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La mort de la mort. N° 147 Juin 2021. Records de longévité des organismes vivants

Le scientifique Shin Kubota exprime sa vision dans le New York Times: “l’application de Turritopsis pour les êtres humains est le rêve le plus merveilleux de l’humanité. Une fois que nous aurons déterminé comment la méduse se rajeunit, nous devrions réaliser de très grandes choses. Mon opinion est que nous allons évoluer et devenir nous-mêmes immortels.” (Traduction, 28 novembre, 2012)


Thème du mois : Records de longévité des organismes vivants


Tortue des Galapagos

Comment comprendre les durées de vie les plus longues ? Et pourquoi?

La durée de vie maximale des êtres vivants est extrêmement variable selon les espèces. Globalement, pour les animaux, la durée de vie maximale est plus longue avec un ou plusieurs des facteurs favorables suivants (par ordre d’importance) :

  • Les prédateurs sont rares 
  • Le métabolisme est lent 
  • La taille est grande

Les différences de durées de vie peuvent être énormes entre des espèces biologiquement assez proches. C’est une des raisons d’envisager un jour une thérapie génique ou un autre traitement médical pour augmenter considérablement la durée de vie maximale de l’humain.

Cette lettre reprend des cas connus de longévité extrêmes. Évidemment, dans ces cas de très longue durée, seules des mesures indirectes et parfois contestables sont envisageables.

Le rat-taupe nu et la chauve-souris, une longévité exceptionnelle et pas de cancer ! (35-40 ans)

La longévité des rats-taupes nus étonne surtout quand on la compare à celle d’autres rongeurs en captivité de taille équivalente. Les rats-taupes nus ne devraient pas vivre plus de six ans. Or, le plus vieux rat-taupe nu connu en laboratoire a… 35 ans ! Et, parmi certains de ses congénères qui ont plus de 30 ans, des femelles restent encore fertiles.

Des chercheurs ont découvert pourquoi le rat-taupe nu était à l’abri du cancer. C’est grâce à l’acide hyaluronique, une molécule qui empêcherait la formation de tumeurs dans l’organisme. Selon les chercheurs Vera Gorbunova et Andrei Seluanov, qui ont publié leurs résultats dans la revue Nature, la masse moléculaire de l’acide hyaluronique chez le rat-taupe nu est cinq fois supérieure à celle de la souris.

Le minuscule murin de Brand (espèce de chauve-souris), avec ses sept grammes, taquine les quarante printemps. Le grand murin (Myotis myotis), cinq fois plus lourd, en fait autant. Une équipe internationale s’est lancée dans une étude longitudinale de huit ans. Ses résultats, publiés dans la revue Nature Ecology & Evolution ouvrent des pistes prometteuses pour la recherche sur le vieillissement.

Insecte ayant la plus longue vie : la reine des termites (50 ans)

On pense normalement aux insectes comme vivant moins d’une année à l’état adulte. Cependant, les reines termites, protégées des prédateurs, peuvent atteindre 50 ans.

Oiseaux. L’albatros peut vivre jusqu’à 80 ans

Les albatros sont les oiseaux marins les plus grands du monde : l’albatros hurleur atteint ainsi les 3,50 mètres d’envergure ! Leur longévité est également remarquable, puisqu’ils peuvent vivre jusqu’à 80 ans. Wisdom, une albatros de 70 ans a encore pondu. Un perroquet (cacatoès) a également atteint un âge similaire (82 ans).

Amphibien le plus ancien : la salamandre des cavernes (100 ans)

Les naturalistes attribuent la longévité de la salamandre aveugle Proteus. anguinus à son métabolisme inhabituellement lent, cette salamandre met 15 ans à mûrir, s’accouple et pond ses œufs seulement tous les 12 ans environ, et bouge à peine, sauf lorsqu’elle cherche de la nourriture. De plus, les grottes humides du sud de l’Europe où elle vit sont pratiquement dépourvues de prédateurs, permettant à P. anguinus de dépasser 100 ans à l’état sauvage.

Reptiles : Les célèbres tortues des Galápagos

En 2012, mourait «George le solitaire» à plus de 100 ans. Six ans après sa disparition, le centenaire a refait parler de lui grâce aux révélations des chercheurs de Yale étudiant son génome ! George était le dernier représentant d’une espèce endémique d’une île Galápagos. Il a toujours boudé tout accouplement en captivité. 

Les scientifiques de l’Université qui avaient séquencé son génome de son vivant ainsi que celui d’une autre espèce de tortue géante ont révélé les résultats dans la revue Nature. Les biologistes ont détaillé chez ces tortues 891 gènes, impliqués dans la fonction du système immunitaire. Ils montrent que ces animaux ont développé des copies supplémentaires de gènes qui leur permettent de mieux répondre au stress oxydant, connu pour être un facteur important du vieillissement. Ils ont aussi découvert un gène qui permet aux cellules de mieux se défendre contre des cellules étrangères, des gènes suppresseurs de tumeurs qui sont plus nombreux que chez la plupart des vertébrés et d’autres qui sont impliqués dans la réparation de l’ADN.

L’étude du vieillissement chez les animaux est une source de connaissance pour l’être humain. Les chercheurs ont trouvé quelques similitudes entre le génome des tortues et celui des centenaires.

Jeanne Calment avec ses 122 ans est la personne qui a vécu le plus longtemps dans l’histoire de l’humanité…, mais certes pas de quoi impressionner une vieille tortue. La tortue qui a vécu le plus longtemps semble avoir atteint 189 ans.

Les sphénodons sont d’autres reptiles qui peuvent dépasser le siècle.

Poissons : 150 ans pour l’hoplostèthe orange (Hoplostethus atlanticus)

Hoplostethus atlanticus est appelé « poisson-montre ». L’animal habite les océans du globe à des profondeurs comprises entre 900 et 1 800 mètres, notamment dans les canyons sous-marins.

L’espèce n’atteint sa maturité sexuelle qu’entre 20 et 30 ans, ce qui pourrait s’expliquer par un taux de prédation faible et la rareté des proies dans les abysses. Les adultes peuvent mesurer 75 cm de long pour un poids de 7 kg et l’âge du plus vieux spécimen connu, déterminé par radiation radiométrique des isotopes des concrétions minérales de ses oreilles internes, serait de 149 ans.

Échinodermes : 200 ans pour l’oursin rouge géant (Astropyga radiata)

Assez commun dans l’océan Indien et dans une partie de l’océan Pacifique, cet échinoderme doit son appellation à sa couleur et à sa taille pouvant atteindre près de 20 cm de diamètre, la plus grande connue parmi les espèces d’oursins. Certains individus ont atteint l’âge de 200 ans.

Mammifères : 200 ans pour la baleine boréale (Balaena mysticetus)

Vivant dans les eaux arctiques, la baleine boréale est un cétacé mesurant jusqu’à 20 mètres pour un poids d’une centaine de tonnes. Sa longévité a été estimée à plus de 200 ans grâce à des cicatrices laissées par d’anciennes blessures causées par des chasseurs de baleines. Cette longévité exceptionnelle pourrait s’expliquer par certains gènes. Par exemple, l’analyse du génome de la baleine montre des mutations uniques dans le gène ERCC1 impliqué dans la réparation de l’ADN endommagé. Un autre gène, appelé PCNA et associé à la croissance cellulaire et à la réparation de l’ADN, contient une section d’ADN dupliquée. Cette duplication pourrait ralentir le vieillissement du cétacé.

Requins : 400 ans pour le requin du Groenland (Somniosus microcephalus)

Ce requin gris, plutôt dodu, mesurant cinq mètres, vit dans les eaux de l’océan Arctique et serait le champion de la longévité chez les vertébrés. Sa croissance est estimée à environ 1 cm par an.

