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Les gènes de la longévité. La mort de la mort. Février 2018. N° 107. 

Le vrai sujet, c’est la lutte contre la vieillesse et la mort (…)  augmenter vraiment la longévité humaine. (…) On a  augmenté l’espérance de vie notamment grâce aux antibiotiques, grâce à une hygiène bien meilleure, aux progrès de la médecine. En 1900, par exemple, l’espérance de vie des français était de 45 ans. Aujourd’hui, en moyenne, elle est de 82 ans. Mais on meurt toujours à peu près à la même date. En gros, on meurt toujours à peu près autour de 100 ans. (…) Quel est le but philosophique maintenant ? L’idée, c’est de fabriquer une humanité qui soit jeune et vieille à la fois. « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait », réconcilier les deux. Luc Ferry, ancien ministre de l’éducation nationale française, philosophe (Arte, 8 février 2017)


Thème d​u mois: Génétique et durée maximale de vie


Introduction

Au commencement était le gène, pourrions-nous peut-être écrire de l’apparition de la vie. Encore que les premières étapes restent mystérieuses.

Nous sommes probablement tous les descendants, incroyablement chanceux, d’un ancêtre commun porteur d’ADN et apparu, selon les connaissances actuelles, il y a environ 3,8 milliards d’années.

Pendant la moitié de l’histoire de la vie, nos lointains ancêtres qui n’étaient encore ni des plantes ni des animaux ne mouraient probablement pas de vieillesse. Ils se divisaient simplement lorsque les circonstances étaient favorables ou mouraient lorsque les nutriments venaient à manquer ou lorsque l’environnement se modifiait trop.

Puis la vie se complexifia, les êtres vivants devinrent multicellulaires. Petit à petit, le patrimoine génétique, se transmit d’une génération à l’autre, non plus par simple division, mais par fusion de matériels génétiques. Ceci deviendrait beaucoup plus tard la rencontre d’un ovule et d’un spermatozoïde. Les individus ainsi produits se mirent à vieillir (s’ils avaient la chance de ne pas mourir avant). Chaque génération donnait naissance à de nouveaux êtres jeunes, mais les animaux (et les plantes) eux-mêmes devenaient « jetables ».

Beaucoup plus tard encore, il y a environ 500 millions d’années, les vertébrés apparurent. Puis les premiers primates naquirent, il y a 50 millions d’années. Les premiers êtres qui, habillés, ne vous auraient pas surpris dans le métro, sont nés il y à peine 300.000 ans, un dix-millième de l’histoire de la vie sur terre.

Nous, êtres vivants, nous sommes si différents, mais aussi si semblables. De la plus modeste bactérie née, il y a des centaines de millions d’années, au plus grand des cétacés vivant aujourd’hui, nous sommes tous déterminés notamment par “l’informatique” de la vie, les 4 molécules adénine (A), cytosine (C), guanine (G) ou thymine (T) qui composent l’acide désoxyribonucléique.

L’universalité génétique du vieillissement

Alors que dans le règne du végétal, le vieillissement est loin d’être universel (bien des arbres n’ont pas de sénescence), pour les animaux, il y a très peu d’exceptions et pour les mammifères, nul n’y échappe.

A quoi sert ce vieillissement dans les lois de la nature? Nous n’en sommes pas certains, mais le plus vraisemblable, c’est que la mort de vieillesse permet de garder une diversité génétique. Si les animaux ne mouraient pas de vieillesse, seul un petit nombre, très adapté génétiquement survivrait. Cela réduirait la diversité. Or, dans la nature, sur le long terme, les conditions environnementales changent assez souvent. Lors de ces changements, les espèces animales les plus parfaitement adaptées, donc trop uniformes (celles qui ne vieillissent pas) sont alors « éliminées ».

C’est aussi la diversité génétique qui explique la reproduction sexuée. Sans reproduction sexuée, les êtres vivants seraient trop semblables.

Mais, dans la nature, certains animaux peuvent se reproduire sans sexe (même certains vertébrés) alors que le vieillissement semble presque universel. Il y a donc une composante qui reste mystérieuse.

Bien sûr, nous ne sommes pas totalement dépendants de nos gènes. Mais en matière de longévité maximale, de durée maximale de vie, ce sont bien nos gènes qui la déterminent pour l’essentiel.

Les durées de vie maximale varient considérablement d’une espèce à l’autre. Un être humain qui vivrait dans des conditions parfaites au point de vue psychologique et physiologique n’aurait quasiment aucune chance de vivre plus de 122 ans. Une souris, elle, a bien moins de chance. Même placée dans un « paradis pour souris », elle ne vivra jamais plus de 5 ans. Le mammifère dont la longévité est la plus importante est la baleine boréale. Elle peut vivre au moins deux siècles, peut-être plus.

Quels sont les gènes responsables du vieillissement ?

Le métabolisme d’un être humain est d’une complexité gigantesque. L’organe, par certains côtés, le plus fragile, le cerveau, est parfois qualifié d’objet le plus complexe de l’univers. Et pourtant, parmi ces extraordinaires enchevêtrements, certains mécanismes accélérant ou ralentissant considérablement le vieillissement tiennent probablement dans quelques lettres de l’ADN. Voici quelques éléments à ce sujet:

Il existe un certain nombre de gènes qui sont liés au vieillissement et qui sont présents dans de nombreuses espèces animales. Ainsi, les gènes FOXO et ApoE, qui se retrouvent chez différentes espèces animales dont les humains, influencent la longévité.

Parmi les caméléons vivant à Madagascar, Furcifer Labordi est le vertébré terrestre à la vie la plus courte du monde (4 ou 5 mois). Un autre caméléon de plus grande taille, Calumma Parsonii, biologiquement et donc génétiquement fort proche, peut vivre une dizaine d’années. Autrement dit, de petites modifications génétiques peuvent produire des grandes différences sur la durée de vie.

