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Nouvelles scientifiques du mois par Sven Bulterijs

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Lettre mensuelle de Heales. La mort de la mort. N°154. Janvier 2022. La sarcopénie Et La Longévité

La loi est stricte vis-à-vis de la rapamycine et de la metformine, en exigeant une prescription. En comparaison, l’alcool et le tabac ne nécessitent pas de prescription ni de surveillance médicale. Le tabagisme n’a aucun avantage pour la santé et réduit considérablement la durée de vie, accélérant toutes les maladies. Alors que le tabagisme provoque le cancer, la rapamycine le prévient, y compris le cancer du poumon causé par la fumée. N’est-il pas alors paradoxal que l’alcool et le tabac soient vendus sans ordonnance, alors que la rapamycine et la metformine ne le sont pas ? The Goal of Geroscience is Life Extension. Mikhail V. Blagosklonny  Février 2021. (Traduction)


Thème du mois : La sarcopénie et la longévité


Qu’est-ce que la sarcopénie?

Avec l’avancée en âge, presque tout ce qui constitue les composants d’un être humain ou d’un autre vertébré perd progressivement de son efficacité : système digestif, cardiaque, neurologique, immunitaire, squelette, peau… Les muscles ne font pas exception à la règle.

La sarcopénie (ou dystrophie musculaire liée à l’âge) est la diminution progressive liée à l’âge de la masse et de la force musculaire, associée à une baisse des performances physiques.

En 1989, le terme «sarcopénie» a été défini par Irwin Rosenberg, chercheur et directeur intérimaire du laboratoire “neuroscience et vieillissement” de l’Université de Tufts aux Etats-Unis, pour désigner la diminution de la masse musculaire au cours du vieillissement.

À partir de quel âge?

Dès l’âge de 30 ans, le tissu musculaire subit une dégénérescence progressive de l’ordre de 3 à 8% par décennie. Dès l’âge de 50 ans, la perte de la quantité, mais aussi de la force des muscles s’accélère. À 70 ans, la moitié de la masse musculaire est perdue au profit du tissu adipeux. La perte de masse musculaire affecte toutes les personnes âgées, y compris celles en bonne santé et celles ayant gardé une activité sportive.

Les causes et les conséquences de la sarcopénie?

Plusieurs causes, interdépendantes, sont impliquées dans le développement et dans la progression de la sarcopénie. Celles-ci contribuent à la perte de masse et de force musculaires :

  • Une dénervation ainsi qu’une perte de la fonctionnalité des unités motrices entraînerait une moindre constructibilité des fibres musculaires.
  • L’effet des hormones anaboliques est fortement perturbé au cours du vieillissement. Soit la concentration en hormones circulantes est réduite, soit la sensibilité du muscle à l’action de certaines hormones telle que l’insuline apparaît diminuée.
  • Les protéines alimentaires ne sont plus utilisées efficacement par l’organisme. Par conséquent, les apports nutritionnels de l’alimentation habituelle sont inadaptés aux besoins de l’organisme  vieillissant.

Selon l’âge et le degré d’atteinte, les risques et les conséquences de la sarcopénie sont très variables :

  • Baisse progressive de la force musculaire
  • Fatigabilité entraînant une diminution de l’activité physique
  • Faiblesse
  • Risque accru de chute et de fractures
  • Augmentation du risque de dépendance et de perte de la qualité de vie.

Est-il possible de ralentir la sarcopénie  ?

Certaines stratégies nutritionnelles alliées à une activité physique suffisante le permettent.

La nutrition pulsée : “elle consiste à apporter 80 % des apports protéiques journaliers recommandés  sur un seul  repas. Cette technique permet de saturer partiellement l’extraction splanchnique (c’est-à-dire une rétention des acides aminés alimentaires par l’intestin et le foie pour leurs besoins propres) afin d’obtenir une meilleure biodisponibilité des acides aminés pour la stimulation de la synthèse protéique musculaire postprandiale” (source : Wikipédia).

La citrulline (le seul acide aminé à ne pas être capté par le foie) et la leucine ont tous les deux un pouvoir stimulant dans la synthèse protéique musculaire par son action sur la voie mTor. Elles représentent donc de bonnes stratégies pour lutter contre la sarcopénie.