Dans un article paru dans Science, une équipe internationale de chercheurs décrit comment ils ont réussi à mesurer l’âge de 28 requins du Groenland. Les résultats ont révélé que le plus grand requin, une femelle de plus de cinq mètres de long, avait 392 ans, avec cependant une marge d’erreur importante de plus ou moins 120 ans. La maturité sexuelle des femelles serait atteinte à l’âge de 150 ans environ.

D’après cette recherche de Julius Nielsen à l’Université de Copenhague, parue en août 2016, le requin du Groenland serait donc le vertébré qui vivrait le plus longtemps.

Mollusque le plus ancien: The Ocean Quahog (500 ans)

Des scientifiques ont déterminé que le quahog de l’océan, Arctica islandica , peut littéralement survivre pendant des siècles, comme l’a démontré un individu, Ming, qui a dépassé la barre des 500 ans (vous pouvez déterminer l’âge d’un mollusque en comptant les anneaux de croissance dans sa coquille).

Arbres. Le Séquoia géant : plus de 3000 ans !

Certains arbres semblent n’avoir aucun mécanisme de sénescence. Ils restent aussi fertiles à l’âge de plusieurs siècles que dans leur jeunesse.

Le Séquoia géant se caractérise par sa longévité puisqu’il peut atteindre plus de 3 000 ans. 

De nombreuses autres espèces d’arbres peuvent vivre durant des siècles : les oliviers, les chênes. Le record absolu semble détenu par un pin de Bristlecone de 5 000 ans.

Enfin, les arbres comme d’autres végétaux peuvent se multiplier de façon clonale et former un organisme collectif. Dans ce sens, la colonie clonale de peupliers faux-trembles Pando est, à 80 000 ans, un des organismes les plus anciens de la planète.

Organismes microscopiques : endolithes (10 000 ans)

Déterminer la durée de vie d’un organisme microscopique est une question délicate : en un sens, toutes les bactéries sont immortelles, car elles propagent leur information génétique en se divisant constamment (plutôt que des relations sexuelles et des morts de vieillissement).

Le terme «endolithes» fait référence aux bactéries, champignons, amibes ou algues qui vivent profondément sous terre dans les fentes des roches. 

Des études ont montré que les individus de certaines de ces colonies ne subissent une division cellulaire qu’une fois tous les cent ans et peuvent avoir une durée de vie de l’ordre de 10 000 ans. 

Techniquement, cela diffère de la capacité de certains micro-organismes à se remettre de la stase ou de la congélation après des dizaines de milliers d’années; dans un sens significatif. Les endolithes sont continuellement «vivants», bien que peu actifs. Peut-être plus important encore, les endolithes sont autotrophes, ce qui signifie qu’ils alimentent leur métabolisme non pas avec l’oxygène ou la lumière du soleil, mais avec des produits chimiques inorganiques, qui sont pratiquement inépuisables dans leurs habitats souterrains.

L’immortalité biologique du homard, des hydres, des éponges et des coraux

Un petit nombre d’animaux multicellulaires semblent n’avoir aucun mécanisme de sénescence. Ils ne se dégradent pas en avançant en âge. Par exemple, leur fertilité reste constante, voire augmente.

Les hydres, comme tous les cnidaires peuvent se régénérer, ce qui leur permet de se remettre d’une blessure et de se reproduire de manière asexuée. Toutes les cellules de l’hydre se divisent continuellement. Il a été suggéré que les hydres ne subissent pas de sénescence et, en tant que telles, sont biologiquement immortelles. Dans une étude de quatre ans, trois cohortes d’hydres n’ont pas montré d’augmentation de la mortalité avec l’âge.

Une espèce d’éponge peut vivre jusqu’à 11 000 ans, à savoir la Monorhaphis chuni, selon une étude américaine publiée dans la revue Aging Research Reviews en 2014.

Certains animaux coloniaux, comme les coraux, peuvent vivre plus de 4000 ans.

Les recherches suggèrent que les homards peuvent ne pas ralentir, s’affaiblir ou perdre leur fertilité avec l’âge, et que les homards plus âgés peuvent être plus fertiles que les homards plus jeunes. Cela ne les rend cependant pas immortels au sens de l’absence d’impact de la sénescence, car ils sont beaucoup plus susceptibles de mourir lors d’une mue de coquille en avançant en âge du fait de leur taille croissante. 

Leur longévité peut être due à la télomérase, une enzyme qui répare de longues sections répétitives de séquences d’ADN aux extrémités des chromosomes, appelées télomères. Contrairement aux vertébrés, les homards expriment la télomérase à l’âge adulte à travers la plupart des tissus, ce qui a été suggéré comme étant lié à leur longévité.

Il a été affirmé que certains poissons, notamment le big mouth buffalo, n’ont pas de sénescence mesurable. Cependant, à l’exception du requin du Groenland, aucun poisson capturé dont on a mesuré l’âge ne dépassait les 200 ans.

Pourquoi pas d’immortalité biologique chez les vertébrés, même ceux sans prédateurs ?

La sélection naturelle, au moins pour les vertébrés, aboutit toujours à des espèces dont les durées de vie restent limitées. Ceci peut être expliqué parce qu’une espèce animale qui serait sans vieillissement perdrait de sa diversité génétique et serait éliminée par tout changement environnemental. C’est aussi ce qui explique la reproduction sexuée : plus de mélanges génétiques, c’est plus d’adaptabilité à l’environnement. 

Mais en un certain sens, le vieillissement systématique reste quand même un mystère de l’évolution. En effet, même des salamandres ou poissons cavernicoles dans un environnement extrêmement stable (de centaines de milliers d’années) et sans prédateur ne semblent pas vivre bien au-delà du siècle.

Cnidaire : l’immortalité biologique et la réjuvénation pour la méduse Turritopsis nutricula

Petite en taille, mais longue en espérance de vie. La méduse Turritopsis nutricula ne mesure en effet que 5 mm de diamètre, mais pourrait vivre ad vitam æternam. Originaire de la mer des Caraïbes, l’espèce est de nos jours très répandue. Plusieurs spécialistes s’inquiètent de la voir proliférer sur l’ensemble du globe.

Grâce à un processus cellulaire particulier appelé transdifférenciation, l’animal est capable de stopper son vieillissement et même de rajeunir. Il est déjà connu que la meilleure façon de pousser une Turritopsis Nutricula à se régénérer est de la stresser. Par exemple, en cas de blessure, le processus s’enclenche aussitôt et en quelques jours à peine, la méduse retourne à son stade juvénile et commence une nouvelle vie.

Ce qui en fait un exceptionnel sujet d’études pour les biologistes et les généticiens et un sujet d’intérêt pour certains groupes pharmaceutiques qui envisagent déjà la production d’une crème rajeunissante contenant l’ADN de Turritopsis. « C’est comme si un papillon était capable de retourner en arrière au stade de chenille », explique Stefano Piraino, professeur à l’université du Salento, en Italie.

La dormance comme stratégie de longévité

La dormance est un terme qui regroupe toutes les formes de vie ralenties. 

Elle correspond à la période où, dans le cycle de vie d’un organisme, la croissance, le développement et/ou l’activité physique (chez les animaux) sont temporairement arrêtés. Cela réduit l’activité métabolique et aide donc l’organisme à conserver de l’énergie.

Surtout dans les milieux extrêmes, ou saisonnièrement très marqués, la dormance ne peut être une stratégie adaptative que si un stimulus permet à la graine de passer de l’état « dormant » à un état « non-dormant » est rendu possible à un « bon moment ». Et effectivement, souvent, la dormance cesse effectivement quand les conditions environnementales le permettent.

La longévité d’une graine (durée de la période pendant laquelle elle peut rester en état de vie ralentie sans perdre sa capacité à germer) est très variable. Chez les végétaux, tous les intermédiaires existent, entre la graine du lotus qui détient le record de la longévité (de l’ordre de 1000 ans) et les graines de cacaoyer, peu déshydratées, qui doivent, sous peine de mort, trouver, dans les quelques jours suivant leur maturation, les conditions permettant leur germination. Des scientifiques ont même réussi à faire germer des graines de silène (une plante à fleurs blanches) gelées depuis près de 32 000 ans dans le sous-sol sibérien ! 

