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La mort de la mort N° 142. Tout ce qui ne te tue pas te renforce-t-il ? L’hormèse. Janvier 2021

J’évoquais (…) les travaux des prix Nobel de 2009, Blackburn, et Greider (…) qui dans leur conférence de presse sur les télomérases nous ont dit:  (…) On va vivre entre 300 et 600 ans. Je dis cela devant un parterre de patrons qui éclate de rire. (…). Vous les prendriez ces gélules ? Mais bien sûr, je les prendrais. Evidemment! Roselyne Bachelot (ancienne ministre de la santé) en 2016. Pourquoi Google veut-il nous rendre immortels ?  


Thème du mois : Tout ce qui ne te tue pas te renforce-t-il ? L’hormèse .


L’hormèse est un principe biologique qui nous permet d’améliorer naturellement les fonctions de notre corps, sa résistance, son immunité… C’est en fait une aide précieuse pour se maintenir en forme, face aux effets de l’âge.

C’est un sujet particulièrement d’actualité vu l’importance de bonnes défenses immunitaires pour éviter ou limiter l’impact des infections virales. Encore peu connue, l’hormèse fait l’objet de nombreuses études scientifiques depuis une vingtaine d’années.

L’hormèse, comment ça marche ?

À la base, l’hormèse est une stimulation des défenses biologiques d’un organisme vivant, en réponse à une faible dose de toxines ou d’un autre agent générateur de stress. Ceci existe chez tous les êtres vivants, à commencer par la simple cellule.

En pratique, la règle est simple : Soumettez votre corps à un stress intense et inhabituel, généralement de courte durée, suivi d’un temps de repos et de récupération, et il se renforcera, pour s’adapter et mieux résister la prochaine fois. Ceci illustre bien la citation de Nietzsche : « Ce qui ne tue pas, rend plus fort ».

Ce stress peut être une substance toxique, une exposition à une température extrême ou à des radiations, un effort musculaire inhabituel, une contrainte physique ou psychologique, une privation de nutriments ou d’oxygène, qui retentit directement sur le fonctionnement de nos cellules.

L’hormèse a pour conséquence paradoxale que le confort accru de notre vie quotidienne n’améliore pas toujours notre santé. Chauffage ou climatisation en permanence, nourriture « calibrée », déplacements motorisés, environnement aseptisé… notre confort moderne peut nous affaiblir. 

L’hormèse va tout d’abord améliorer nos fonctions d’adaptation à l’environnement et aux contraintes extérieures : régulation de la température du corps, résistance musculaire, utilisation des nutriments, création ou stockage d’énergie au sein de nos cellules …

Ce faisant, elle renforce d’autres grandes fonctions vitales (circulatoires, immunitaires, réparatrices, nerveuses…). 

Il ne faut pas confondre le stress de courte durée, plutôt salutaire, avec le stress chronique. Ce dernier accentue le vieillissement et débouche souvent sur la maladie (notamment le stress psychologique permanent, fréquent de nos jours).

Voici l’illustration du phénomène. En dessous d’un certain seuil, la stimulation par le stress est trop faible pour induire un renforcement de l’organisme, mais au-dessus d’un deuxième seuil, il existe un risque de toxicité ou de dégradation.

La « zone hormétique » varie selon les individus et dépend notamment de leur état de forme physique et psychologique.

La dose (ou l’intensité) d’un stress biologique ou d’un nutriment est donc essentielle pour déterminer si elle aura des effets bénéfiques ou toxiques. La citation célèbre de Paracelse au 16e siècle « Tout est poison et rien n’est sans poison; la dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison. » a été complétée au 19e siècle selon la loi dite de Arndt-Schulz : « Pour toute substance, de faibles doses stimulent, des doses modérées inhibent, des doses trop fortes tuent.« 

À ce jour, on ne comprend pas complètement comment l’hormèse peut améliorer la durée de vie. Beaucoup de procédés dits « anti-âge » agiraient en fait par le mécanisme de l’hormèse (c’est le cas par exemple de la restriction calorique, ou de la prise de rapamycine).

L’hormèse s’applique-t-elle à toute substance ou action toxique à forte dose ? Probablement pas. Par exemple, pour les perturbateurs hormonaux, les études semblent démontrer qu’il y a accumulation des effets toxiques même avec des doses très faibles.

Les substances phytochimiques des plantes

Les substances phytochimiques telles que les alcaloïdes, les polyphénols et les terpénoïdes activent les mêmes processus que la restriction calorique, le jeûne et l’exercice. De nombreux effets bénéfiques des fruits et légumes peuvent donc être dus à l’activation des voies de résistance au stress par les substances que les plantes sécrètent pour se protéger.

La caféine, l’EGCG (thé vert), la curcumine, la glucosamine, les polyphénols, les polysaccharides, la quercétine (oignon), le resvératrol (raisin et vin), la spermidine (soja, champignon) et le sulforaphane (brocoli) sont des molécules qui produisent des effets hormétiques.

Par exemple, une faible dose de sulforaphane protège les cellules contre le stress oxydant, une dose plus élevée de ce composé a des effets toxiques sur les cellules qui entraînent la mort cellulaire. De même, une faible dose de resvératrol (2 mg/kg) réduit les ulcères d’estomac induits par l’inflammation chez les souris, alors que des doses plus élevées (5 et 10 mg/kg) augmentent la formation d’ulcères et des marqueurs de l’inflammation.

Hormèse et polluants

Les molécules chimiques PFAS, également surnommées polluants perfluorés ou polluants éternels, font partie de notre quotidien. Il a été montré depuis les années 2000 que ces éléments contaminent les écosystèmes, et ce même dans des zones très éloignées des activités humaines, telles que les régions Arctiques.

Or, une étude du Centre d’études biologiques de Chizé et de ses partenaires norvégiens a montré que l’exposition à ces polluants est associée à une plus faible érosion des télomères et à une survie accrue chez un oiseau marin de cette zone. Ces résultats surprenants ont été publiés en juillet 2020. Cette étude est la première à faire le lien entre les télomères, mécanisme majeur du vieillissement, la longévité et la contamination par ces polluants, de plus en plus présents en Arctique.

Hormèse et radiations

Selon l’hypothèse de l’hormèse des radiations, de faibles doses de radiations peuvent stimuler l’activation de mécanismes de réparation qui protègent contre les maladies et qui ne sont pas activés en l’absence de radiations ionisantes.

Par faible dose, on entend ici des petites doses supplémentaires comparables au rayonnement de fond normal (10 µSv = dose quotidienne moyenne reçue du fond naturel). Étant donné qu’à fortes doses, les effets négatifs sont irréfutables, il doit exister un seuil entre les effets bénéfiques et les effets négatifs des rayonnements. Ce seuil est connu sous le nom de point équivalent zéro (ZEP).

Hormèse et augmentation de l’immunité

Notre système immunitaire se renforce avec les expositions répétées aux agents microbiens (par exemple, les enfants jouant dans la terre ont moins d’infections que ceux qui vivent dans un environnement plus « aseptisé »).

Le principe d’hormèse se retrouve aussi dans les traitements de désensibilisation des allergies ou de vaccination. On expose les sujets à une très faible quantité d’agent pathogène pour que leur corps apprenne à y résister. Un peu comme le roi Mithridate qui, craignant d’être empoisonné, buvait une petite quantité de poison chaque matin.

Il a été montré que l’hormèse déclenchée par l’exposition au chaud (sauna), pouvait améliorer l’immunité générale. Celle déclenchée par l’exposition brève au froid peut rendre le système immunitaire capable de mieux répondre aux infections et toxines bactériennes.

Certains médicaments ont une action de protection contre les maladies infectieuses, fonctionnant selon ce principe, qui augmente la résistance à l’infection. Les dégâts infectieux sur les tissus du corps sont alors diminués, sans que la substance n’ait eu d’action directe sur les agents pathogènes .

Les remèdes dits « adaptogènes » (comme le ginseng) agiraient dans ce sens, en demandant au corps un effort d’adaptation au produit, qui sera suivi d’un renforcement de l’immunité et d’une amélioration générale de la capacité d’adaptation au stress.

Fabrication de fibres musculaires

L’effort intense, même de courte durée, va stimuler la fabrication de muscles. Cette synthèse musculaire qui s’étiole avec l’âge et ses modifications hormonales, trouvera dans l’hormèse une aide précieuse.

La circulation sanguine et lymphatique

L’hormèse peut contrer la diminution progressive du volume sanguin circulant qui est liée au vieillissement, et source de maladies et de dégénérescence. Si l’on parle le plus souvent d’efforts physiques ou intellectuels brefs et répétés comme déclencheurs, l’apport de certaines substances nutritionnelles (notamment végétales et appelées « hormétines »), induisent un stress digestif qui peut aussi lancer l’hormèse. En fait elles demandent un effort particulier à notre tube digestif car elles sont tout simplement difficiles à digérer.

