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La mort de la mort Surpopulation et longévité N° 137 Août 2020

La bataille pour nourrir toute l’humanité est terminée. Dans les années 1970, des centaines de millions de personnes mourront de faim malgré les programmes de secours lancés aujourd’hui. À cette date, rien ne pourra empêcher une augmentation substantielle du taux de mortalité dans le monde…

Voilà la chute certaine de l’espérance de vie suite à la surpopulation que Paul Ehrlich, auteur de l’ouvrage « The Population Bomb« , paru en 1968 et vendu à des millions d’exemplaires, annonçait. Un demi-siècle plus tard, la taille de la population mondiale a plus que doublé. Même si des centaines de millions de personnes souffrent encore de la faim, jamais nous n’avons eu autant de nourriture par personne. Et concernant le taux de mortalité, l’espérance de vie globale a progressé de plus de 15 ans.


Thème du mois : Surpopulation et longévité


Déclin vers 2064

Il est temps pour certains pessimistes de mettre de côté leurs images de malheur sur la surpopulation. Selon une étude récente publiée dans la revue scientifique The Lancet, la population mondiale atteindra son maximum vers 2064, à 9,7 milliards d’individus, et entamera alors un déclin pour redescendre à 8,8 milliards de terriens à la fin du siècle.

Dans les années 60, chaque femme avait encore en moyenne 4,5 enfants, aujourd’hui ce chiffre est inférieur à 2,5. Ce chiffre n’est pas beaucoup plus élevé que le taux de remplacement de 2,1 : le nombre dont vous avez besoin pour maintenir une population.

Comme l’écrit le médecin suédois Hans Rosling dans son livre Factfulness : Lorsque les parents voient que les enfants restent en vie, que les enfants ne sont plus nécessaires au travail et que les femmes reçoivent une éducation et ont accès aux contraceptifs, les deux sexes, dans toutes les cultures et religions, commencent à rêver d’enfants moins nombreux, mais bien éduqués.

En 1950, 25 bébés naissaient pour chaque personne qui soufflait 80 bougies. Aujourd’hui, ce chiffre est d’environ sept. Si l’évolution actuelle se poursuit, en 2100, pour chaque personne de plus de 80 ans, il n’y aura qu’un seul bébé. C’est une révolution invisible, une pyramide des âges inversée, jamais vue auparavant dans l’histoire. Il est temps d’y réfléchir, au lieu de se complaire avec des images désuètes ressassant une soi-disant inévitable explosion de la population mondiale.

En 2100, 183 pays n’auraient pas les taux de fécondité nécessaires pour maintenir la population actuelle

Nous sommes aujourd’hui environ 7,8 milliards d’habitants. Les démographes savaient déjà que notre population devrait diminuer d’ici quelques décennies, mais cette nouvelle étude prédit que ça se produira encore plus vite que nous ne le pensions.

Les Nations unies ont également supposé que les pays qui tombent en-dessous du taux de remplacement se stabiliseront autour de 1,75 enfant par femme, mais selon The Lancet, cette estimation est basée sur un échantillon sélectif. Dans des pays tels que la Thaïlande, la Corée du Sud et la Grèce, nous constatons que la baisse se poursuit à moins d’un enfant et demi par femme. Et cela fait une grande différence à long terme.

Bien sûr, un monde d’environ 10 milliards d’habitants reste un défi, surtout si nous voulons que tout le monde profite du niveau de prospérité occidental (un milliard de personnes n’ont même pas encore accès à l’électricité). Mais  avec la science et la technologie modernes, c’est certainement surmontable. Plus de gens signifie même, à bien des égards, une bonne nouvelle.

A priori, il semble plausible que, plus il y a de gens, moins il reste de ressources pour tout le monde. Or, d’un point de vue économique, ce n’est pas toujours vrai. Plus de personnes signifie souvent moins de pénurie. Parce que de nombreux cerveaux, regroupés de manière dense, trouvent des idées plus intelligentes et se spécialisent davantage. L’indice d’abondance Simon, du nom de l’économiste et penseur Julian Simon, montre que les matières premières deviennent plus abondantes et moins chères à mesure que la population mondiale augmente. Cela semble fou et contre-intuitif, mais c’est souvent le cas avec les connaissances scientifiques.

Attention cependant, ceci n’est envisageable, à terme, que dans un monde où les progrès technologiques permettent d’utiliser principalement des énergies et matières premières renouvelables. C’est techniquement possible, mais cela nécessite une volonté politique, sociale et économique encore insuffisante aujourd’hui.

Il faut aussi tempérer l’image d’un monde surpeuplé. La surface de la planète  fait environ 500 millions de kilomètres carrés dont 150 millions de terres émergées. Un pays comme le Bangladesh est autosuffisant en matière d’alimentation avec plus de 160 millions d’habitants (un quarantième de la population mondiale sur 1 millième de la surface des terres émergées).

Selon les projections effectuées, d’ici 2100, 183 des 195 pays n’auraient pas les taux de fécondité nécessaires pour maintenir la population actuelle, avec une projection de 2,1 naissances par femme, ont déclaré des chercheurs de l’Institut de métrologie et d’évaluation de la santé de l’École de médecine de l’Université de Washington. Quelque 23 pays – dont le Japon, la Thaïlande, l’Italie et l’Espagne – verraient leur population diminuer de plus de 50 %.

Cependant, la population de l’Afrique subsaharienne pourrait tripler, ce qui permettrait à un peu moins de la moitié de la population mondiale d’être africaine d’ici la fin du siècle.

Le monde, depuis les années 1960, s’est vraiment focalisé sur la soi-disant explosion démographique, a déclaré le Dr Christopher Murray, qui a dirigé la recherche, à CNN. Soudain, nous assistons maintenant à ce genre de tournant où il est très clair que nous passons rapidement de la question du trop grand nombre à celle du trop petit nombre.

Les plus de 80 ans seront plus nombreux que les moins de 5 ans

L’étude prévoit également des changements majeurs dans la structure des âges au niveau mondial à mesure que la fécondité diminue et que l’espérance de vie augmente. On estime qu’en 2100, 2,37 milliards de personnes auront plus de 65 ans dans le monde, contre 1,7 milliard de moins de 20 ans.