Le chromosome déterminant le sexe détermine également la durée maximale de vie. Le doyen de l’humanité est toujours une doyenne. La femme la plus âgée au monde actuellement a 117 ans alors que l’homme le plus âgé au monde n’a « que » 112 ans.

La longévité humaine a une composante génétique forte, surtout pour les durées de vie maximale. Les membres de familles de centenaires ont une probabilité plus forte de le devenir eux-mêmes.

Malheureusement, une étude effectuée sur des supercentenaires (personnes vivant 110 ans et plus), n’a pas (encore) permis de détecter des caractéristiques génétiques communes de la longévité humaine.

Comment changer les gènes responsables du vieillissement ?

Le séquençage du génome des femmes, des hommes, des êtres vivants qui nous composent, des animaux et des autres êtres vivants est de plus en plus simple, de plus en plus rapide, de plus en plus précis et de moins en moins cher.

Plus récemment, les progrès potentiels pour les thérapies géniques, notamment via les techniques de type CRISPR Cas9 se sont également accélérés. Des maladies d’origine génétique peuvent déjà être soignées.

Par contre, nous sommes encore loin d’une thérapie génique pour permettre une vie en bonne santé beaucoup plus longue. Les progrès dans le domaine de l’intelligence artificielle pour la recherche médicale permettent des recherches pour la détermination toujours plus précise des séquences génétiques liées au vieillissement chez les êtres vivants en général et chez les humains en particulier. Lorsque les avancées seront suffisantes pour déterminer les thérapies utiles, il faudra les tester in vitro, puis sur l’animal et puis enfin sur des humains. Dans ce domaine comme dans d’autres, il sera trop tard pour des millions de femmes et d’hommes aujourd’hui très âgés. L’avenir dira qui sont les lecteurs qui pourront éventuellement en bénéficier (s’ils le souhaitent).


La bonne nouvelle du mois : Un document de 800 pages résume les évolutions positives de la recherche pour la longévité


Ce document intitulé The Science of Longevity a pour objectif de détailler les diverses technologies et industries émergentes relatives au vieillissement humain, à la longévité en bonne santé et aux questions connexes. Il a été réalisé notamment par la Biogerontology Research Foundation.

En 2018, le vieillissement reste un adversaire anonyme dans une guerre non déclarée écrivent les auteurs. Cela sera moins le cas pour les scientifiques, décideurs politiques, représentants d’autorités de réglementation, investisseurs et autres responsables qui prendront le temps de parcourir ce petit millier de pages d’information.

Le rapport est disponible intégralement et gratuitement en ligne (attention fichier de 58 mégas). D’autres rapports suivront.


Pour en savoir plus:

 

 

 

Résurrections : connaissances et croyances. La mort de la mort. Janvier 2018. N° 106.

 

Chacun d’entre nous est le descendant d’une longue lignée de cellules qui ont continué à fonctionner et à se diviser pendant des milliards d’années, ce qui nous semble être la preuve la plus solide que la durée de vie des systèmes cellulaires peut en principe être prolongée indéfiniment. Jim Mellon, milliardaire britannique ayant écrit un livre en faveur d’investissements privés pour la longévité (avec Al Chalabi dans le livre Juvenescence, 2017, traduit de l’anglais).


Thème du mois: Revenir d’entre les morts ?


Revivre dans son corps régénéré après la mort. C’est une idée fréquemment envisagée par les religions, mais également abordée parfois par les scientifiques contemporaines, par la littérature et enfin par des prospectivistes optimistes.

Résurrections religieuses

Les croyants, presque universellement, envisagent la possibilité d’une existence après la mort. Cette existence peut prendre des formes innombrables : réincarnation dans un autre corps, fusion avec d’autres êtres, transformation en un « esprit », passage dans une âme immatérielle, …

Dans de nombreux cas, il est affirmé que le corps de la personne décédée pourra être reconstitué, soit à l’identique, soit sous une forme améliorée.

La forme de résurrection qui vient d’abord à l’esprit de la plupart des lecteurs francophones est la résurrection telle qu’elle est décrite par l’Eglise catholique et plus largement par les chrétiens. Au jour du Jugement Dernier, les femmes et les hommes reviendront d’entre les morts et retrouveront leur corps d’antan. Cependant, ce corps sera amélioré puisque les humains ressuscités ne souffriront plus (sauf s’ils vont en enfer) et seront immortels.

Dans la religion catholique, Dieu a également la possibilité des ressusciter des humains avant la fin des temps (pour Jésus, qui est à la fois Dieu et homme mais aussi pour Lazare).

Généralement, les chrétiens du 21e siècle pensent que la mort, puis la résurrection, sont les conditions de la transformation des corps en entités immortelles. C’est cependant inexact car selon les textes chrétiens, le Christ viendra juger les vivants et les morts.

Pendant près de deux millénaires, l’église a accordé beaucoup d’importance à l’enterrement car le corps était supposé revenir à la vie par une « reconstitution » à partir des restes enterrés. Cela n’a cependant jamais été une condition de la résurrection. Un chrétien qui meurt par exemple noyé ou dans un incendie peut ressusciter. Aujourd’hui d’ailleurs, l’incinération du corps n’est presque plus désapprouvée par les catholiques.

Pour les musulmans, les conceptions sont assez proches, mais l’enterrement dans un linceul, le corps tourné vers la Mecque est une exigence religieuse stricte, malgré que cela ne soit pas non plus indispensable à la résurrection.