Bien qu’étant coûteuse, la stratégie de dormance évite à tous les individus portant le même génotype de rencontrer simultanément un environnement peu propice à leur survie ou à leur reproduction.

Un rotifère a survécu à 24 000 ans de gel dans le permafrost arctique.

Les rotifères bdelloïdes vivent généralement dans des environnements aquatiques et ont une incroyable capacité de survie. Les scientifiques russes ont découvert ces créatures dans une carotte de sol gelée extraite du pergélisol sibérien à l’aide d’une foreuse.

Dans une étude publiée récemment dans la revue Current Biology, les chercheurs russes ont utilisé la datation au radiocarbone pour déterminer que les créatures qu’ils ont récupérées dans le pergélisol (un sol gelé toute l’année, à l’exception d’une fine couche près de la surface) avaient environ 24 000 ans.

Ce n’est pas la première fois qu’une vie ancienne est « ranimée » à partir d’un habitat gelé en permanence.

Des tiges de mousse antarctique ont été régénérées avec succès à partir d’un échantillon vieux de 1 000 ans et une fleur de campion vivante a été régénérée à partir de tissu de graine, probablement stocké par un écureuil arctique, qui avait été préservé dans un permafrost vieux de 32 000 ans. Des vers simples, appelés nématodes, ont été « ressuscités » du pergélisol en deux endroits du nord-est de la Sibérie, dans des sédiments vieux de plus de 30 000 ans.


Les bonnes nouvelles du mois : Des investissements privés pour la longévité. L’Union européenne annonce le partage généralisé des données de santé pour ses citoyens d’ici à 2025.


  • Vitalik Buterin fait un don de plus de 2 millions de dollars à la Fondation Methuselah.
  • Michael Greve, fondateur de Forever Healthy, s’engage à verser 300 millions d’euros pour faire progresser les start-ups spécialisées dans le rajeunissement.
  • Dans un document malheureusement peu diffusé, la Commission européenne annonce avoir pour objectif, d’ici à 2025, de faire en sorte que les citoyens de l’Union soient en mesure de partager leurs données de santé avec les prestataires de soins et les autorités de leur choix. Ceci signifierait si c’est suivi d’effet que les citoyens européens pourront partager aisément leurs données pour des recherches scientifiques, notamment de longévité en bonne santé.

Pour en savoir plus :

La mort de la mort N° 146. Mai 2021. Regeneration

Thomas Pesquet, la star actuelle de la recherche scientifique française : “Si on pouvait débloquer la clé du vieillissement et trouver comment l’annuler, ce serait super pratique.” 


Thème du mois : La régénération


Tous les êtres vivants sont capables, à des degrés divers, de réparer les dommages causés à leur organisme.

En biologie, la régénération dite aussi parfois la régénérescence, est la capacité des organismes vivants à se reconstruire après une destruction naturelle ou accidentelle d’une partie de ceux-ci. 

Les cellules souches : la clé de la régénération ?

La régénération peut concerner des cellules, des organes ou des parties fonctionnelles de certains êtres vivants. La capacité de régénération est principalement portée par des cellules du corps qui vont se reprogrammer pour remplacer le tissu ou l’organe lésé. Certaines de ces cellules dites «cellules-souches » sont générées soit par la moelle osseuse et peuvent circuler dans le corps, soit par les tissus eux-mêmes.

La régénération chez l’Homme

Le corps humain est en permanence assujetti à la mort des cellules et à leur régénération. Cependant, cette régénération n’est pas du tout la même suivant le type d’organes et de cellules. 

Certaines cellules sont intégralement remplacées par de nouvelles en très peu de temps. Par exemple, les cellules des intestins et de l’estomac ne servent que quelques jours avant d’être évacuées par l’organisme. La peau se renouvelle totalement en quelques semaines en raison des agressions extérieures. Certaines cellules ne vivent même que quelques heures comme les globules blancs.

Au contraire, certaines cellules ne se renouvellent que lentement. Par exemple, il faut attendre une dizaine d’années pour que les os soient totalement régénérés. Les muscles cardiaques se régénèrent seulement de 1% chaque année après l’âge de 20 ans. 

Mais notre corps comporte également des cellules qui ne se régénèrent jamais ! C’est le cas des ovocytes ou de certains neurones du cortex cérébral.

Il ne faut pas confondre : la régénération et la cicatrisation, même si elles peuvent s’observer ensemble, ce sont deux phénomènes bien distincts. La cicatrisation n’est qu’une réparation partielle des cellules, mais ne permet pas une reproduction à l’identique.

Nous ne pouvons certainement pas faire repousser une jambe ou un bras, mais certains animaux peuvent régénérer des parties entières de leur corps !

La régénération chez les êtres vivants

Les capacités de régénération de certains végétaux, notamment les arbres, sont remarquables. Mais le fonctionnement génétique et physiologique est si différent des animaux et donc aussi des humains, qu’il n’y a pas de perspective d’application contre la sénescence humaine apparaissant envisageable à court ou à moyen terme.

L’ascidie, un curieux petit invertébré marin en forme d’outre, a la faculté de renouveler ses tissus très rapidement après de graves lésions. D’autres invertébrés, comme le ver plat et la planaire, peuvent régénérer leur tête à partir d’un fragment de queue et vice versa. Ces invertébrés ne sont pas les seuls animaux dotés de tels pouvoirs de régénération.

Chez les vertébrés aussi on peut trouver des experts de la régénération. L’axolotl, un petit amphibien qui peut faire repousser ses membres, ses organes et même des parties de son cerveau. Le poisson zèbre régénère  son tissu cardiaque sans avoir besoin de cellules souches. Quant aux salamandres, elles régénèrent leurs membres, cœur, queue, yeux, reins, cerveau et moelle épinière tout au long de leur vie. 

Comment ces animaux dotés de capacités régénératives parviennent-ils à faire repousser des structures aussi complexes ?

Comprendre le processus de régénération

Après une amputation, des cellules souches s’accumulent au niveau du site de la lésion dans une structure appelée le blastème. Une importante partie de la recherche actuelle porte sur la façon dont les signaux émis à partir du site de la lésion indiquent aux cellules souches de former le blastème et de commencer à se diviser pour reconstruire la structure absente. 

Mais que se passe-t-il au niveau des cellules souches elles-mêmes ? Les animaux utilisent-ils un seul type de cellules souches du blastème capable de se différencier en de multiples tissus ? Ou différents groupes de cellules souches produisent-ils les différents tissus requis pour former le nouvel organe ?

De récentes recherches effectuées chez des animaux dotés de capacités de régénération ont montré que les cellules souches utilisent des stratégies variées pour reconstituer les parties du corps manquantes à partir de multiples tissus, tels que les muscles, les nerfs et la peau. 

Dans cette étude de 2014, les scientifiques ont passé au peigne fin les   23 000 gènes du Anolis carolinensis, un lézard d’environ 20 centimètres de long. Son séquençage génétique complet avait déjà été réalisé en 2011. Mais cette fois, les chercheurs de l’étude ont scanné tous les gènes pendant la régénération de la queue pour isoler ceux qui en sont responsables. Résultat : au moins 326 gènes sont activés dans le phénomène, une véritable « recette » dans l’ADN du lézard.

Un autre groupe de chercheurs scientifiques aux États-Unis a récemment résolu le mystère concernant la régénération du vers planaire. Ils ont découvert que les individus adultes ont des cellules souches pluripotentes qui peuvent fabriquer tous les types de cellules du corps de l’animal. 

En plus des cellules souches, le processus de régénération utilise des cellules différenciées qui ont stoppé leurs divisions et se « remettent » à se multiplier pour remplacer le tissu perdu. Ce phénomène est présent chez le poisson-zèbre où une cellule musculaire du cœur se divise pour reconstituer le tissu manquant. Ce processus de régénération a également été mis en évidence pour le cœur des souriceaux, mais il disparaît rapidement lorsque que l’animal grandit.

