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De quelques théories en lien avec la longévité généralement perçues comme non sérieuses. La mort de la mort. Octobre 2019. Numéro 127.

« Si vous voulez trouver les secrets de l’Univers, pensez en termes d’énergie, de fréquence, d’information et de vibration. » Nikola Tesla (traduction).


Thème du mois : Des théories contestées


Cette lettre mensuelle donne une introduction à des théories communément non acceptées par la communauté scientifique. L’essentiel de la lettre est consacré à la description de certaines de ces théories. Les phrases en italique visent à donner le point de vue scientifique généralement admis actuellement.

Toutes les médecines alternatives ne sont pas abordées ici. Ne sont notamment pas abordées : 

  • le yoga et les autres pratiques liées aux mouvements et manipulations du corps (gymnastiques, danse, ostéopathie…) et à l’atteinte d’états modifiés de la conscience (hypnose, musique,…)
  • le jeûne et toutes les prescriptions alimentaires (paléodiète, véganisme, végétarisme, …)
  • l’aromathérapie et les autres théories liées soit à l’ingestion de substances (phytothérapie, gemmothérapie, absorption d’argile, certaines plantes non utilisées en pharmacopée classique…), soit à la respiration de substances
  • l’utilisation à vocation thérapeutique de couleurs ou de cristaux
  • les théories basées sur des convictions proprement religieuses (rôle thérapeutique des prières, miracles, …)

Chakras, méridiens, …

Selon le concept oriental, notre corps possède des centres énergétiques ou chakras, situés le long de notre colonne, qui commence à la base du sacrum, le “chakra racine”, captant les énergies telluriques et se terminant au-dessus du crâne, par notre “chakra coronal”, captant les énergies cosmiques. Nous serions donc comme une antenne cosmo-tellurique. Selon cette vision, si tous nos chakras sont bien ouverts (par des exercices de méditation, de pleine conscience, de danse, de yoga, de massages énergétiques ou en utilisant les sons des bols tibétains), nous recevons suffisamment d’énergie, pouvant circuler et équilibrer tout le corps, permettant ainsi de maintenir une bonne santé.

En électricité, moins il y a de résistance dans un fil, plus il est conducteur d’énergie. En cultivant la sérénité par la méditation, on crée un état de non résistance dans le corps et on peut ressentir davantage de vitalité.

La médecine du corps énergétique apporte une approche holistique de la santé et de la longévité.

Selon la médecine traditionnelle chinoise, le corps est parcouru d’un réseau complexe de canaux d’énergies appelés “méridiens”:

Dans les diagrammes chinois du corps humain, ces réseaux d’énergie ressemblent à un schéma de câblage électronique. A l’aide d’aiguilles d’acupuncture, les médecins chinois vérifient les circuits énergétiques de leurs patients tout comme les ingénieurs vérifient les circuits électroniques pour détecter les “pathologies” électriques. 

Pour d’autres partisans de médecine alternative, c’est l’oreille, ou également les mains et les pieds qui seraient reliés aux organes du reste du corps et l’utilisation d’aiguilles ou de massages dans la bonne partie de ces organes influerait positivement sur le fonctionnement du corps.

Selon les connaissances scientifiques contemporaines cependant, l’existence des chakras, des méridiens et d’autres liaisons énergétiques vers le corps ne peut être prouvée et les effets thérapeutiques ne sont pas mesurables.

L’eau est conductrice

Nous savons que notre corps est composé de plus de 70% d’eau. La qualité de cette eau est donc primordiale. Des études menées par Masaru Emoto, ont montré que l’eau avait une “mémoire”. Selon les intentions ou mélodies émises, l’eau ne forme pas les mêmes cristaux de glace, d’où la structure différente selon les pensées ou musiques captées par le champ vibratoire de l’eau. Le fait que l’eau ait une « mémoire » et soit influencée par son passé a été démontré par le médecin et immunologiste Jacques Benveniste.

L’eau est une molécule complexe aux états bien plus nombreux que ce que nous pensons généralement. Cependant, aucune étude ne démontre un état de santé meilleur du fait de l’utilisation de molécules d’eau ayant un passé spécifique, les hypothèses de la « mémoire de l’eau » étant actuellement considérées comme non valides.