Il faut noter que, même si les textes religieux fondamentaux n’ont pas changé, la conception du retour à une enveloppe charnelle très similaire à celle d’avant le décès semble devenir moins forte. De plus en plus, le concept de vie après la mort devient plus « abstrait », plus éthéré…

Dans l’Egypte antique, la résurrection était également envisagée, mais elle exigeait une préparation des morts extrêmement complexe et exigeante à savoir tout le travail d’embaumement. Seuls ceux qui avaient été correctement préparés pouvaient revenir à la vie, ressusciter à l’issue d’un parcours hasardeux et dont la préparation avant la mort était très coûteuse.

Résurrections dans les conceptions populaires et dans l’art

Le retour d’après la mort est un thème courant dans les littératures fantastique, de science-fiction et populaire. Il peut s’agir d’un événement surnaturel ne concernant qu’une ou quelques personnes, mais également d’une situation plus courante.

Souvent, les êtres ranimés sont animés de mauvaises intentions. Les vampires, zombies et autres morts-vivants ont été abordés dans la lettre de janvier 2013. Un récit détaillé de science-fiction est Le monde du fleuve dans lequel tous les humains ayant vécu sur la planète sont ressuscités par une civilisation technologique.

Ressuscitations et conceptions contemporaines

Le concept de ce qu’est la mort d’un être humain varie selon les époques, selon nos connaissances scientifiques, voire nos perceptions philosophiques.

Par le passé, les modalités d’établissement du décès étaient moins strictes qu’aujourd’hui et bien sûr le niveau de connaissance était moindre. Il pouvait donc arriver qu’une personne déclarée morte « se réveille ». L’idée qu’une personne une fois enterrée puisse reprendre conscience et mourir « à nouveau » dans le cercueil terrorisait un nombre important d’européens au 19è siècle. Pour éviter cela, il semble qu’il arrivait que ceux chargés d’enterrer « croquent » un orteil du mort (d’où le surnom de « croque-mort« ) pour que la douleur fasse bouger celui qui serait seulement inconscient. Certains riches inquiets se firent même construire un cercueil adapté (parfois d’un système breveté!) avec ouverture automatisée et accès à une sonnette pour appeler au secours en cas de réveil sous terre.

Lors d’un décès, la respiration s’arrête (le « dernier souffle »), le coeur s’arrête, la température corporelle n’est plus maintenue et le cerveau cesse de fonctionner. Pour la respiration, pour le rythme cardiaque et pour la température corporelle, il peut arriver, notamment suite à des accidents graves, que les fonctions interrompues soient rétablies après une situation qui, normalement, ne laissait plus d’espoir. Dans les cas de rétablissement, le terme de ressuscitation sera employé. La température corporelle la plus basse jamais atteinte sans décès est de 12 degrés, la période la plus longue sans respiration de 23 minutes (dans ce cas, il ne s’agissait pas d’un accident mais d’une expérimentation) et la période la plus longue sans battement cardiaque de 96 minutes.

Pour ce qui concerne le fonctionnement du cerveau, il arrive aujourd’hui fréquemment, qu’une personne dont le coeur et les poumons fonctionnent encore (et donc qui par le passé aurait été considérée comme vivante) soit déclarée cliniquement morte car il n’y a plus d’activité cérébrale détectée. Il peut arriver que des personnes pour lesquelles plus aucune activité n’était détectée retrouvent à nouveau des activités cérébrales mais, en principe, cela s’explique par une déficience des instruments de mesure et pas par une activité cérébrale qui s’était « arrêtée » avant de « redémarrer ».

Enfin, un nombre important de personnes ont eu l’impression de « revenir » d’une situation médicale extrême qui a pu être perçue par le personnel soignant comme une mort clinique. Les patients revenus à la pleine conscience décriront qu’ils ont ressenti une décorporation, un tunnel de lumière, une paix intérieure (mais parfois aussi malheureusement de la terreur). Il s’agit des expériences dites de mort imminente, généralement considérée aujourd’hui comme s’expliquant par des mécanismes neurologiques.

Ressuscitation après cryogénisation

Depuis 50 ans, certaines personnes font conserver leur corps à très basse température après leur décès (cryonie). Actuellement, il s’agit de quelques centaines de corps de femmes et d’hommes qui sont ainsi conservés à -196° Celsius dans de l’azote liquide, surtout aux Etats-Unis. L’espoir est qu’un jour, il sera possible de les ranimer.

Ceci est actuellement très hypothétique notamment parce que :

  • il n’a jamais été possible de ranimer un animal cryogénisé de plus grande taille qu’un ver nématode;
  • les produits injectés dans le corps de la personne après son décès pour rendre la cryogénisation plus efficace empêcheraient sa survie ultérieure;
  • après avoir ranimé la personne, il faudrait la guérir de ce dont elle est décédée;
  • si une personne était ranimée, il n’est pas certain  que son cerveau fonctionnerait encore;
  • si un jour, il devient techniquement possible de ranimer, il faudra encore décider de le faire (cela pourrait être refusé pour des raisons sociales, juridiques ou autres), en avoir les moyens financiers et vérifier que le corps a été conservé convenablement (sans « panne de refroidissement », sabotage, erreur, …).

Mais ceci ne signifie pas nécessairement que ranimer restera toujours impossible.

Certains ont aussi envisagé, plutôt que de se faire cryogéniser, de se faire conserver par plastination, c’est-à-dire que les différents liquides organiques sont remplacés par du silicone, ce qui permet de préserver les tissus à température ambiante. Ceci n’a cependant probablement encore jamais été mis en pratique dans un but de ressuscitation éventuelle.