Hormèse et  capacités cognitives

Les phénomènes liés à l’hormèse luttent contre la neurodégénérescence du sujet âgé. Ainsi, dans certaines conditions, la cigarette pourrait avoir un effet protecteur contre la neurodégénérescence comme la maladie de Parkinson ou d‘Alzheimer. Attention, cet exemple est extrême et les effets négatifs de la consommation de tabac l’emportent (bien sûr) largement sur les effets positifs.

La production des substances réactives de l’oxygène, lorsque des réactions d’oxydation  ont lieu dans notre corps, peut aussi déclencher une hormèse bénéfique. On sait pourtant que l’oxydation est liée au vieillissement, mais il faudrait, a priori, faire la différence entre des phénomènes d’oxydation ponctuels et ce que l’on appelle le « stress oxydatif » durable. Dans ce dernier cas, le corps se défend avec ses anti-oxydants.

En fait, cette hormèse là serait la résultante de plusieurs facteurs métaboliques dont la stimulation de l’autophagie, ce processus régénérant de nos cellules qui se déclenche notamment lors du jeûne. Notons, par la même occasion, que nombre de facteurs favorables à l’hormèse sont aussi favorables à l’autophagie : jeûne, exercice intense, substances adaptogènes.

Hormèse et alimentation

On classe aujourd’hui les jeûnes dans les inducteurs de l’hormèse. Au niveau cellulaire, notre corps possède en effet de puissants mécanismes d’adaptation à la privation de nutriments.

La restriction calorique, ou encore la restriction protéique sont des méthodes pour améliorer la longévité en bonne santé. Ainsi, en situation de privation de nutriments, le corps s’adapte en mettant en jeu plusieurs voies métaboliques, dont l’autophagie et se renforce en conséquence.

Un stress généré par une alimentation réduite (sans aller jusqu’à la malnutrition), voire par des périodes de jeûne, peut améliorer la santé et la longévité, au moins partiellement, au travers des processus d’hormèse.

Cependant, les effets de la restriction alimentaire semblent plus importants chez les animaux à vie courte et sont donc vraisemblablement assez limités chez l’humain, outre que la restriction calorique est fort difficile à suivre.

Hormèse et respiration

Priver nos cellules de leur oxygène vital leur crée un grand stress. Toutefois, si cela ne dure pas trop longtemps, l’hormèse va enclencher des mécanismes fort intéressants pour la santé. Dans l’autre sens, une hyperventilation qui va accroître le taux d’oxygène sanguin, peut aussi activer l’hormèse.

Il a été montré, par exemple que réduire momentanément la circulation sanguine (comme on le fait souvent avant une chirurgie cardiaque), pouvait protéger le coeur et le cerveau.

Hormèse et esthétique du corps

On cherche bien entendu beaucoup à améliorer la peau par des soins esthétiques. Depuis longtemps, ces soins pour revitaliser et avoir un effet rajeunissant sur la peau utilisent les principes de l’hormèse. Divers soins exfoliants (comme les peelings), les microtraumatismes répétés par piqûres et autres claques du visage, sont proposés pour lutter notamment contre le relâchement cutané.

L’hormèse en pratique

Mettre en pratique l’hormèse, c’est sortir de sa zone de confort pour une durée limitée et ensuite récupérer avec un temps de repos où le corps se renforce … à condition   de respecter certaines doses. 

Par exemple :

  • Exposition au froid : certains prendront un bain glacé de 3 minutes, d’autres se doucheront simplement à l’eau froide.
  • Exposition à la chaleur par le sauna.
  • Exercice de haute intensité : L’effort est totalement différent d’une personne à l’autre, selon ses capacités physiques et son état du moment. De même pour la musculation, le yoga…).
  • Alimentation : certains sauteront un repas (jeûne intermittent), d’autres ne mangeront pas pendant plusieurs jours. Pour d’autres, certains alcools à petite dose ont un effet positif.

Conclusion et perspectives

Le proverbe « Tout ce qui ne te tue pas, te renforce » est joli, rassurant pour ceux qui ont subi des traumatismes, mais est malheureusement faux si les doses adéquates ne sont pas respectées.

Ainsi, les personnes qui ont survécu à la famine du dernier hiver de la seconde guerre mondiale aux Pays-Bas et même leurs descendants ont eu une moins bonne santé. Ainsi surtout aujourd’hui, les personnes qui ont été atteintes de la Covid auront presque certainement une espérance de vie moins longue.

Votre grand-mère vous le disait peut-être déjà: Ni trop, ni trop peu. Mais le dosage, le « fine tuning » des substances et actions utiles à la longévité nécessite des recherches considérables.

Déterminer si des substances toxiques le sont ou pas à très faibles doses et à partir de quelles doses est très important. D’autant qu’il y a des intérêts financiers, politiques et idéologiques considérables en jeu.

Ici, comme dans d’autres domaines, le débat sur le principe de précaution devrait rejoindre celui sur le principe de « proactivité ». Il ne s’agit pas seulement d’empêcher ce qui pourrait être dangereux, mais de déterminer ce qui pourrait être utile et comment. Les données massives de santé (big data), les expérimentations rigoureuses nouvelles avec des volontaires informés et l’étude scientifique et médicale des mécanismes physiques, physiologiques, génétiques, etc., le permettent. Ils devraient nous faire progresser vers une vie en bonne santé beaucoup plus longue.


Les bonnes nouvelles du mois : Soutien financier aux recherches par des citoyens et livres relatifs à la lutte contre le vieillissement


La campagne de dons “Unlock Longevity” organisée par la SENS Foundation  a récolté plus de 2 millions de dollars de donations privées pour soutenir les recherches les plus prometteuses !

Deux ouvrages font le point et défendent les avancées pour la réjuvénation. Dans le monde anglophone, le livre Ageless: The New Science of Getting Older Without Getting Old du docteur Andrew Steele a notamment été commenté dans le Guardian. Dans le monde francophone, l’ouvrage La mort de la mort. Les avancées scientifiques vers l’immortalité de José Cordeiro et David Wood, a largement été abordé dans la presse.


Pour en savoir plus :

La mort de la mort. N° 141. Les cosmétiques et la longévité. Décembre 2020

L’être humain est composé à 50% de micro-organismes qui l’aident à fonctionner. Cette découverte va nous permettre, dans les années à venir, de mieux comprendre comment la peau nous protège, évolue et vieillit.

 Véronique Delvigne, Lancôme.


Thème du mois : Les cosmétiques et la longévité


L’histoire des cosmétiques

C’est avant tout l’histoire d’un regard, le regard que nous portons sur nous-mêmes, le regard que nous portons sur les autres. De la Préhistoire à nos jours, ce regard a changé, dictant des modes et édictant des règles qui tour à tour paraissent obsolètes ou, bien au contraire, le comble de la modernité. 

Tout cela a commencé il y a environ 12.000 ans lorsque les anciens Égyptiens ont découvert les capacités de guérison des huiles parfumées. À partir de ce moment, leur industrie cosmétique s’est développée, au point où elle est devenue une partie importante de leur religion. Les dieux ont été honorés par l’ensemble de la population avec une large utilisation des cosmétiques. Presque tout le monde a utilisé des huiles, des eyeliners et des produits similaires, pour améliorer l’apparence. Même si certains de leurs ingrédients étaient toxiques, l’attrait des cosmétiques n’a pas diminué.

Les cosmétiques ont trouvé aussi leur chemin en dehors de l’Égypte. Ils ont atteint une grande popularité en Grèce et à Rome. Dans la “ville éternelle”, il fut même un temps où les femmes n’étaient pas considérées comme belles si elles ne portaient pas de cosmétiques. Cela a conduit à l’inflation des prix. Des femmes riches ont investi des fortunes dans des produits cosmétiques coûteux en provenance de l’Inde et du Moyen-Orient. Cependant, à un moment donné, beaucoup ont commencé à les considérer comme extravagants et non nécessaires. Pour lutter contre l’épidémie des cosmétiques, le Sénat romain a promulgué la loi “LexOppia” de 189 avant J.-C qui interdit les expositions publiques de produits cosmétiques et de vêtements féminins extravagants dans toutes les villes de la République romaine.

L’âge des ténèbres en Europe a été l’époque où les cosmétiques ont presque disparu de la pratique publique. En raison de la tradition des prostituées d’utiliser des quantités excessives de cosmétiques pour cacher leur âge et exagérer leur beauté, les cosmétiques ont été totalement abandonnés par la majorité de la population européenne pendant des siècles. Les rois et les reines ont fait des déclarations publiques pour dire que le port de cosmétiques n’était pas décent, les responsables de l’Église ont répandu la croyance que les cosmétiques sont utilisés uniquement par les païens et les adorateurs de Satan et, pendant très longtemps, seuls les acteurs de scène étaient autorisés à les utiliser, mais seulement pendant leurs représentations.