Homéopathie

C’est est une branche de la médecine selon laquelle des produits extrêmement dilués ont un effet thérapeutique basés sur le principe de similarité. L’idée de base, émise par le médecin Samuel Hahnemann en 1796 est que des substances provoquant une maladie chez des sujets sains, pourrait guérir des personnes malades.

Les traitements homéopathiques ont été et sont utilisés par des centaines de millions de personnes de par le monde, avec un taux de satisfaction des patients très élevé et avec des médecins qui, de manière générale, accordent plus d’attention aux malades. Des médicaments homéopathiques sont utilisés même pour des animaux avec des résultats importants.

Le consensus scientifique large (et vérifié par de nombreuses expérimentations) est que les produits homéopathiques n’ont pas d’autre effet qu’un placebo. D’ailleurs leur dilution est telle qu’il n’y a plus de molécule du principe actif.

Médecine vibratoire

Lorsqu’il s’agit de connaissances anciennes, le son, la fréquence et les vibrations ont toujours été perçus comme des forces puissantes, qui peuvent influencer et modifier la vie jusqu’au niveau cellulaire.

Les méthodes de guérison par le son sont souvent utilisées par les chamans, qui utilisent les tambours et le chant pour accéder aux états de transe. La recherche a même démontré que le tambour et le chant peuvent être utilisés pour ralentir les maladies cérébrales mortelles, et qu’ils peuvent générer un sentiment d’unité avec l’univers.

La thérapie sonore peut avoir de nombreuses applications médicales, en particulier dans le domaine de la santé psychologique et mentale. Dans des expériences répétées et contrôlées, les fréquences, connues sous le nom de technologie du champ électrique pulsé oscillant (OPEF), inventé par Royal Rife, ont tué en moyenne 25 à 40 % des cellules leucémiques, allant jusqu’à 60 % dans certains cas. De plus, l’intervention a même ralenti le taux de croissance des cellules cancéreuses jusqu’à 65 %.

Les vibrations sonores ou autres ont, bien sûr, des effets physiques et souvent des effets sur l’organisme. Cependant, il n’y a pas d’utilisation thérapeutique importante reconnue par la majorité de la communauté scientifique.

Biologie électrique

Grâce à l’imagerie par résonance magnétique, des chercheurs de l’université de Pennsylvanie ont constaté que certaines protéines sont dotées d’une « vibration » interne qui palpite des milliards de fois par seconde. Cette révélation a conduit à conclure que ce n’est pas seulement la forme repliée complexe de ces molécules qui influe sur leur fonction, mais leur mouvement interne.

Selon le Dr Joshua Wand, « La situation est semblable à la discussion en astrophysique, où les théoriciens prédisent qu’il existe de la matière ou de l’énergie mystérieuse que personne n’a encore vue. »

Un livre publié en 2010 en Suisse, intitulé Der Urzeit-Code détaille des expériences qui montrent comment un champ électrique fluctuant peut altérer les gamètes au point de créer de nouvelles espèces.

Dans ces expériences de laboratoire, les chercheurs, le Dr Guido Ebner et Heinz Schürch, ont exposé des graines de céréales et des œufs de poisson à un « champ électrostatique ». Des organismes primitifs inattendus sont nés de ces graines et œufs : une fougère qu’aucun botaniste n’a pu identifier, du maïs primitif avec un maximum de douze épis par tige; du blé qui était prêt à être récolté en seulement quatre à six semaines. Et une truite géante, disparue en Europe depuis 130 ans, avec un saumon dit à crochets. C’était comme si, dans le champ électrique, ces organismes avaient accès à leurs propres souvenirs génétiques sur commande, un phénomène que le biochimiste anglais Rupert Sheldrake, par exemple, estime possible.

Étant donné ce que rapporte Der Urzeit-Code, il ne serait pas exagéré de penser que les courants électriques peuvent faire résonner les protéines à des vitesses variables et changer ainsi leur comportement, ou, en déclenchant un changement d’état des champs morphiques, avoir un effet thérapeutique positif.