Résurrection prospectiviste

Il y a déjà plus d’un siècle, le philosophe russe orthodoxe « cosmiste » Nikolaï Feodorov imaginait que, dans un futur lointain, il serait possible de reconstituer les corps par des moyens scientifiques. Si Nikolaï Feodorov vivait aujourd’hui, son idée de reconstitution physique des corps serait probablement partiellement étayée par l’examen des possibilités contemporaines ouvertes par les imprimantes 3D et les développements informatiques permettant de simuler des environnements.

Et après-demain ?

La résurrection réalisable par la médecine n’est pas envisageable dans un avenir prévisible. Mais l’ensemble des réflexions dans ces domaines enrichit les débats relatifs à la longévité d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain.


La bonne nouvelle du mois : Juvenescence, le livre qui donne toutes les raisons d’investir pour la longévité


Le milliardaire britannique Jim Mellon explique aux candidats investisseurs, dans un ouvrage de 437 pages, les raisons médicales, sociales, politiques, économiques et, bien sûr, financières pour lesquelles il est important et utile d’investir dans les entreprises qui effectuent des recherches pour la longévité. Jim Mellon et son coauteur Al Chalabi ont notamment rencontré les plus grands spécialistes mondiaux du sujet.

Il n’est pas interdit aux responsables publics de France et d’ailleurs de se poser les mêmes questions. Ceci peut se faire notamment en termes de bonne allocation des deniers publics dans le cadre des traitements de prévention, voire de guérison des maladies liées au vieillissement, d’investissements utiles potentiellement à tous les citoyens âgés et de régulations pour garantir l’accès de thérapies nouvelles au plus grand nombre.


Pour en savoir plus:

De manière générale, voir notamment: heales.orgsens.orglongevityalliance.org et longecity.org

Image: L’ascension vers l’empyrée de H. Bosch (partiel)

 

 

La mesure de la sénescence. La mort de la mort. Décembre 2017. N° 105.

Ma grande crainte est de mourir à la veille des plus grandes découvertes, ce serait vraiment con. Interview de Frédéric Beigbeder (52 ans) auteur du livre « Une vie sans fin », dans le magazine Tecnikart, décembre 2017.


Thème du mois: Y-a-t-il un thermomètre pour mesurer l’âge biologique ?


En un certain sens, le vieillissement commence dès avant la naissance. Autrefois, les chinois comptaient d’ailleurs l’âge, non depuis la naissance, mais depuis la conception. Quelques jours après la fécondation, les premières cellules commencent à se différencier et ne sont déjà plus « totipotentes » (capables de se transformer en n’importe quelle cellule).

Le premier indicateur du vieillissement, c’est donc bien évidemment l’âge. Omnes vulnerant, ultima necat (Toutes blessent, la dernière tue) était-il autrefois inscrit sur les horloges à propos des heures qui passent. Cependant, le vieillissement se déroule à un rythme fort différent selon les individus.

Dans le sens de diminution de capacités, le vieillissement commence bien tôt également. Un athlète atteint ses pleines capacités à un âge qui varie selon le sport, généralement inférieur à 25 ans. C’est plus jeune encore que le risque de décès est le plus faible. En France, seule 1 sur 10.000 des adolescentes et préadolescentes de 10 à 14 ans mourront au cours d’une année, alors que c’est « déjà » 2 sur 10.000 pour les jeunes femmes de 20 à 24 ans.

Cependant, le vieillissement responsable de la plupart des décès, lui, commence bien plus tard, à partir d’environ 50 ans. Il est marqué par des modifications physiologiques innombrables et parfois encore mal connues. Si nous pouvions suivre tous les biomarqueurs, tous les signaux physiologiques du vieillissement, il serait plus facile d’étudier la sénescence sur une courte période et donc l’analyse de résultats d’essais thérapeutiques pourrait être également se faire plus rapidement.

Marqueurs de capacité

L’avancée en âge de manière générale, c’est une diminution des capacités, une faiblesse de plus en plus importante, notamment pour :

  • la capacité pulmonaire – un centenaire qui souffle toutes ses bougies est en meilleure santé qu’un nonagénaire qui en est incapable;
  • la force de la poigne – un fort bon indicateur de l’espérance de vie restante chez les personnes âgées;
  • la capacité musculaire globale – la sarcopénie est une maladie courante chez les personnes âgées;
  • la masse osseuse et sa solidité – l’ostéoporose est également une maladie fréquente chez les personnes âgées;
  • la pression sanguine – l’augmentation de la pression sanguine systolique (lors de la contraction cardiaque) est un indice de mauvaise santé (« on a l’âge de ses artères”, disait-on autrefois);
  • la capacité d’équilibre moteur –  sa diminution peut indiquer que les capacités neuronales diminuent;
  • les acuités visuelle, auditive et gustative.

Apparence physique

Si l’habit ne fait pas le moine, l’apparence physique générale donne quand même des informations utiles. D’ailleurs, des applications logicielles sont déjà capables aujourd’hui de déterminer avec une certaine précision l’âge d’une personne à partir de photos. L’apparence physique comprend :

  • une moindre élasticité de la peau (dont les rides);
  • la décoloration et la diminution du système pileux (dont la calvitie);
  • la diminution de la taille qui est généralement de plusieurs centimètres;
  • l’augmentation de l’indice de masse corporelle.

Marqueurs non génétiques

Notre corps est en renouvellement constant. Les cellules meurent et sont remplacées, nos ongles et nos cheveux poussent, notre peau se renouvelle constamment, chaque jour, nous absorbons des milliers de litres d’air, plusieurs kilos de solides et de liquides et nous rejetons à très peu de choses près la même quantité de matière. Mais ce recommencement sur des décennies se produit avec des changements progressifs de notre composition :

Marqueurs génétiques

Tout au long de la vie, la plupart de nos cellules se divisent. A chaque division, il se produit quelques modifications de l’ADN. L’ADN d’un individu âgé n’est donc plus celui de quand il était jeune. Ceci concerne :

  • la longueur des télomères;
  • des mutations dans les mitochondries;
  • d’autres mutations dans les cellules;
  • des mécanismes épigénétiques.