La cosmétique en quête de science

Les cosmétiques et les produits de soin occupent une place importante dans notre quotidien. Ainsi, chaque jour, le consommateur belge utilise près de 18 grammes de produits de soins

Jadis, la noble dermatologie ignorait la futile cosmétique. Mais aujourd’hui la cosmétique se médicalise tandis que la dermatologie profite des innovations des industriels de la beauté. Témoin de ce rapprochement : l’essor du terme dermocosmétique (en anglais cosmeceutical), promu par les industriels comme caution médicale à leurs produits.

Le virage de la cosmétique vers la recherche a été entamé au début des années 80, quand les biologistes ont fait irruption dans un domaine jusque-là aux mains des chimistes et des pharmaciens, portant sur la peau un regard différent : non plus une simple barrière séparant le corps de l’extérieur, mais un véritable organe aux propriétés immunologiques, sensorielles et physiologiques complexes.

Une série d’innovations a rythmé ce virage vers la recherche : introduction en 1984 de la vitamine A acide, aujourd’hui molécule reine des anti-âges, premières cultures de peau en 1985 et, l’année suivante, lancement par Dior des liposomes, ces vésicules lipidiques qui transportent le principe actif jusqu’à la zone à traiter. Cette cascade d’innovations s’est accompagnée d’un envol des dépenses en recherche et développement. L’Oréal, numéro un mondial de la cosmétique, a ainsi triplé son budget de recherche en dix ans pour atteindre 985 millions d’euros en 2019. En moyenne, le secteur de la cosmétique dépense 4 % de son chiffre d’affaires en recherche et développement. Attention, cela reste cependant négligeable par rapport aux dépenses publicitaires.

Le point sur les dernières avancées anti-âge…

Décryptage biologique

Chaque année apporte son lot d’innovations quant au vieillissement de la peau. Mais les chercheurs font actuellement de telles découvertes que la cosmétique anti-âge pourrait s’en trouver complètement bouleversée : « Nous avons d’un côté le séquençage de l’ADN, de toutes nos cellules et de notre microbiome, qui nous donne de nouvelles informations capitales sur le fonctionnement de la peau. Et de l’autre, la bio-informatique qui nous permet aujourd’hui de compiler (via de super-ordinateurs) des milliards de données biologiques provenant d’études réalisées sur toute la planète, résume Véronique Delvigne, directrice de la communication scientifique de Lancôme.

Microbiome 2.0

Les connaissances évolutives sur le microbiome nous donnent une lecture totalement différente de notre fonctionnement et de celui de la peau en particulier. Nous savons aujourd’hui que nous sommes à 50% composés de micro-organismes (bactéries, levures, virus) et que ce microbiote nous protège des agressions, synthétise des antioxydants, renforce notre système immunitaire et aide à la cicatrisation. Il communique aussi avec toutes les cellules de notre corps, et donc de notre peau, pour leur dicter leur conduite. Chez L’Oréal, 9 centres de recherche et 50 chercheurs planchent déjà sur le sujet.

Pilotage microscopique

Le microbiote serait effectivement capable de contrôler nos déséquilibres internes, les zones d’inflammation, les brèches de la peau ou les attaques de radicaux libres. L’idée étant d’apprendre justement à piloter les micro-organismes pour qu’ils aillent réparer les zones abîmées ou irritées. La société Seed affirme que ses probiotiques seraient « dressés » pour se greffer sur les intestins et agir sur les zones enflammées au lieu de les traverser inutilement.

Kit de prévision du vieillissement

Aux États-Unis, la banalisation des kits de décodage ADN permet désormais de traiter le vieillissement dermatologique comme un classique problème de santé. L’état de la peau est décrypté non seulement à partir de son capital génétique, mais aussi de l’état de son microbiote du moment, de son moral et de son mode de vie… Les résultats donnent une vision de chacun à 360°, compressée sous forme d’une banque de données. Passée aux filtres de l’intelligence artificielle, cette base d’informations permet de prédire les zones à risque, les niveaux d’inflammation ou l’efficacité des différentes familles de probiotiques. À domicile, les kits permettent déjà de découvrir nos prédispositions à certaines allergies, maladies ou à la façon dont on va vieillir. Les tests de Lifenome, par exemple, sont supposés prédire une aptitude naturelle pour la course à pied ou une tendance à la ptôse cutanée avec, à la clé, des recommandations ultra-ciblées de fitness, nutrition ou soin de peau. Les kits d’EverlyWell, quant à eux, se concentrent sur les allergies alimentaires, les niveaux de DHA et le métabolisme du corps.

Crème anti-âge à base de sénolytiques

Les cellules sénescentes nuisent au fonctionnement et à la santé des tissus lorsqu’elles s’attardent et se multiplient, comme c’est le cas avec l’âge. Elles contribuent à l’inflammation chronique associée à la sénescence. Dans la peau, les cellules sénescentes sont très probablement responsables d’une fraction importante du vieillissement cutané, perçu comme plus problématique à partir de la cinquantaine.

Ainsi, OneSkin met à disposition un traitement sénolytique. Ceci des années avant l’approbation par la FDA de l’un des programmes visant à détruire les cellules sénescentes dans tout le corps.

Le collagène, la protéine qui maintient jeune

Le collagène est une protéine qui donne résistance et élasticité à la peau, aux os, aux muscles, aux cartilages et aux ligaments.

Elle est aujourd’hui l’objet d’un marketing intense : crèmes de beauté, boissons, poudres, compléments alimentaires. Évidemment ! Chacun aimerait être à nouveau bourré de collagène comme les enfants avec leurs joues douces, leur peau de pêche et leurs articulations souples.

Malheureusement, notre production de collagène décroît avec l’âge. De plus, les protéines de collagène présentes dans notre corps se dégradent sous l’effet des rayons solaires, de la pollution, des radicaux libres et de la malbouffe.

Le collagène, en particulier, est vulnérable à l’excès de sucre. Il s’abîme aussi beaucoup sous l’effet des AGE (Advanced glycation end-products). Les AGE sont des molécules toxiques contenues dans le « grillé » des viandes et des fritures, que nous consommons trop.

À cause du non-renouvellement du collagène, les personnes âgées subissent une sorte de délabrement général de l’organisme. Cela pose problème à tous les niveaux : ostéoporose, arthrose, vieillissement des tissus (rides).

Une des fonctions les plus connues (et les plus recherchées) du collagène concerne les rides. Une sur des femmes de 35 à 55 ans a montré une augmentation de l’élasticité de la peau en 4 semaines, sous l’effet d’un complément d’hydrolysat de collagène. Le même fabricant a fait une autre étude qui a montré une diminution des rides en huit semaines.

Le « bien-vieillir », une évolution de l’anti-âge avant d’aller plus loin ?

L’anti-âge est la tendance fondamentale du secteur qui se retrouve chez toutes les marques sous forme de crèmes de jour/nuit, sérums, masques, sprays, maquillage, etc. Les consommateurs sont amateurs de produits de soin permettant de réduire leurs rides, d’unifier et d’illuminer leur teint, d’atténuer les taches pigmentaires, en résumé : de limiter, voire réparer les signes de l’âge.

Cependant, les produits cosmétiques restent dédiés à un usage quotidien de surface qui permet d’améliorer l’apparence de la peau pour un temps limité. Ce ne sont pas des médicaments ou des actes chirurgicaux invasifs qui permettent d’inverser totalement les effets de l’âge. Les revendications anti-âge des marques sont d’ailleurs de plus en plus contrôlées avec des pays, comme les États-Unis, le Canada et de nombreux pays d’Europe, qui réglementent l’apparition de ces revendications sur les emballages et limitent l’étendue des termes utilisés.

La tendance actuelle est à l’acceptation de soi, au respect de son corps et à son accompagnement au quotidien dans le bien-être. Dans ce contexte, les articles se multiplient sur la notion de « bien-vieillir » qui vient nuancer le classique « anti-âge ».

Depuis des milliers d’années, les femmes et les hommes cherchent à préserver des ans l’irréparable outrage, pour leur apparence physique comme pour leur santé. La cosmétique n’a eu à ce sujet qu’un rôle … cosmétique. Pour aller plus loin, les connaissances, notamment en termes de génétique, d’analyse massive de données, de compréhension de l’ensemble des organismes qui nous composent, sont nécessaires à des avancées radicales pour une durée de vie en bonne santé beaucoup plus longue.


La bonne nouvelle du mois :


Les données massives dans le domaine de la santé sont de plus en plus interconnectées. Ceci est positif pour progresser contre les maladies liées au vieillissement. Il s’agit notamment de comprendre mieux pour mieux lutter contre la Covid 19 qui poursuit malheureusement sa croissance meurtrière ces dernières semaines.

