La mort de la mort N° 146. Mai 2021. Regeneration

Thomas Pesquet, la star actuelle de la recherche scientifique française : “Si on pouvait débloquer la clé du vieillissement et trouver comment l’annuler, ce serait super pratique.” 


Thème du mois : La régénération


Tous les êtres vivants sont capables, à des degrés divers, de réparer les dommages causés à leur organisme.

En biologie, la régénération dite aussi parfois la régénérescence, est la capacité des organismes vivants à se reconstruire après une destruction naturelle ou accidentelle d’une partie de ceux-ci. 

Les cellules souches : la clé de la régénération ?

La régénération peut concerner des cellules, des organes ou des parties fonctionnelles de certains êtres vivants. La capacité de régénération est principalement portée par des cellules du corps qui vont se reprogrammer pour remplacer le tissu ou l’organe lésé. Certaines de ces cellules dites «cellules-souches » sont générées soit par la moelle osseuse et peuvent circuler dans le corps, soit par les tissus eux-mêmes.

La régénération chez l’Homme

Le corps humain est en permanence assujetti à la mort des cellules et à leur régénération. Cependant, cette régénération n’est pas du tout la même suivant le type d’organes et de cellules. 

Certaines cellules sont intégralement remplacées par de nouvelles en très peu de temps. Par exemple, les cellules des intestins et de l’estomac ne servent que quelques jours avant d’être évacuées par l’organisme. La peau se renouvelle totalement en quelques semaines en raison des agressions extérieures. Certaines cellules ne vivent même que quelques heures comme les globules blancs.

Au contraire, certaines cellules ne se renouvellent que lentement. Par exemple, il faut attendre une dizaine d’années pour que les os soient totalement régénérés. Les muscles cardiaques se régénèrent seulement de 1% chaque année après l’âge de 20 ans. 

Mais notre corps comporte également des cellules qui ne se régénèrent jamais ! C’est le cas des ovocytes ou de certains neurones du cortex cérébral.

Il ne faut pas confondre : la régénération et la cicatrisation, même si elles peuvent s’observer ensemble, ce sont deux phénomènes bien distincts. La cicatrisation n’est qu’une réparation partielle des cellules, mais ne permet pas une reproduction à l’identique.

Nous ne pouvons certainement pas faire repousser une jambe ou un bras, mais certains animaux peuvent régénérer des parties entières de leur corps !

La régénération chez les êtres vivants

Les capacités de régénération de certains végétaux, notamment les arbres, sont remarquables. Mais le fonctionnement génétique et physiologique est si différent des animaux et donc aussi des humains, qu’il n’y a pas de perspective d’application contre la sénescence humaine apparaissant envisageable à court ou à moyen terme.

L’ascidie, un curieux petit invertébré marin en forme d’outre, a la faculté de renouveler ses tissus très rapidement après de graves lésions. D’autres invertébrés, comme le ver plat et la planaire, peuvent régénérer leur tête à partir d’un fragment de queue et vice versa. Ces invertébrés ne sont pas les seuls animaux dotés de tels pouvoirs de régénération.

Chez les vertébrés aussi on peut trouver des experts de la régénération. L’axolotl, un petit amphibien qui peut faire repousser ses membres, ses organes et même des parties de son cerveau. Le poisson zèbre régénère  son tissu cardiaque sans avoir besoin de cellules souches. Quant aux salamandres, elles régénèrent leurs membres, cœur, queue, yeux, reins, cerveau et moelle épinière tout au long de leur vie. 

Comment ces animaux dotés de capacités régénératives parviennent-ils à faire repousser des structures aussi complexes ?

Comprendre le processus de régénération

Après une amputation, des cellules souches s’accumulent au niveau du site de la lésion dans une structure appelée le blastème. Une importante partie de la recherche actuelle porte sur la façon dont les signaux émis à partir du site de la lésion indiquent aux cellules souches de former le blastème et de commencer à se diviser pour reconstruire la structure absente. 

