De l’influence d’un millième de la masse de notre corps sur le vieillissement. La mort de la mort. Août 2018. N° 113.

Les nombreux milliardaires qui font des recherches sur la vie éternelle feront bientôt en sorte que nous puissions avoir 200 ans. Il faudra relativement peu d’étapes ensuite avant 1000 ans ou même avant de devenir immortel. J’ai une grande confiance en ces milliardaires et je comprends leur passion.

Il est humiliant que la vie à un moment donné vous pousse simplement de côté. En ce sens, la mort est une excellente technologie qui permet à la nature de prospérer. Après qu’une personne a eu son utilité, une nouvelle vient à sa place. Mais tôt ou tard, chaque technologie deviendra obsolète. Dans le cas de notre mortalité, il faudra une ou deux percées majeures.

Manu Joseph, écrivain et journaliste indien. 17 août 2018, traduction.


Thème du mois. Du rôle de quelques organes de très petite taille dans le vieillissement.


Chaque être humain est un univers en soi constitué de centaines de milliards de cellules mais aussi de bactéries. Chacune de ces entités est à son tour un ensemble de structures et de corpuscules que nous ne comprenons que partiellement.

L’ensemble des structures, organes, corpuscules,… assurant le fonctionnement de notre organisme sont d’une extraordinaire complexité. Les liaisons entre les organes, les rythmes, les contacts avec l’extérieur, sont presque toujours multidirectionnels. Un verre d’eau que nous buvons, un sentiment que nous éprouvons, une heure de sommeil en plus et en moins, tout a des effets physiologiques.

Nous en savons plus sur notre corps que jamais auparavant. En même temps, une immensité reste à découvrir. Il y a ce que nous ne comprenons pas. Il y a ce dont nous ignorons même encore l’existence. Et il y a probablement bien des choses que nous pensons à tort savoir. Pendant des siècles, le tabac a été une plante médicinale et la saignée un remède majeur.

Parmi les centaines d’organes que compte notre corps, certains de très petite taille sont indispensables à notre fonctionnement harmonieux. Cette lettre aborde le rôle lié à la longévité du thymus, de la thyroïde, de l’hypothalamus, de l’hypophyse et de l’hippocampe, cinq organes qui, ensemble, représentent environ un millième du poids d’une personne adulte ordinaire.

Thymus

Le thymus est au centre du système immunitaire. C’est un tout petit organe qui se situe à proximité du coeur. Son poids maximum (une trentaine de grammes) est atteint à la fin de l’adolescence.

Le thymus est spécialisé dans la maturation des lymphocytes T (T pour thymus). Leur rôle est de détecter les cellules infectées par un virus ou les cellules cancéreuses et de les détruire.

Un des aspects majeurs du vieillissement est la diminution d’efficacité du système immunitaire, celle-ci se manifeste de deux manières :

  • les cellules infectées, malades,… qui devraient être détruites ne le sont plus
  • des cellules saines sont attaquées (maladies auto-immunes)

Permettre un fonctionnement avec sénescence réduite de l’ensemble du système immunitaire est un enjeu majeur. Or, le thymus perd de son volume au long de notre vie (le terme médical est involution) jusqu’à parfois disparaître en étant totalement remplacé par de simples cellules de graisse. En vieillissant, nous devenons donc de plus en plus sensibles aux maladies contagieuses.

Si nous pouvions régénérer le thymus, nous aiderions les personnes âgées à combattre plus efficacement les infections. Des scientifiques, parmi lesquels le biogérontologiste Greg Fahy, étudient les moyens d’y parvenir.

Thyroïde

La thyroïde est une glande se situant dans le cou. Elle pèse une trentaine de grammes et produit certaines hormones (hormones thyroïdiennes). Ces hormones sont vitales et ont une influence concernant l’ensemble des rythmes de l’organisme : rythme cardiovasculaire, de la croissance, métabolique.

Un aspect important du vieillissement est la diminution de la production de certaines hormones. Depuis longtemps, beaucoup de médecins prescrivent des hormones pour lutter contre des aspects du vieillissement. Malheureusement, aucune influence forte ne semble établie pour la longévité, du simple fait de l’absorption d’hormones. En ce qui concerne la thyroïde, curieusement c’est une activité réduite de cette glande qui est associée avec une espérance de vie plus importante.