L’évolution positive globale se remarque notamment:

En France, la  Plateforme des données de santé ou Health Data Hub permet la mise en commun de très nombreuses données de santé. Certains projets concrets progressent. Mais il faudrait plus de confiance du public. Ainsi, Emmanuel Bacry Chief Scientific Officer du Hub, déclarait le 9 décembre 2020: << Je pense que c’est extrêmement important de bien expliquer aux citoyens ce que cela signifie de partager les données, leur expliquer vraiment quel serait le véritable risque du partage de données, mais aussi son avantage, qu’est-ce qu’on peut en espérer. (…) Il peut y avoir des fantasmes positifs. Grâce à l’intelligence artificielle, je vais vivre jusqu’à 200 ans. Il y a des fantasmes négatifs. Mes données vont être prises par les sociétés d’assurance et on va m’évaluer, me noter. »

En Finlande, depuis quelques mois, l’ensemble des données de santé sont reliées via un organisme public appelé FinData. Il faut noter le vaste consensus qui existe lorsque les garanties de la puissance publique, de l’intérêt scientifique et de l’absence d’intérêt commercial sont intégrés dans le projet. Le système prévoit que les citoyens qui le souhaitent peuvent ne pas être « répertoriés (« opt out »). Mais, au 10 novembre 2020, moins de 200 personnes sur environ 6 millions de citoyens finnois ont souhaité que leurs données ne soient pas accessibles – selon Johanna Seppänen, directrice de l’institution.

Au niveau européen, les avancées concernant « l’espace européen de données » sont rapides. Un texte relatif à de nouvelles règles pour le partage de données au sein de l’Union est en cours d’élaboration, avec un texte relatif à la santé projeté pour début 2021. L’avancée la plus positive est peut-être plus en termes d’idées qu’en termes techniques. L’union européenne propose un nouveau concept celui de « base de données altruiste » géré par des organisations sans but lucratif.

Aux États-Unis, le projet « All of Us » a pour but de mettre en commun des données étendues de santé d’un million de volontaires. Des résultats liés aux échantillons biologiques de 270.000 personnes déjà actives sont depuis peu accessibles aux chercheurs et aux volontaires eux-mêmes.


Pour en savoir plus :

La mort de la mort N° 140 Les tests cliniques et la longévité. Novembre 2020.

Il serait plus utile de trouver comment rendre définitivement notre génome à l’abri de tous les soucis plutôt que de rechercher des solutions palliatives.

Certains spécialistes de l’éthique croient être seuls sur ce qu’ils pensent être la bonne voie du progrès ! La voie lente qui laissera derrière elle des milliards de morts faute de soins préventifs/curatifs que des modifications du génome auraient permis.

Cette vision m’exaspère, car les malades ont besoin de solutions concrètes et non de bobards moraux.

Arnaud D. Militant longévitiste, courriel privé en novembre 2020.


Thème du mois : Les tests cliniques et la longévité


 

Essais cliniques

Les essais cliniques constituent une phase essentielle du développement des nouveaux médicaments. À mi-chemin entre la recherche en laboratoire, sur des cellules en culture ou des animaux (rongeurs, singes…), et la prise en charge du patient, ce long processus se déroule en plusieurs phases et permet de s’assurer que les bénéfices soient supérieurs à d’éventuels risques. C’est un élément indispensable dans l’élaboration des données massives pour la santé et la longévité.

Les essais cliniques permettent notamment de déterminer les populations pour lesquelles le médicament est le plus efficace et les conditions optimales d’utilisation (voie d’administration, concentration, posologie, …). Il existe trois phases dans ces essais cliniques, nécessaires avant que la molécule puisse être autorisée à la vente comme médicament ; plus une quatrième après la commercialisation du produit.

Phase 1, l’évaluation de la toxicité de la molécule

L’essai clinique de phase 1 correspond à la toute première utilisation d’une nouvelle molécule chez l’homme. Elle peut éventuellement donner lieu à rémunération. La molécule est testée sur une période courte, de quelques jours à quelques mois et sur un nombre restreint de personnes, pas plus de quelques dizaines.

L’essai de phase 1 a pour objectif de procéder à une évaluation à court terme de la sécurité d’emploi du produit, c’est-à-dire son éventuelle toxicité, son devenir à court terme dans l’organisme et un premier profil pharmacocinétique.

En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) établit que, dans ce type d’essai de première administration, « la première dose administrée de la nouvelle substance active ne doit entraîner aucun effet toxique détectable à court terme ». Selon le Leem (association des entreprises du médicament), 30% des produits testés échouent à passer cette première phase.

Phase 2, l’efficacité et la posologie optimale étudiées

Une fois la toxicité étudiée, c’est l’efficacité du produit qui est évaluée dans les essais de phase 2. Ce type d’essais est réalisé sur de petits groupes homogènes de 10 à 40 patients atteints de la maladie ciblée sur une durée allant de quelques mois à 2 ans. Il s’agit notamment de déterminer la posologie la plus adéquate, la plus petite dose efficace pour une pathologie donnée, et d’optimiser la forme pharmaceutique du produit. Seulement un tiers des produits testés franchiraient les essais de phase 1 et 2.

Phase 3, l’étude du rapport bénéfice/risque du candidat médicament

Le candidat médicament est, cette fois, testé sur un large échantillon de patients (au moins plusieurs centaines), souvent dans des études à l’échelle internationale.  Il s’agit là de comparer le médicament en développement à un placebo (un médicament dénué d’activité thérapeutique) ou à un autre médicament ayant déjà fait ses preuves. Idéalement cette phase doit être effectuée avec des groupes composés de manière aléatoire. L’objectif est de prouver l’efficacité et d’évaluer les rapports d’efficacité/tolérance et de bénéfices/risques de la molécule. Cette étape doit également permettre la mise en évidence d’éventuelles interactions avec toute autre médication simultanée.

C’est seulement après ces étapes de validation de la molécule que le médicament peut éventuellement obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). Entre 70% et 90% des médicaments entrant en phase 3 sont retenus pour une demande d’autorisation de mise sur le marché.

Phase 4, un suivi de longue durée après commercialisation

Cette étape supplémentaire est une phase de suivi du médicament désormais commercialisé. Les essais sont réalisés tout au long de la commercialisation du médicament et permettent d’approfondir la connaissance du produit en conditions réelles d’utilisation et de détecter les effets indésirables plus rares qui ne peuvent être détectés avant.

Réglementation européenne

Le règlement européen EU 536/2014 relatif aux essais cliniques (CTR), qui est entré en vigueur en 2019, entraîne un changement de taille pour les chercheurs européens. Les objectifs principaux de ce changement important dans la législation sont une simplification administrative et une harmonisation au niveau européen.

Via un portail central de l’UE, une seule demande (CTA, clinical trial authorization) devra être introduite par essai clinique par le promoteur de tous les États Membres prenant part à l’essai clinique. Un seul des États Membres sera désigné par le promoteur comme “État Membre Rapporteur” qui évalue la demande de façon centralisée et délivre ensuite un seul avis au promoteur et aux autres États Membres concernés.

Situation aux États-Unis

La Food and Drugs Administration (FDA), une agence du ministère américain de la santé et des services sociaux, protège la santé publique en assurant la sûreté, l’efficacité et la sécurité des médicaments à usage humain et vétérinaire, des vaccins et autres produits biologiques à usage humain, ainsi que des dispositifs médicaux.

Au cours des dernières décennies, la FDA a encouragé des pratiques d’inscription qui conduiraient à des essais cliniques reflétant mieux la population la plus susceptible d’utiliser le médicament si celui-ci est approuvé, principalement en élargissant les critères d’admissibilité. Malgré ces efforts, les difficultés de participation aux essais cliniques demeurent, et certains groupes continuent d’être sous-représentés dans de nombreux essais cliniques, notamment les personnes les plus âgées.

Il faut noter que le site Clinical Trials de la Bibliothèque nationale américaine de médecine est la référence officielle pour les tests cliniques déclarés qui se produisent où que ce soit dans le monde.

Comités d’éthique

La notion de protection des personnes dans les pratiques de recherche apparaît dans les années 1930. Après la Seconde Guerre mondiale, suite aux expérimentations atroces faites par des médecins nazis et de criminels de guerre japonais, une prise de conscience internationale s’opère en matière d’éthique des expérimentations humaines pour la protection des individus.

En 1947, le Tribunal international de Nuremberg a défini un code fait de dix règles, et universellement connu sous le nom de « Code de Nuremberg ». Ce Code « reconnaît » que l’expérimentation sur l’homme « pour le bien de la société » est admissible et stipule que « le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel ». Suivent en 1949, le Code international d’éthique médicale, et en 1964, la Déclaration d’Helsinki.

La plupart des pays où sont conduites des recherches cliniques possèdent actuellement leurs comités d’éthique à l’instar des pays de la communauté européenne et des États-Unis. Malheureusement, les autorisations éthiques sont souvent lentes et diffèrent encore même au niveau de l’union européenne selon les pays (et même parfois selon les régions). Conséquence: même en temps de Covid, certaines recherches sont encore considérablement ralenties.