De plus, pour diminuer la perte musculaire comme pour le bon fonctionnement du reste  du métabolisme, il faut associer une activité physique suffisante avec la stratégie nutritionnelle.

Où en est la recherche scientifique sur la sarcopénie ?

En décembre 2021, des cellules musculaires humaines cultivées en laboratoire ont été lancées dans l’espace dans le cadre d’une expérience menée par l’Université de Liverpool.

Cette étude, appelée MicroAge, a pour objectif de surveiller la croissance des cellules musculaires en microgravité et d’aider à comprendre les raisons pour lesquelles le corps s’affaiblit avec l’âge.

À la fin de l’expérience, en janvier 2022, les muscles seront congelés et ramenés sur Terre où les scientifiques entreprendront une analyse plus approfondie.

La relation entre la sarcopénie et les maladies cardiovasculaires 

La sarcopénie et les maladies cardiovasculaires sont toutes deux accélérées par l’inflammation chronique du vieillissement, mais l’apparition d’une faiblesse physique résultant de la sarcopénie peut également contribuer aux maladies cardiovasculaires par le biais d’une activité physique réduite.

Les changements dans la masse maigre sont des déterminants critiques communs dans la pathophysiologie et la progression des maladies cardiovasculaires (MCV). La sarcopénie peut induire des MCV par des voies pathogènes communes telles que la malnutrition, l’inactivité physique, la résistance à l’insuline et l’inflammation ; ces mécanismes interagissent. 

La sarcopénie et les MCV sont très répandues chez les personnes âgées et partagent une pathogenèse et des interactions communes. La compréhension de leur relation n’en est encore qu’à ses débuts, et davantage de données cliniques et expérimentales sont nécessaires. 

Un grand nombre d’études ont montré que la progression des MCV et le déclin de la fonction musculaire aggravent l’état des patients. En dépistant la sarcopénie à un stade précoce, en mettant en place des méthodes de détection et d’évaluation efficaces, il est possible de retarder efficacement la progression de la maladie.

La sarcopénie et les thérapies géniques

En 2015, Elizabeth Parrish a suivi une thérapie génique — controversée — à la télomérase et à la follistatine dans le cadre de la création de la startup BioViva. En ce qui concerne la follistatine, l’objectif est la suppression directe de la myostatine ou l’amélioration de la follistatine pour supprimer la myostatine. Cela a pour effet d’augmenter la masse musculaire et de réduire les tissus adipeux, tout en adaptant le fonctionnement du métabolisme à un mode de fonctionnement plus sain.

Ces injections consistent en un inhibiteur de la myostatine pour protéger contre la perte de masse musculaire avec l’âge.

Après un examen et des tests plus approfondis, la comparaison des données de Parrish avant la thérapie et après la thérapie a révélé des changements positifs supplémentaires.

Et demain ?

Comme écrit en début de cette lettre, avec l’âge, presque tout ce qui constitue les composants organiques d’un être humain ou d’un autre vertébré perd progressivement de son efficacité. Mais le rythme des pertes varie beaucoup selon les tissus: de 1 à 1000, de quelques semaines, à quelques siècles. Le futur, grâce aux progrès des connaissances déjà en cours,  peut consister à faire au moins aussi bien, durable et… musclé que les espèces à la longévité la plus élevée.


Les bonnes nouvelles du mois


L’Organisation mondiale de la santé (OMS) gère la Classification internationale des maladies (CIM); en anglais International Classification of Diseases (ICD), qui fait l’objet de révisions régulières. 

La CIM-11 est officiellement entrée en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2022 (même si la mise en œuvre de la CIM-11 pourrait ne pas commencer avant plusieurs années.

Contrairement aux versions précédentes, la CIM-11 permet diverses interprétations synonymiques, y compris celles qui peuvent être très utiles pour un clinicien traitant des personnes âgées, telles que « vieillissement », « sénescence », « état sénile », « fragilité » et « dysfonctionnement sénile », qui font référence à un état de santé. La classification nouvelle inclut le code « lié au vieillissement » dans la catégorie étiologie ou causalité pour cibler les processus pathogènes du vieillissement.

Certains ont proposé d’exclure le code « vieillesse » de la dernière version de la classification internationale des maladies, la CIM-11, au motif que le fait d’assimiler la vieillesse à une maladie pourrait avoir pour conséquence négative de traiter l’âge civil comme une maladie.