Le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans dans le monde pourrait être multiplié par six, passant de 141 millions à 866 millions. Dans le même temps, le nombre d’enfants de moins de cinq ans devrait diminuer de plus de 40 %, passant de 681 millions en 2017 à 401 millions en 2100. L’enfance pourrait devenir rare.

Et la longévité en bonne santé dans tout cela ?

Il faut d’abord rappeler, comme cela a été fait dès 2012 dans une lettre « la mort de la mort« , qu’il y a une corrélation forte entre l’espérance de vie et la fécondité. Dans les régions du monde ou les femmes et les hommes vivent plus longtemps (et sont mieux éduqués et plus aisés), la natalité diminue et la population tend à décroître. Lorsque l’espérance de vie croît, la natalité diminue et la croissance de la population est moindre (ou négative).

Première bonne nouvelle donc, la longévité est un facteur stabilisant pour la population. Pour le dire d’une manière qui apparaîtra provocatrice : pour être moins nombreux, vivons plus longtemps !

Deuxième bonne nouvelle : là où les gens vivent plus longtemps, ils tendent à être plus prudents. Si un jour, la durée de vie devient potentiellement beaucoup plus longue, bien au-delà du siècle, les citoyens seront naturellement bien plus prudents, investiront plus pour leur avenir et ne souhaiteront, ni pour eux-mêmes, ni pour les autres, une planète surpeuplée.

Il y a cependant une moins bonne nouvelle. Jusqu’à aujourd’hui, pour les populations au-delà de 80 ou 90 ans, nous ne parvenons toujours pas à des progrès importants en matière de santé. Comme déjà exposé dans des lettres précédentes, pour ce qui est de la durée de vie maximale, nos progrès sont insuffisants, particulièrement pour la longévité en bonne santé.

Donc, dans l’état actuel, la surpopulation, nous ne la risquons pas, au contraire. Mais bien un monde avec une population fragile nombreuse. C’est une des nombreuses raisons pour lesquelles les recherches pour une vie beaucoup plus longue en bonne santé sont fondamentales, pas seulement dans l’intérêt individuel, mais aussi dans l’intérêt collectif.


Les bonnes nouvelles du mois : La maladie d’Alzheimer recule en Europe et aux États-Unis. Du plasma et de l’albumine pour diminuer l’impact de la maladie d’Alzheimer. Une enzyme prévient la perte de mémoire chez les souris.


Le risque de développer une maladie d’Alzheimer ou une autre forme de dégénérescence neuronale à un âge donné s’est réduit de 13 % en dix ans, rapporte une importante étude menée aux États-Unis et dans plusieurs pays européens.

Attention, cette bonne nouvelle est relative. Du fait de l’augmentation de l’espérance de vie, le nombre de personnes ayant la maladie d’Alzheimer augmente quand même. En d’autres termes, le pourcentage de personnes atteintes dans une tranche d’âge diminue, le nombre absolu de personnes atteintes continue d’augmenter.

Dans le domaine de la recherche proprement dite contre la maladie d’Alzheimer,  un essai clinique pour enlever les facteurs vieillissants du sang (en injectant de l’albumine et de l’immunoglobuline), donne de bons résultats. Cette étude est randomisée et réalisée en double-aveugle. Elle reste néanmoins à confirmer d’autant qu’elle est financée par une société produisant de l’albumine et de l’immunoglobuline a des fins thérapeutiques.

Dans un article à paraître dans la revue Acta Neuropathologica, Lars et Arne Ittner, chercheurs spécialisés dans l’étude de la démence à l’Université Macquarie, détaillent comment l’activation d’une enzyme clef (p38gamma) dans le cerveau peut prévenir le type de perte de mémoire associé aux formes avancées de la maladie d’Alzheimer, et même l’inverser. Une avancée importante testée sur des souris, à confirmer sur les humains.


Pour en savoir plus :

Source de l’image.

Sang et réjuvénation. N°136 Juillet 2020.

L’homme a surmonté le pouvoir de la sélection naturelle. Il ne s’adapte plus aux conditions de l’environnement extérieur, mais crée autour de lui un environnement artificiel et bénéfique, en remodelant la nature. Il n’a pas besoin de la mort comme facteur accélérant l’amélioration de l’humanité de génération en génération (…). 

Il n’y a aucune interdiction théorique à soulever la possibilité de l’immortalité. Je suis profondément convaincu que, tôt ou tard, l’ère de la longévité arrivera. (…) Comme dans toute tâche, il faut des enthousiastes pour cela, malheureusement ils sont très peu nombreux. Nous sommes gênés par la conviction profonde que la mort est inévitable et que la lutte contre elle est futile. C’est une sorte de barrière psychologique qu’il faut surmonter.

Vasily Feofilovich Kuprevich, microbiologiste (1897-1969). Cité par Ilia Stambler dans A History of Life-Extensionism In Twentieth Century. 2014.


Thème du mois : Sang et réjuvénation


Un peu d’histoire

Depuis des millénaires, le sang est un des éléments du corps avec la plus forte représentation symbolique, représentant notamment la vie, l’hérédité (liens du sang), la fidélité (échange de sang) et les mécanismes de réjuvénation.

Considéré comme l’un des gestes les plus anciens de la médecine, la saignée provient probablement de l’Égypte ancienne, mais aussi des plus anciennes traditions de l’Inde et du monde arabe.

En Grèce, Érasistrate, au troisième siècle avant JC, enseignait que les maladies découlent d’une surabondance de sang : la pléthore.

Au deuxième siècle de notre ère, Galien professait que la bonne santé nécessite un équilibre parfait des quatre «humeurs» : le sang, le flegme, la bile jaune et la bile noire. Ses écrits et ses enseignements ont fait de la saignée une technique courante dans tout l’empire romain.

Dans l’Europe médiévale, la saignée est devenue le traitement de base pour toutes les maladies, en particulier, la peste,  la variole, l’épilepsie et la goutte.

La technique était alors d’entailler les veines ou des artères dans l’avant-bras ou du cou, en utilisant un outil spécial avec une lame aiguë.

La saignée, comme procédure médicale, est devenue un peu moins angoissante au 18ème siècle : les médecins utilisaient des lancettes à ressort et un instrument appelé scarificateur, comportant plusieurs lames faisant des coupes parallèles.