La loi d’Eroom

La « loi » d’Eroom est l’observation que la découverte de médicaments devient plus lente et plus coûteuse au fil du temps, malgré les améliorations technologiques, une tendance observée pour la première fois dans les années 1980.

Le coût de développement d’un nouveau médicament double en gros tous les neuf ans (corrigé de l’inflation). Le coût actuel de développement d’un médicament basé sur une nouvelle substance est estimé à un milliard de dollars ! Afin de souligner le contraste avec les progrès exponentiels d’autres formes de technologie au fil du temps, cette conjecture a été délibérément qualifiée de loi de Moore à l’envers.

Auto-expérimentations

Le célèbre généticien George Church ne voulait pas attendre les résultats des essais cliniques. Dans ce qui semble être la première initiative de vaccin « science citoyenne », Preston Estep et au moins 20 autres chercheurs, technologues ou passionnés de science, dont beaucoup sont liés à l’université de Harvard et au MIT, se sont portés volontaires comme « rats de laboratoire ».

Pour mettre au point un vaccin, le groupe, qui se nomme Rapid Deployment Vaccine Collaborative, ou Radvac a étudié les rapports sur les vaccins contre le SRAS et le MERS, deux autres maladies causées par les coronavirus. L’objectif est de trouver « une formule simple que vous pourriez fabriquer avec des matériaux facilement disponibles », explique M. Estep. Ce vaccin, administré par voie nasale, pourrait créer ce que l’on appelle une immunité muqueuse, c’est-à-dire des cellules immunitaires présentes dans les tissus des voies respiratoires. Cette immunité locale pourrait constituer une défense importante contre le SRAS-CoV-2. Mais contrairement aux anticorps qui apparaissent dans le sang, où ils sont facilement détectables, les signes d’immunité muqueuse pourraient nécessiter une biopsie pour être identifiés.

Essais cliniques. Comment faire avancer la médecine. Le consentement, condition parfois un peu fictive.

Sans essai clinique, pas de nouvelles méthodes thérapeutiques, pas de nouveau médicament. Chaque année, des milliers de citoyens s’engagent dans des essais cliniques visant à tester de nouveaux médicaments.

Les essais cliniques doivent être menés sous la direction et la surveillance d’un médecin qui  doit clairement informer le volontaire et obtenir son consentement « éclairé »  sur l’objectif de la recherche, sa méthodologie, les bénéfices attendus, les contraintes et les risques prévisibles et le droit de refuser de participer à une recherche. Toute personne ayant consenti à participer à une recherche est libre de retirer son consentement à tout moment, et donc de stopper sa participation à la recherche.

La loi énonce clairement que l’intérêt des personnes se prêtant à une recherche clinique prime toujours sur ceux de la science et de la société. Dans ce domaine, nous sommes passés d’un extrême à l’autre, des abus de l’expérimentation humaine à des dispositions où même ceux qui acceptent de prendre des risques de manière informée pour le bien commun n’ont pas le droit le faire. Par ailleurs cette législation extrêmement lourde ne nuit pas à certains intérêts privés. Seules les grandes sociétés pharmaceutiques sont capables de réaliser les tests et de rémunérer les juristes et personnels administratifs coûteux et chronophages. Les petits concurrents sont donc éliminés (ou absorbés), quelle que soit la valeur de leurs idées.

Enfin, il faut faire remarquer que, pour des personnes gravement malades à l’hôpital à qui on propose un traitement expérimental, quoi qu’il arrive, le consentement éclairé se résume au mieux à « Nous vous proposons un traitement pour lequel nous pensions que vous avez plus de chances de survie (ou d’amélioration). Vous êtes libres de courir cette chance ou d’augmenter vos risques de mourir ». Comme le patient  restera quand même dans le même établissement s’il refuse, même si le médecin est de parfaite bonne foi, cela limite le caractère « libre ».

Question de brevets et intérêts financiers (exemple belge)

En 2018, 162 demandes de brevets pour des médicaments et/ou vaccins ont été introduites en Belgique (+ 30 % par rapport à 2017), 507 nouvelles études cliniques ont été démarrées et 1.399 études de médicaments ont été menées. L’an passé, près de 3,6 milliards ont été investis dans la recherche en Belgique par les entreprises (bio)pharmaceutiques.

Trois essais cliniques sur quatre (77 %) sont organisés et financés par les entreprises (bio)pharmaceutiques elles-mêmes. Les 23 % restants sont effectués à l’initiative du secteur académique ou public. Cette proportion de financement privé est l’une des plus élevées en Europe. Les investissements publics directs pour la santé sont faibles. Les aides fiscales, sociales et autres permettant la privatisation de la recherche sont nombreuses.

Et les conséquences pour les recherches de longévité ?

Mesurer l’impact de thérapies pour des personnes âgées est complexe. Obtenir leur consentement « éclairé » est bien souvent impossible, notamment pour la lutte contre les maladies neurodégénératives.

Effectuer des tests cliniques pour lutter contre le vieillissement sera difficile notamment parce que des décès ou accidents lors de tests cliniques inspirent des craintes. Or, par définition, avec ou sans traitement, la mortalité et la morbidité seront plus élevées chez des sujets âgés.

Pourtant, comme nous l’avons vu pour les recherches relatives à la Covid, permettre une vie plus longue des personnes les plus âgées et les plus fragiles peut devenir une priorité presque absolue, même à un coût économique considérable. La confiance est globalement plus grande lorsque les recherches sont effectuées par des organisations sans but lucratif (publiques ou non), menant à des résultats de recherches pouvant bénéficier à tous, sans implication commerciale.

Il existe des millions d’hommes et de femmes jeunes, âgés, très âgés qui sont prêts à donner leur consentement éclairé (ou qui y étaient prêts lorsqu’ils étaient encore pleinement conscients) pour des progrès de longévité en bonne santé, même s’ils ne sont pas certains d’en bénéficier directement. De toute façon, en cas de traitement expérimental, ces personnes bénéficieront d’un suivi très détaillé, ce qui sera déjà presque toujours favorable à leur santé.


La bonne nouvelle du mois : Progressions pour les traitements de la Covid-19


Dans plusieurs pays dont la France et plus encore la Belgique, la mortalité globale de 2020 sera malheureusement supérieure à celle de 2019.

Heureusement, en cette fin d’année, les gigantesques efforts pour la recherche de vaccins permettent maintenant à des produits d’être utilisés non plus en phase test, mais sur la population générale, avec une efficacité forte annoncée et peu d’effets secondaires. Parmi les plus de 300 vaccins en développement dans le monde, trois sont déjà administrés à la population générale (deux en Chine et un en Russie) et trois approchent de ce stade pour le reste du monde (vaccins de consortia comprenant respectivement Pfizer, AstraZeneca et Moderna).

Nul doute que des discussions complexes s’annoncent à propos des choix, des prix ou des oppositions antivaccinales. Pour en arriver au stade où nous en sommes aujourd’hui, le chemin a pu paraître long. Cependant l’épidémie a moins d’un an. Jamais un vaccin contre un virus de la famille des coronavirus n’avait été réalisé avant celui-ci. Le développement d’un vaccin nouveau prend normalement des années.

Au rayon des nouvelles positives plus « incrémentales », grâce à la meilleure connaissance de la maladie et des thérapies, notamment pour les soins intensifs, la mortalité a diminué assez lentement, mais régulièrement pour les patients atteints.


Pour en savoir plus :

La mort de la mort N° 139. Les longévitistes les plus (re)connus. Octobre 2020

Moi, personnellement, si il y a des technologies qui permettent de prolonger ma vie, et que j’y ai accès, oui, je ferais le choix de les utiliser. Mais je pense aussi qu’il va justement aussi y avoir des questions individuelles parce qu’au nom de cette liberté, on va aussi créer des inégalités entre les êtres humains. (…) Il va y avoir un moment radical (par) la conjonction entre la thérapie génique  et la nanotechnologie (…) qui fait qu’on va avoir des traitements non seulement extrêmement performants pour traiter les maladies liées au vieillissement, mais aussi peut-être même pour stopper le vieillissement

Corinne Narassiguin, femme politique française, numéro 2 du Parti socialiste, notamment à propos des moyens envisageables pour que ces thérapies soient accessibles un jour à tous ceux qui le souhaitent.


Thème du mois : Les longévitistes les plus (re)connus


Évidemment, le choix ci-dessous est subjectif. C’est un tour d’horizon de quelques-uns des femmes et des hommes attachés à rendre possible une vie beaucoup plus longue et en meilleure santé. Ils se sont exprimés derrière les éprouvettes, dans leurs recherches académiques, mais aussi devant des caméras. La diversité de leurs approches illustre la difficulté et la richesse du travail dans ce domaine qui nous concerne tous.