Pourtant, loin de discriminer les droits des personnes âgées et d’encourager la négligence à l’égard de leurs soins de santé curatifs ou préventifs, les codes CIM-11 pour la vieillesse et la causalité liée au vieillissement font exactement le contraire : ils attirent l’attention du public et des professionnels sur les problèmes de santé spécifiques des personnes âgées et appellent à l’action pour améliorer la prévention et les traitements qui leurs sont spécifiques.


Pour en savoir plus :

Lettre mensuelle de Heales. La mort de la mort N° 153. Décembre 2021. Si les humains ne mouraient pas de vieillesse, regretterions-nous cette situation ?

Imaginez une souris plutôt éduquée qui se demanderait s’il est théoriquement possible de vivre plus que deux ans et demi son espérance de vie moyenne? Mais bien sûr que oui, dira-t-elle, regardez l’espèce humaine (…) , mammifères comme nous qui vivent trente à quarante fois plus longtemps! Au-delà de nos limites biologiques: Les secrets de la longévité. 2011. Miroslav Radman.


Thème du mois : Si les humains ne mouraient pas de vieillesse, regretterions-nous cette situation ?


Introduction
Imaginons un monde pas tellement différent du nôtre. Cependant, les humains et la plupart des animaux n’y connaîtraient pas le vieillissement.

Dans ce monde, souhaiterions-nous à nous-mêmes et à nos enfants la sénescence, c’est-à-dire que la dégradation progressive jusqu’à la mort soit inévitable ?

Imaginons par exemple, un environnement biologique un peu plus « Lamarckien » que celui dans lequel nous vivons. Les évolutions épigénétiques, les caractères acquis seraient plus transmissibles. Un animal plus âgé aurait, comme ici, des avantages en termes d’expérience. De plus, les descendants bénéficieraient d’une transmission accrue de caractères acquis. Dans ce cas, la sélection naturelle aurait moins « besoin » de sénescence puisque l’évolution des espèces pourrait se produire du fait des changements survenus au cours de la vie des individus. Imaginons que la probabilité de mourir de causes naturelles soit de ce fait relativement stable, d’une année à l’autre, une fois l’âge adulte atteint. Imaginons donc une planète sans mort de vieillissement (et aussi sans dégradation dûe au vieillissement) pour la plupart des espèces vivantes.

Pour le reste, les « lois de la nature » s’appliqueraient: sélection du plus adapté, évolution des proies, prédateurs et parasites, concurrences et coopérations animales, végétales, bactériennes, fongiques… Les animaux vivraient plus longtemps, sans vieillissement, mais mourraient quand même de toutes les autres causes. L’immortalité biologique n’est pas l’immortalité tout court.

Un monde sans vieillissement ne serait pas paradisiaque mais…
Évidemment, il est impossible d’imaginer toutes les conséquences. Concentrons-nous sur les humains. Théoriquement, certains pourraient vivre depuis des milliers d’années. Mais cela serait extrêmement rare avant le développement des civilisations car les épidémies, la prédation, les violences frapperaient tous les individus.

Mais une fois les civilisations apparues, l’environnement serait radicalement différent. L’accumulation des connaissances serait plus rapide, des philosophes, des scientifiques, des dirigeants pourraient être influents durant des siècles. Les religions existeraient, mais elles seraient logiquement plus apaisées, moins axées sur l’au-delà, plus préoccupées par les corps et les âmes ici que par l’après-mort.

Assez rapidement, dans les régions les plus prospères, le contrôle des naissances se développerait. Assez rapidement, la science et la médecine pourraient se concentrer plus sur les causes de mortalité évitables. En effet, les enjeux positifs de la maîtrise de maladies seraient plus grands, il y aurait plus d’années de vie à gagner.

Comme pour ces humains, les capacités ne diminueraient pas avec l’âge, les mécanismes de nostalgies, de replis sur le passé, seraient moindres. En effet, la nostalgie, c’est souvent le regret de la jeunesse suite à la perte des énergies, de la santé, du goût, des autres sens… La nostalgie suite à la perte des êtres chers s’amoindrirait également. 

