dans le sous-sol sibérien ! 

Bien qu’étant coûteuse, la stratégie de dormance évite à tous les individus portant le même génotype de rencontrer simultanément un environnement peu propice à leur survie ou à leur reproduction.

Un rotifère a survécu à 24 000 ans de gel dans le permafrost arctique.

Les rotifères bdelloïdes vivent généralement dans des environnements aquatiques et ont une incroyable capacité de survie. Les scientifiques russes ont découvert ces créatures dans une carotte de sol gelée extraite du pergélisol sibérien à l’aide d’une foreuse.

Dans une étude publiée récemment dans la revue Current Biology, les chercheurs russes ont utilisé la datation au radiocarbone pour déterminer que les créatures qu’ils ont récupérées dans le pergélisol (un sol gelé toute l’année, à l’exception d’une fine couche près de la surface) avaient environ 24 000 ans.

Ce n’est pas la première fois qu’une vie ancienne est « ranimée » à partir d’un habitat gelé en permanence.

Des tiges de mousse antarctique ont été régénérées avec succès à partir d’un échantillon vieux de 1 000 ans et une fleur de campion vivante a été régénérée à partir de tissu de graine, probablement stocké par un écureuil arctique, qui avait été préservé dans un permafrost vieux de 32 000 ans. Des vers simples, appelés nématodes, ont été « ressuscités » du pergélisol en deux endroits du nord-est de la Sibérie, dans des sédiments vieux de plus de 30 000 ans.


Les bonnes nouvelles du mois : Des investissements privés pour la longévité. L’Union européenne annonce le partage généralisé des données de santé pour ses citoyens d’ici à 2025.


  • Vitalik Buterin fait un don de plus de 2 millions de dollars à la Fondation Methuselah.
  • Michael Greve, fondateur de Forever Healthy, s’engage à verser 300 millions d’euros pour faire progresser les start-ups spécialisées dans le rajeunissement.
  • Dans un document malheureusement peu diffusé, la Commission européenne annonce avoir pour objectif, d’ici à 2025, de faire en sorte que les citoyens de l’Union soient en mesure de partager leurs données de santé avec les prestataires de soins et les autorités de leur choix. Ceci signifierait si c’est suivi d’effet que les citoyens européens pourront partager aisément leurs données pour des recherches scientifiques, notamment de longévité en bonne santé.

Pour en savoir plus :

La mort de la mort N° 146. Mai 2021. Regeneration

Thomas Pesquet, la star actuelle de la recherche scientifique française : “Si on pouvait débloquer la clé du vieillissement et trouver comment l’annuler, ce serait super pratique.” 


Thème du mois : La régénération


Tous les êtres vivants sont capables, à des degrés divers, de réparer les dommages causés à leur organisme.

En biologie, la régénération dite aussi parfois la régénérescence, est la capacité des organismes vivants à se reconstruire après une destruction naturelle ou accidentelle d’une partie de ceux-ci. 

Les cellules souches : la clé de la régénération ?

La régénération peut concerner des cellules, des organes ou des parties fonctionnelles de certains êtres vivants. La capacité de régénération est principalement portée par des cellules du corps qui vont se reprogrammer pour remplacer le tissu ou l’organe lésé. Certaines de ces cellules dites «cellules-souches » sont générées soit par la moelle osseuse et peuvent circuler dans le corps, soit par les tissus eux-mêmes.

La régénération chez l’Homme

Le corps humain est en permanence assujetti à la mort des cellules et à leur régénération. Cependant, cette régénération n’est pas du tout la même suivant le type d’organes et de cellules. 

Certaines cellules sont intégralement remplacées par de nouvelles en très peu de temps. Par exemple, les cellules des intestins et de l’estomac ne servent que quelques jours avant d’être évacuées par l’organisme. La peau se renouvelle totalement en quelques semaines en raison des agressions extérieures. Certaines cellules ne vivent même que quelques heures comme les globules blancs.

Au contraire, certaines cellules ne se renouvellent que lentement. Par exemple, il faut attendre une dizaine d’années pour que les os soient totalement régénérés. Les muscles cardiaques se régénèrent seulement de 1% chaque année après l’âge de 20 ans. 

Mais notre corps comporte également des cellules qui ne se régénèrent jamais ! C’est le cas des ovocytes ou de certains neurones du cortex cérébral.

Il ne faut pas confondre : la régénération et la cicatrisation, même si elles peuvent s’observer ensemble, ce sont deux phénomènes bien distincts. La cicatrisation n’est qu’une réparation partielle des cellules, mais ne permet pas une reproduction à l’identique.

Nous ne pouvons certainement pas faire repousser une jambe ou un bras, mais certains animaux peuvent régénérer des parties entières de leur corps !