Recherches futures et défis : Permettre aux humains une réjuvénation via la régénération

À l’âge adulte, l’être humain peut régénérer certains organes comme le foie ou la peau. Malheureusement, beaucoup d’autres tissus humains n’ont pas cette capacité. Un des objectifs de la médecine régénérative est de trouver des moyens de stimuler la régénération tissulaire ou de fabriquer des tissus de remplacement. Un jour, cela pourrait être un des moyens de « guérir » l’homme du vieillissement.

En décembre 2018, le scientifique Michael Levin de l’Université de Tufts a démontré qu’en changeant la configuration électrique entre les cellules chez le ver planaire cela entraînait une activation des cellules indiquant au corps sa forme en guidant la régénération.

Comment limiter la croissance à ce qui est utile (éviter des croissances cancéreuses) ? Comment « démarrer », « réactiver » ces mécanismes pour permettre la régénération d’organes, non pas détruits, mais sénescents ? Ces recherches supposent une meilleure compréhension des mécanismes génétiques et moléculaires de la régénération

Les progrès de l’utilisation de cellules souches, les thérapies géniques, la connaissance des mécanismes génétiques liés aux régénérations ouvrent des perspectives  considérables. Il pourrait bien s’agir d’une des pistes étudiées par les USA dans le cadre de l’initiative annoncée ci-dessous.


La bonne nouvelle du mois : Le Président des États-Unis, Joe Biden, annonce une agence avancée de santé dans son premier discours au Congrès des États-Unis


“Le département de la défense dispose d’une agence appelée DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), dont la mission est de développer des avancées pour renforcer notre sécurité nationale. Cette agence a donné naissance à Internet, au GPS et à bien d’autres choses encore. Les National Institutes of Health, les NIH, devraient créer une agence similaire pour les projets de recherche avancée dans le domaine de la santé. Pour développer des percées – pour prévenir, détecter et traiter des maladies comme Alzheimer, le diabète et le cancer.

C’est une question personnelle pour beaucoup d’entre nous. Je ne peux imaginer un investissement plus valable. Et je ne connais rien qui soit plus bipartisan. Mettons fin au cancer tel que nous le connaissons. C’est en notre pouvoir.” (Source, traduction)

L’agence DARPA est spécialisée dans les technologies de “rupture ». La nouvelle agence pourrait donc viser rapidement des recherches de “rupture” dans le domaine de la santé et de la lutte contre le vieillissement.


Pour en savoir plus :

La mort de la mort. N° 145. Avril 2021. Secrets de longévité des zones bleues

Il est important d’améliorer la santé. Nous voulons améliorer la vie et vous ne pouvez améliorer la vie qu’en améliorant l’espérance de vie. Matthew Hancock. 1921. Secrétaire d’État britannique à la santé et aux affaires sociales (source).


Thème du mois : Secrets de longévité des zones bleues 


Dans le monde, l’espérance de vie est actuellement de 71 ans environ. En 2019, l’espérance de vie à la naissance s’établissait en Belgique à 81,8 ans pour la population totale, 84,0 ans pour les femmes et 79,6 ans pour les hommes.  Dans certains pays d’Asie (Singapour, Corée du Sud, Japon), c’est plus encore.

C’est cependant moins que la longévité exceptionnelle observée dans des zones précises de notre planète où l’on retrouve une grande proportion de centenaires. Ces régions ont été identifiées par deux démographes, Gianni Pes et Michel Poulain et le journaliste Dan Buettner, auteur de l’article The secrets of Long Life paru dans le magazine National Geographic et du livre The Blue Zones.

Les 5 Blue Zones identifiées dans le monde

Sardaigne, Italie

En étudiant la longévité des habitants de la Sardaigne, les démographes Pes et Poulain et leurs collaborateurs ont localisé des zones où vivent davantage de centenaires. Ces longevity hot spots ou Blue Zones (les chercheurs utilisaient initialement un marqueur bleu pour délimiter ces zones sur une carte) se trouvent dans une région montagneuse de l’île, la Barbagia, qui était encore difficile d’accès il y a de cela quelques décennies. Une telle situation géographique favorise la consanguinité, diminuant la diversité du patrimoine génétique. Dans la zone où l’on retrouve une longévité exceptionnelle, au sud-est de la province de Nuoro, 91 personnes sont devenues centenaires parmi les 18 000 personnes qui sont nées dans la région entre 1880 et 1900. Dans un village en particulier (Seulo), 20 centenaires ont été recensés  entre 1996 et 2016. 

L’analyse de gènes impliqués dans l’inflammation, le cancer et les maladies cardiaques n’a pas révélé de différence significative qui pourrait être liée à la longévité exceptionnelle des Sardes. Les chercheurs suspectent donc que les caractéristiques environnementales, le style de vie et la nourriture sont beaucoup plus importants que des prédispositions génétiques pour vivre longtemps et en bonne santé. 

Plusieurs de ces centenaires sardes sont des bergers ou des fermiers qui ont fait beaucoup d’activité physique au grand air tout au long de leur vie. L’alimentation sarde, qui fait partie du fameux régime méditerranéen, pourrait jouer un rôle important. Elle consiste en des légumes cultivés à la maison (surtout des fèves, tomates, aubergines), du pain de grains entiers, du fromage pecorino fait de lait entier de brebis nourries à l’herbe, du vin rouge local particulièrement riche en polyphénols. Le régime n’inclut de la viande qu’une fois par semaine tout au plus.

Lorsque les centenaires sont interrogés à propos de leur longévité exceptionnelle, ils mentionnent fréquemment l’importance de la famille et des liens sociaux. En Sardaigne les vieillards vivent avec la famille et non pas dans des maisons de retraite. Les personnes âgées qui vivent dans la Blue Zone sarde jugent qu’ils ont un excellent bien-être mental et rapportent peu de symptômes de dépression. Une étude italienne auprès de 160 aînés de la Blue Zone sarde rapporte que le trait de résilience était significativement associé avec des marqueurs d’une bonne santé mentale. 

Okinawa, Japon

C’est au Japon qu’on retrouve l’une des plus grandes concentrations de centenaires dans le monde, plus de 34,7 pour 100 000 habitants en 2010. Les habitants des îles de l’archipel Okinawa au sud-ouest du Japon ont une espérance de vie particulièrement élevée et l’on a recensé dans cette préfecture 66,7 centenaires par 100 000 habitants. Les femmes vivant à Okinawa ont 3 fois plus de chance de vivre jusqu’à 100 ans que les Nord-Américaines. La longévité exceptionnelle à Okinawa résulterait d’un ensemble de facteurs favorables qui ne se résument pas au seul patrimoine génétique. La plupart de ces facteurs sont éminemment culturels et liés au style de vie traditionnel d’Okinawa.

Le régime alimentaire d’Okinawa est basé sur les végétaux, beaucoup de légumes à feuilles vertes, patates douces, poissons et fruits de mer. La majorité des centenaires d’Okinawa ont maintenu un jardin potager au cours de leur vie, une activité physique modérée qui permet de rester en forme et de réduire le stress. Les habitants d’Okinawa pratiquent traditionnellement l’auto restriction alimentaire en suivant l’enseignement d’inspiration confucéenne «hara hachi bun me » qui préconise de manger de façon à être rassasié à 80 % à la fin d’un repas. Les personnes âgées à Okinawa sont très actives et maintiennent de forts liens familiaux et sociaux, par exemple lors de réunions régulières appelées « moai ». Il est très important pour eux de donner un sens à leur vie, d’avoir un « ikigai » c’est-à-dire d’avoir une raison de se lever chaque matin.