Dans notre monde contemporain, la philosophie est parfois définie comme « apprendre à mourir » (et à mourir vite). Là où la mort ne serait plus inéluctable, en tout cas à l’échelle des siècles, la philosophie serait plus d’apprendre à vivre, un apprentissage du respect des autres et de soi. Dans un monde plus stable, la nécessité notamment d’un équilibre environnemental est plus une évidence.

L’avancée en âge serait, comme dans notre monde,  synonyme de sagesse. Ce serait une sagesse avec moins d’aigreur et de regret du passé et donc plus d’ouverture sur le futur.

Dans ce lieu où la mort n’est plus inéluctable et devient rare grâce aux progrès technologiques et médicaux, il est permis d’imaginer que toute mort infligée, tout assassinat ne serait plus seulement inacceptable, il deviendrait inimaginable. Tout comme aujourd’hui tuer un enfant est presque inimaginable, car il a « toute la vie devant lui » alors qu’autrefois l’infanticide était souvent toléré et parfois totalement admis, notamment parce que beaucoup d’enfants mouraient en bas âge.

Dans un monde sans dégradation dûe à l’âge, inventerions-nous le vieillissement ?
Certains philosophes, certains responsables religieux pourraient souhaiter que les plus âgés disparaissent. Certains pourraient affirmer que c’est nécessaire pour renouveler la population, pour avoir des enfants sans risque de surpopulation.

Les représentants de ce courant de pensée voudraient-ils tuer les personnes les plus avancées en âge ? Et si oui, créer un système où la mort est lente, insidieuse, progressive, douloureuse, inéluctable… plutôt que par exemple créer une euthanasie obligatoire pour certains?

Cela semble improbable dans un univers de moindre violence. Aujourd’hui déjà, même les régimes les plus sanguinaires ne pratiquent (presque?) plus officiellement la torture comme moyen de pression. Alors infliger le vieillissement puis la mort…

Et si le verre était à moitié plein ?
Imaginons enfin un environnement où les humains ne sont pas amortels, mais vivent deux fois plus longtemps une fois adultes. La force de l’âge serait à 100 ans et Jeanne Calment aurait vécu 245 ans.

Personne ne proposerait vraisemblablement de mettre fin à la vie après 80 ou 90 ans. C’est la situation allant bien au-delà qui serait « normale » et apparaîtrait à presque tous comme souhaitable… jusqu’à un changement de situation.

Tout comme personne ne propose aujourd’hui de mettre fin à la vie à l’âge de 50 ans, alors que c’était la durée de vie maximale « normale » durant la majeure partie de l’histoire de l’humanité.

Conclusion
Si le vieillissement n’existait pas, il ne faudrait pas l’inventer. Toutes choses étant égales par ailleurs,  nous ne l’envisagerions probablement pas, même pour notre pire ennemi. Nous ne souhaiterions pas des années et parfois des décennies de dégradation insoutenable se terminant par la mort.

De plus, si nous vivions dans un monde sans vieillissement, la vie humaine, mais également la vie des êtres sentients (capables de souffrance) serait bien plus précieuse. Même les individus les plus irrespectueux des autres, élevés dans cet univers, auraient des difficultés à imaginer infliger les affres d’une torture sans fin appelée le vieillissement. Tout comme aujourd’hui, même un violent voleur récidiviste  ne songera probablement pas à brûler les pieds d’une personne âgée pour lui faire avouer où est son argent, puis à l’assassiner, pratique courante en France et ailleurs jusqu’au début du 19ᵉ siècle.

Le vieillissement est aujourd’hui inévitable. Nous avons déjà réussi à considérablement l’humaniser. Nous parvenons aussi à le ralentir un peu. Demain, nous pourrons peut-être l’arrêter. Selon toute vraisemblance, nous ne le regretterons pas plus que l’éradication de la peste et du choléra.