La régénération chez les êtres vivants

Les capacités de régénération de certains végétaux, notamment les arbres, sont remarquables. Mais le fonctionnement génétique et physiologique est si différent des animaux et donc aussi des humains, qu’il n’y a pas de perspective d’application contre la sénescence humaine apparaissant envisageable à court ou à moyen terme.

L’ascidie, un curieux petit invertébré marin en forme d’outre, a la faculté de renouveler ses tissus très rapidement après de graves lésions. D’autres invertébrés, comme le ver plat et la planaire, peuvent régénérer leur tête à partir d’un fragment de queue et vice versa. Ces invertébrés ne sont pas les seuls animaux dotés de tels pouvoirs de régénération.

Chez les vertébrés aussi on peut trouver des experts de la régénération. L’axolotl, un petit amphibien qui peut faire repousser ses membres, ses organes et même des parties de son cerveau. Le poisson zèbre régénère  son tissu cardiaque sans avoir besoin de cellules souches. Quant aux salamandres, elles régénèrent leurs membres, cœur, queue, yeux, reins, cerveau et moelle épinière tout au long de leur vie. 

Comment ces animaux dotés de capacités régénératives parviennent-ils à faire repousser des structures aussi complexes ?

Comprendre le processus de régénération

Après une amputation, des cellules souches s’accumulent au niveau du site de la lésion dans une structure appelée le blastème. Une importante partie de la recherche actuelle porte sur la façon dont les signaux émis à partir du site de la lésion indiquent aux cellules souches de former le blastème et de commencer à se diviser pour reconstruire la structure absente. 

Mais que se passe-t-il au niveau des cellules souches elles-mêmes ? Les animaux utilisent-ils un seul type de cellules souches du blastème capable de se différencier en de multiples tissus ? Ou différents groupes de cellules souches produisent-ils les différents tissus requis pour former le nouvel organe ?

De récentes recherches effectuées chez des animaux dotés de capacités de régénération ont montré que les cellules souches utilisent des stratégies variées pour reconstituer les parties du corps manquantes à partir de multiples tissus, tels que les muscles, les nerfs et la peau. 

Dans cette étude de 2014, les scientifiques ont passé au peigne fin les   23 000 gènes du Anolis carolinensis, un lézard d’environ 20 centimètres de long. Son séquençage génétique complet avait déjà été réalisé en 2011. Mais cette fois, les chercheurs de l’étude ont scanné tous les gènes pendant la régénération de la queue pour isoler ceux qui en sont responsables. Résultat : au moins 326 gènes sont activés dans le phénomène, une véritable « recette » dans l’ADN du lézard.

Un autre groupe de chercheurs scientifiques aux États-Unis a récemment résolu le mystère concernant la régénération du vers planaire. Ils ont découvert que les individus adultes ont des cellules souches pluripotentes qui peuvent fabriquer tous les types de cellules du corps de l’animal. 

En plus des cellules souches, le processus de régénération utilise des cellules différenciées qui ont stoppé leurs divisions et se « remettent » à se multiplier pour remplacer le tissu perdu. Ce phénomène est présent chez le poisson-zèbre où une cellule musculaire du cœur se divise pour reconstituer le tissu manquant. Ce processus de régénération a également été mis en évidence pour le cœur des souriceaux, mais il disparaît rapidement lorsque que l’animal grandit.

Recherches futures et défis : Permettre aux humains une réjuvénation via la régénération

À l’âge adulte, l’être humain peut régénérer certains organes comme le foie ou la peau. Malheureusement, beaucoup d’autres tissus humains n’ont pas cette capacité. Un des objectifs de la médecine régénérative est de trouver des moyens de stimuler la régénération tissulaire ou de fabriquer des tissus de remplacement. Un jour, cela pourrait être un des moyens de « guérir » l’homme du vieillissement.

En décembre 2018, le scientifique Michael Levin de l’Université de Tufts a démontré qu’en changeant la configuration électrique entre les cellules chez le ver planaire cela entraînait une activation des cellules indiquant au corps sa forme en guidant la régénération.

Comment limiter la croissance à ce qui est utile (éviter des croissances cancéreuses) ? Comment « démarrer », « réactiver » ces mécanismes pour permettre la régénération d’organes, non pas détruits, mais sénescents ? Ces recherches supposent une meilleure compréhension des mécanismes génétiques et moléculaires de la régénération

Les progrès de l’utilisation de cellules souches, les thérapies géniques, la connaissance des mécanismes génétiques liés aux régénérations ouvrent des perspectives  considérables. Il pourrait bien s’agir d’une des pistes étudiées par les USA dans le cadre de l’initiative annoncée ci-dessous.