Sang jeune 

Et si l’élixir de jouvence coulait dans nos veines ? Du moins chez ceux d’entre nous qui n’en ont pas encore asséché la source : les jeunes. L’hypothèse, qui semble tout droit sortie d’un film de vampires, est étudiée de plus en plus sérieusement depuis que des expériences ont montré que le sang extrait d’un organisme dans la force de l’âge peut régénérer les corps affaiblis par le poids des années. Au point que, pour lutter contre les nombreuses maladies associées à la vieillesse, de premiers essais de transfusion de patients viennent de démarrer.

Un article récent signé notamment par Harold Katcher et Steve Horvath concerne des rats âgés de 2 ans qui ont reçu un plasma sanguin de jeunes rats. Leurs indicateurs physiologiques durant le test étaient quasiment devenus ceux de rats de 6 mois. Cela semble prometteur mais cette étude est controversée du fait notamment qu’il ne teste pas la longévité et que l’échantillon de rats n’est pas suffisant pour en tirer des conclusions fiables. Cette étude n’a d’ailleurs pas encore été validée par la communauté scientifique.

Il y a 15 ans déjà, cette piste surprenante dans la quête de la jeunesse éternelle ou du moins prolongée s’est ouverte avec les expériences réalisées par Irina et Michael Conboy et leurs collègues de l’université de Stanford. Nous nous demandions pourquoi les organes vieillissent tous plus ou moins à la même vitesse, et nous avons pensé que le sang qui les relie pouvait être une explication, raconte Michael Conboy.

Pour le vérifier, son équipe a relié temporairement le réseau vasculaire de souris jeunes à celui de souris âgées, comme s’il s’agissait de siamois, une opération chirurgicale complexe, nommée parabiose. Et ils ont constaté que les muscles et le foie des plus vieilles se régénéraient plus efficacement, tandis que l’inverse se produisait chez les souris jeunes.

Selon les résultats publiés par une équipe internationale dirigée par Tony Wyss-Coray, de l’université de Stanford, le sang jeune pourrait stimuler la fabrication de nouveaux neurones chez les souris âgées. Tandis qu’une équipe anglo-américaine, codirigée par Amy Wagers observait un effet régénérant au niveau de la moelle épinière.

Mais d’où viendraient ces pouvoirs « alchimiques » du sang des jeunes ? Les scientifiques tentent depuis plusieurs années d’identifier les molécules favorisant cette régénération. Des expériences d’injection de quelques-unes d’entre elles ont déjà donné des résultats prometteurs, et les pistes de recherche ne manquent pas.

D’où viendraient, à l’inverse, les molécules à l’action opposée qui, avec les années, les remplacent progressivement dans le sang ? On peut imaginer que certains tissus ou organes, en vieillissant, « infectent » les autres en produisant de plus en plus de molécules néfastes, qui vont voyager dans le sang, avance le neurologue Tony Wyss-Coray. Reste à identifier lesquels.

Le chercheur partage l’espoir, avec de nombreux confrères, qu’inhiber l’action de ces molécules liées au vieillissement, et renforcer celle des molécules régénératrices présentes dans le sang jeune, pourra ralentir le vieillissement.

En attendant ce Graal du prolongement de la vie, l’objectif est déjà de prévenir ou de soigner les nombreuses maladies chroniques favorisées par l’âge (pathologies cardio-vasculaires ou neurodégénératives, fragilité osseuse et musculaire…), mais aussi de favoriser la régénération des organes après un accident ou une opération chirurgicale.

Et les premiers essais sur l’homme ont déjà commencé. Dès 2014, Tony Wyss-Coray a fondé une start-up, Alkahest, qui a depuis procédé à des transfusions hebdomadaires de quelques décilitres de plasma, donné par des individus de moins de 30 ans, et acheté aux banques de sang lorsqu’elles avaient du surplus, à 18 patients atteints d’Alzheimer.

En 2019, l’équipe de Wyss-Coray a publié dans Nature medecine à propos d’une protéine, la VCAM1, qui augmente avec le vieillissement et semble avoir un impact important sur le cerveau. Les mesures biologiques et cognitives ont indiqué que bloquer la VCAM1 empêchait non seulement le vieux plasma d’endommager le cerveau des jeunes souris, mais pourrait même inverser les déficits chez les souris âgées.

Du plasma sanguin dilué

Une nouvelle étude, menée par  Irina et Michael Conboy de l’université Berkeley, a révélé une nouvelle voie intéressante dans les efforts pour lutter contre les effets du vieillissement. Les recherches de l’équipe ont montré comment la dilution du plasma sanguin de souris plus âgées peut avoir un fort effet de rajeunissement sur les tissus et les organes, en réduisant la concentration de protéines inflammatoires qui augmentent avec l’âge.

La moitié du plasma des souris a été échangée contre une solution composée d’eau salée et d’albumine. Ceci a amélioré considérablement la santé des souris âgées. Les effets de rajeunissement sur le cerveau, le foie et les muscles étaient les mêmes ou plus importants que lors des premières expériences en 2005. La procédure n’a eu aucun effet néfaste ou positif sur la santé des jeunes souris.

En utilisant l’analyse protéomique pour étudier le plasma sanguin et son contenu en protéines, l’équipe a découvert que le processus agit comme un « bouton de réinitialisation moléculaire ». Après l’échange, l’équipe a observé des concentrations plus faibles de protéines pro-inflammatoires tandis que les protéines bénéfiques, notamment celles qui favorisent la vascularisation, étaient capables de prospérer.

Il y a deux interprétations principales de nos expériences originales (de 2005), explique Irina Conboy. La première est que, dans les expériences de jonction des souris, le rajeunissement était dû à du sang jeune et à des protéines jeunes ou à des facteurs qui diminuent avec l’âge, mais une alternative tout aussi possible est que, avec l’âge, vous avez une augmentation de certaines protéines dans le sang qui deviennent nuisibles, et celles-ci ont été supprimées ou neutralisées par les jeunes partenaires. Comme le montre notre expérience (récente), la deuxième interprétation s’avère exacte. Le sang jeune ou les facteurs correspondants ne sont pas nécessaires pour l’effet de rajeunissement ; la dilution du vieux sang est suffisante (source).