Les bonnes nouvelles du mois


  • Des scientifiques japonais développent un vaccin pour éliminer les cellules responsables du vieillissement. L’équipe, dont Toru Minamino, professeur à l’Université Juntendo, a confirmé que les souris auxquelles le vaccin avait été administré présentaient une diminution du nombre de cellules zombies, connues médicalement sous le nom de cellules sénescentes. L’équipe a identifié une protéine trouvée dans les cellules sénescentes chez l’homme et la souris et a créé un vaccin peptidique basé sur un acide aminé qui constitue la protéine. Cette nouvelle a fait l’objet d’une couverture médiatique importante. Elle s’inscrit dans les espoirs nombreux relatifs aux produits sénolytiques. Cependant l’expérience ne concerne que des souris. De plus, l’espérance de vie maximale a été vérifiée sur des souris « progéroïdes » (à la vie beaucoup plus courte), mais pas sur des souris « normales ».
  • Début à Boston du premier essai clinique d’un vaccin nasal contre la maladie d’Alzheimer. Ce vaccin, formulé à partir d’une substance qui stimule l’immunité (le Protollin), est destiné à prévenir et à ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer, la maladie liée au vieillissement pour laquelle les progrès de la recherche médicale sont les plus lents… Un essai de phase 1 implique 16 participants, âgés de 60 à 85 ans, tous atteints de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce, mais en bonne santé générale. Ils recevront deux doses du vaccin. L’équipe de recherche mesurera l’effet de Protollin nasal sur la réponse immunitaire, en particulier ses effets sur les globules blancs, en examinant les marqueurs de la surface cellulaire, les profils génétiques et les tests fonctionnels.

Pour en savoir plus :

Développements récents de thérapies géniques pour la longévité Lettre mensuelle. La mort de la mort. N° 152. Novembre 2021.

John Harris, ancien rédacteur en chef du Journal of Medical Ethics, soutient que tant que la vie vaut la peine d’être vécue, selon la personne elle-même, nous avons un puissant impératif moral de sauver la vie et donc de développer et d’offrir des thérapies de prolongation de la vie à ceux qui le désirent (Source).


Thème du mois : Développements récents de thérapies géniques pour la longévité


Introduction

Chez les animaux comme chez les humains, la durée de vie moyenne varie selon de nombreux facteurs. Chez les animaux, ce sont l’alimentation, la prédation, les maladies et les conditions climatiques qui jouent les rôles les plus importants. Chez les humains, ce sont le mode de vie, les maladies et les conditions sociales qui sont déterminants.

Mais en ce qui concerne la durée de vie maximale des animaux, comme celle des humains, l’élément le plus prépondérant est le patrimoine génétique. 

Nous savons encore fort peu quelles sont les différences génétiques qui sont favorables ou défavorables à la longévité chez les humains. Des études relatives aux caractéristiques génétiques liées à la longévité ont été effectuées notamment sur des supercentenaires. Même si des gènes tels que le gène klotho sont parfois cités, aucun gène ou groupe de gènes n’apparaît avoir une influence positive très importante.

Un être humain qui évoluerait dans un environnement parfait avec des soins de santé adaptés et une hygiène de vie exemplaire ne dépasserait jamais les alentours de 122 ans. À noter que le doyen de l’humanité est, depuis près de 40 ans, toujours une doyenne, ce qui s’explique par la différence génétique entre femmes et hommes.

Placez une souris dans un paradis pour souris. Quoi qu’il arrive, elle ne dépassera pas cinq ans. Placez une tortue des Galápagos dans un paradis pour chéloniens, elle pourra vivre au plus deux siècles.

Des animaux fort similaires peuvent avoir des durées de vie maximales très différentes. Ainsi, le caméléon de Madagascar Furcifer Labordi est le vertébré terrestre qui a la plus courte existence. Il ne vit que 4 ou 5 mois. Alors que son lointain cousin de la même grande île, Calumma Parsonii, peut vivre une dizaine d’années.

En d’autres mots, nous savons que peu de modifications génétiques peuvent permettre des changements de durées de vie considérables.

C’est une des raisons pour lesquelles les thérapies géniques sont parmi les thérapies les plus prometteuses pour  la longévité.

Qu’est-ce que la thérapie génique?

La thérapie génique constitue l’une des voies privilégiées pour traiter les maladies génétiques, mais également certains cancers. Elle consiste à insérer, dans les cellules du malade, une version normale d’un gène qui ne fonctionne pas et cause la maladie. 

Le gène fonctionnel permet alors au patient de produire à nouveau la protéine dont la déficience était la source de la maladie.