Nicoya, Costa Rica

L’espérance de vie est relativement élevée au Costa Rica (82,1 pour les femmes et 77,4 pour les hommes), mais elle l’est tout particulièrement dans une région de la péninsule de Nicoya où les hommes âgés de 60 ans ont 7 fois plus de chances de devenir centenaires que les autres Costariciens. Comme la Sardaigne, Nicoya est une région qui a été relativement isolée pendant des centaines d’années. Le taux de mortalité due au cancer y est 23 % moins élevé que dans le reste du pays et les habitants de Nicoya ont un régime alimentaire basé sur les plantes (courges, haricots noirs, tortillas de maïs, beaucoup de fruits locaux), mais qui comprend aussi des œufs et de la viande (poulet et porc). Les centenaires de Nicoya sont très actifs physiquement, ils ont de forts liens familiaux, une forte foi religieuse et ils aiment travailler. Ils sont très peu stressés et sont généralement très positifs et heureux.

Loma Linda, États-Unis

La seule Blue Zone identifiée en Amérique du Nord est située à Loma Linda, une ville de Californie où il y a une communauté de 9000 membres de l’Église adventiste du septième jour. En Californie, un homme adventiste âgé de 30 ans vivra en moyenne 7,3 années de plus qu’un Californien de race blanche du même âge. Une femme adventiste âgée de 30 ans vivra en moyenne 4,4 ans de plus qu’une Californienne du même âge. Sachant qu’environ les deux-tiers des Américains meurent des suites d’une maladie cardiovasculaire ou d’un cancer, il n’est pas surprenant que les adventistes vivent plus longtemps puisque leur mode de vie fait en sorte qu’ils sont moins à risque de développer ces maladies. Environ la moitié des adventistes sont végétariens ou mangent rarement de la viande et les adventistes non végétariens sont deux fois plus à risque de développer une maladie cardiovasculaire. La majorité des adventistes sont non-fumeurs et ne boivent pas d’alcool. Ils ont par conséquent une incidence de cancer du poumon moins élevée que les Américains en général. Les adventistes sont actifs physiquement et ont un esprit communautaire très développé, car ils sont très croyants et leur église incite ses membres à s’entraider.

Ikaria, Grèce

Ikaria est une île de la mer Égée orientale où un habitant sur trois atteint l’âge de 90 ans. L’incidence de cancer, de maladie cardiovasculaire, du diabète et de démence y est significativement moins élevée. Comme en Sardaigne, Okinawa et autres Blue Zones, les Icariens maintiennent un jardin potager à la maison et mènent une vie peu stressante. Le régime alimentaire des Icariens, de type méditerranéen, est composé de légumes (pommes de terre, pois, lentilles, légumes à feuilles vertes), de fruits, d’huile d’olive, de poissons, de lait de chèvre, de produits laitiers et d’un peu de viande. Les Icariens mangent peu de sucre et ils boivent quotidiennement du café, du vin rouge et des tisanes à base de romarin, de sauge et d’origan. Les Icariens qui observent le calendrier de l’Église orthodoxe grecque doivent se soumettre régulièrement à un jeûne. Or, la restriction calorique est reconnue pour ralentir le processus de vieillissement chez les mammifères.

Caractéristiques communes des régions où l’on vit mieux et plus longtemps

Les habitants des « Blue Zones », Okinawa, Sardaigne, Nicoya, Icarie et Loma Linda, partagent des caractéristiques dans leur style de vie qui contribuent à leur longévité. Dan Buettner dans son livre The Blue Zones dresse une liste de 9 caractéristiques communes :

  • Activité physique modérée et régulière, tout au long de la vie.
  • Restriction calorique.
  • Semi-végétarisme, la nourriture provenant en grande partie de plantes.
  • Consommation modérée d’alcool (vin rouge en particulier)
  • Donner un sens à sa vie.
  • Réduire le stress.
  • Engagement dans la spiritualité ou la religion.
  • La famille est au centre de la vie.
  • Engagement social, intégration dans la communauté.

Ces zones bleues ont en commun d’être des zones ensoleillées et aérées. Elles sont aussi relativement isolées, soit géographiquement, soit en fonction de pratiques religieuses (Loma Linda). Les régimes alimentaires sont différents, mais ils ont deux aspects en commun. Le premier est qu’ils sont basés sur les aliments d’origine végétale, avec la viande, le poisson ou le fromage seulement en petite quantité ou pendant les fêtes, aliments locaux, frais, peu transformés. Le deuxième est qu’ils mangent des légumes. Quant aux saveurs, les régimes sont très différents. Si la population d’Ikaria a un régime proche du régime crétois (légumes, poissons, viandes blanches), la population des villages de montagne sardes ne consomme pas de poisson mais de la viande, dont de la charcuterie.

L’étude publiée par Michel Poulain et Gianni Pes identifie l’importance d’un mode de vie sain, en altitude, avec une activité physique, même au-delà de 80 ans, sans stress, avec des liens familiaux et sociaux étroits.

Un lien social très fort

« La longévité (dans ces zones) s’explique à 10% par les gènes et à 90% par le mode de vie», souligne le journaliste américain Dan Buettner, auteur du livre-enquête « Blue zones : Où vit-on mieux et plus longtemps ? ».

Le lien social est au cœur du mode de vie particulier des « zones bleues ».  Le cas de la péninsule de Nicoya au Costa Rica le démontre bien. Sous certains toits de cette région, il n’est pas rare que trois ou quatre générations vivent ensemble. Une étude menée par l’institut allemand Max-Planck a prouvé que le fait de garder régulièrement ses petits-enfants améliorerait les fonctions cognitives, la santé mentale et physique, diminuerait le risque de développer la maladie d’Alzheimer et préviendrait le stress. La transmission du savoir et des souvenirs des grands-parents à leur descendance leur permet aussi de faire travailler leur mémoire. Autre importance des liens sociaux, la communauté des Adventistes du septième jour de Loma Linda en Californie, cinquième zone bleue recensées surnommée l’« oasis de longévité » aux États-Unis. Là, les croyants vivent ensemble et œuvrent chaque jour pour un bien commun, créant alors un sentiment fort d’appartenance. Ce sentiment va au-delà du simple comportement bienveillant les uns envers les autres. La foi est un facteur proéminent. Ensemble, il est plus difficile de céder à la tentation, une lutte commune crée ainsi un soutien social bénéfique qui participe à réduire la mortalité.

Les repas sont également une source importante de lien social. Selon la diététicienne-nutritionniste Alexandra Retion : « On y attribue de moins en moins d’importance, mais les personnes les plus heureuses sont celles qui partagent leur repas, qui passent un moment en famille ou entre amis. C’est très important de prendre le temps de manger, ensemble et donc de partager des bons moments. La convivialité est importante. » La France est plutôt un bonne élève dans le domaine car en 2010, l’ UNESCO a décidé de classer le « repas gastronomique des Français » au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Une distinction qui reconnaît cette pratique sociale autour de la convivialité, du plaisir du goût, du partage, de l’association avec le vin, du lien aux terroirs, etc.

En guise de conclusion

Depuis bien longtemps, les humains ont cherché des lieux mythiques de longévité. Parfois, les croyances relatives à une vie plus longue sont simplement dues à des registres d’État civil non fiables et une exagération de la longévité. Encore aujourd’hui, certains pensent par exemple que les habitants du Hunza auraient le secret pour vivre jusqu’à 145 ans.

Les zones bleues ne nous permettront pas une longévité sans limite. Cependant, elles nous enseignent que nous pouvons encore progresser nettement pour la longévité en bonne santé, même sans découverte médicale de rupture. Cela peut faire gagner quelques années de vie en bonne santé, même par rapport à la longévité des pays déjà les plus favorisés.


La bonne nouvelle du mois : Les insectes aussi peuvent nous informer à propos de longévité en bonne santé


Nous savons que la durée de vie maximale est fixée génétiquement. Aucune souris (mus musculus) au monde ne vit plus de 4 ans, aucun être humain plus de 122 ans et aucun gastrotriche (petit invertébré marin) ne vivra plus de quelques jours.