Des candidats médicamenteux

Certaines de ces protéines présentent un intérêt particulier et, à l’avenir, nous pourrions les considérer comme des candidats thérapeutiques et médicamenteux supplémentaires, déclare Michael Conboy. Mais je mettrais en garde les gens trop optimistes. Il est très peu probable que le vieillissement puisse être inversé par des modifications d’une seule protéine. Dans notre expérience, nous avons découvert que nous pouvions faire une procédure relativement simple et approuvée par la FDA, et qu’elle modifiait simultanément les niveaux de nombreuses protéines dans le bon sens (source).

Voici donc qui est extrêmement prometteur. Malheureusement, seuls des marqueurs de vieillissement ont été mesurés. Aucune vérification de progrès pour la longévité n’a été effectuée puisque les souris étaient sacrifiées une fois l’expérience terminée. Il se pourrait très bien que les effets soient seulement temporaires voire négatifs sur le long terme.

Une expérimentation sur des humains et en double-aveugle serait cependant déjà prévue. C’est très positif si cela se passe rapidement et avec des volontaires bien informés. Nous saurions ainsi rapidement s’il y a un effet aussi positif pour les humains que pour les souris. Nous saurions après quelques mois si l’effet positif est durable. Si c’est le cas, cela sera une avancée énorme pour la longévité.


La bonne nouvelle du mois : De plus en plus de conférences internationales pour la longévité en ligne


Suite à la pandémie de Covid-19, un effet collatéral positif est une diffusion plus large, plus rapide et souvent gratuite, d’évènements concernant la longévité. Ainsi la Life Extension Advocacy Foundation (LEAF – Lifespan.io) diffuse de nombreuses conférences, notamment par sa chaîne YouTube.

À noter pour les non-anglophones qu’il est possible d’utiliser la traduction automatisée pour le sous-titrage. C’est encore imparfait, mais, généralement, déjà compréhensible. Un progrès technologique utile pour bien des usages dont le partage d’informations pour une vie plus longue.


Pour en savoir plus :

Pistes thérapeutiques : Covid-19 et vieillissement. N°135 Juin 2020

Nous connaissons bien l’augmentation de l’espérance de vie, mais elle est surtout apparue sous la forme de stratégies de sauvetage, comme la vaccination. Les vaccinations contre la polio et la variole ont sauvé des centaines de millions de vies, ou, pour le dire autrement, ont permis à des centaines de millions de personnes de vivre, alors qu’autrement elles seraient mortes. La vaccination est un exercice d’augmentation volontaire de l’espérance de vie – mais personne ne s’oppose avec horreur à son énorme effet sur l’espérance de vie.

John Harris, bioéthicien (citation peut-être trop optimiste vu la virulence de certaines campagnes « anti-vaccination »), avril 2020 (source de la traduction)


Thème du mois : Traitements Covid-19 et lutte contre le vieillissement


L’émergence du coronavirus SARS-CoV-2 en décembre 2019 a laissé bon nombre de médecins dans l’expectative. Face à ce virus inconnu, ils ont souvent dû se débrouiller avec les moyens du bord pour soigner leurs patients, quitte à tester des médicaments et des traitements non homologués. Une méta-étude, menée par l’université de Pennsylvanie (États-Unis) et publiée dans la revue Infectious Diseases and Therapy, a dénombré l’ensemble des traitements administrés aux premiers patients atteints du Covid-19. Ils ont ainsi calculé que 115 médicaments et remèdes différents avaient été prescrits à 9.152 patients. Mais l’étude met en évidence les tâtonnements des équipes médicales pour trouver le remède adéquat.

Cette lettre vise à faire un point, pour des non-spécialistes du sujet, de la situation au 20 juin 2020 des recherches les plus prometteuses ainsi que quelques liens avec des recherches relatives au vieillissement. Certaines pistes ne seront cependant pas explorées (par exemple les moyens de renforcer le système immunitaire dont la vitamine D).

  • Les vaccins 

Les recherches autour du coronavirus battent tous les records, 140 recherches sont recensées par l’OMS au 18 juin 2020 : le développement de recherches pour un vaccin nécessite habituellement bien plus de temps. Bien que plusieurs laboratoires soient sur des pistes sérieuses, la « mise en rayon » n’est toutefois pas pour demain !

Les vaccins à ARN messager

La vaccination via ARN messager prend la tête de la course au vaccin contre le virus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19.  C’est un vaccin de ce type qui a été le premier à passer à l’étape de l’essai clinique.

Aux États-Unis, la phase II de l’essai du vaccin mRNA-1273 a débuté le 29 mai, a indiqué l’entreprise de biotechnologies américaine Moderna Therapeutics dans un communiqué. Si elle se révèle concluante, la phase III de l’essai pourrait commencer dès juillet.

Les deux premiers essais européens sur l’homme ont eu lieu le 23 avril au Royaume-Uni et en Allemagne. Le vaccin ChAdOx 1 développé par l’université d’Oxford sera testé sur 800 patients, rapporte la BBC. Le vaccin BNT162 mis au point par la société allemande BioNTech a également obtenu le feu vert pour être testé sur 200 volontaires.

La technologie de recombinaison de l’ADN

Le groupe pharmaceutique français Sanofi s’est associé au ministère américain de la Santé pour développer lui aussi un candidat vaccin, en utilisant une « technologie de recombinaison de l’ADN ».

Elle consiste à combiner l’ADN du virus avec l’ADN d’un virus inoffensif afin de créer une nouvelle entité cellulaire à même de provoquer une réponse immunitaire. Les antigènes créés par cette opération peuvent ensuite être reproduits à grande échelle.

David Loew, vice-président exécutif de Sanofi Pasteur, estimait en février pouvoir disposer d’un candidat vaccin « dans moins de six mois » et potentiellement entrer en essai clinique « dans environ un an à un an et demi ».

L’avantage pour le vieillissement d’avoir des vaccins pour le Covid-19 est comme pour le vaccin contre la grippe, d’immuniser les personnes plus âgées pour les protéger d’une future contamination.