Cependant trois conditions doivent être remplies, il faut: 

  • Connaître le gène responsable de la maladie, soit la fonction de ce gène, afin de pouvoir « réparer » la cellule.
  • Permettre au gène d’atteindre et entrer dans la cellule à l’aide d’un « vecteur », le plus souvent un virus que l’on a rendu inoffensif pour le malade.
  • Et associer le gène à un « promoteur », une petite séquence d’ADN qui permet son fonctionnement une fois au sein de la cellule.

Il est également possible de transformer le patrimoine génétique des générations suivantes. Il serait envisageable, un jour, que nos enfants aient une vie en bonne santé plus longue de par des modifications génétiques. Ceci pose d’innombrables questions éthiques dont certaines ont été abordées à l’occasion de la naissance en Chine de deux (ou peut-être trois) bébés génétiquement modifiés. Ces questions ne seront pas abordées ici.

La révolution des thérapies géniques

En 2000, pour la première fois au monde, la thérapie génique démontre son efficacité avec les bébés-bulles, des enfants atteints d’un grave déficit immunitaire qui ont retrouvé une vie normale grâce au traitement. Les thérapies furent cependant ralenties puis quasiment interrompues pendant plus d’une décennie suite aux décès de deux patients dont Jesse Gelsinger. Cependant, durant cette interruption d’innombrables vies auraient pu être sauvées.

Entre 2015 et 2020, la thérapie génique a connu un essor considérable. Plusieurs essais cliniques ont vu le jour dans le but de traiter certaines maladies liées au  sang, à la peau ou encore neuromusculaires. Certains se sont révélés suffisamment probants pour conduire à une autorisation de mise sur le marché, aux États-Unis ou en Europe.

En 2017, une équipe de médecins européens est parvenue à remplacer 80% de l’épiderme d’un petit garçon (atteint d’épidermolyse bulleuse) grâce à la thérapie génique.

En 2019, près d’une dizaine de traitements par thérapie génique pour des maladies rares du sang, de la vision, des muscles et certains cancers, avait reçu une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis ou en Europe.

La même année, le premier médicament de thérapie génique (Zolgensma) capable de sauver la vie de bébés atteint d’une maladie comme l’amyotrophie spinale des muscles a été mis sur le marché américain. 

D’autres traitements concernent la maladie de Pompe, le déficit en adénosine désaminase, la bêta-thalassémie, la leucémie aiguë lymphoblastique, le lymphome diffus à grandes cellules B, l’amaurose de Leber ont vu le jour.

Les traitements ne visent cependant encore actuellement que des maladies peu courantes, généralement liées à une « erreur » d’un seul gène. 

La thérapie génique et la longévité : Peut-elle retarder ou inverser les maladies liées au vieillissement dont les maladies neurodégénératives ?

En 2019, une étude réalisée par George Church et ses équipes a démontré des résultats favorables d’une thérapie agissant simultanément sur trois gènes de souris atteintes de diverses symptômes liés au vieillissement.

La même année, une expérimentation relative à un gène concernant les télomères a été faite par des chercheurs de l’Académie des sciences chinoise sur des souris. Cela a abouti à une espérance de vie plus longue

En 2020, des vaccins à ARN messager ont été utilisés pour induire une immunité contre le COVID-19. Cette méthode est similaire à la thérapie génique. Cependant, les modifications concernent l’ARN et non l’ADN. 

En octobre 2021, BioViva, une startup de biotechnologie dirigée par E. Parrish, a démontré qu’en administrant une thérapie génique à six patients atteints de démence que l’on pouvait observer une inversion des symptômes de la démence tels que les troubles cognitifs. 

L’américaine Elizabeth Parrish est également le premier cas connu d’auto-expérimentation d’une thérapie génique ciblant les processus du vieillissement. Le traitement consiste à des injections d’adénovirus qui pourrait étendre les télomères leucocytaires  et ainsi renforcer la masse musculaire.

Conclusion

Un partage massif des connaissances, notamment statistiques, relatives aux patrimoines génétiques est en train de se développer. Les investissements pour une vie en bonne santé plus longue semblent s’accélérer et s’améliorer. L’Union européenne propose des outils législatifs pour des bases de données « altruistes ». 

Des milliards de séquençages (totaux ou partiels) ont été effectués tant sur des animaux et des plantes que sur des humains. La mise en commun de ces données et leur analyse notamment par le biais d’outils fondés sur l’intelligence artificielle se poursuit. Grâce aux technologies de modification génétique notamment de type CRISPR, le « plafond de verre » de la durée maximale de vie pour les souris, puis pour les humains devrait pouvoir être franchi dans un futur proche.