L’effet spectaculaire de courants électriques dans le développement vers le stade adulte de divers animaux a été notamment montré en décembre 2018 par un scientifique américain, Michael Lewin.

La communauté scientifique contemporaine n’utilise presque plus des courants électriques dans un but thérapeutique et estime les effets positifs non démontrés. Il faut noter que les recherches dans ces domaines sont beaucoup moins développées que par le passé.

L’effet placebo (et son contraire, l’effet nocebo)

Ces effets sont une conséquence avérée de notre pouvoir d’autosuggestion. Il démontre que nous pouvons influer sur les mécanismes physiologiques du corps par la pensée. Nous vivons dans une culture où les antidépresseurs et bien d’autres médicaments fonctionnent, pour une bien grande part parce que les gens y croient !

L’effet placebo n’est pas considéré comme une fausse science ou une médecine alternative. Force est pourtant de constater, que les raisons de l’efficacité se situent pour l’essentiel dans la « puissance de l’esprit » sans démonstration précise des mécanismes en jeu. L’effet placebo n’est reconnu scientifiquement que parce qu’il a été mesuré à d’innombrables reprises.

Pouvoir de l’esprit et biologie quantique

Selon Bruce Lipton, notre santé n’est pas seulement déterminée par notre ADN mais par notre environnement et la puissance de nos pensées et croyances.

Voici un résumé de ses propos à propos de cette nouvelle vision de la biologie : 

Il y a aujourd’hui, deux systèmes de pensée sur la biologie humaine, l’un est basé sur la réalité physique, selon laquelle tout dans l’univers est fait de matières, c’est une vision newtonienne de la médecine conventionnelle. L’autre vision se base sur la physique quantique, elle suppose que l’univers est fait d’énergie et que tout ce que l’on considère comme de la matière serait en fait de l’énergie.

La majeure différence entre les deux est que les forces invisibles jouent un rôle primordial dans la nouvelle vision de la biologie. La vision actuelle de la génétique a bien changé, l’ancienne approche apprise et enseignée était appelée déterminisme génétique. Selon elle, nos gènes déterminent nos caractéristiques non seulement structurelles mais aussi physiques, émotionnelles et nos comportements de sorte que notre vie reflète notre génétique.

Il existe une nouvelle science que l’on appelle l’épigénétique. « Il y a 40 ans, je vis pour la première fois en quoi cela consistait sur mes cellules souches en culture. J’avais des cellules identiques dans 3 boîtes mais je changeais l’environnement de chacune, donnant des tissus d’organes différents. Cette notion de contrôle environnemental sur les gènes est le contrôle épigénétique. »

Notre vision du monde est primordiale car nos perceptions sont transformées en substances qui contrôlent notre comportement et notre expression génétique. Les recherches alliant physique quantique, ingénierie électrique, chimie et biologie, sont particulièrement pertinentes, car elles pourraient donner naissance à des thérapies entraînant beaucoup moins d’effets secondaires que les médicaments. Or, ces recherches confirmeront ce que « savent » déjà, sans l’avoir réalisé, le scientifique et le non-scientifique : tout organisme, y compris l’humain, communique avec son environnement et le décode en évaluant les champs d’énergie.

Comme l’humain dépend étroitement des langages parlés et écrits, il a négligé ses senseurs d’énergie en tant que système de communication. Comme pour toute fonction, le non-usage mène à l’atrophie. Les aborigènes utilisent encore quotidiennement cette fonction hypersensible, et il n’y a pas chez eux d’atrophie sensorielle. Ainsi, ils sont capables de sentir l’eau enfouie profondément dans le sable. Quant aux chamans de l’Amazonie, ils communiquent avec l’énergie des plantes médicinales.

Les connaissances relatives à l’épigénétique en lien avec la longévité ont été abordées dans une lettre de juin 2019. L’influence passée du milieu extérieur est établie et elle est forte au niveau épigénétique. Mais l’influence de champs quantiques ou d’autres énergies n’est pas démontrée.