Autres marqueurs

En fait, quasiment tout ce qui est mesurable chez un être humain va se modifier au cours de l’existence et donc il ne peut être question de tout décrire ici. Des scientifiques cherchent à établir des listes de biomarqueurs portant sur certaines substances souvent très spécifiques qui ne seront pas abordées ici. Mais voici quelques autres indicateurs importants.

  • diminution du nombre de neurones et de la masse totale du cerveau;
  • augmentation de la quantité de collagène et détérioration de sa qualité;
  • moindres capacités digestives;
  • diminution (chez les hommes) ou disparition (chez les femmes) de la fertilité;
  • diminution de la capacité de cicatriser;
  • déficience de l’efficacité des cellules produisant les anticorps et tendance croissante de ces anticorps à s’attaquer non plus seulement aux agents pathogènes, mais aussi aux cellules propres de l’organisme.

Que faire de toutes ces informations mesurables ?

Il est utile de rappeler, même au personnel médical et même aux chercheurs, que le vieillissement est la première cause de mortalité humaine et qu’il touche l’ensemble de notre métabolisme, de manière irrémédiable mais à des rythmes variables.

Grâce aux moyens technologiques contemporains, réaliser des indices composites issus de ces marqueurs est un des moyens de mieux comprendre la sénescence. Utiliser des indicateurs multiples permet également de constater rapidement si des thérapies nouvelles ont un effet global positif (agissant sur toutes les dimensions métaboliques) ou seulement localisé.

La mauvaise nouvelle du mois: pour la deuxième année consécutive, l’espérance de vie décroît (légèrement) aux Etats-Unis

En 2016, pour la deuxième année consécutive, l’espérance de vie a diminué aux Etats-Unis. Il ne s’agit pas d’une diminution importante et elle serait due principalement à une cause spécifique, à savoir l’augmentation des décès par consommation de drogues. C’est néanmoins une mauvaise nouvelle.

Les Etats-Unis sont un des pays :

  • les plus riches du monde;
  • avec le plus de scientifiques au monde;
  • ayant les dépenses médicales les plus élevées;
  • et avec une espérance de vie déjà relativement peu élevée.

Malgré cela, les extraordinaires progrès technologiques de ces dernières années ne compensent plus les reculs suite aux comportements des citoyens de ce pays (obésité, prise de risques), particulièrement chez les hommes (l’espérance de vie des femmes a stagné à 81,1 ans, celle des hommes a diminué de 76.3 à 76.1 ans).

Pour l’Europe, les statistiques de 2016 ne sont pas encore toutes connues mais les statistiques de 2015 montraient également un déclin.

Le progrès de la longévité n’est pas plus une certitude que le progrès technologique ou que le  progrès social. Il dépendra de nos priorités, de nos investissements, de l’importance que nous donnons à la vie humaine et bien sûr de l’application aux citoyens des résultats des recherches médicales.


Pour en savoir plus :

 

 

Le test de l’inversion. La mort de la mort. Novembre 2017. N° 104. 

Bien sûr que les gens veulent vivre pour toujours. Est-ce que tu  plaisantes ? La vie est géniale ! Je vois des gens parler de «s’ennuyer» ou ne pas avoir de motivation pour accomplir quoi que ce soit, et je me gratte la tête. Ennuyé ? Vraiment ? Au cours des 100 dernières années, nous sommes passés des avions primitifs des frères Wright à la (…) lune. Au cours des 2000 dernières années, nous sommes passés de la superstition biblique (… aux) réseaux mondiaux instantanés qui nous ont permis de poser des questions aux étrangers du monde entier.

Ennuyé ? Mec, tu dois te promener comme un somnambule dans la vie pour t’ennuyer ! (…)  Mon dieu, mec ! Ennuyé ? Tu te fous de moi ? (…) Je n’accomplis pas les choses parce que je meurs, j’accomplis des choses parce que je vis! J’accomplis des choses parce que le fait de les faire m’apporte de la joie, pas parce que je manque de temps pour faire des choses ! (…)

Je suis limité dans ce que je peux accomplir parce que la durée de vie humaine est si courte. La mortalité serait ce qui nous fait accomplir les choses? Quelle charge fétide de belette puante ! La mortalité limite ce que nous accomplissons et fait en sorte qu’à tout moment, un pourcentage considérable de la population humaine totale apprend ce que nous savons déjà plutôt que d’étendre les connaissances humaines.

La vie est géniale. Je ne peux pas comprendre comment tant de gens sont si contents de la jeter dans le tas de ferraille, quand il y a tant de crainte et d’émerveillement et de beauté et de trucs frais qui nous entourent chaque jour.

Franklin Veaux, internaute, 2015 (traduction, source).


Thème du mois: Et si nous vivions moins longtemps?


Depuis des décennies, bon an, mal an, la durée de vie moyenne croît de deux à trois mois par année. Mais la poursuite de cette évolution n’est pas certaine. Logiquement, ceux qui prétendent que des années de vie en plus contribuent à la surpopulation, rendent moins heureux, … devraient espérer que nous vivions moins longtemps. Cette lettre examinera cette situation.

Inversion possible de la durée de vie en Europe et aux Etats-Unis : les faits

Selon les statistiques de l’OCDE, pour la première fois depuis une vingtaine d’années, en 2015 (les statistiques de 2016 ne sont pas encore connues), dans les grands pays de l’Union européenne, la durée de vie a légèrement décru. Cela a été notamment le cas en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas.