Un vaccin global contre le vieillissement est bien sûr actuellement inimaginable d’un point de vue scientifique. Certaines vaccinations globales favorables à la longévité sont par contre envisageables. Il est ainsi imaginable d’étendre la vaccination pour des maladies comme par exemple l’herpès. L’herpès est souvent asymptomatique, « souterrain ». Il touche la majorité des humains et la grande majorité des personnes âgées. Une vaccination pourrait permettre un gain modéré de vie en bonne santé aux personnes préservées de cette affection.

  • Les antiviraux et les anti-inflammatoires

La chloroquine, un antipaludique controversé

Une étude chinoise, publiée par la revue BioScience Trends le 18 février 2020 fut la première à affirmer l’efficacité de la chloroquine, un médicament utilisé contre paludisme, dans le traitement du Coronavirus SARS-CoV-2 et sa maladie Covid-19.

Le professeur Didier Raoult, qui teste la chloroquine à l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille, a affirmé que son effet contre le coronavirus était spectaculaire avec la disparition du virus en six jours auprès des trois quarts des patients. Mais plusieurs experts appellent à la prudence en l’absence d’études plus poussées et en raison de ses effets indésirables qui peuvent être graves, notamment en cas de surdosage.

En mai, une étude du Lancet qui relevait les potentiels dangers de la chloroquine, a été rapidement rétractée. Un récent essai clinique randomisé en double-aveugle en défaveur d’un usage prophylactique de la chloroquine est paru dans le New England Medical Journal.

Cette affaire a été un superbe cas d’école pour présenter les sciences médicales. Il a été utile de pointer du doigt les nombreuses erreurs méthodologiques. Cependant, le débat est très vite devenu un conflit entre les anti-chloroquine d’un côté et les pro-chloroquine de l’autre. Pourtant la démarche scientifique n’est ni pro, ni anti. Elle valorise le doute, la prise de recul et se préoccupe peu de notre désir d’efficacité envers une thérapeutique, elle a vocation à trancher le réel, pas à nous bercer d’illusions rassurantes.

Les tests cliniques, notamment en double aveugle, auraient dû être une priorité absolue, mieux coordonnés et plus rapides. Force est de constater que la mobilisation énorme concernant la lutte contre la maladie n’a pas suffisamment permis cela.

Le remdésivir, premier traitement efficace sur le marché ?

Le remdésivir, mis au point par le laboratoire américain Gilead, « agit directement sur le virus pour empêcher sa multiplication », il a été testé dans le passé pour Ebola.

« Il n’y a pour l’instant qu’un seul médicament dont nous pensons qu’il pourrait avoir une réelle efficacité. Et c’est le remdésivir », annonçait en mars Bruce Aylward, un responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’Agence européenne des médicaments (EMA) a annoncé lundi 8 juin avoir reçu une demande d’autorisation de mise sur le marché conditionnelle  de l’antiviral dans l’Union européenne.

La recherche sur les antiviraux liés au Covid a entrainé une accélération de l’ensemble des recherches relatives à cette catégorie de médicaments. Il n’y a cependant à ce jour pas d’application concernant la longévité des personnes âgées non atteintes d’une maladie virale.

Dexaméthasone

Il a été démontré en juin qu’un stéroïde, le dexaméthasone, par son effet anti-inflammatoire, réduisait assez fortement (jusqu’à 25 %) les décès des patients les plus atteints.

  • Plasma et anticorps

Lorsqu’on transfuse du plasma convalescent, et donc que l’on transfuse du sang d’un patient guéri vers un patient encore malade, on espère générer un « transfert d’immunité passive ». On insère les anticorps créés pour lutter contre l’infection chez une personne encore infectée afin qu’ils puissent agir immédiatement contre la maladie. Ce transfert peut provoquer une réaction de défense plus rapide encore qu’avec un vaccin. En revanche, puisqu’ils n’ont pas été produits directement par le corps du malade, les anticorps transférés ne perdureront pas et ne permettront pas une immunité à long terme. Néanmoins cela accélère la guérison et, dans le cas du Covid-19, l’espoir est d’éviter que la maladie ne s’aggrave.

La recherche médicale explore différentes pistes pour lutter contre le Covid-19. Parmi elles, transfuser le sang — et plus précisément le plasma — de patients guéris chez des patients encore malades est une sérieuse possibilité. L’Établissement Français du Sang (EFS) a démarré le 7 avril un essai clinique basé sur ce principe. Aux États-Unis, le groupe de recherche National COVID-19 Convalescent Plasma Project est également mobilisé sur de telles expérimentations.

L’avantage pour les personnes âgées est de pallier le manque de défense de leur système immunitaire en leur apportant une dose d’anticorps présents dans le plasma de personnes guéries. De manière plus large, le remplacement du sang par d’autres substances dans un organisme âgé fait partie des pistes extrêmement prometteuses en matière de longévité. Un développement tout récent est examiné à la fin de cette lettre (voir : La bonne nouvelle du mois).

Regeneron développe un traitement à la fois curatif et préventif

Le laboratoire Regeneron a développé l’année dernière un médicament, administré par voie intraveineuse, connu sous le nom « d’anticorps monoclonaux », qui a permis d’améliorer de manière significative le taux de survie de patients touchés par le virus Ebola. Le médicament pourrait fonctionner en l’administrant à des personnes avant qu’elles soient exposées ou après, même si les effets ne seraient que temporaires car les anticorps ne feront pas partie de la mémoire du système immunitaire des individus.

  • Cellules souches

Des chercheurs chinois et américains ont joint leurs forces pour tester l’efficacité de cellules-souches contre le coronavirus. L’étude a été publiée en avril 2020.

Les cellules souche semblent contribuer au rajeunissement et à la régénération des autres cellules. Elles font ceci de nombreuses manières tels que réduire l’inflammation, sécréter les substances qui protègent les cellules, réduire la mort cellulaire, fournir des effets antioxydants, et amplifier la réaction du système immunitaire.

En 2011, des chercheurs français ont réussi à redonner leur jeunesse à des cellules de donneurs âgés de plus de 100 ans en les reprogrammant au stade de cellules souches, ils démontrent ainsi que le processus du vieillissement des cellules est réversible. L’accélération des recherches sur les cellules-souches pour le Covid-19 pourra être utile également dans le cadre de la lutte contre la sénescence.