L’hypothalamus et l’hypophyse

L’hypothalamus est une toute petite partie du cerveau située à sa base. Il ne pèse qu’environ 4 grammes mais il joue un rôle décisif pour de nombreuses fonctions physiologiques dont la libération d’hormones et la régulation de la température corporelle. Il est relié à l’hypophyse ou glande pituitaire, organe encore plus petit de moins d’un gramme qui produit de nombreuses hormones dont la plus connue est l’hormone de croissance.

L’influence sur la longévité de ces organes en cas de dysfonctionnement est claire et rapide. Par contre, comme presque toujours dans le domaine de la recherche sur la longévité, les résultats d’une modification visant à l’amélioration sont mitigés. L’hormone de croissance a été – et est encore – présentée comme un produit « anti-âge » mais aucune étude à ce jour n’a démontré d’efficacité en terme de durée moyenne ou maximale de vie sur l’humain. L’effet pourrait même être contraire.

L’hippocampe

L’hippocampe est une partie du cerveau humain (et des mammifères en général) qui a une forme ressemblant au poisson du même nom. Nous avons un hippocampe par hémisphère, les deux ensemble ne pesant que quelques grammes. L’hippocampe joue un rôle central dans la mémoire et l’orientation dans l’espace. Lors de la maladie d’Alzheimer, les effets de la dégradation de cet organe se font généralement sentir dans l’hippocampe avant de toucher le reste du cerveau. Ceci se marque par une perte de la mémoire à court terme et du sens de l’orientation.

Nous connaissons beaucoup des mécanismes de développement des maladies neurodégénératives et particulièrement de la maladie d’Alzheimer, mais nous sommes encore très loin d’un remède. Nous savons que l’hippocampe tend à perdre du volume avec l’âge, particulièrement chez les personnes malades. Mais à ce jour, malheureusement, pour cet organe comme pour le reste du cerveau, aucun traitement spécifique efficace n’existe.

Et plus globalement

Comme abordé en début de lettre, notre corps est un réseau d’interdépendances d’une complexité qu’aucun environnement informatique au monde ne peut encore simuler, même de manière approximative. Mais le rôle de certaines parties est fondamental, agissant notamment sur la rapidité du vieillissement. Davantage connaître ces organes sera utile pour progresser dans la compréhension des mécanismes du vieillissement.

Attention, cependant, pour permettre aux femmes et aux hommes qui le souhaitent de vivre en bonne santé (beaucoup) plus longtemps, comprendre totalement les mécanismes du vieillissement n’est pas nécessaire. Ainsi, même aujourd’hui, nous ne comprenons pas totalement comment fonctionne l’anesthésie.

Même si comprendre le corps avec ses composantes et son fonctionnement sera insuffisant, c’est indispensable. Ce qui est également indispensable, c’est de chercher, notamment grâce à l’expérimentation avec des volontaires informés ce que nous pouvons faire pour diminuer les souffrances et les affections dues à la sénescence.


Nouvelles du mois. Plus aucune supercentenaire de plus de 115 ans vivante mais des cellules humaines régénérées


Le 22 juillet 2018, madame Chiyo Miyako, japonaise, qui était la doyenne de l’humanité est décédée à l’âge de 117 ans. C’est une autre citoyenne japonaise, Kane Tanaka, qui lui succède, mais elle n’est âgée que de 115 ans. Et selon le Gerontology Research Group, il n’y a plus que 6 personnes au monde « validées » comme ayant plus de 113 ans.

Mais même si cela ne se traduit pas encore en avancée des durées maximales de vie, les recherches progressent. Le corps humain vieillit, notamment parce que nos cellules vieillissent. Des chercheurs britanniques de l’Université d’Exeter tentent d’inverser la sénescence cellulaire. Selon l’article scientifique publié, ils ont réussi, en laboratoire, en utilisant des molécules à base de resvératrol à inverser une partie du vieillissement de certaines cellules humaines (des fibroblastes).

A noter qu’il y a quelques années, en France le professeur Jean-Marc Lemaitre et son équipe avaient déjà réussi à transformer des cellules de centenaires en cellules-souches.


Pour en savoir plus:

Photo: un hippocampe cérébral et un hippocampe marin