Cependant, chez les insectes sociaux, les durées de vie maximales varient considérablement selon le rôle de l’individu. Un article de Science détaille cette situation. L’exemple le plus frappant étant celui de la termite-reine, gigantesque « machine à pondre », vivant jusqu’à 20 ans alors que les ouvrières ne vivent que deux ans. La différence de durée de vie concerne aussi notamment les reines des abeilles et des fourmis. 

L’étude des arthropodes comporte donc des espoirs et des pistes. Surtout que certains de ces insectes démentent le principe général que les animaux de petite taille ont une vie courte.


Pour en savoir plus :

La mort de la mort N° 144. Mars 2021. Fertilité, longévité, ménopause.

La loi est déjà stricte vis-à-vis de la rapamycine et de la metformine, en exigeant une prescription. En comparaison, l’alcool et le tabac ne nécessitent pas de prescription ni de surveillance médicale. Le tabagisme n’a aucun avantage pour la santé et réduit considérablement la durée de vie, accélérant toutes les maladies. Alors que le tabagisme provoque le cancer, la rapamycine le prévient, y compris le cancer du poumon causé par la fumée. N’est-il donc pas paradoxal que l’alcool et le tabac soient vendus sans ordonnance, alors que la rapamycine et la metformine ne le sont pas. 

Blagosklonny M. V. Le but de la géroscience est la prolongation de la vie. Oncotarget. 02 février 2021; 12: 131-144


Thème du mois : Fertilité, longévité & ménopause


Si l’homme est fertile chaque jour, la fertilité de la femme est cyclique. En effet, la plupart des petites filles viennent au monde avec un stock déterminé d’ovocytes dès la naissance, et même un peu avant. Ce stock varie entre 300.000 et 500.000 environ, dont en moyenne 400 arriveront véritablement jusqu’à maturité. Dès la puberté, un ovocyte est libéré à chaque cycle puis éliminé par les menstruations lorsqu’il n’y a pas de fécondation. Au fil des années, ce stock d’ovocytes diminue. 

Et quand il n’y en a plus… il n’y en a plus… cela marque la fin du cycle de fertilité d’une femme et l’arrivée de la ménopause !

La nature est ainsi faite que, de façon spontanée, vers l’âge de 50 ans, le corps d’une femme subit un changement hormonal de taille. Les conséquences sur la santé qui y sont attribuées sont multiples et variables, en fréquence comme en gravité. Pour les symptômes, il s’agit principalement de troubles climatériques (bouffées de chaleur, frissons, impressions de malaises et de vertiges…), des troubles de l’humeur ou sexuels (baisse de la libido, douleurs lors de rapports sexuels, vaginite…) mais aussi une augmentation du risque cardiovasculaire et d’ostéoporose. 

Quand les ovaires démissionnent

Cependant, pour certaines femmes, la ménopause frappe parfois très tôt. Avant même d’avoir soufflé 40 bougies, elles voient leur vie chamboulée. Un rapport publié sur le site américain Health explique les 5 raisons pour lesquelles certaines femmes sont sujettes à une ménopause précoce. Parmi les facteurs influençant l’âge de la ménopause, il y a le facteur génétique. Dans 20% des cas, une femme ménopausée très tôt n’était pas la seule de sa famille à souffrir de ce problème. Certains traitements comme la chimiothérapie et la radiothérapie peuvent également affecter le matériel génétique des cellules ovariennes. Mais pas seulement, le tabac et le surpoids peuvent être également responsables. Plusieurs études affirment qu’en moyenne la ménopause intervient 2 ans plus tôt chez les fumeuses. À l’inverse, une amélioration globale de l’alimentation, de l’hygiène et de la qualité de la vie dans les pays occidentaux ont fait reculer l’âge moyen de la ménopause.

Et dans le monde animal ?

La ménopause semble le propre de la femme… et des cétacés. Cette cessation précoce de la reproduction est rare dans le monde animal. Sur Terre, seules les femmes et quatre autres espèces animales (le béluga, le narval, l’orque et le globicéphale) connaissent la ménopause, un phénomène chez les mammifères qui intrigue les scientifiques. Par exemple, les orques femelles peuvent espérer vivre jusqu’à plus de 90 ans, mais étonnamment elles atteignent la ménopause entre 30 et 40 ans. 

Mais pourquoi une femelle devrait-elle cesser de se reproduire avant la fin de sa vie ? Cette cessation physiologique est souvent décrite comme un paradoxe évolutif, car il semble que les femelles ne retirent aucun avantage à terminer leur carrière reproductrice bien avant la mort. Dans une étude récente publiée dans Scientific Reports, menée par des chercheurs de l’Université d’Exeter (UK) et du Center for Whale Research (USA), le Dr. Samuel Ellis explique que « Pour que la ménopause ait un sens en termes d’évolution, une espèce a besoin à la fois d’une raison de cesser de se reproduire et d’une raison de vivre après ».

Le chercheur britannique avance « l’effet de la grand-mère » comme explication. Cette hypothèse avait été formulée par l’anthropologue Kristen Hawkes et ses collègues pour comprendre pourquoi la ménopause est survenue au cours de l’évolution de l’humanité. La ménopause aurait été sélectionnée par l’évolution naturelle pour permettre aux femelles d’espèces très sociables et à longue espérance de vie, de se consacrer à leur progéniture directe et à celle de leurs enfants sans courir le risque de mourir lors d’une grossesse tardive. Après quelques générations, une femelle ménopausée aura donc transmis ses gènes à plus de descendants qu’une femelle qui aurait continué d’enfanter.

Dans des tribus de chasseurs-cueilleurs, il a été constaté que les chances de survie des jeunes jusqu’à l’âge de reproduction, est corrélé positivement à la présence d’une ou deux de leurs grand-mères, certainement parce que celles-ci soulagent les mères dans les charges de l’éducation des enfants.

Chez la plupart des animaux comme chez nos animaux domestiques (chiennes, chattes, juments, vaches…), on observe qu’avec les années le cycle devient plus irrégulier, que la fécondité baisse et des soucis de santé peuvent apparaître à cause de la chute d’hormones sexuelles, mais on ne peut pas parler de réelle ménopause.

Paradoxalement, ce phénomène n’existe chez aucun primate. Nos plus proches cousines peuvent tomber enceintes jusqu’à la toute fin de leur vie car leurs organes reproducteurs ralentissent avec le reste de leur corps. Les chimpanzés peuvent rester viables sur le plan de la reproduction pendant une plus grande partie de leur durée de vie que les femmes. Bien qu’une recherche publiée en 2011, sur des chimpanzés captifs indiquent que les femelles passent par la ménopause dans les dernières années de leur vie.

Plus surprenant, chez l’éléphant on observe cet effet « grand-mère » qui peut expliquer l’utilité de la ménopause. Or, les femelles peuvent se reproduire jusqu’à la fin de leur vie. Les scientifiques ne savent pas encore expliquer pourquoi les cétacés ont une ménopause et pas les éléphants. D’autres études sont nécessaires pour élucider le mystère …

Les oiseaux non plus ne connaissent pas de ménopause. Certains peuvent rester fertiles très longtemps. Wisdom (sagesse en anglais), une femelle albatros de Laysan défie la nature. L’oiseau sauvage le plus vieux du monde a eu un poussin à l’âge de 70 ans ! 

Une grossesse après 50 ans ? Serait-il possible d’inverser la ménopause ? 

La ménopause peut être considérée soit comme un aspect naturel du vieillissement, soit comme une pathologie qu’il convient de traiter.

On entend souvent dire qu’une grossesse après la ménopause est impossible. Toutefois en 2016, des scientifiques de la clinique de la fertilité à Athènes sont parvenus à inverser le processus de ménopause chez une femme de 45 ans alors qu’elle était ménopausée depuis 5 ans ! 