La bonne nouvelle du mois : Le Président des États-Unis, Joe Biden, annonce une agence avancée de santé dans son premier discours au Congrès des États-Unis


“Le département de la défense dispose d’une agence appelée DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), dont la mission est de développer des avancées pour renforcer notre sécurité nationale. Cette agence a donné naissance à Internet, au GPS et à bien d’autres choses encore. Les National Institutes of Health, les NIH, devraient créer une agence similaire pour les projets de recherche avancée dans le domaine de la santé. Pour développer des percées – pour prévenir, détecter et traiter des maladies comme Alzheimer, le diabète et le cancer.

C’est une question personnelle pour beaucoup d’entre nous. Je ne peux imaginer un investissement plus valable. Et je ne connais rien qui soit plus bipartisan. Mettons fin au cancer tel que nous le connaissons. C’est en notre pouvoir.” (Source, traduction)

L’agence DARPA est spécialisée dans les technologies de “rupture ». La nouvelle agence pourrait donc viser rapidement des recherches de “rupture” dans le domaine de la santé et de la lutte contre le vieillissement.


Pour en savoir plus :

La mort de la mort. N° 145. Avril 2021. Secrets de longévité des zones bleues

Il est important d’améliorer la santé. Nous voulons améliorer la vie et vous ne pouvez améliorer la vie qu’en améliorant l’espérance de vie. Matthew Hancock. 1921. Secrétaire d’État britannique à la santé et aux affaires sociales (source).


Thème du mois : Secrets de longévité des zones bleues 


Dans le monde, l’espérance de vie est actuellement de 71 ans environ. En 2019, l’espérance de vie à la naissance s’établissait en Belgique à 81,8 ans pour la population totale, 84,0 ans pour les femmes et 79,6 ans pour les hommes.  Dans certains pays d’Asie (Singapour, Corée du Sud, Japon), c’est plus encore.

C’est cependant moins que la longévité exceptionnelle observée dans des zones précises de notre planète où l’on retrouve une grande proportion de centenaires. Ces régions ont été identifiées par deux démographes, Gianni Pes et Michel Poulain et le journaliste Dan Buettner, auteur de l’article The secrets of Long Life paru dans le magazine National Geographic et du livre The Blue Zones.

Les 5 Blue Zones identifiées dans le monde

Sardaigne, Italie

En étudiant la longévité des habitants de la Sardaigne, les démographes Pes et Poulain et leurs collaborateurs ont localisé des zones où vivent davantage de centenaires. Ces longevity hot spots ou Blue Zones (les chercheurs utilisaient initialement un marqueur bleu pour délimiter ces zones sur une carte) se trouvent dans une région montagneuse de l’île, la Barbagia, qui était encore difficile d’accès il y a de cela quelques décennies. Une telle situation géographique favorise la consanguinité, diminuant la diversité du patrimoine génétique. Dans la zone où l’on retrouve une longévité exceptionnelle, au sud-est de la province de Nuoro, 91 personnes sont devenues centenaires parmi les 18 000 personnes qui sont nées dans la région entre 1880 et 1900. Dans un village en particulier (Seulo), 20 centenaires ont été recensés  entre 1996 et 2016. 

L’analyse de gènes impliqués dans l’inflammation, le cancer et les maladies cardiaques n’a pas révélé de différence significative qui pourrait être liée à la longévité exceptionnelle des Sardes. Les chercheurs suspectent donc que les caractéristiques environnementales, le style de vie et la nourriture sont beaucoup plus importants que des prédispositions génétiques pour vivre longtemps et en bonne santé. 

Plusieurs de ces centenaires sardes sont des bergers ou des fermiers qui ont fait beaucoup d’activité physique au grand air tout au long de leur vie. L’alimentation sarde, qui fait partie du fameux régime méditerranéen, pourrait jouer un rôle important. Elle consiste en des légumes cultivés à la maison (surtout des fèves, tomates, aubergines), du pain de grains entiers, du fromage pecorino fait de lait entier de brebis nourries à l’herbe, du vin rouge local particulièrement riche en polyphénols. Le régime n’inclut de la viande qu’une fois par semaine tout au plus.

Lorsque les centenaires sont interrogés à propos de leur longévité exceptionnelle, ils mentionnent fréquemment l’importance de la famille et des liens sociaux. En Sardaigne les vieillards vivent avec la famille et non pas dans des maisons de retraite. Les personnes âgées qui vivent dans la Blue Zone sarde jugent qu’ils ont un excellent bien-être mental et rapportent peu de symptômes de dépression. Une étude italienne auprès de 160 aînés de la Blue Zone sarde rapporte que le trait de résilience était significativement associé avec des marqueurs d’une bonne santé mentale. 