Mais que se passe-t-il au niveau des cellules souches elles-mêmes ? Les animaux utilisent-ils un seul type de cellules souches du blastème capable de se différencier en de multiples tissus ? Ou différents groupes de cellules souches produisent-ils les différents tissus requis pour former le nouvel organe ?

De récentes recherches effectuées chez des animaux dotés de capacités de régénération ont montré que les cellules souches utilisent des stratégies variées pour reconstituer les parties du corps manquantes à partir de multiples tissus, tels que les muscles, les nerfs et la peau. 

Dans cette étude de 2014, les scientifiques ont passé au peigne fin les   23 000 gènes du Anolis carolinensis, un lézard d’environ 20 centimètres de long. Son séquençage génétique complet avait déjà été réalisé en 2011. Mais cette fois, les chercheurs de l’étude ont scanné tous les gènes pendant la régénération de la queue pour isoler ceux qui en sont responsables. Résultat : au moins 326 gènes sont activés dans le phénomène, une véritable « recette » dans l’ADN du lézard.

Un autre groupe de chercheurs scientifiques aux États-Unis a récemment résolu le mystère concernant la régénération du vers planaire. Ils ont découvert que les individus adultes ont des cellules souches pluripotentes qui peuvent fabriquer tous les types de cellules du corps de l’animal. 

En plus des cellules souches, le processus de régénération utilise des cellules différenciées qui ont stoppé leurs divisions et se « remettent » à se multiplier pour remplacer le tissu perdu. Ce phénomène est présent chez le poisson-zèbre où une cellule musculaire du cœur se divise pour reconstituer le tissu manquant. Ce processus de régénération a également été mis en évidence pour le cœur des souriceaux, mais il disparaît rapidement lorsque que l’animal grandit.

Recherches futures et défis : Permettre aux humains une réjuvénation via la régénération

À l’âge adulte, l’être humain peut régénérer certains organes comme le foie ou la peau. Malheureusement, beaucoup d’autres tissus humains n’ont pas cette capacité. Un des objectifs de la médecine régénérative est de trouver des moyens de stimuler la régénération tissulaire ou de fabriquer des tissus de remplacement. Un jour, cela pourrait être un des moyens de « guérir » l’homme du vieillissement.

En décembre 2018, le scientifique Michael Levin de l’Université de Tufts a démontré qu’en changeant la configuration électrique entre les cellules chez le ver planaire cela entraînait une activation des cellules indiquant au corps sa forme en guidant la régénération.

Comment limiter la croissance à ce qui est utile (éviter des croissances cancéreuses) ? Comment « démarrer », « réactiver » ces mécanismes pour permettre la régénération d’organes, non pas détruits, mais sénescents ? Ces recherches supposent une meilleure compréhension des mécanismes génétiques et moléculaires de la régénération

Les progrès de l’utilisation de cellules souches, les thérapies géniques, la connaissance des mécanismes génétiques liés aux régénérations ouvrent des perspectives  considérables. Il pourrait bien s’agir d’une des pistes étudiées par les USA dans le cadre de l’initiative annoncée ci-dessous.


La bonne nouvelle du mois : Le Président des États-Unis, Joe Biden, annonce une agence avancée de santé dans son premier discours au Congrès des États-Unis


“Le département de la défense dispose d’une agence appelée DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), dont la mission est de développer des avancées pour renforcer notre sécurité nationale. Cette agence a donné naissance à Internet, au GPS et à bien d’autres choses encore. Les National Institutes of Health, les NIH, devraient créer une agence similaire pour les projets de recherche avancée dans le domaine de la santé. Pour développer des percées – pour prévenir, détecter et traiter des maladies comme Alzheimer, le diabète et le cancer.

C’est une question personnelle pour beaucoup d’entre nous. Je ne peux imaginer un investissement plus valable. Et je ne connais rien qui soit plus bipartisan. Mettons fin au cancer tel que nous le connaissons. C’est en notre pouvoir.” (Source, traduction)

L’agence DARPA est spécialisée dans les technologies de “rupture ». La nouvelle agence pourrait donc viser rapidement des recherches de “rupture” dans le domaine de la santé et de la lutte contre le vieillissement.


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