En conclusion

Une bonne hygiène de vie permettant à nos énergies de circuler de façon équilibrée et des pensées positives favorisent notre santé et notre longévité.

Cet état est à la fois bénéfique pour exprimer les bons gènes (comme les gènes suppresseurs de tumeurs) et inhiber l’expression des “mauvais” comme ceux de l’inflammation, de certains cancers ou maladies auto-immunes, …

Avancer en âge sans présenter les symptômes liés à l’âge, voilà ce que nous enseigne la médecine énergétique, l’épigénétique et la biologie quantique, qui nous montrent comment reprendre le contrôle de notre santé. C’est une façon de réinterroger nos capacités tout en bénéficiant des nouvelles recherches actuelles en matière de santé et d’avoir une vision plus globale.

Toutes les théories décrites ci-dessus sont considérées par l’essentiel de la communauté scientifique et médicale comme non-valides pour deux raisons principales :

  • l’absence de preuve acceptée des mécanismes qui se produisent;
  • l’absence de preuve de l’efficacité thérapeutique.

Il est certain également que les thérapies alternatives sont très souvent vendues à des personnes en souffrance avec un but lucratif. Les produits pour une meilleure santé et une vie plus longue se vendent aux puissants et aux pauvres depuis des millénaires. Cependant, des produits pharmaceutiques classiques sont également vendus pour des montants gigantesques et les scientifiques qui les créent ont également des buts lucratifs. Souvent, ils n’hésitent d’ailleurs pas non plus à vendre des produits dont l’efficacité est douteuse.

La science a accompli d’immenses progrès mais les scientifiques doivent rester modestes en ce qui concerne les progrès de la médecine, particulièrement de la longévité. En l’an 6 de notre ère, Terentia, veuve de Cicéron, mourait à l’âge de 104 ans. En l’an 2019, Kane Tanaka, la femme la plus âgée de la planète n’a que 12 ans de plus et elle ne danse pas le tango tous les jours.

Certaines pistes de recherches alternatives pourraient être testées selon des critères scientifiques reconnus, c’est-à-dire notamment avec des expérimentations en double aveugle. L’espace accordé à la recherche « non-conventionnelle » peut être lié à l’attention à tout ce qui est imprévu, à une attitude favorable à la sérendipité. Sachant cependant aussi qu’il en va de même pour les prétentions des médecines et recherches alternatives que pour les prétentions des médecines et recherches scientifiques « classiques » : aujourd’hui, rien ne fonctionne encore au-delà d’un peu plus de 110 ans, quelle que soit la beauté des théories, la puissance des déclarations, le caractère inhabituel ou non des idées et la taille des moyens investis. Et ceci alors que l’objectif pourrait bien être à notre portée.


La bonne nouvelle du mois : Les progrès de « l’édition » génétique s’accélèrent


Selon un article paru dans Nature le 21 octobre, deux chercheurs américains, David Liu et Andrew Anzalone, ont découvert un outil de modification génétique, plus performant et plus précis que les techniques de type CRISPR. Grâce à une enzyme nouvelle (résultat de la fusion de deux autres enzymes dont l’enzyme CAS9), une zone très spécifique de l’ADN peut désormais être « éditée » ou « réécrite », sans qu’il soit nécessaire de couper le brin d’ADN.

Selon l’article, les chercheurs ont déjà testé cette méthode sur des cellules humaines in vitro et réussi parfaitement 175 modifications génétiques sur des cellules atteintes d’affections diverses.

Cette étape nouvelle dans une évolution rapide ouvre bien sûr aussi des perspectives potentielles pour des thérapies géniques « positives », d’amélioration et non pas seulement de lutte contre des maladies génétiques.


Pour en savoir plus :

 

Le consentement à la recherche médicale : devoir éthique ? La mort de la mort. Septembre 2019. Numéro 126.

Bientôt, la science ne pourra pas seulement ralentir le vieillissement des cellules, mais elle fixera les cellules en l’état et nous deviendrons ainsi éternels. Eric Cantona, 29 août 2019, dans une intervention un peu « déjantée”, à l’occasion de la remise du prix 2019 du président de l’UEFA (traduction).