Okinawa, Japon

C’est au Japon qu’on retrouve l’une des plus grandes concentrations de centenaires dans le monde, plus de 34,7 pour 100 000 habitants en 2010. Les habitants des îles de l’archipel Okinawa au sud-ouest du Japon ont une espérance de vie particulièrement élevée et l’on a recensé dans cette préfecture 66,7 centenaires par 100 000 habitants. Les femmes vivant à Okinawa ont 3 fois plus de chance de vivre jusqu’à 100 ans que les Nord-Américaines. La longévité exceptionnelle à Okinawa résulterait d’un ensemble de facteurs favorables qui ne se résument pas au seul patrimoine génétique. La plupart de ces facteurs sont éminemment culturels et liés au style de vie traditionnel d’Okinawa.

Le régime alimentaire d’Okinawa est basé sur les végétaux, beaucoup de légumes à feuilles vertes, patates douces, poissons et fruits de mer. La majorité des centenaires d’Okinawa ont maintenu un jardin potager au cours de leur vie, une activité physique modérée qui permet de rester en forme et de réduire le stress. Les habitants d’Okinawa pratiquent traditionnellement l’auto restriction alimentaire en suivant l’enseignement d’inspiration confucéenne «hara hachi bun me » qui préconise de manger de façon à être rassasié à 80 % à la fin d’un repas. Les personnes âgées à Okinawa sont très actives et maintiennent de forts liens familiaux et sociaux, par exemple lors de réunions régulières appelées « moai ». Il est très important pour eux de donner un sens à leur vie, d’avoir un « ikigai » c’est-à-dire d’avoir une raison de se lever chaque matin.

Nicoya, Costa Rica

L’espérance de vie est relativement élevée au Costa Rica (82,1 pour les femmes et 77,4 pour les hommes), mais elle l’est tout particulièrement dans une région de la péninsule de Nicoya où les hommes âgés de 60 ans ont 7 fois plus de chances de devenir centenaires que les autres Costariciens. Comme la Sardaigne, Nicoya est une région qui a été relativement isolée pendant des centaines d’années. Le taux de mortalité due au cancer y est 23 % moins élevé que dans le reste du pays et les habitants de Nicoya ont un régime alimentaire basé sur les plantes (courges, haricots noirs, tortillas de maïs, beaucoup de fruits locaux), mais qui comprend aussi des œufs et de la viande (poulet et porc). Les centenaires de Nicoya sont très actifs physiquement, ils ont de forts liens familiaux, une forte foi religieuse et ils aiment travailler. Ils sont très peu stressés et sont généralement très positifs et heureux.

Loma Linda, États-Unis

La seule Blue Zone identifiée en Amérique du Nord est située à Loma Linda, une ville de Californie où il y a une communauté de 9000 membres de l’Église adventiste du septième jour. En Californie, un homme adventiste âgé de 30 ans vivra en moyenne 7,3 années de plus qu’un Californien de race blanche du même âge. Une femme adventiste âgée de 30 ans vivra en moyenne 4,4 ans de plus qu’une Californienne du même âge. Sachant qu’environ les deux-tiers des Américains meurent des suites d’une maladie cardiovasculaire ou d’un cancer, il n’est pas surprenant que les adventistes vivent plus longtemps puisque leur mode de vie fait en sorte qu’ils sont moins à risque de développer ces maladies. Environ la moitié des adventistes sont végétariens ou mangent rarement de la viande et les adventistes non végétariens sont deux fois plus à risque de développer une maladie cardiovasculaire. La majorité des adventistes sont non-fumeurs et ne boivent pas d’alcool. Ils ont par conséquent une incidence de cancer du poumon moins élevée que les Américains en général. Les adventistes sont actifs physiquement et ont un esprit communautaire très développé, car ils sont très croyants et leur église incite ses membres à s’entraider.

Ikaria, Grèce

Ikaria est une île de la mer Égée orientale où un habitant sur trois atteint l’âge de 90 ans. L’incidence de cancer, de maladie cardiovasculaire, du diabète et de démence y est significativement moins élevée. Comme en Sardaigne, Okinawa et autres Blue Zones, les Icariens maintiennent un jardin potager à la maison et mènent une vie peu stressante. Le régime alimentaire des Icariens, de type méditerranéen, est composé de légumes (pommes de terre, pois, lentilles, légumes à feuilles vertes), de fruits, d’huile d’olive, de poissons, de lait de chèvre, de produits laitiers et d’un peu de viande. Les Icariens mangent peu de sucre et ils boivent quotidiennement du café, du vin rouge et des tisanes à base de romarin, de sauge et d’origan. Les Icariens qui observent le calendrier de l’Église orthodoxe grecque doivent se soumettre régulièrement à un jeûne. Or, la restriction calorique est reconnue pour ralentir le processus de vieillissement chez les mammifères.