Par ailleurs, aux Etats-Unis depuis quelques années, la durée de vie ne progresse presque plus et elle est même en décroissance pour certaines populations.

Les causes de la stagnation actuelle ne sont pas connues. Il peut s’agir d’une évolution temporaire ou qui s’inscrira dans la durée. En l’absence de progrès médicaux importants, il se peut que l’impact de l’obésité, de certaines pollutions notamment atmosphériques, d’habitudes culturelles trop sédentaires impacte durablement et négativement la durée de vie.

Il se peut que cela ne dure pas. Lorsque l’on regarde le passé récent, c’est dans les années 60 du siècle passé, années de grande croissance économique et de progrès scientifiques que la durée de vie moyenne a le plus stagné dans un pays comme les Etats-Unis avant de repartir à la hausse.

Pour la majorité des citoyens, un recul prononcé de la durée de vie serait une mauvaise nouvelle, mais certains pourraient s’en réjouir.

Inversion possible de la durée de vie : un peu de politique-fiction

Le philosophe et théoricien des risques Nick Bostrom s’est intéressé aux citoyens qui affirment que des améliorations humaines ne sont pas souhaitables. Il a développé ce qu’il a appelé le test de l’inversion. Si certains affirment que des améliorations humaines sont mauvaises pour les citoyens, logiquement une évolution inverse devrait être souhaitée par ces personnes.  Pour la longévité, ceux qui trouvent que vivre plus longtemps est une mauvaise chose, devraient alors souhaiter vivre moins longtemps.

Certains pourraient par exemple prétendre que si demain les citoyens en France vivaient 10 ans de moins, cela serait une bonne chose. Nous aurions une population moins nombreuse, une population plus jeune, une vie plus intense.

Confrontés à cette argumentation, ceux qui refusent les progrès de longévité affirmeront peut-être qu’ils ne souhaitent pas non plus une diminution parce que la durée de vie actuelle est « idéale ». Ils diront que les progrès de la médecine jusqu’à aujourd’hui sont suffisants et qu’il ne faut pas aller plus loin que ce qui est naturel. Mais la durée de vie « naturelle », c’est une vie excédant rarement une cinquantaine d’année et non la durée de vie moyenne au 20è ou au 21è siècle. Et d’ailleurs, ceux qui s’opposent aujourd’hui à une vie dépassant 80 ans en moyenne ressemblent beaucoup à ceux qui s’opposaient hier à une vie de plus de 70 ans en moyenne.

A noter que, si nous vivions 10 ans de moins, les coûts de soins de santé ne diminueraient pas. Si la durée de vie était réduite, l’essentiel des maladies se déclencherait plus tôt. En effet, ces sont les dernières années de vie qui sont les plus coûteuses pour la sécurité sociale, que le décès se passe à 60, 70 ou 80 ans.

En fait, si nous imaginons sérieusement que demain, nous ne vivions plus les 10 dernières années, pensez-vous réellement que les citoyens « bioconservateurs » seraient enthousiastes ? Probablement que cela serait vu par eux aussi comme une catastrophe. La souffrance des familles perdant leurs proches plus rapidement, la peur plus forte de mourir et le sentiment déprimant d’un monde se dégradant se combineraient.

Par souci d’objectivité, il faut remarquer que des circonstances très défavorables, comme une guerre, une catastrophe naturelle ou des morts nombreuses, peuvent avoir pour effet que des personnes deviennent plus solidaires ou s’entraident plus. Mais lorsque le désastre s’éloigne, presque personne ne veut y revenir.

En réalité, presque personne ne refuse les progrès de longévité une fois qu’ils sont là et le test de l’inversion permet de rendre cela plus visible.


Les bonnes nouvelles du mois: Bill Gates investit dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer et Google Calico s’intéresse à la jeunesse des cellules germinales


L’homme le plus riche du monde participe depuis de longues années à la lutte contre la malaria dans le monde et a effectué des dons considérables.

Il vient d’annoncer un investissement de 100 millions de dollars pour lutter contre la maladie d’Alzheimer. Sa démarche est d’autant plus intéressante qu’il a annoncé que le financement explorera de nouvelles idées de recherche (notamment concernant le rôle des cellules gliales).

Calicolabs créé par Google dispose d’un capital énorme d’1,5 milliards de dollars pour des recherches pour la longévité humaine. Cependant, les résultats des recherches sont tenus secrets depuis des années. Cynthia Kenyon, la chercheuse la plus réputée de Google Calico vient enfin de communiquer dans le prestigieux journal Nature.

Son travail permet de mieux comprendre l’un des mystères de la transmission de la vie. Qu’est ce qui fait que la première cellule qui deviendra un ver est totalement « jeune » alors qu’elle est issue de cellules « vieilles ». Ceci donne des pistes de réflexion pour le rajeunissement de tout animal multicellulaire puisque chaque ver, chaque, souris, chaque être humain provient d’une seule cellule parfaitement jeune et que ces êtres en grandissant pourront donner naissance à des êtres parfaitement jeunes.


Pour en savoir plus de manière générale, voir notamment: heales.orgsens.orglongevityalliance.org et longecity.org

 

 

Le point sur les expérimentations humaines. La mort de la mort. Octobre 2017. N° 103.