Aubrey De Grey 

Aubrey de Grey, est un scientifique anglais, ancien informaticien à l’université de Cambridge et au départ autodidacte en biogérontologie. Il vit aujourd’hui en Californie.

Inspiré par la « théorie mitochondriale du vieillissement » émise par le Dr Denham Harman en 1972, il élabore le projet baptisé SENS (Strategies for Engineered Negligible Senescence) destiné à prévenir le déclin physique et mental lié au vieillissement.

Il propose de développer un moyen de régénérer les tissus cellulaires permettant de rajeunir et d’étendre l’espérance de vie humaine sans limitation de durée. Il aurait identifié sept causes du processus de vieillissement qui doivent être contrées afin de mener à bien ce projet.

Sur sa carrière passée d’informaticien (puis de bio-informaticien en génétique), Aubrey de Grey déclare :

Il y a des différences vraiment importantes entre le type de créativité d’un scientifique et celui d’un ingénieur technique. Cela signifie que je suis capable de penser de plusieurs manières très différentes, et de me retrouver avec des approches des choses qui sont différentes de la manière de penser d’un scientifique normal.

En 2007, il écrivit un livre, Ending Aging, avec Michael Rae, qui résume les enjeux scientifiques, politiques et sociaux du projet SENS. Il est le rédacteur en chef de la revue Rejuvenation Research. C’est aussi un génie multiple, capable à l’occasion de résoudre un problème mathématique resté sans solution pendant des décennies.

Irina Conboy

Irina Conboy est professeure à l’université de Californie, Berkeley, dans le département de bio-ingénierie. Sa découverte des effets rajeunissants du sang jeune par la parabiose dans un article fondateur publié dans Nature en 2005 a ouvert la voie à un domaine florissant de la biologie du rajeunissement. Son époux, Michael Conboy, travaille avec elle.

Une étude publiée en mai dans la revue Aging montre que des effets similaires d’inversion de l’âge peuvent être obtenus en diluant simplement le plasma sanguin de vieilles souris sans recours à du sang jeune.

Chez l’humain, la composition du plasma sanguin peut être modifiée par une procédure clinique appelée échange thérapeutique de plasma, ou plasmaphérèse, qui est actuellement approuvée par la Food and Drug Administration aux États-Unis pour le traitement de diverses maladies auto-immunes.

David Sinclair

David Sinclair est un biologiste australien qui est professeur de génétique et co-directeur du Paul F. Glenn Center for the Biology of Aging à la Harvard Medical School.

Il est connu pour ses recherches sur le vieillissement, il a été notamment nommé officier de l’Ordre d’Australie (AO) pour « services éminents rendus à la recherche médicale sur la biologie du vieillissement et de l’allongement de la durée de vie, en tant que généticien et universitaire, aux initiatives de biosécurité et en tant que défenseur de l’étude des sciences ».

Le Dr Sinclair est co-fondateur de plusieurs sociétés de biotechnologie (Sirtris, Ovascience, Genocea, Cohbar, MetroBiotech, ArcBio, Liberty Biosecurity) et siège au conseil d’administration de plusieurs autres. Il est également co-fondateur et co-rédacteur en chef de la revue Aging.

Il travaille notamment sur des substances appe­lées sirtuines, une classe d’en­zymes qui agissent comme des « agents de la circu­la­tion », mobi­li­sant un grand nombre de protéines afin de répa­rer et défendre les cellules.

Miroslav Radman

Miroslav Radman aime les paradoxes. Dans la même phrase, ce scientifique rigoureux, passionné d’art et chanteur dans une chorale, explique avoir créé, à Split, dans une ancienne caserne militaire croate, l’Institut méditerranéen des sciences de la vie (MedILS), qui fonctionne avec un esprit « collège » mais comme un jazz-band !

Ancien chercheur à Harvard, mais aussi à Zagreb et à Bruxelles, il a été récompensé de nombreux prix scientifiques, dont le Grand prix de l’Inserm. Il est professeur de biologie cellulaire à l’université Paris Descartes, et membre de l’Académie nationale des sciences. Il est par ailleurs auteur du “Code de l’immortalité”.

Ce célèbre biologiste-généticien cherche à révolutionner les études sur le vieillissement. Après avoir travaillé sur l’ADN et les gènes, mais aussi sur la bactérie extrémophile et hyper-résistante Deinococcus radiodurans, il décrypte nos bactéries et nos protéines réparatrices. Ouvrant une voie vers de nouvelles thérapies pour les maladies dégénératives et cancéreuses.

Steve Horvath

Steve Horvath est un chercheur, généticien et biostatisticien germano-américain spécialisé dans le vieillissement. Il est professeur à l’université de Californie à Los Angeles, connue pour avoir développé l’horloge de vieillissement qui porte son nom, qui est un biomarqueur moléculaire très précis du vieillissement, et pour avoir développé l’analyse de réseau de corrélation pondérée.

Selon lui: Une fois que nous saurons comment mesurer avec précision le vieillissement, nous pourrons l’étudier et le vaincre.

Il travaille sur tous les aspects du développement de biomarqueurs, en particulier les biomarqueurs génomiques du vieillissement. Il a développé un biomarqueur multi-tissus très précis du vieillissement connu sous le nom d’horloge épigénétique.

Nir Barzilai

Le docteur Nir Barzilai est directeur fondateur de l’Institute for Aging Research de l’Albert Einstein College of Medicine de New York.

Je pense que la prévention du vieillissement est vraiment une bonne chose. … et je pense que la vie va être très différente dans la prochaine décennie grâce à nos progrès.

À son agenda est inscrite depuis plusieurs années la mise au point d’un essai clinique unique au monde qui vise à montrer qu’une molécule peut retarder l’apparition de toutes les maladies dont l’incidence augmente avec l’âge. Son nom : la metformine, un médicament très connu qui diminue la résistance à l’insuline dans le traitement du diabète de type 2.

L’étude TAME (Targeting Aging with METformin) est financée par une association à but non lucratif, l’AFAR (American Federation for Aging Research). « Personne ne gagnera d’argent si ce médicament prouve son efficacité car la metformine est un générique qui coûte quelques centimes la dose seulement ».

Cynthia Kenyon 

Cynthia Kenyon est une biologiste moléculaire américaine qui étudie la génétique du processus de vieillissement (gérontogenèse).

Kenyon a étudié la chimie et la biochimie et a fait ensuite son doctorat en 1981 au Massachusetts Institute of Technology.

A Cambridge, elle a étudié les gènes Hox, actifs dans la morphogenèse chez la drosophile. Elle a dirigé ensuite le centre Hillblom de l’UCSF de biologie du vieillissement à San Francisco.

Elle a notamment démontré qu’en agissant sur un seul gène (nommé daf-2) et en détruisant les cellules du système reproducteur, la durée de vie du nématode Caenorhabditis elegans pouvait être multipliée par 6, de moins de 3 semaines à 4 mois.

Madame Kenyon est actuellement employée par Google Calico, en tant que vice-présidente Aging research et chercheuse sur le vieillissement.

Brian Kennedy

Brian Kennedy est internationalement reconnu pour ses recherches sur la biologie du vieillissement et pour son travail visant à traduire les découvertes de la recherche en de nouveaux moyens de retarder, détecter et prévenir le vieillissement humain et les maladies qui y sont associées. Il travaille actuellement à Singapour. De 2010 à 2016, il a été le président et le directeur général du célèbre Institut Buck, où il est toujours professeur.

Notre travail sur de multiples modèles animaux montre que les processus qui entraînent le vieillissement sont conservés chez les espèces. L’étude de ces voies communes permet de développer des thérapies qui ralentiraient le processus de vieillissement, prévenant ainsi les maladies chroniques.

Jean-Marc Lemaître

Le biologiste Jean-Marc Lemaître est né le 14 octobre 1963. Enfant, il se plaît à observer les mares de sa région natale, la Picardie, pour y étudier les transformations des tritons et des têtards. Une passion qui le conduira à effectuer des études en biologie du développement. Chargé de recherches à l’Institut de Génomique fonctionnelle (Inserm/CNRS/Université de Montpellier), il tente de démontrer que le vieillissement est réversible.

Il y parvient en novembre 2011 et publie ses travaux sur le rajeunissement des cellules dans la revue américaine Genes and Development.

C’est une réussite clinique considérable  commente Jean-Marc Lemaître.  Si nous sommes capables de retarder le vieillissement des cellules, peut-être allons-nous alors parvenir à retarder le développement de certaines pathologies.

Maria Blasco

Le Dr Blasco est une biologiste moléculaire dont les principaux intérêts, depuis l’époque de ses études universitaires, sont le cancer et le vieillissement. Après avoir obtenu son doctorat au Centre de biologie moléculaire de Madrid, elle a déménagé à Cold Spring Harbor, New York, pour travailler comme chercheur post-doctoral dans le laboratoire du Dr Carol Greider, la même Carol Greider qui a co-découvert la télomérase avec Elizabeth Blackburn en 1995.