Caractéristiques communes des régions où l’on vit mieux et plus longtemps

Les habitants des « Blue Zones », Okinawa, Sardaigne, Nicoya, Icarie et Loma Linda, partagent des caractéristiques dans leur style de vie qui contribuent à leur longévité. Dan Buettner dans son livre The Blue Zones dresse une liste de 9 caractéristiques communes :

  • Activité physique modérée et régulière, tout au long de la vie.
  • Restriction calorique.
  • Semi-végétarisme, la nourriture provenant en grande partie de plantes.
  • Consommation modérée d’alcool (vin rouge en particulier)
  • Donner un sens à sa vie.
  • Réduire le stress.
  • Engagement dans la spiritualité ou la religion.
  • La famille est au centre de la vie.
  • Engagement social, intégration dans la communauté.

Ces zones bleues ont en commun d’être des zones ensoleillées et aérées. Elles sont aussi relativement isolées, soit géographiquement, soit en fonction de pratiques religieuses (Loma Linda). Les régimes alimentaires sont différents, mais ils ont deux aspects en commun. Le premier est qu’ils sont basés sur les aliments d’origine végétale, avec la viande, le poisson ou le fromage seulement en petite quantité ou pendant les fêtes, aliments locaux, frais, peu transformés. Le deuxième est qu’ils mangent des légumes. Quant aux saveurs, les régimes sont très différents. Si la population d’Ikaria a un régime proche du régime crétois (légumes, poissons, viandes blanches), la population des villages de montagne sardes ne consomme pas de poisson mais de la viande, dont de la charcuterie.

L’étude publiée par Michel Poulain et Gianni Pes identifie l’importance d’un mode de vie sain, en altitude, avec une activité physique, même au-delà de 80 ans, sans stress, avec des liens familiaux et sociaux étroits.

Un lien social très fort

« La longévité (dans ces zones) s’explique à 10% par les gènes et à 90% par le mode de vie», souligne le journaliste américain Dan Buettner, auteur du livre-enquête « Blue zones : Où vit-on mieux et plus longtemps ? ».

Le lien social est au cœur du mode de vie particulier des « zones bleues ».  Le cas de la péninsule de Nicoya au Costa Rica le démontre bien. Sous certains toits de cette région, il n’est pas rare que trois ou quatre générations vivent ensemble. Une étude menée par l’institut allemand Max-Planck a prouvé que le fait de garder régulièrement ses petits-enfants améliorerait les fonctions cognitives, la santé mentale et physique, diminuerait le risque de développer la maladie d’Alzheimer et préviendrait le stress. La transmission du savoir et des souvenirs des grands-parents à leur descendance leur permet aussi de faire travailler leur mémoire. Autre importance des liens sociaux, la communauté des Adventistes du septième jour de Loma Linda en Californie, cinquième zone bleue recensées surnommée l’« oasis de longévité » aux États-Unis. Là, les croyants vivent ensemble et œuvrent chaque jour pour un bien commun, créant alors un sentiment fort d’appartenance. Ce sentiment va au-delà du simple comportement bienveillant les uns envers les autres. La foi est un facteur proéminent. Ensemble, il est plus difficile de céder à la tentation, une lutte commune crée ainsi un soutien social bénéfique qui participe à réduire la mortalité.

Les repas sont également une source importante de lien social. Selon la diététicienne-nutritionniste Alexandra Retion : « On y attribue de moins en moins d’importance, mais les personnes les plus heureuses sont celles qui partagent leur repas, qui passent un moment en famille ou entre amis. C’est très important de prendre le temps de manger, ensemble et donc de partager des bons moments. La convivialité est importante. » La France est plutôt un bonne élève dans le domaine car en 2010, l’ UNESCO a décidé de classer le « repas gastronomique des Français » au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Une distinction qui reconnaît cette pratique sociale autour de la convivialité, du plaisir du goût, du partage, de l’association avec le vin, du lien aux terroirs, etc.

En guise de conclusion

Depuis bien longtemps, les humains ont cherché des lieux mythiques de longévité. Parfois, les croyances relatives à une vie plus longue sont simplement dues à des registres d’État civil non fiables et une exagération de la longévité. Encore aujourd’hui, certains pensent par exemple que les habitants du Hunza auraient le secret pour vivre jusqu’à 145 ans.

Les zones bleues ne nous permettront pas une longévité sans limite. Cependant, elles nous enseignent que nous pouvons encore progresser nettement pour la longévité en bonne santé, même sans découverte médicale de rupture. Cela peut faire gagner quelques années de vie en bonne santé, même par rapport à la longévité des pays déjà les plus favorisés.