Il est en fait impossible de donner un consentement éclairé dans le cas d’une recherche jugée intrinsèquement très risquée, même si vous voulez le faire et que vous savez ce qui est en jeu et quelles sont les chances que vous souffriez d’une hémorragie cérébrale ou quoi que ce soit d’autre. Professeur Steve Fuller, philosophe et sociologue britannique. (vidéo de Virtual Future 2017, traduction)


Thème du mois: Recherche expérimentales de longévité de femmes et d’hommes (âgés)


La liste est longue des produits, méthodes et traitements pour lesquels il a été affirmé qu’il était possible de vivre (beaucoup) plus longtemps. Aujourd’hui, les recherches avec des applications à court ou moyen terme envisageables pour les humains concernent notamment les thérapies géniques, les cellules-souches, des produits (metformine, rapamycine, statines, sénolytiques…), les nanotechnologies, l’alimentation, l’exposition aux substances toxiques et le mode de vie.

Les efforts pour la longévité semblent parfois désordonnés, vains, ridicules et anti-naturels, tout comme semblaient désordonnés, vains, ridicules et antinaturels, les essais pour faire voler des plus lourds que l’air à la fin du 19è siècle.

Comme pour l’aviation, le chemin du succès passera par des essais difficiles. Mais nous avons aujourd’hui bien plus de moyens qu’au tournant du 20è siècle et l’enjeu potentiel ne concerne pas les touristes aériens du siècle à venir mais des milliards de femmes et d’hommes avançant en âge aujourd’hui.

Garanties à apporter

Études en double aveugle

Pour qu’une étude thérapeutique démontre son efficacité de manière indiscutable, il est en règle nécessaire qu’elle se déroule en « double aveugle ». Généralement, cela se fait de la manière suivante:

  • Un groupe de sujets d’expérience est constitué puis divisé en deux parties égales de manière aléatoire (par tirage au sort)
  • Chaque groupe est traité d’une manière qui apparaît comme identique tant pour les sujets de l’expérience que pour ceux qui administrent le traitement. Cependant, seule une moitié des personnes reçoivent un vrai traitement, les autres reçoivent un simulacre de traitement.

Ceci est nécessaire pour diminuer le risque de fraude mais aussi pour contrer les effets placebo et nocebo. Par exemple, les personnes recevant un traitement peuvent se sentir mieux (l’effet placebo) alors que les personnes ne recevant rien pourraient se sentir exclues et donc mal (effet nocebo). Il ne suffit pas que les patients ne sachent pas ce qu’ils reçoivent. Ainsi, un infirmier pensant donner un produit « miracle » sera plus attentif, souvent de manière inconsciente, pour le patient porteur d’espoir que pour le patient « contrôle ».

Réaliser une expérience en réel double-aveugle est souvent complexe (et même parfois impossible). Par exemple une pilule placebo n’a pas la même consistance et le même goût qu’une pilule avec des produits actifs. Il peut également se poser des problèmes éthiques, si la thérapie envisagée est lourde. Ainsi, faire une intervention simulée similaire à une opération thérapeutique lourde, n’est pas admissible aujourd’hui.

Il faut préciser que, pour  des tests en double aveugle portant sur des personnes souffrant de maladies, le groupe « placebo » n’est pas laissé sans soin. Deux cas sont envisageables :

  • un groupe reçoit la thérapie traditionnelle et un autre groupe reçoit la thérapie nouvelle
  • un groupe reçoit la thérapie traditionnelle et un autre groupe reçoit la thérapie traditionnelle et la thérapie nouvelle

Tout ce qui précède concerne des thérapies avec des effets relativement limités. Si les résultats sont très nets et rapides, des tests peuvent être utiles même s’ils ne sont pas en double aveugle et s’ils se font seulement sur quelques personnes.

Garanties du point de vue du coût de l’expérimentation pour les patients

Il est souhaitable que les personnes de l’expérience soient bénévoles : payer des personnes, au-delà d’une indemnisation des frais, pour effectuer des essais, pourrait avoir pour conséquence que des personnes accepteraient de prendre des risques non pas par « consentement éclairé » mais plutôt pour gagner de l’argent. Les garde-fous mis en place pour éviter des expériences trop dangereuses seraient donc diminués.

Certains souhaitent faire payer des personnes pour tester. Accepter cela a pour conséquence que des thérapies innovantes sont réservées à ceux qui en ont les moyens. Les partisans de ce paiement insistent cependant sur le fait que les riches testant ces produits seraient des « cobayes » utiles à la collectivité et particulièrement bien informés.

Garanties juridiques

Dans l’Union européenne, aux Etats-Unis et dans les pays socio-économiquement similaires, les législations sont de plus en plus exigeantes sur le plan de la santé, ce qui est positif. Elles sont aussi de plus en plus complexes, abondantes et exigeantes techniquement notamment pour les expérimentations. Ceci mène à rendre (quasiment) impossible qu’un volontaire informé puisse tester certaines thérapies même si

  • il souhaite le faire par intérêt personnel;
  • il souhaite le faire par désir de faire avancer « la science » pour une vie en bonne santé;
  • il est très âgé et sait qu’en l’absence de thérapie efficace nouvelle, il ne lui reste probablement que quelques années à vivre;
  • il pourrait parfaitement et en toute légalité en dehors du laboratoire prendre des risques pour sa santé infiniment plus importants; rien ne lui interdit de se remettre à fumer, de boire cinq cognacs par jour et d’avaler tout ce qui se vend sans ordonnance en pharmacie sans se soucier des effets nocifs et sans personne pour l’avertir des risques.

Permettre à des volontaires informés de participer plus aisément à des recherches est donc souhaitable pour le bien des volontaires et pour le bien des frères humains qui après nous vivez.

Devoir d’information, même en cas d’échec

Le but des recherches est une vie meilleure pour tous. Il va de soi que l’effet n’est pas atteint si une découverte positive reste secrète. Dans ce cadre, il y a la question des brevets et des droits de propriété qui a été notamment abordée dans la lettre de mars 2017.