Les bonnes nouvelles du mois


L’European Longevity Initiative a été lancée par une organisation non gouvernementale ayant des membres dans une vingtaine d’États de l’Union Européenne.

Son texte de propositions a été le plus soutenu lors du début de la Conférence sur le futur de l’Europe et est toujours l’un des plus soutenus.

Le principal promoteur de l’idée est le scientifique hongrois Attila Csordas qui affirmait notamment (traduction): “La seule véritable solution (concernant de très nombreuses maladies) est de commencer à traiter les causes profondes du vieillissement biologique (…). Nous disposons de stratégies expérimentales pour ralentir le rythme du vieillissement accéléré et réduire la morbidité et la mortalité en fin de vie.  Pour y parvenir dans l’Union européenne, nous aimerions proposer des engagements juridiques, budgétaires, réglementaires et institutionnels efficaces pour permettre une recherche et des technologies de longévité saine à forte intensité scientifique, des essais cliniques géro protecteurs à grande échelle axés sur le vieillissement et un accès équitable à ces technologies pour augmenter l’espérance de vie en bonne santé dans l’Union européenne.”

Dans un cadre pas très éloigné, l’Espace Européen des Données de Santé, est au centre de nombreux projets visant de meilleurs échanges de données de santé pour des buts médicaux et de recherche. Une conférence internationale ce 19 novembre sur « Innovations in Consumer Longevity Data » en est une des illustrations. 


Pour en savoir plus :

Lettre mensuelle. La mort de la mort. N° 151. Octobre 2021. Théorie de la gestion de la terreur.

Nous avons depuis longtemps (…) touché Mars, la Lune, exploité l’énergie nucléaire, reproduit artificiellement l’ADN, et nous avons maintenant les moyens biochimiques de contrôler les naissances ; pourquoi la mort elle-même, « le dernier ennemi », devrait-elle être considérée comme sacrée et au-delà de toute conquête ? Alan Harrington, romancier, 1977 (traduction de The immortalist).


Thème du mois : Théorie de la gestion de la terreur


Introduction

La Terror Management Theory (TMT) a été élaborée dans les années 1980 par Jeff Greenberg, Tom Pyszczynski et Sheldon Solomon.

Selon ces auteurs, tous les êtres humains sont confrontés à deux réalités.

D’une part, l’humain, comme tous les animaux, possède un instinct qui le pousse à se protéger et à chercher à survivre. Et d’autre part, il est doté d’un niveau supérieur de conscience de soi qui lui permet de comprendre, contrairement aux autres animaux, qu’il est en vie et qu’il finira par mourir un jour.

Cela implique indéniablement la frustration du désir de rester en vie. C’est à la fois effrayant et motivant, et représente un conflit  psychologique central et unique chez l’être humain.

Mais cette théorie, déjà abordée dans une lettre La mort de la mort de mai 2010, nous apprend également que l’homme, pour faire face à la peur de la mort, a su développer des mécanismes de défense. Sachant que nous n’allons pas subsister en tant qu’individu, nous nous identifions à la collectivité, nos buts de survie deviennent des buts collectifs. Dans une vision globalisante, nous pourrions dire que toute forme d’art, de culture, de tradition, de construction collective à long terme participe de ce mécanisme. Il s’agit de valoriser sa culture d’appartenance qui permet de renforcer l’estime de soi dans la conviction qu’en tant qu’individu nous contribuons à construire ce sens.

Ce mécanisme a malheureusement aussi des aspects négatifs. En renforçant les valeurs de groupe, il incite au rejet de ceux qui sont différents. Ici, comme dans d’autres domaines, la peur est donc mauvaise conseillère, conseillère de repli non pas sur soi, mais sur son groupe.

Comment le Covid-19 a-t-il influencé notre réaction face à la mort ?

La pandémie de coronavirus nous a rappelé à quel point nous sommes vulnérables, particulièrement en avançant en âge. Un fait que nous chassons de notre esprit quand les temps sont moins menaçants.

À travers le monde, nous avons observé des comportements de solidarité, mais aussi des comportements de repli : certains se sont mobilisés pour aider les autres (par exemple fabriquant des équipements de protection pour les soignants ou organisant des collectes de fonds), d’autres ont stocké des boîtes de conserve et du papier toilette.