La bonne nouvelle du mois : Les insectes aussi peuvent nous informer à propos de longévité en bonne santé


Nous savons que la durée de vie maximale est fixée génétiquement. Aucune souris (mus musculus) au monde ne vit plus de 4 ans, aucun être humain plus de 122 ans et aucun gastrotriche (petit invertébré marin) ne vivra plus de quelques jours.

Cependant, chez les insectes sociaux, les durées de vie maximales varient considérablement selon le rôle de l’individu. Un article de Science détaille cette situation. L’exemple le plus frappant étant celui de la termite-reine, gigantesque « machine à pondre », vivant jusqu’à 20 ans alors que les ouvrières ne vivent que deux ans. La différence de durée de vie concerne aussi notamment les reines des abeilles et des fourmis. 

L’étude des arthropodes comporte donc des espoirs et des pistes. Surtout que certains de ces insectes démentent le principe général que les animaux de petite taille ont une vie courte.


Pour en savoir plus :

La mort de la mort N° 144. Mars 2021. Fertilité, longévité, ménopause.

La loi est déjà stricte vis-à-vis de la rapamycine et de la metformine, en exigeant une prescription. En comparaison, l’alcool et le tabac ne nécessitent pas de prescription ni de surveillance médicale. Le tabagisme n’a aucun avantage pour la santé et réduit considérablement la durée de vie, accélérant toutes les maladies. Alors que le tabagisme provoque le cancer, la rapamycine le prévient, y compris le cancer du poumon causé par la fumée. N’est-il donc pas paradoxal que l’alcool et le tabac soient vendus sans ordonnance, alors que la rapamycine et la metformine ne le sont pas. 

Blagosklonny M. V. Le but de la géroscience est la prolongation de la vie. Oncotarget. 02 février 2021; 12: 131-144


Thème du mois : Fertilité, longévité & ménopause


Si l’homme est fertile chaque jour, la fertilité de la femme est cyclique. En effet, la plupart des petites filles viennent au monde avec un stock déterminé d’ovocytes dès la naissance, et même un peu avant. Ce stock varie entre 300.000 et 500.000 environ, dont en moyenne 400 arriveront véritablement jusqu’à maturité. Dès la puberté, un ovocyte est libéré à chaque cycle puis éliminé par les menstruations lorsqu’il n’y a pas de fécondation. Au fil des années, ce stock d’ovocytes diminue. 

Et quand il n’y en a plus… il n’y en a plus… cela marque la fin du cycle de fertilité d’une femme et l’arrivée de la ménopause !

La nature est ainsi faite que, de façon spontanée, vers l’âge de 50 ans, le corps d’une femme subit un changement hormonal de taille. Les conséquences sur la santé qui y sont attribuées sont multiples et variables, en fréquence comme en gravité. Pour les symptômes, il s’agit principalement de troubles climatériques (bouffées de chaleur, frissons, impressions de malaises et de vertiges…), des troubles de l’humeur ou sexuels (baisse de la libido, douleurs lors de rapports sexuels, vaginite…) mais aussi une augmentation du risque cardiovasculaire et d’ostéoporose. 

Quand les ovaires démissionnent

Cependant, pour certaines femmes, la ménopause frappe parfois très tôt. Avant même d’avoir soufflé 40 bougies, elles voient leur vie chamboulée. Un rapport publié sur le site américain Health explique les 5 raisons pour lesquelles certaines femmes sont sujettes à une ménopause précoce. Parmi les facteurs influençant l’âge de la ménopause, il y a le facteur génétique. Dans 20% des cas, une femme ménopausée très tôt n’était pas la seule de sa famille à souffrir de ce problème. Certains traitements comme la chimiothérapie et la radiothérapie peuvent également affecter le matériel génétique des cellules ovariennes. Mais pas seulement, le tabac et le surpoids peuvent être également responsables. Plusieurs études affirment qu’en moyenne la ménopause intervient 2 ans plus tôt chez les fumeuses. À l’inverse, une amélioration globale de l’alimentation, de l’hygiène et de la qualité de la vie dans les pays occidentaux ont fait reculer l’âge moyen de la ménopause.

Et dans le monde animal ?

La ménopause semble le propre de la femme… et des cétacés. Cette cessation précoce de la reproduction est rare dans le monde animal. Sur Terre, seules les femmes et quatre autres espèces animales (le béluga, le narval, l’orque et le globicéphale) connaissent la ménopause, un phénomène chez les mammifères qui intrigue les scientifiques. Par exemple, les orques femelles peuvent espérer vivre jusqu’à plus de 90 ans, mais étonnamment elles atteignent la ménopause entre 30 et 40 ans. 