L’équipe a injecté dans les ovaires d’environ 30 femmes ménopausées du plasma riche en plaquettes (PRP). Il est largement utilisé pour accélérer la réparation des os et des muscles endommagés. Les femmes qui ont reçu le traitement PRP avaient toutes entre 45 et 49 ans et n’avaient pas eu de règles depuis plusieurs mois. Six mois après avoir reçu une injection de PRP, la jeune femme de 45 ans a constaté le retour de ses règles. Les nouveaux ovules libérés peuvent être recueillis et fécondés in vitro. Cela offre une nouvelle fenêtre d’espoir aux femmes souffrant de ménopause précoce.

En 2020, le Dr. Konstantinos Pantos et ses équipes scientifiques obtiennent des résultats encore plus étonnants : des femmes ménopausées accouchent après une injection de PRP ! Leur fertilité aurait été restaurée grâce au traitement PRP. Parmi les 30 femmes volontaires ménopausées, quatre sont tombées enceintes, trois ont eu des enfants.

La cryopréservation pour retarder la ménopause de 20 ans ! 

C’est en tout cas ce qu’affirment des spécialistes de la fécondation in vitro en Grande-Bretagne. Leur méthode a déjà été expérimentée sur neuf femmes. La procédure a consisté à prélever du tissu ovarien qui est ensuite congelé pour être préservé. Plus tard à leur entrée dans la ménopause, le tissu congelé peut être décongelé et greffé dans le corps afin de rétablir les niveaux d’hormones en baisse. 

Cependant, les spécialistes estiment qu’il est possible de retarder jusqu’à 20 ans l’arrivée de la ménopause, mais cela dépend de l’âge auquel le tissu est prélevé et du moment où il est remis en place. À titre d’exemple, les tissus prélevés sur une femme de 25 ans pourraient retarder la ménopause de 20 ans, tandis que ceux prélevés sur une personne de 40 ans pourraient ne retarder son apparition que de cinq ans.

À l’inverse certains produits de beauté avancent l’âge de la ménopause …

Selon le Dr Amber Cooper et son équipe (États-Unis), une exposition aux molécules chimiques, contenues notamment dans les produits de beauté, peut avancer l’âge de la ménopause de 4 ans. Entre 1999 et 2008, ils ont procédé à des analyses de sang et d’urine sur 31.500 femmes pour vérifier la présence de produits chimiques. Les chercheurs ont découvert que les femmes ayant dans l’organisme d’importants taux de substances chimiques étaient ménopausées entre 1,9 ans à 3,8 ans plus tôt que les femmes ayant des taux plus faibles.

L’utilité des rongeurs dans la compréhension fondamentale des éléments clés aux processus de reproduction et de vieillissement… 

Nous avons écrit plus haut que seuls quelques animaux connaissent la ménopause. Cependant, les rattes (et les souris), en tout cas en laboratoire, cessent progressivement d’être fertiles bien avant la durée maximale de leur vie. En effet, une ratte peut vivre plus de trois ans, mais sa fertilité diminue fortement dès 10 mois.

Comme nous l’avons vu, l’effet du plasma riche en plaquettes (PRP) a eu un effet positif chez les femmes ménopausées en Grèce… 

En 2018, des équipes scientifiques ont voulu évaluer l’effet du PRP sur les structures et la fonction ovariennes dans l’insuffisance ovarienne induite par le cyclophosphamide (Cy) chez les rats femelles par une méthode stéréologique. Les chercheurs ont conclu qu’il semble que le PRP ait un effet protecteur sur l’insuffisance ovarienne chez le modèle de rat femelle infertile.

Les rats et les souris sont des modèles imparfaits mais extrêmement utiles pour mieux comprendre et lutter contre les mécanismes du vieillissement. Mais pour être certain de l’efficacité d’un traitement, il faut comparer la durée de vie maximale avec ou sans traitement. Ce qui peut prendre longtemps puisqu’un rat peut vivre plus de 3 ans. 

En examinant la fertilité des rattes avec des traitements anti-vieillissement, les informations en laboratoire pourront être obtenues beaucoup plus rapidement. Un rat « ordinaire » de laboratoire a 6 mois lorsque des expériences ordinaires débutent. Après seulement 4 mois de traitement, il sera possible de voir si des rattes traitées, comparées à des rattes témoins,  restent plus fertiles et donc vieillissent moins.

Rappelons incidemment que les expériences de longévité sont faites avec un traitement des animaux bien plus agréable que la vie de rats « sauvages » dans les égouts. Ceci s’explique notamment par les législations protectrices exigeantes et parce que le but étant de les faire vivre plus longtemps, des bons traitements le favorisent.


La (relativement) bonne nouvelle du mois :

 La lutte contre la covid grâce à la vaccination progresse 


Parler de bonne nouvelle concernant cette maladie est très relatif. Il y a près de 3 millions de décès comptabilisés. Des mutations nouvelles apparaissent de plus en plus. Les belles déclarations relatives au vaccin, bien commun de l’humanité n’ont été suivies que de peu d’effets. Les collaborations au-delà des barrières financières, sociales et politiques sont difficiles. Enfin, les populations sont épuisées par des mesures de restriction.

Mais tout n’est pas sombre. Au cours du premier trimestre de 2021, une grosse année après le déclenchement de la pandémie, plus de 100 millions de personnes dans le monde auront été vaccinées. Une dizaine de vaccins sont maintenant administrés dans le monde. Les vaccins semblent efficaces contre les différentes variantes de la maladie.

Les personnes âgées étant les premières victimes, elles sont aussi très souvent les premières vaccinées. Jamais dans l’histoire de l’humanité, nous ne nous sommes autant préoccupés des personnes les plus faibles de la société et de la recherche à ce sujet.  C’est un progrès de l’humanité toute entière. Enfin, la prise de conscience que la Covid n’est qu’une maladie parmi toutes les affections liées à l’âge progresse petit à petit. Et les recherches pour mettre fin à la Covid s’étendent parfois à des recherches contre d’autres affections liées au vieillissement.


Pour en savoir plus :

La mort de la mort. N° 143. Longévité, amortalité, transhumanisme, technoprogressisme. Février 2021

… La question de savoir si nous pourrons vivre éternellement reste sans réponse. Mais qu’un âge de cent ans soit équivalent à soixante ans aujourd’hui, c’est-à-dire l’allongement significatif de la durée de vie humaine, ce n’est plus une question de « si », c’est une question de « quand ». Peter Diamandis, entrepreneur, ingénieur, futuriste. Page 179. The Future Is Faster Than You Think.


Thème du mois : Longévité, amortalité, transhumanisme, technoprogressisme


C’est un des plus anciens rêves de l’humanité, la santé sans limitation de durée. Nous nous le souhaitons tous à la nouvelle année. Une bonne santé. Nous savons de mieux en mieux pourquoi et comment se déroulent les phénomènes de vieillissement. Mais nous ne parvenons pas encore à maîtriser la sénescence.

Tous ceux qui souhaitent aller au-delà de nos limites biologiques, au-delà du siècle de vie, ne se définiront pas comme transhumanistes. Par contre, quasiment tous les transhumanistes se décriront comme longévitistes.

Qu’est-ce que le longévitisme ?

C’est la recherche d’une vie beaucoup plus longue, au-delà de ce qui est aujourd’hui possible, grâce aux progrès de la science et de la médecine.

Le longévitisme suscite des attirances, mais aussi des oppositions. Les oppositions sont souvent motivées par la peur de faux espoirs, la peur de vivre plus longtemps mais en mauvaise santé et la crainte de thérapies uniquement pour les riches.

Les longévitistes veulent une recherche pour une vie en bonne santé, basée sur des éléments scientifiques sérieux et sont généralement attentifs à l’accessibilité large.

Leur recherche peut être modérée, visant et seulement quelques années de bonne santé en plus. Elle peut être forte, visant une vie de bien plus de 120 ans.

Le but de ces thérapies est alors de diminuer fortement voire de supprimer les mécanismes de sénescence. Les plus optimistes viseront ce qui est appelé « L’immortalité biologique« , l’absence de tout mécanisme de vieillissement. Le terme « amortalité » est aussi employé.