Thème du mois : Expérimenter pour la longévité, droit ou devoir ?


Au cours des dernières décennies, petit à petit, les sociétés ont élaboré un tissu énorme de législations protectrices de la santé de personnes qui se soumettent à des expérimentations. A un point qui n’est plus favorable ni pour les progrès médicaux, ni pour les personnes qui souhaitent expérimenter pour le bien commun.

Le passé de la recherche médicale

Pendant des siècles, les expérimentations portant sur des humains se sont faites avec bien moins de respect pour les droits des personnes subissant l’expérimentation que pour les autres citoyens.

Les résultats des recherches médicales à partir de la renaissance et surtout au 19ème et au début du 20ème furent extraordinaires. Mais le non-respect des droits humains de ceux subissant l’expérimentation fut souvent également spectaculaire.

Pendant longtemps, bien souvent, ce sont des condamnés qui étaient « utilisés », charcutés, … A des époques où la peine de mort était encore fréquente, cela pouvait être un moyen d’échapper à la peine ultime. Mais un moyen d’autant plus potentiellement peu enviable que l’anesthésie n’était pas encore pratiquée.

A côté des condamnés par la justice, il y avait les populations ayant moins de droits, venant notamment d’Afrique noire. Ainsi un médecin du Sud des Etats-Unis, James Marion Sims expérimenta d’abord sur des femmes esclaves noires avant d’opérer sur des femmes blanches.

Mais quand le sujet de l’expérimentation médicale non éthique est abordé, c’est surtout aux atrocités commises durant la seconde guerre mondiale, dont celles du tristement célèbre Docteur Mengele, que l’on pense. Il fut responsable de dizaines de morts de femmes, d’enfants et d’adultes. Ce qui fut commis par des médecins de l’armée impériale japonaise de l’Unité 731 est moins connu. Les expérimentations se firent pourtant dans des conditions plus abominables encore et provoquèrent des milliers de morts. De manière totalement immorale également, il y eut très peu de poursuites après la guerre et pas de condamnation du principal responsable Shiro Ishii.

Ce sont ces atrocités qui ont été l’élément déclencheur de législations strictes. Mais ces développements ont été progressifs. Par exemple jusqu’aux années 70, les autorités américaines se sont encore livrées à des expériences sur des afro-américains.

La situation contemporaine

Aujourd’hui, en tout cas dans les pays où se passent la majorité des expérimentations médicales, la législation est d’une grande sévérité, exprimée principalement dans la Déclaration d’Helsinki. Par une sorte de mouvement de balancier excessif, une personne qui se soumet à des essais cliniques est mieux protégée qu’un citoyen ordinaire. Pour effectuer une expérimentation, il faut notamment que l’organisation intéressée y soit autorisée, que l’expérimentation elle-même ait été admise par un organisme d’avis, que les « testeurs » aient marqué leur accord « informé », ce qui signifie remplir des documents complexes et nombreux. Il faut aussi, bien sûr, que le risque de santé pour les « testeurs » ne soit pas considéré comme disproportionné.

Ensuite, l’étude elle-même comprend plusieurs phases. Après avoir établi la probable innocuité, généralement sur l’animal, il faut établir cette même innocuité sur un groupe de personnes sans tester l’efficacité (phase I). Ensuite seulement, il y a examen de l’efficacité du traitement lui-même, d’abord sur un petit groupe, puis sur un plus grand groupe, comparé à un autre traitement ou à un placebo (phases II et III).

Ceci a pour conséquence que l’expérimentation est extrêmement longue et coûteuse. Comme très souvent, les expérimentations sont effectuées par des sociétés en lien avec le monde pharmaceutique, les investissements se font principalement pour des produits et méthodes brevetables et très difficilement pour d’autres. Ceci explique, par exemple, qu’une expérimentation pour la longévité portant sur la metformine ait pris des années à être organisée, faute de moyens.