Mais pourquoi une femelle devrait-elle cesser de se reproduire avant la fin de sa vie ? Cette cessation physiologique est souvent décrite comme un paradoxe évolutif, car il semble que les femelles ne retirent aucun avantage à terminer leur carrière reproductrice bien avant la mort. Dans une étude récente publiée dans Scientific Reports, menée par des chercheurs de l’Université d’Exeter (UK) et du Center for Whale Research (USA), le Dr. Samuel Ellis explique que « Pour que la ménopause ait un sens en termes d’évolution, une espèce a besoin à la fois d’une raison de cesser de se reproduire et d’une raison de vivre après ».

Le chercheur britannique avance « l’effet de la grand-mère » comme explication. Cette hypothèse avait été formulée par l’anthropologue Kristen Hawkes et ses collègues pour comprendre pourquoi la ménopause est survenue au cours de l’évolution de l’humanité. La ménopause aurait été sélectionnée par l’évolution naturelle pour permettre aux femelles d’espèces très sociables et à longue espérance de vie, de se consacrer à leur progéniture directe et à celle de leurs enfants sans courir le risque de mourir lors d’une grossesse tardive. Après quelques générations, une femelle ménopausée aura donc transmis ses gènes à plus de descendants qu’une femelle qui aurait continué d’enfanter.

Dans des tribus de chasseurs-cueilleurs, il a été constaté que les chances de survie des jeunes jusqu’à l’âge de reproduction, est corrélé positivement à la présence d’une ou deux de leurs grand-mères, certainement parce que celles-ci soulagent les mères dans les charges de l’éducation des enfants.

Chez la plupart des animaux comme chez nos animaux domestiques (chiennes, chattes, juments, vaches…), on observe qu’avec les années le cycle devient plus irrégulier, que la fécondité baisse et des soucis de santé peuvent apparaître à cause de la chute d’hormones sexuelles, mais on ne peut pas parler de réelle ménopause.

Paradoxalement, ce phénomène n’existe chez aucun primate. Nos plus proches cousines peuvent tomber enceintes jusqu’à la toute fin de leur vie car leurs organes reproducteurs ralentissent avec le reste de leur corps. Les chimpanzés peuvent rester viables sur le plan de la reproduction pendant une plus grande partie de leur durée de vie que les femmes. Bien qu’une recherche publiée en 2011, sur des chimpanzés captifs indiquent que les femelles passent par la ménopause dans les dernières années de leur vie.

Plus surprenant, chez l’éléphant on observe cet effet « grand-mère » qui peut expliquer l’utilité de la ménopause. Or, les femelles peuvent se reproduire jusqu’à la fin de leur vie. Les scientifiques ne savent pas encore expliquer pourquoi les cétacés ont une ménopause et pas les éléphants. D’autres études sont nécessaires pour élucider le mystère …

Les oiseaux non plus ne connaissent pas de ménopause. Certains peuvent rester fertiles très longtemps. Wisdom (sagesse en anglais), une femelle albatros de Laysan défie la nature. L’oiseau sauvage le plus vieux du monde a eu un poussin à l’âge de 70 ans ! 

Une grossesse après 50 ans ? Serait-il possible d’inverser la ménopause ? 

La ménopause peut être considérée soit comme un aspect naturel du vieillissement, soit comme une pathologie qu’il convient de traiter.

On entend souvent dire qu’une grossesse après la ménopause est impossible. Toutefois en 2016, des scientifiques de la clinique de la fertilité à Athènes sont parvenus à inverser le processus de ménopause chez une femme de 45 ans alors qu’elle était ménopausée depuis 5 ans ! 

L’équipe a injecté dans les ovaires d’environ 30 femmes ménopausées du plasma riche en plaquettes (PRP). Il est largement utilisé pour accélérer la réparation des os et des muscles endommagés. Les femmes qui ont reçu le traitement PRP avaient toutes entre 45 et 49 ans et n’avaient pas eu de règles depuis plusieurs mois. Six mois après avoir reçu une injection de PRP, la jeune femme de 45 ans a constaté le retour de ses règles. Les nouveaux ovules libérés peuvent être recueillis et fécondés in vitro. Cela offre une nouvelle fenêtre d’espoir aux femmes souffrant de ménopause précoce.

En 2020, le Dr. Konstantinos Pantos et ses équipes scientifiques obtiennent des résultats encore plus étonnants : des femmes ménopausées accouchent après une injection de PRP ! Leur fertilité aurait été restaurée grâce au traitement PRP. Parmi les 30 femmes volontaires ménopausées, quatre sont tombées enceintes, trois ont eu des enfants.

La cryopréservation pour retarder la ménopause de 20 ans ! 

C’est en tout cas ce qu’affirment des spécialistes de la fécondation in vitro en Grande-Bretagne. Leur méthode a déjà été expérimentée sur neuf femmes. La procédure a consisté à prélever du tissu ovarien qui est ensuite congelé pour être préservé. Plus tard à leur entrée dans la ménopause, le tissu congelé peut être décongelé et greffé dans le corps afin de rétablir les niveaux d’hormones en baisse. 