La bonne nouvelle du mois : Remplacer le sang de souris âgées par de l’eau salée et de l’albumine les « rajeunit » considérablement 


Dans la lettre mensuelle du mois de mai, nous faisions référence à un article scientifique concernant un « élixir » injecté dans le sang qui « rajeunirait » des rats.

Il y a quelques jours, un autre article très prometteur est paru dans la revue Aging concernant un mécanisme proche. Des chercheurs, dont un couple de scientifiques spécialisés dans ce type d’études, Irina et Michael Conboy, ont remplacé la moitié du sang de souris âgées par une solution d’eau salée et d’albumine. Le résultat a été spectaculaire. Cette dilution a des effets de rajeunissement sur le cerveau, le foie et les muscles.

Parmi les aspects extrêmement prometteurs de cette étude :

  • le produit donné est connu et ne coûte quasiment rien,
  • le traitement est d’une grande simplicité,
  • le traitement ne pose pas les problèmes éthiques qui se poseraient pour des transfusions sanguines de sang.

Cependant, comme pour l’expérimentation décrite le mois passé, il reste une question fondamentale non examinée Est-ce que réellement les souris « rajeunies » pourraient vivre plus longtemps ou bien est-ce que l’effet serait temporaire, voire même négatif à long terme ?

Si l’effet est durable (en renouvelant le cas échéant les transferts), un avenir spectaculaire de la réjuvénation s’annonce.


Pour en savoir plus :

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Toutes les longévités ne progressent pas. N° 134. Mai 2020

C’est l’une des choses les plus remarquables que, dans toutes les sciences biologiques, il n’y ait aucun indice quant à la nécessité de la mort. Si vous dites que nous voulons faire du mouvement perpétuel, nous avons découvert suffisamment de lois en étudiant la physique pour voir que c’est absolument impossible ou que les lois sont fausses.

Mais il n’y a encore rien en biologie qui indique le caractère inévitable de la mort. Cela me suggère qu’elle n’est pas du tout inévitable, et que ce n’est qu’une question de temps avant que les biologistes ne découvrent ce qui nous cause des problèmes et que cette terrible maladie universelle ou le caractère temporaire du corps humain sera guéri.

Richard Feynman (1918 – 1989), prix Nobel de physique (traduction).


Thème du mois : Longévité moyenne et maximale. Progression et stagnation.


Longévité côté face

Nous vivons dans un confort et un état de santé qui auraient été inimaginables même pour les monarques du temps jadis. Nous nous déplaçons plus vite que dans les rêves les plus fous des navigateurs du temps de Christophe Colomb. Nous volons. Nous sommes allés sur la Lune. Nous avons dans notre poche un objet de 100 grammes qui est plus performant que les objets de science-fiction envisagés par les plus imaginatifs des écrivains, même d’un passé proche.

Grâce aux extraordinaires progrès de la médecine, de l’hygiène et de l’économie aujourd’hui, notre espérance de vie est trois fois celle d’il y a à peine deux siècles. Tant la rapidité du développement que les sommets atteints sont sans équivalent dans l’histoire de l’humanité. Jamais nous n’avons vécu aussi longtemps. Jamais nous n’avons vécu en aussi bonne santé. Jamais nous n’avons vécu aussi bien. Et n’en déplaise aux pessimistes, cette évolution ne se tarit pas ces dernières années, au contraire, elle s’est encore accélérée depuis le début du 21ème siècle : nous avons gagné environ 6 années d’espérance de vie depuis le début de ce millénaire. Aujourd’hui, même dans le pays avec l’espérance de vie à la naissance la plus courte au monde, celle-ci est de 53 ans (en République centrafricaine), soit de 6 ans supérieure à l’espérance de vie d’il y a deux siècles dans le pays où on vivait le plus longtemps (en Norvège).

Longévité côté pile

Mais, malgré les progrès de la médecine, de l’hygiène et les recherches scientifiques et médicales tous azimuts qui font progresser les sciences comme jamais, nous ne vivons guère plus longtemps que certains de nos ancêtres lointains. En l’an 6 de notre ère, s’éteignait à Rome Terentia, la veuve de Cicéron. Elle avait 103 ans. La personne la plus âgée au monde aujourd’hui a 117 ans, 14 ans à peine de plus que Terentia à son décès. Et, de par le monde, sur les presque 8 milliards d’habitants, à peine 100.000 ont atteint l’âge de Terentia.

Pour continuer sur cette  non-progression, voire même de régression, il faut signaler que Jeanne Calment, qui a vécu le plus longtemps dans l’histoire de l’humanité (sous réserve de quelques controverses) est décédée il y a près de 23 ans. Côté masculin, l’homme actuellement le plus âgé au monde n’est que 40ème dans la liste des hommes ayant vécu le plus longtemps.

Durée de vie moyenne – durée de vie maximale, deux concepts qui ne concernent pas seulement les humains

La différence entre la durée de vie moyenne, améliorable et la durée de vie maximale, frontière presque immuable, s’étend bien au-delà des humains.

Chez les animaux, la durée de vie moyenne dans la nature est beaucoup plus courte que la durée de vie maximale du même animal en captivité. Une souris vivra généralement moins d’une année dans la nature, alors qu’en captivité, elle peut vivre plus de deux ans. Une mésange charbonnière vivra deux ou trois ans, alors que dans une cage, elle pourrait chanter plus de 10 ans. 

En ce qui concerne les rats et les souris en laboratoire, la durée de vie moyenne est d’environ 2 ans et la durée de vie maximale de 3,8 années pour les rats et d’un peu plus de 4 ans pour les souris. D’innombrables expériences de laboratoire mesurent la longévité des rats et des souris après un traitement. Pour les rongeurs comme pour les hommes, si nous connaissons des traitements qui augmentent l’espérance de vie moyenne, la durée de vie maximale reste à ce jour une frontière quasiment infranchissable.

La stagnation et même la régression est ce qui a été appelé dans une lettre antérieure « le mystère des supercentenaires« .

Nous, humains, comme les autres mammifères et l’immense majorité des animaux, nous sommes des êtres à l’obsolescence programmée. Ce qui démontre notamment le caractère presque infranchissable de la limite, c’est le prix de la souris Mathusalem. Il est octroyé par l’organisation longévitiste SENS à celui qui permet à une souris de vivre plus longtemps qu’aucune autre souris. Ce prix n’a plus été octroyé depuis 2004.