Il faut toutefois nuancer ces aspects de lenteur. Ainsi, dans le cadre de l’épidémie d’Ebola, certaines expérimentations se sont faites beaucoup plus rapidement. En fait, deux aspects ont probablement joué :

  • La peur de conséquences létales de l’épidémie pour les populations concernées et de la possible propagation vers d’autres continents.
  • Et, de manière beaucoup moins compréhensible éthiquement, une moindre préoccupation pour les règles de protection lorsque les sujets de l’expérimentation se trouvent en Afrique.

Pistes d’amélioration : devoir de partage des données et devoir d’expérimentation

A l’heure actuelle, beaucoup considèrent que les données médicales appartiennent aux patients. Les responsables des traitements ne pourraient donc les utiliser sans consentement. Ceci est compréhensible lorsque les données peuvent être utilisées « contre les patients », par exemple par une compagnie d’assurance, un employeur. Mais en va-t-il de même pour les résultats des recherches médicales qui peuvent être utiles à tous en commençant par les plus faibles ? A supposer que je dispose d’un type de sang unique au monde par ses propriétés coagulantes, serait-il justifié que je refuse l’utilisation de ces données, condamnant à mort des personnes car elles ne pourraient bénéficier pas de certains progrès médicaux ?

La réponse devrait être évidente. D’ailleurs, en pratique, dans l’immense majorité des cas, les formules concernant les consentements au partage de données sont de la paperasserie bureaucratique. Elle amuse surtout les juristes ou plus exactement, elle leur fournit une source de revenus sans créer de réel consentement, puisque quasiment tout le monde signe et quasiment personne ne lit (et celui qui lit, n’en comprendra pas grand chose).

Dans un environnement idéal, la première question posée serait « Comment assurer que les recherches médicales permettent une vie plus longue et en meilleure santé aux personnes qui le souhaitent sans nuire à ceux qui fournissent les informations ? ». Les patients que nous sommes tous auraient le devoir moral, voire l’obligation légale de partager nos données. Il y aurait aussi l’obligation stricte pour les organisations utilisant les données de partager les résultats pour l’utilisation scientifique et thérapeutique et l’interdiction, tout aussi stricte d’utiliser les données à d’autres fins.

Nous deviendrions donc en fait tous testeurs sans aucun effort supplémentaire, en mettant en commun les informations pour tout ce qui concerne les milliards d’opérations médicales (chirurgie, médicaments, examens …)  que nous faisons chaque année. Ceci peut sembler inquiétant à certains mais cela peut aussi être perçu comme rassurant car permettant plus d’accès aux données et donc plus de contrôle. Ce partage se fait d’ailleurs déjà partiellement dans certains pays, notamment en France. En effet, bien des données médicales sont partagées grâce entre autres au Système national des données de santé, mais avec un degré de précision insuffisant.

Il faut noter que cette perception de l’utilisation souhaitée des données médicales tend à se répandre assez rapidement, particulièrement en France. La médecine étant de plus en plus informatisée, elle dépend de plus en plus de données digitales accessibles. Il est de plus en plus clair qu’il serait immoral pour un patient bénéficiant des données des autres de refuser de donner les siennes aux autres.

En parrallèle, des expériences médicales resteront néanmoins nécessaires.

Un premier moyen d’accélération peut-être l’auto-expérimentation. Celle-ci fut assez fréquente par le passé et elle existe encore. Par exemple la controversée Liz Parrish et aussi le biogérontologiste renommé Greg Fahy l’ont pratiqué.

Mais la principale piste, c’est l’expérimentation plus rapide avec des règles plus réalistes sur beaucoup d’aspects. Il faut remarquer qu’être plus rapide, cela peut être plus une garantie de protection pour ceux qui vont être les sujets de l’expérimentation. Il en va ainsi lorsque l’information est partagée plus rapidement, sans être « bloquée » à cause de règles en matière d’appropriation excessive de droits intellectuels ou pour d’autres raisons. Il s’agit notamment d’avoir un projet plus global, idéalement international, d’avoir une procédure d’autorisation éthique globalisée. Il s’agit surtout de la prise de conscience de l’urgence, une fois qu’il est établi que la probabilité d’atteindre l’objectif n’est plus négligeable.