À l’époque, le lien entre le cancer, le vieillissement et la télomérase n’était qu’une simple hypothèse qui restait à prouver, et Blasco a entrepris de cloner le gène de la télomérase murine et de créer des souris knock-out pour la télomérase afin d’étudier les effets que le manque d’enzyme provoquerait chez les animaux.

George Church

Aussi barbu, surdoué et souvent aussi anticonformiste qu’Aubrey de Grey, George Church est un Américain, chimiste, généticien et ingénieur en biologie moléculaire, notamment connu pour un livre Regenesis, co-écrit avec Ed Regis, sous-titré « Comment la biologie synthétique va réinventer la nature et nous-mêmes » qui présente un futur où le génie génétique aurait amélioré la santé humaine et animale, accru notre intelligence, notre mémoire et allongé notre vie.

Il a repris une liste de 400 gènes iden­ti­fiés comme poten­tiel­le­ment respon­sables de la longé­vité chez l’homme et l’a rame­née à 45. Aujourd’­hui, il déve­loppe diffé­rentes tech­niques afin de cibler des combi­nai­sons de ces gènes.  Notre but prin­ci­pal est d’in­ver­ser le proces­sus du vieillis­se­ment, explique Church. Nous savons qu’en boule­ver­sant les règles, nous pouvons augmen­ter l’es­pé­rance de vie de deux ans et demi chez les rongeurs et de 200 ans chez les baleines boréales. 

Le séquençage des gènes, ajoute-t-il, est presque 3 millions de fois moins coûteux qu’il y a dix ans. Cela nous permet de recou­rir à la biolo­gie de synthèse et nous ne sommes plus restreints par les limites des êtres vivants. 

Les travaux de Church sont finan­cés en partie par l’Ins­ti­tut Wyss. Le scien­ti­fique a égale­ment reçu des fonds de la part de Google et de Peter Thiel.

Laura Deming

Laura Deming est biologiste et fondatrice de The Longevity Fund, la première société de capital-risque à se concentrer sur les entreprises qui travaillent à prolonger la durée de vie des êtres humains en bonne santé et à lutter contre les maladies liées au vieillissement grâce à la biotechnologie.

Elle a fait ses premières armes en biologie en Nouvelle-Zélande, où elle a fait ses études à la maison, puis est partie aux États-Unis pour travailler dans un laboratoire de biologie de l’UCSF à l’âge de 12 ans. À 14 ans, elle était déjà étudiante en physique au MIT.

Elle décrit ainsi la naissance de son engagement :

Je me souviens d’une fois où ma grand-mère est venue nous rendre visite. Je n’avais jamais fréquenté quelqu’un de plus de 60 ans auparavant. (…) Pour ma grand-mère, seulement se lever d’une chaise, c’était vraiment douloureux. (…) je me rappelle avoir demandé à mes parents quelle maladie était-ce. Ils m’ont dit : elle n’est pas atteinte d’une maladie, elle est vieille. Je leur ai demandé  quelle maladie c’était d’être vieux. Ils m’ont dit : « Oh, non, non, tu ne comprends pas, c’est un processus naturel. » Et en tant qu’enfant, vous vous dites : « C’est stupide. Pourquoi y a-t-il un processus naturel que nous devrions tous attraper, une maladie qui nous rend tellement abimés ? »

Alex Zhavoronkov

Alex Zhavoronkov, est le fondateur et le PDG de Deep Longevity, Inc, une entreprise mondiale qui développe une large gamme de biomarqueurs du vieillissement et de la longévité basés sur l’intelligence artificielle. Il est également le fondateur et le PDG d’Insilico Medicine, leader dans les technologies d’intelligence artificielle pour la découverte de médicaments et le développement de biomarqueurs.

Depuis 2015, il a inventé des technologies critiques dans le domaine des “réseaux adversaires générateurs” (GAN) et de l’apprentissage par renforcement (RL) pour la génération de nouvelles structures moléculaires ayant les propriétés souhaitées et la génération de données biologiques synthétiques et de données sur les patients. Il a également été le pionnier des applications des technologies d’apprentissage approfondi pour la prédiction de l’âge biologique humain à l’aide de multiples types de données, le transfert de l’apprentissage du vieillissement vers la maladie, l’identification des cibles et la modélisation des voies de signalisation.

Une liste certainement incomplète et quelques « coups de coeur »

Choisir c’est renoncer. Nous aurions pu écrire également à propos de bien d’autres chercheurs. Ils sont des milliers à lutter jour après jour pour réparer des ans l’irréparable outrage. Le brillant Greg Fahy et ses études sur le thymus,  Josh Mitteldorf et son Data-Beta Project d’étude des effets cumulés de thérapies de longévité, Michael Rose, qui travailla sur la notion de pléanthropie antagoniste, William Andrews, le spécialiste des télomères qui court également des ultra-marathons, la controversée Liz Parrish de BioViva qui a expérimenté sur elle-même des thérapies géniques, les spécialistes des (super)centenaires et de la démographie dont Jean-Marie Robine et le couple Gavrilov.

Il y en a encore bien d’autres moins connus : les centaines de collaborateurs des scientifiques déjà cités, Sven Bulterijs, coprésident de Heales qui chaque mois réalise une revue des nouvelles de la longévité, Ilia Stambler, le meilleur historien des sciences de la longévité auteur du monumental Longevity A History of Life-Extensionism in the Twentieth Century, Kevin Perrott et son organisation Open Cures, Alexandra Stolzing qui s’efforce de rajeunir des souris avec conviction et discrétion, Guilhem Velve Casquillas, créateur du site LongLongLife et de multiples entreprises, la russe Maria Konovalenko, scientifique, activiste et photogénique travaillant, comme beaucoup d’autres dans la Silicon Valley, Laurent Simons, l’enfant belge surdoué qui a 9 ans voulait faire vivre ses grands-parents pour toujours, 


La bonne nouvelle du mois : Eurosymposium on Healthy Ageing 2020


La 5ème édition de l’Eurosymposium a eu lieu en ligne le 1er Octobre 2020 à l’occasion de la journée internationale des personnes âgées. 

Cet événement a réuni des scientifiques émérites pour traiter du sujet des biomarqueurs de la longévité ainsi que des tests cliniques.

Les vidéos, séparées par intervenant, sont disponibles sur Youtube.

Suite à cette conférence, une déclaration a été adoptée pour faciliter la recherche sur les biomarqueurs et les tests cliniques. En voici un extrait (traduit) :

Il devrait y avoir une obligation pour les comités d’éthique de décider dans un délai raisonnable des tests diagnostiques sur les biomarqueurs du vieillissement et de la recherche clinique de thérapies géroprotectrices (pas plus d’un mois, à moins de fournir une justification du retard). Décider plus rapidement ne doit pas signifier être moins prudent, au contraire. (…)

En améliorant l’évaluation des biomarqueurs cliniques du vieillissement et en testant de nouvelles thérapies géroprotectrices, il pourrait être possible de réduire radicalement les processus dégénératifs du vieillissement, et donc d’accroître les avantages sanitaires et économiques de la société qui vieillit rapidement. Nous devons atténuer les processus de sénescence dès que possible pour sauver le plus grand nombre de vies possible.


Pour en savoir plus :

Source de l’image: réalisé par la rédaction.

La mort de la mort. Partage de données de santé et longévité N° 138 Septembre 2020

Je fais un rêve qu’un jour les humains s’uniront et diront : Nous tenons cette vérité comme évidente que ce qui sert au droit à la santé est un bien commun.

Je fais un rêve qu’un jour les données médicales, les données de recherche pour la santé et la longévité seront accessibles à tous et permettront une vie plus longue, solidaire et en belle santé.

Je fais un rêve que ceux qui étaient atteints de maladies et ceux qui étaient submergés par la bureaucratie, les réglementations et les intérêts financiers ou psychologiques se retrouveront soeurs et frères pour être tous ensemble plus résilients, plus heureux et fiers de s’entraider.

Je fais un rêve que l’enfer des connaissances privatisées et dispersées se transformera en éden de partage des savoirs pour permettre une vie en bonne santé beaucoup plus longue pour tous.

Texte inspiré de « I have a dream » de Martin Luther King.


Thème du mois : Partage de données de santé et longévité


Nos données de santé 

Parmi toutes les informations personnelles conservées de manière informatique, mais aussi encore bien souvent sous format papier, les informations relatives à la santé et à l’ensemble de nos données biologiques sont parmi les plus nombreuses, les plus sensibles et les plus utiles.

Depuis le début de l’histoire de la médecine, les soins de santé sont prodigués grâce à des connaissances collectives, des expériences individuelles, des croyances souvent inexactes et la connaissance de l’état du patient.