Mais il est également utile que les recherches sans amélioration soient connues. Il est même extrêmement important que les pratiques scientifiques et les législations prévoient leur communication parce que :

  • il est tentant pour des raisons psychologiques, sociales, économiques, … de dissimuler des échecs
  • et ce alors que la collectivité a tout intérêt à connaître ce qui ne « fonctionne » pas (pour ne pas reproduire inutilement des expérimentations) ainsi que les erreurs d’expérimentation commises (pour ne pas les renouveler).

Qui pourrait tester ?

À quel âge tester des thérapies nouvelles ?

La plupart des expérimentations médicales se font aujourd’hui chez des personnes relativement jeunes. La raison de ce choix est éthique, pratique et économique :

  • il s’agit de prendre des individus « solides » qui risquent moins en cas d’accident (raison éthique);
  • Il faut éviter que les sujets d’expériences aient des problèmes de santé autres que ceux pour lesquels le test est fait sinon il serait difficile de distinguer effet négatif éventuel d’une thérapie et autres problèmes de santé, en tout cas si le groupe test est de petite taille (raison pratique et économique).

Or, de plus en plus, et surtout dans les pays les plus riches, nous ne mourrons plus que de maladies liées au vieillissement. Nous vivons généralement en bonne santé de plus en plus longtemps au moins jusqu’à 65 ans, et souvent jusqu’à 75 ou même 80 ans. De plus en plus, les décès avant 75 ans sont qualifiés de décès « prématurés ». Par contre la limite supérieure de la durée de vie progresse beaucoup moins rapidement et même stagne.

Autrement dit, aujourd’hui :

  • l’essentiel des conséquences mortelles du vieillissement se passe en 15 à 20 ans d’un peu moins de 80 ans à environ 95 ans pour les hommes et d’un peu plus de 80 ans à un peu moins de 100 ans pour les femmes ;
  • alors que l’essentiel des essais thérapeutiques se fait chez des sujets jeunes c’est-à-dire qui n’ont pas besoin de thérapie.

Tester des thérapies nouvelles sur des personnes âgées de moins de 75 ou 80 ans ne permettrait donc pas de faire des constatations importantes en termes de mortalité avant une décennie, surtout si le groupe de personnes testées est réduit. Bien sûr, il y a des marqueurs biologiques qui permettent de donner des indications relatives au rythme de vieillissement, mais aucun de ces marqueurs n’est actuellement considéré comme le mesurant clairement.

Il serait même plus souhaitable encore de réaliser des tests en double aveugle sur des femmes et des hommes très âgés (hommes de plus de 90 ans, femmes de plus de 95 ans), en bonne santé pour leur âge et ayant donné un consentement informé. Attention, il ne s’agirait pas de tester une thérapie pour un groupe et de laisser l’autre groupe sans rien mais d’avoir deux groupes (voire plusieurs groupes) bénéficiant tous de soins élevés dont certains recevraient en plus une thérapie nouvelle (et d’autres un placebo).

Dans ce cas de figure, du seul fait de l’expérimentation et de son but (recherche médicale pour vivre plus longtemps en bonne santé), la durée de vie moyenne et la durée de vie moyenne en bonne santé se trouverait presque certainement allongée même pour le groupe ne recevant pas de thérapie nouvelle (car ils bénéficieraient tous de soins adaptés, dans un environnement favorable, ….).

Ce qui se fait réellement aujourd’hui

Aujourd’hui, selon les informations disponibles dans la presse, seules trois expérimentations sont connues. Aucune n’est directement organisée par une institution publique.

Le projet TAME a pour objectif de tester sur des milliers de personnes âgées américaines en bonne santé l’effet positif pour la longévité de la metformine (un médicament utilisé notamment pour le traitement du diabète).

La société Ambrosia veut expérimenter l’utilisation chez des personnes âgées américaines les effets réjuvénateurs de l’injection de sang de personnes jeunes.

Liz Parrish de la société Bioviva se définit comme le « patient 0 » (la première patiente) pour des thérapies de réjuvénation. Elle a utilisé une thérapie génétique pour l’allongement des télomères de ses cellules et un inhibiteur de myostatine pour renforcer ses capacités musculaires.

Ce qui peut se faire demain

En octobre 2017, comme chaque mois, plus de 3 millions de personnes sont décédées des suites de maladies liées au vieillissement. Chaque jour, des milliards d’euros sont consacrés pour les soins de santé aux personnes âgées dans le monde et c’est très bien pour ceux qui en bénéficient (malheureusement beaucoup de personnes âgées ne bénéficient d’aucun soin). Durant la même période, les expérimentations humaines concernant l’amélioration de la longévité n’ont concerné que quelques personnes et les investissements sont dérisoires.

Des citoyens seraient certainement volontaires pour participer à des recherches et expérimentations. Le droit des citoyens à chercher comment gagner des années de vie en bonne santé pour les autres et pour eux-mêmes pourrait être développé plus rapidement si la mobilisation à ce sujet s’accroissait.


La bonne nouvelle du mois : avancées pour les recherches relatives aux cellules sénescentes


Les recherches sur les sénolytiques (produits détruisant les cellules sénescentes) sont de plus en plus nombreuses et prometteuses. Le prestigieux magazine Nature vient de publier un article consacrée à la réjuvénation grâce à la suppression des « cellules zombies » (To stay young, kill zombie cells). L’article annonce notamment que des essais sur des êtres humains sont très proches.

Pour en savoir plus:

De manière générale, voir notamment: heales.orgsens.orglongevityalliance.org et longecity.org

A propos d’expérimentation humaine (pas seulement médicale) : en.wikipedia.org/wiki/Human_subject_research

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