Certaines études récentes montrent que la perception de la menace (Covid-19) est liée aux décisions gouvernementales comme le confinement (si le gouvernement confine, la maladie doit être très grave) et au nombre de cas rapportés. L’augmentation du nombre de cas dans certains pays serait corrélé à l’augmentation du conservatisme et de l’autoritarisme.

Seuls les humains sont touchés

Comme déjà écrit, la prise de conscience de l’inéluctabilité est propre à l’humain. Il se peut que certains animaux soient conscients de ce qu’est la mort de leurs congénères et du risque pour eux-mêmes. D’ailleurs, cette prise de conscience ne concerne même pas tous les humains. Les jeunes enfants  vivent le plus souvent avec joie et sans ennui une vie qui leur apparaît sans limite.

Le propre de l’humain serait-il d’apprendre à mourir…

Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder fixement écrit La Rochefoucauld. Philosopher, c’est apprendre à mourir ont exprimé au moins Socrate et Montaigne. Aucun humain adulte conscient n’est indifférent à l’inéluctabilité de sa fin. Devant le temps qui passe, nous ressentons, comme au bord d’un précipice, de la peur, mais également de la fascination. Aucune civilisation ne traite le décès de nos semblables sans une approche spécifique.

Ou bien le propre de l’homme serait-il de lutter toujours pour vaincre la mort ?

Presque toutes les civilisations, presque toutes les religions expliquent que la mort n’est pas la fin du voyage.  Dans une perspective agnostique, la principale raison d’être des croyances en l’au-delà est bien sûr la gestion de la peur de mourir.  La recherche de l’immortalité se trouve dans les croyances, les pratiques et les rites. Parfois, il s’agit d’affirmations, d’incantations.  Parfois, il s’agit de méthodes que l’on pourrait qualifier de « pré-scientifiques », de modes d’emploi pour éviter la mort ou pour que la mort ne soit qu’un phénomène temporaire. 

Chez les taoïstes, il s’agissait d’apprendre à vivre selon des méthodes très ascétiques. Dans l’Égypte ancienne et le christianisme tel qu’il était enseigné jusqu’à il y a peu, il s’agit de conserver le corps, par embaumement ou enterrement pour permettre le retour, la réincarnation (retour dans la chair). L’Église catholique refusait la crémation (incinération) jusqu’il y a peu.

Un mécanisme inconscient 

C’est un aspect fondamental de la gestion de la terreur. Nos moyens de défense sont constitués par ce qui avait été nommé par Ernest Becker, The Denial of Death, le déni de la mort. Devant ce qui est à la fois insoutenable et inévitable, nous élaborons des processus inconscients. Si ces processus étaient conscients, ils perdraient largement de leur efficacité.

Et pour demain, dans un monde où l’amortalité devient envisageable ?

Vivre sans ressentir de peur insoutenable est, bien sûr, un mécanisme souhaitable. Mais cela peut être aussi un obstacle à la lutte pour les recherches de longévité en santé, lorsque des mécanismes inconscients nous poussent à ne pas lutter contre, voire à « aimer » la mort (de vieillesse).

Les idéaux collectifs sont issus des sentiments d’appartenance de groupes au départ opposés les uns aux autres. Aujourd’hui, ils nous permettent de nous comporter dans une collectivité de plus en plus mondiale pour vivre de manière plus pacifique, plus solidaire et plus durable, notamment dans la lutte contre le réchauffement climatique. De même demain, une meilleure « gestion de la peur de la mort » pourrait nous permettre de mieux progresser pour une vie en bonne santé beaucoup plus longue, voire un jour sans limitation de durée.


Bonne nouvelle du mois


  • Même si c’est une évolution fragile, la mortalité liée à l’épidémie de Covid-19 ralentit. Alors que le nombre de personnes atteintes continue à augmenter, le nombre de décès tant en Belgique que dans le monde diminue, montrant l’efficacité croissante des vaccins préventifs et des traitements thérapeutiques.
  • Parmi les traitements les plus prometteurs contre le coronavirus, le molnupiravir ravive l’espoir :  le comprimé réduirait de moitié le risque d’hospitalisation ou de mort du Covid-19.

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