Qu’est-ce que le transhumanisme ?

Reprenons la définition de Wikipédia: c’est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer la condition humaine notamment par l’augmentation des capacités physiques et mentales des êtres humains.

Le mot transhumanisme effraie parfois car évoquant l’attrait de technologies dangereuses, déshumanisantes. L’immense majorité des transhumanistes sont conscients des dangers liés aux progressions techniques. Ils souhaitent activement des technologies pour réduire les risques, notamment ceux dits « existentiels », augmenter la résilience et donc la qualité et la durée de la vie.

Les améliorations visées par les transhumanistes peuvent être physiques: plus haut, plus fort, plus loin, plus adapté à l’environnement ou relatives aux organes des sens (meilleure vue, odorat, capacités sensorielles nouvelles…). Les améliorations visées peuvent aussi être relatives aux capacités intellectuelles. Le but est alors de permettre plus d’intelligence, plus de capacité à l’empathie, à la compassion, au bonheur…

Mais l’amélioration la plus souvent envisagée par les transhumanistes, c’est celle de l’amélioration de la durée de vie, donc l’objectif des longévitistes. C’est d’ailleurs la condition nécessaire, mais pas suffisante de toutes les autres augmentations, de tous les droits humains. Sans vie durable, pas de droits, pas de possibilités.

Qu’est-ce que le technoprogressisme ?

Le technoprogressisme, c’est un transhumanisme pour lequel l’idée de lier le progrès technologique et le progrès social est centrale. Lorsque nous regardons l’histoire de l’humanité, nous constatons que les progrès technologiques ont largement contribué aux progrès sociaux et inversement. Mais ce n’est pas automatique. Les technoprogressistes insisterons sur l’accessibilité pour tous ceux qui le souhaitent aux progrès technologiques. Ceci concerne notamment, bien sûr, les thérapies de santé et de longévité.

Un des principaux fondateurs du transhumanisme, le britannique David Pearce, a résumé le transhumanisme par 3 S: Superlongevité, Superintelligence et Super bien-être. Les technoprogressistes y ajoutent parfois « Super démocratie » ou encore Supersocial.

Longévitisme « biologique » et longévitisme « informatique ».

Pour la plupart des longévitistes contemporains, l’objectif ultime est une vie beaucoup plus longue avec un corps « ordinaire », pas tellement différent du corps contemporain.

Il faut quand même relativiser ce concept de « corps ordinaire ». Nous acceptons déjà aujourd’hui bien des choses qui seraient apparues totalement contre nature même aux plus érudits d’il y a deux siècles. Nous transfusons le sang, nous avons presque tous des corps étrangers dans la bouche. A la fin de notre vie, nous serons pour la plupart passés par un état physiologique inexistant en dehors de la médecine, quelque part entre le sommeil et la mort. Nous l’appelons anesthésie générale. Des millions d’humains ont été conçus en éprouvette. Nous sommes aussi des millions à avoir des pacemakers, des implants cochléaires… En fait, ce qui était hier de la transgression inimaginable est aujourd’hui de la médecine. Et le transhumanisme d’aujourd’hui pourrait être la médecine de demain.

Mais pour certains transhumanistes et longévitistes plus radicaux, nous pourrions aller bien au-delà de notre composition biologique. La « fusion » homme machine pourrait se développer, concernant une part de plus en plus grande du corps, créant un cyborg. Plus loin encore, un jour, la conscience de l’humain pourrait devenir indépendante du corps, être transmise sur un support informatique. Cette vision a été abordée dans une lettre de 2012. Cela reste aujourd’hui totalement hypothétique dans un avenir raisonnable. Pour la plupart des longévitistes et probablement également pour la plupart des transhumanistes, cela ne pourrait devenir envisageable que là où l’informatique reproduirait les processus biologiques aussi bien voire mieux que les processus eux-mêmes.  Là où la copie virtuelle serait meilleure que l’original. Comme un beau film peut être plus beau que la réalité. Comme un jeu peut être plus agréable que la situation qui lui a donné naissance.

Ceci suppose des nanotechnologies et de la maîtrise informatique bien au-delà des capacités actuelles. Cela suppose surtout d’être capable de comprendre et de répliquer les mécanismes neuronaux de ce qui est souvent défini comme « l’objet le plus complexe de l’Univers connu« .

Longévité, transhumanisme, intelligence artificielle

L’informatique d’un demain proche, c’est surtout le développement d’une intelligence artificielle de plus en plus forte, développée pour faciliter les intérêts humains. Les longévitistes, transhumanistes ou pas, espèrent et tentent de mettre en œuvre des processus informatiques permettant des recherches meilleures et plus rapides. Une accélération des découvertes pour la santé, la longévité, la résilience passe aussi par des données massives bien accessibles et organisées.

Le fait d’utiliser prioritairement les capacités de recherche dans ces buts plutôt que pour des objectifs de concurrence, des buts militaires ou de la consommation débridée est de nature à diminuer les risques liés à l’intelligence artificielle. Faire fonctionner de manière commune pour une vie en bonne santé beaucoup plus longue les meilleurs « cerveaux » tant humains qu’informatiques diminuera les risques de développements d’une intelligence s’éloignant de l’humain.

C’est important car les risques d’une intelligence artificielle « tournant radicalement mal » sont jugés élevés par beaucoup. Parmi ceux qui s’inquiètent, il y a de nombreux transhumanistes dont Nick Bostrom, auteur d’un ouvrage renommé à ce sujet.

Plus humain, demain

Les longévitistes s’attachent généralement d’abord aux progrès de la médecine et à tout ce qui y contribue. Les transhumanistes, particulièrement les technoprogressistes, cherchent également à analyser en quoi ce progrès est important. Ils expliqueront ainsi qu’une vie beaucoup plus longue permettra 
– une vie plus pacifiste, avec moins de violence et plus de prudence;
– de nous aimer plus et de nous stresser moins, puisque nous aurons plus de temps;
-d’être plus prudents envers la biosphère, car nous saurons que nous sommes là pour longtemps. Un corps durable ne peut s’envisager sans une planète durable.
Moins de surpopulation, et plus d’attention aux enfants. Car c’est là où la vie est la plus longue que les enfants sont les plus rares et que nous avons donc le plus de temps à leur consacrer..

Pour ces raisons et pour d’autres, la quête multimillénaire de la fontaine de jouvence est aujourd’hui un objectif plus souhaitable et raisonnable que jamais. Aujourd’hui, nous devons encore accepter la mort de vieillesse, car nous n’avons pas le choix. Demain nous pourrions choisir.


Les bonnes nouvelles du mois : Conférence et ateliers du 11 février 2021 sur les tests animaux et humains pour la longévité ainsi qu’un soutien de Heales à deux études testant la durée de vie des rats traités au plasma jeune.


La conférence du 11 février sur le thème « Clarifier si et dans quelle mesure les approches anti-âge actuelles fonctionnent chez les souris ou les personnes” a rencontré un franc succès avec plus de 100 participants.

Était présents,  des spécialistes du sujet tels que Irina Conboy, Nir Barzilaï, Greg Fahy et Liz Parrish pour n’en citer que quelques-uns. Si vous souhaitez les découvrir tous, la conférence « découpée » par intervenant reste accessible.

Une synthèse reprenant des propositions faites durant les ateliers a été réalisée.

L’association Heales soutient depuis début 2021 deux études, réalisées par Rodolfo Goya en Argentine et Harold Katcher en Inde, suivant chacune,  la durée de vie maximale de rats traités avec des produits sanguins, afin de vérifier l’effet bénéfique sur la longévité de ce type de traitement.

Si des résultats de longévité importants ne sont pas atteints, cela permettra de « fermer une porte ». Si des résultats importants de longévité maximale sont établis, cela sera une nouvelle extrêmement importante. La conviction de la plupart des chercheurs et de l’association est que la première hypothèse est la bonne. Mais nous adorerions nous tromper !


Pour en savoir plus :