Durée de vie moyenne – durée de vie maximale, deux concepts de moins en moins différents pour les humains

Il y a plusieurs siècles, la durée de vie maximale n’avait rien à voir avec la durée de vie moyenne. En effet, de 30 à 60 % des individus mouraient en bas âge. Il y a un siècle, dans les pays riches, la mort des enfants était déjà relativement rare, mais les maladies infectieuses et les autres causes de mortalité tuaient la majorité des individus avant la vieillesse. Aujourd’hui, dans les pays riches, mourir avant 75 ans est souvent qualifié de « décès prématuré ». L’âge moyen du décès est de 80 ans et l’âge médian plus élevé encore.

Autrement dit, aujourd’hui pour la majorité des décès, ce qui met fin à nos vies, ce sont les maladies et les affections liées à ce qui était hier, l’extrême longévité d’une petite minorité.

Ceux qui disent que nous ne franchirons jamais certaines limites ont peut-être raison

Si nous projetons l’évolution du passé vers le futur, un bébé qui naît aujourd’hui dans un pays riche devrait vivre en moyenne environ 110 ans. Ceci sachant que nous vivons déjà en moyenne 80 ans et que nous avons gagné environ 30 années de vie ces 110 dernières années.

Mais pour cela, il nous faudrait d’abord briser un plafond de verre. Actuellement, même pour les recherches les plus prometteuses (sénolytiques, metformine, NAD+, …), il est surtout question de gagner des années de vie humaine en bonne santé dans nos limites biologiques actuelles. Les durées de vie maximale ne semblent pas près d’être dépassées, tant pour les êtres humains que pour les animaux.

Les longévitistes optimistes ont peut-être raison

Comme l’écrivait Richard Feynman, cité au début de cette lettre, il n’y a pourtant pas de frontière biologique infranchissable équivalente au mur du son où à la vitesse maximale de la lumière. Mais il y a le code génétique. Ce code génétique qui fait que jamais un homme n’a dépassé 116 ans, une femme 122 ans, une tortue des Galápagos environ 200 ans et une souris un peu plus de 4 ans. Cependant, ce code génétique, nous pouvons le modifier par des thérapies géniques. Nous le changeons d’ailleurs déjà pour un certain nombre de maladies,  même chez des personnes adultes.

Cet obstacle peut-être ultime de la santé pourrait aussi être un jour franchi par d’autres moyens, par exemple par la production de protéines normalement exprimée par certains gènes relatifs au vieillissement.

Et le jour où cette frontière sera franchie, d’abord chez des souris puis chez des humains, cela pourrait être comme la conquête du vol au tout début du 20ème siècle, comme la découverte de l’insuline en 1922 ou comme l’utilisation de la pénicilline à la fin de la seconde guerre mondiale. Un avant et un après, c’est-à-dire, cette fois, des horizons de longévité, radicalement au-delà du siècle.


Les nouvelles du mois : « Rajeunissement » de l’horloge épigénétique de rats grâce à un plasma. Progrès collectifs pour la lutte contre le Covid-19


Un article concernant l’utilisation d’un plasma donné à des rats âgés a soulevé un enthousiasme considérable dans la communauté longévitiste. Des rats de 2 ans ont reçu un plasma sanguin et leurs indicateurs physiologiques durant le test étaient quasiment devenus ceux de rats de 6 mois. Si c’est vrai, c’est une découverte extrêmement prometteuse. De plus, cet article est signé notamment par deux scientifiques renommés (Steve Horwath, spécialiste de l’épigénétique et Harold Katcher, de l’université de Maryland).

Malheureusement :

  • Aucun test de longévité proprement dite n’a été effectué (uniquement des marqueurs de longévité)
  • Seuls 6 rats ont bénéficié du traitement
  • L’article n’a pas encore été vérifié par des pairs
  • La composition du plasma n’est pas connue

Espérons que l’enthousiasme se traduira dans les tests de longévité annoncés. Ou que cela encourage d’autres recherches de réjuvénation radicale.

Dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, des centaines de recherches sont en cours. La majorité des autorités et groupements qui s’expriment insistent sur la mise en commun des recherches et la mise à disposition future pour tous. « Grâce » au virus, l’attention à la santé et à la protection du système immunitaire, particulièrement des personnes âgées, est plus grande que jamais. Le 19 mai, l’assemblée générale a adopté une résolution de riposte à la maladie Covid-19.

Un communiqué de presse de l’OMS annonce la création, pour le 29 mai, d’une plateforme permettant de centraliser les données, le savoir et la propriété intellectuelle se rapportant aux produits sanitaires existants ou nouveaux contre la COVID-19. Il s’agit, suite à une proposition du Costa-Rica, de mettre des biens de santé publique mondiaux à la portée de tous dans tous les pays.

 

Pour en savoir plus :

 

 

Longévité positive dans les récits. La mort de la mort. N° 133. Avril 2020.

Même en volant
Je n’aurai pas le temps, pas le temps
De visiter toute l’immensité
D’un si grand univers
Même en cent ans
Je n’aurai pas le temps de tout faire

(…)

Et pour aimer
Comme l’on doit aimer
Quand on aime vraiment
Même en cent ans
Je n’aurai pas le temps
Pas le temps

Je n’aurai pas le temps. Paroles de Pierre Delanoë, chanté par Michel Fugain.


Thème du mois : Une longévité radieuse


En ces dernières heures d’avril 2020, la lutte contre le Covid-19 bat son plein. Nous semblons bien en mesure de gagner une bataille. Mais l’affrontement n’est pas terminé.

Parmi les belles leçons de cette lutte, il y a la mobilisation de milliards de femmes et d’hommes de tous pays et de tous horizons pour protéger les plus faibles et les plus âgés.

Faire vivre les femmes et les hommes beaucoup plus longtemps et en santé parfaite, atteindre l’amortalité (immortalité biologique), bien des humains en ont rêvé. Dans la fiction, à côté de visions négatives d’une longévité sans frontières, il y a des récits plus nuancés ou positifs. Quelques-uns de ceux-ci seront examinés dans cette lettre. Vous pouvez lire en écoutant la chanson Forever Young d’Alphaville ou Je n’aurai pas le temps cité ci-dessus de Michel Fugain.