Ce n’est que relativement récemment que les données des patients sont devenues une part importante du champ des connaissances, non plus seulement pour le traitement des personnes elles-mêmes, mais aussi pour la recherche médicale.

Comment partager les données de santé ?

Depuis la fin du 20ᵉ siècle, le souci de protéger la vie privée va croissant. Au départ, les dispositions prises avaient pour objectif et pour résultat d’empêcher des abus. Aujourd’hui, la combinaison des réglementations et des pratiques relatives aux données médicales et plus largement l’ensemble des réglementations et pratiques concernant la vie privée des citoyens a pour conséquence que :

  • Le citoyen n’a pas accès à ses propres données médicales de manière simple.
  • Le citoyen n’a pas la possibilité de participer à des expérimentations médicales et de partager les connaissances de manière scientifique, même s’il souhaite le faire par intérêt personnel ou collectif, même s’il a donné son consentement informé explicite.
  • Les chercheurs n’ont pas accès aux données détaillées relatives à la santé de la plupart des citoyens.
  • Les données médicales font souvent l’objet de transactions commerciales opaques.
  • Le développement de recherches utilisant l’intelligence artificielle et les « données massives en matière médicale » est ralenti. Ce développement est souvent aussi faussé car les données sont partielles, commercialisées et comportent potentiellement plus d’inexactitudes.

Il est parfaitement normal que le citoyen soit protégé d’utilisations illégales de données privées susceptibles de lui nuire. Mais la protection devrait s’arrêter là. Il est immoral, et il devrait être illégal, que les données utiles à la santé publique soient soustraites aux chercheurs, lorsque cette mise à disposition ne comporte pas d’inconvénients pour les personnes dont émanent les données.

Dans un monde idéal, le fait que les données médicales puissent avoir de la valeur pour la recherche ne devrait pas donner lieu à des transactions financières si ce n’est par rapport au coût des opérations nécessaires à la mise à disposition de ces données.

La situation actuelle n’assure d’ailleurs pas la protection de la vie privée. Elle interdit quasi totalement, en fait et en droit, le partage efficace des données.  Pour tout ce qui concerne la médecine classique, le dossier médical, les rapports avec nos institutions de santé, nos informations pharmaceutiques, … nous n’y avons qu’un accès restreint et temporaire. L’absence de mise en commun pour prévenir et réduire dans le futur l’impact des maladies est particulièrement regrettable pour les informations concernant les personnes âgées (indicateurs de maladies neurologiques, détections de chutes, …).

Quelques organisations privées et publiques partageant des données

Les nouveaux outils, comme le traitement en masse des données de santé et l’intelligence artificielle vont permettre d’importants progrès dans l’accompagnement des patients, l’évaluation et le choix des traitements et la gestion du système de santé. C’est pourquoi de nombreux acteurs investissent dans ce domaine. 

  • Health data hub (HDH) est une plateforme de partage des données de santé lancée en décembre 2019 en France.  Son objectif est de favoriser l’utilisation et la multiplication des possibilités d’exploitation des données de santé, en particulier dans les domaines de la recherche, de l’appui au personnel de santé, du pilotage du système de santé, du suivi et de l’information des patients. Le HDH permet le développement de nouvelles techniques, notamment celles liées aux méthodes d’IA. Il a aussi un rôle de promotion de l’innovation dans l’utilisation des données de santé.
  • Un projet similaire existe en Allemagne : the German Medical Informatics Initiatives (MII). Les projets français et allemands partagent les mêmes objectifs mais sont différents en termes de méthodologies. Le projet HDH est basé sur une approche descendante et se concentre sur une infrastructure de calcul partagée, fournissant des outils et des services pour accélérer les projets entre les producteurs et les utilisateurs de données. Le projet MII est basé sur une approche ascendante et s’appuie sur quatre consortiums comprenant des hôpitaux universitaires, des universités et des partenaires privés.
  • Apple mise beaucoup sur les fonctionnalités liées à la santé et au bien-être avec son Apple Watch. Le dernier modèle peut notamment mesurer la fréquence cardiaque, avertir de chutes, effectuer un électrocardiogramme (ECG) grâce à un capteur optique. Malheureusement, tant la firme à la pomme que des firmes offrant des services similaires ne partagent pas les informations.
  • La Fondation X-Prize promeut l’intégration des données sur les soins de santé. Faire tomber les barrières à l’accès aux données tout en respectant les principes de confidentialité et de sécurité est un défi immense et une opportunité formidable. Des données normalisées, agrégées et granulaires sur les patients, pouvant être partagées entre les systèmes, constituent la base de soins de santé peu coûteux et de haute qualité, notamment en permettant aux systèmes de santé de première ligne de fonctionner de manière optimale et efficace. En outre, ces données sont essentielles pour que les algorithmes d’IA puissent fournir des informations.

Favoriser les utilisations pour la santé, empêcher les utilisations illégitimes

Votre assureur, votre banquier, l’État savent bien des choses sur vous. Google, Facebook, votre employeur et votre voisin aussi. Ils ne s’en servent en principe pas dans des buts illégitimes. 

Ce qu’il faut d’abord, c’est interdire l’utilisation illégitime des informations ainsi que des sanctions effectives en cas d’usage nuisible des données de santé (comme de toute autre donnée d’ailleurs)  Il faut empêcher que les données sur le sexe, les origines, l’état de santé, etc., puissent être utilisées par des entreprises privées ou publiques pour pratiquer des discriminations. Il ne doit pas être admis de vendre, de fournir des services ou même de contacter des personnes de manière différenciée dans d’autres cadres que la recherche scientifique et les soins de santé. Une utilisation illégitime doit être sévèrement interdite. Une violation de l’interdiction doit être sanctionnée par des mesures comprenant notamment l’indemnisation totale des victimes et la prévention de la récidive.

Un aspect important des données de santé considérées comme un bien commun, et non comme un bien privé, est qu’il s’agirait de dispositions auxquelles il ne pourrait être dérogé. Il n’y aurait pas de clause possible permettant de vendre, louer, échanger, … les données de santé. Cette interdiction concernerait tant les données des patients d’une institution de santé que les données propres d’un individu.
 

Bien sûr, il faudrait éviter que les données médicales individuelles soient accessibles aux simples curieux. Pour tout ce qui n’est pas directement nécessaire à la recherche scientifique, un système d’anonymisation (ou de pseudonymisation) devrait être réalisé.

Conclusion : partager pour progresser en longévité et en résilience

Réellement mettre en commun les données de santé est aujourd’hui tout à fait possible techniquement. Le cadre juridique et logistique serait relativement aisé à mettre sur pied.

Imaginez un monde où les données de santé ne peuvent être utilisées commercialement, mais seulement pour votre santé et celle d’autruit. Imaginez un monde où la mise en commun des données médicales serait systématique, instantanée et utilisable par l’intelligence artificielle. Votre médecin et vous sauriez en quelques secondes, quels médicaments prennent les gens de votre âge, de votre région, ayant vos caractéristiques médicales, quel est le meilleur traitement compte tenu des connaissances recueillies partout dans le monde.

Imaginez ce qui devrait être la logique élémentaire suivie. Tout comme vous pouvez trouver aisément sur internet ce qu’a fait votre femme politique ou votre chanteur préféré en juillet 2007, vous pourriez d’un clic trouver le médicament que vous aviez pris il y a 3 ans, l’analyse de sang, les vaccinations, que vous aviez fait effectuer il y a 15 ans, la comparaison avec d’autres populations, vos allergies, prédispositions, …

Imaginez que toutes ces données permettent demain des recherches de santé collectives beaucoup plus performantes, des expérimentations cliniques plus sûres et plus rapides. 

Imaginez une vie beaucoup plus longue et en meilleure santé pour tous ceux qui le souhaitent.


La bonne nouvelle du mois : Vers une restauration de la fertilité des femmes ménopausées


Une étude pilote, menée entre 2017 et 2019 à la clinique de fertilité Genesis à Athènes en Grèce, a permis à des femmes ménopausées de donner la vie. Aux termes de cette expérience menée sur 30 femmes qui n’avaient pas eu leurs règles depuis plus d’un an, 80 % d’entre elles ont vu leur taux d’hormones s’améliorer et ont retrouvé un cycle menstruel régulier. Parmi elles, quatre sont tombées enceintes, trois ont eu des enfants. La fertilité aurait été restaurée à l’aide de transfusions sanguines par la méthode PRP (Platelet-Rich Plasma) ovarienne.

Nous avons abordé dans des lettres précédentes les effets réjuvénateurs potentiels des transfusions. D’autres recherches sont en cours afin de confirmer que ce traitement de fertilité est viable. Le professeur Pantos supervise quatre essais cliniques randomisés, contrôlés par placebo, et deux autres essais sont menés par le professeur Emre Seli à l’école de médecine de Yale.


Pour en savoir plus :

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