Cependant, les spécialistes estiment qu’il est possible de retarder jusqu’à 20 ans l’arrivée de la ménopause, mais cela dépend de l’âge auquel le tissu est prélevé et du moment où il est remis en place. À titre d’exemple, les tissus prélevés sur une femme de 25 ans pourraient retarder la ménopause de 20 ans, tandis que ceux prélevés sur une personne de 40 ans pourraient ne retarder son apparition que de cinq ans.

À l’inverse certains produits de beauté avancent l’âge de la ménopause …

Selon le Dr Amber Cooper et son équipe (États-Unis), une exposition aux molécules chimiques, contenues notamment dans les produits de beauté, peut avancer l’âge de la ménopause de 4 ans. Entre 1999 et 2008, ils ont procédé à des analyses de sang et d’urine sur 31.500 femmes pour vérifier la présence de produits chimiques. Les chercheurs ont découvert que les femmes ayant dans l’organisme d’importants taux de substances chimiques étaient ménopausées entre 1,9 ans à 3,8 ans plus tôt que les femmes ayant des taux plus faibles.

L’utilité des rongeurs dans la compréhension fondamentale des éléments clés aux processus de reproduction et de vieillissement… 

Nous avons écrit plus haut que seuls quelques animaux connaissent la ménopause. Cependant, les rattes (et les souris), en tout cas en laboratoire, cessent progressivement d’être fertiles bien avant la durée maximale de leur vie. En effet, une ratte peut vivre plus de trois ans, mais sa fertilité diminue fortement dès 10 mois.

Comme nous l’avons vu, l’effet du plasma riche en plaquettes (PRP) a eu un effet positif chez les femmes ménopausées en Grèce… 

En 2018, des équipes scientifiques ont voulu évaluer l’effet du PRP sur les structures et la fonction ovariennes dans l’insuffisance ovarienne induite par le cyclophosphamide (Cy) chez les rats femelles par une méthode stéréologique. Les chercheurs ont conclu qu’il semble que le PRP ait un effet protecteur sur l’insuffisance ovarienne chez le modèle de rat femelle infertile.

Les rats et les souris sont des modèles imparfaits mais extrêmement utiles pour mieux comprendre et lutter contre les mécanismes du vieillissement. Mais pour être certain de l’efficacité d’un traitement, il faut comparer la durée de vie maximale avec ou sans traitement. Ce qui peut prendre longtemps puisqu’un rat peut vivre plus de 3 ans. 

En examinant la fertilité des rattes avec des traitements anti-vieillissement, les informations en laboratoire pourront être obtenues beaucoup plus rapidement. Un rat « ordinaire » de laboratoire a 6 mois lorsque des expériences ordinaires débutent. Après seulement 4 mois de traitement, il sera possible de voir si des rattes traitées, comparées à des rattes témoins,  restent plus fertiles et donc vieillissent moins.

Rappelons incidemment que les expériences de longévité sont faites avec un traitement des animaux bien plus agréable que la vie de rats « sauvages » dans les égouts. Ceci s’explique notamment par les législations protectrices exigeantes et parce que le but étant de les faire vivre plus longtemps, des bons traitements le favorisent.


La (relativement) bonne nouvelle du mois :

 La lutte contre la covid grâce à la vaccination progresse 


Parler de bonne nouvelle concernant cette maladie est très relatif. Il y a près de 3 millions de décès comptabilisés. Des mutations nouvelles apparaissent de plus en plus. Les belles déclarations relatives au vaccin, bien commun de l’humanité n’ont été suivies que de peu d’effets. Les collaborations au-delà des barrières financières, sociales et politiques sont difficiles. Enfin, les populations sont épuisées par des mesures de restriction.

Mais tout n’est pas sombre. Au cours du premier trimestre de 2021, une grosse année après le déclenchement de la pandémie, plus de 100 millions de personnes dans le monde auront été vaccinées. Une dizaine de vaccins sont maintenant administrés dans le monde. Les vaccins semblent efficaces contre les différentes variantes de la maladie.

Les personnes âgées étant les premières victimes, elles sont aussi très souvent les premières vaccinées. Jamais dans l’histoire de l’humanité, nous ne nous sommes autant préoccupés des personnes les plus faibles de la société et de la recherche à ce sujet.  C’est un progrès de l’humanité toute entière. Enfin, la prise de conscience que la Covid n’est qu’une maladie parmi toutes les affections liées à l’âge progresse petit à petit. Et les recherches pour mettre fin à la Covid s’étendent parfois à des recherches contre d’autres affections liées au vieillissement.


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