Un futur amortel ?

Dans le film de science-fiction Time Out, la technologie rend possible de ne pas vieillir. Les humains peuvent vivre des siècles avec le corps d’une personne parfaitement jeune. Mais chaque humain a en lui un compteur électronique qui le tue s’il arrive à 0. Le temps de chaque compteur peut s’acheter, se vendre, se voler dans une société socialement extrêmement divisée.

Mais à la fin de l’histoire, grâce à la révolte du héros, les horloges s’arrêtent. Dans ce récit les « bons », victimes des marchands du temps, l’emportent contre les « méchants ». C’est aussi une victoire dans un monde qui s’annonce sans vieillissement.

Mr. Nobody, en 2009, fut le premier film d’anticipation à diffusion large dans laquelle les êtres humains « normaux » sont ceux qui vivent sans vieillir. Et le héros est, à 118 ans, le dernier homme à mourir de vieillissement. 

Kim Stanley Robinson est l’auteur de La Trilogie de Mars. Les scientifiques y ont développé des traitements qui leur permettent de vivre plus de 200 ans. Ceci n’empêche pas les accidents, il y a des difficultés de santé et cela n’est pas une vie illimitée, mais cela rend la vie plus aisée dans un monde étranger.

Renaître ou rajeunir sans limites ?

2001, l’Odyssée de l’espace est, pour beaucoup, le meilleur film de science-fiction jamais réalisé. À l’extrême fin du film, le héros après s’être vu comme un vieillard semble renaître en tant que bébé. Et dans le livre, écrit parallèlement au film, la dernière phrase illustre l’espoir de ce que nous ne pouvons même pas imaginer encore. Il était maintenant maître du monde, et il n’était pas très sûr de ce qu’il allait faire ensuite. Mais il lui viendrait bien une idée.

Le film Cocoon est un beau récit de science-fiction optimiste. Des personnes âgées dans une maison de retraite en Floride découvrent une piscine avec d’étranges pierres qui régénèrent leurs corps. Ces pierres sont en fait extra-terrestres. Les visiteurs permettent à ceux qui le souhaitent de quitter la terre pour leur monde lointain. Les retraités, sauf un, préféreront l’espace à la décrépitude.

La série née durant les années 60 Doctor Who est la plus longue série de science-fiction de tous le temps. Son impact a été considérable. Le docteur héros du film est un extra-terrestre qui peut se régénérer après sa mort, revenir dans un autre corps et ceci pendant des siècles.

Dans le très beau cycle de romans Le Fleuve de l’éternité du grand écrivain de science-fiction Philip K. Farmer, les humains qui ont vécu depuis le début de l’humanité (et même d’autres espèces d’hominidés) ressuscitent dans un monde organisé autour d’un fleuve immense. Dans ce monde, créé par des êtres surhumains, la mort est impossible et mène à une résurrection systématique. Certains le regrettent, mais la majorité des humains s’en accommodent fort bien.

Sagesse et religion pour une longévité sans limites ?

Dans certains récits, des extra-terrestres ou des êtres différents des humains vivent extrêmement longtemps. Ceci les rend plus sympathiques car ils ont eu le temps d’accumuler de la sagesse. C’est le cliché du « vieux maître » qui est plutôt positif. La longévité est sereine voire rigolarde. L’exemple le plus célèbre est celui de maître Yoda dans Star Wars qui est âgé de plus de 800 ans. Mais il y a aussi notamment Nicolas Flamel dans Harry Potter à l’école des sorciers, Elrond dans les romans de J.R.R. Tolkien et, pour les plus jeunes, le Grand Schtroumpf âgé de 542 ans.

Et puis ne l’oublions pas. Que nous soyons croyants, athées ou agnostiques, nous connaissons tous les récits de vie paradisiaque associés à une vie sans fin. Selon ces récits, les humains pourraient exister au-delà de la mort. Et dans ces visions, même si l’existence dure souvent l’éternité, l’ennui, la décrépitude, la lassitude, … n’apparaissent pas.

En effet, les religions, presque sans exception, nous expliquent ce qui se passe après le décès. Et beaucoup de ces futurs sont radieux pour les fidèles qui se sont bien comportés. C’est le paradis des chrétiens ou des musulmans, le Valhalla des Nordiques, les Champs Elysées des Grecs anciens, les champs d’Ialou de l’Egypte ancienne, le ciel et les terres d’immortalité des taoïstes, …

Les récits positifs concernant une vie beaucoup plus longue sont donc innombrables. Les progrès techniques, humains et de santé nous permettent déjà une vie beaucoup plus radieuse et nettement plus longue que nous n’aurions pu rêver il y a quelques siècles. L’actualité nous montre que les avancées restent fragiles. Et elle nous montre que nous pouvons nous mobiliser plus que nous l’aurions cru pour progresser ensemble.


La nouvelle du mois : La lutte contre le Covid-19 plus intense encore


Comme déjà mentionné dans la lettre du mois passé, jamais, dans l’histoire de l’humanité, une maladie n’aura été combattue aussi rapidement, avec autant d’énergie, de moyens scientifiques, économiques, politiques et financiers.

Aujourd’hui, c’est principalement le confinement qui sauve des vies, une technique multimillénaire. Mais les essais cliniques s’accélèrent. Les recherches à propos d’immunité, de vaccins, de cellules-souches, d’antiviraux, d’anticorps, n’ont jamais été aussi nombreuses. Le travail se fait également avec plus d’interactions et de mise en commun des connaissances que jamais. Demain, cela sera probablement avec plus de coopérations. Cela pourrait se faire au niveau de l’Organisation mondiale de la Santé ou par d’autres organisations avec une dimension internationale telle que celle annoncée récemment par des organismes publics et privés américains et européens.

Rappelons-le : le virus peut atteindre presque tout le monde, mais il ne tue quasiment que des personnes âgées ou très âgées. Demain, quand le virus sera vaincu ou dompté, les personnes âgées ne seront pas épargnées par les autres maladies. Il sera nécessaire que les moyens humains et matériels soient alors orientés pour permettre aux aînés la santé telle que définie par l’OMS un état de complet bien-être physique, mental et social [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.


Pour en savoir plus :