Conclusion

Chaque jour, 110.000 personnes meurent dans le monde de maladies liées au vieillissement. Une expérimentation efficace doit porter sur les plus âgées (sur des personnes jeunes, il faudrait attendre des années, voire décennies avant de voir des résultats suffisamment probants). Les personnes âgées devraient avoir le droit d’expérimenter et dans de meilleures conditions. Nous pouvons même considérer que, pour les femmes et les hommes âgés qui sont informés et qui ont les moyens financiers, sociaux et psychologiques de le faire, c’est un devoir éthique; un devoir d’assistance du même ordre que le devoir que nous pouvons ressentir de donner notre sang en cas de catastrophe.

Les bonnes nouvelles du mois : L’expérimentation de la metformine pour la longévité va débuter. Une expérimentation de 5 produits « rajeunissants » indique un résultat positif.

Le projet « TAME », c’est-à-dire l’expérimentation portant sur les effets positifs de l’absorption de metformine par des personnes âgées en bonne santé va débuter aux Etats-Unis. C’est une bonne nouvelle à tempérer par le fait que ce démarrage était attendu depuis deux années, faute de financement.

Une expérimentation extrêmement prometteuse de 5 produits durant un an pour un petit groupe de 9 hommes âgés de 51 à 65 ans a permis d’établir dans ce groupe un recul de l’âge indiqué par les « horloges épigénétiques » de 2 ans et demi en moyenne. En d’autres mots, il semble qu’il y ait réjuvénation sur les deux années mesurées pour les personnes qui prennent ces produits. C’est extrêmement prometteur, mais à confirmer par des expériences à plus grande échelle.


Pour en savoir plus :

 

 

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Sexe et longévité. La mort de la mort. Août 2019. Numéro 125.

Souverain, mon maître, la vieillesse est advenue, le grand âge s’est abattu, l’épuisement est arrivé, la faiblesse se renouvelle. Il passe chaque jour à dormir, comme retombé en enfance. La vue baisse, il devient dur d’oreilles, la force vient à manquer, le coeur est las, la bouche est silencieuse, elle ne parle plus, le coeur n’est plus, il ne se souvient plus d’hier, toute l’ossature fait souffrir, le bon se transforme en mauvais. Chaque goût disparaît. L’action de la vieillesse sur le genre humain est mauvaise sous tous rapports. Le nez est bouché, il ne respire plus, il est aussi pénible de se lever que de s’asseoir.

C’est ainsi qu’il y a 44 siècles, le vizir Ptahhotep, qui allait prendre un « bâton de vieillesse », c’est-à-dire un assistant, aurait décrit au roi Djedkarê Isési à 110 ans les infirmités qui commençaient à l’accabler. L’âge de 110 ans et la vieillesse chez les égyptiens. Gustave Lefebvre. 1944. Remarque : il est expliqué dans l’article qu’il s’agissait de durées de vie inventées, aucun égyptien de l’antiquité ne vécut probablement plus d’une centaine d’années.


Thème du mois : Vivre plus longtemps, une inégalité en faveur des femmes ?


Différences parmi les animaux

Chez bien des espèces animales, il y a des différences selon le sexe en ce qui concerne la durée de vie. Ces différences peuvent être spectaculaires par exemple en ce qui concerne les insectes sociaux. Certaines reines d’une espèce de fourmi peuvent vivre jusqu’à 30 ans alors que les mâles meurent rapidement après la fécondation, quelques jours après avoir atteint l’âge adulte.

Parmi les animaux en général, les différences entre les sexes ne sont généralement pas importantes. Il faut d’ailleurs distinguer la durée de vie moyenne, normale, en liberté, et la durée de vie maximale, protégé des éléments et des prédateurs en captivité. Pour la durée de vie à l’état sauvage, les animaux les plus forts (qui peuvent être les femelles où les mâles selon les espèces) vivent plus longtemps. En captivité, ce sont plutôt les animaux les plus petits qui vivent plus longtemps.

Chez certaines espèces, le moment de la reproduction est celui de la fin de la vie, l’exemple le plus connu et spectaculaire étant celui des saumons. Parfois, les femelles peuvent vivre plus longtemps afin de porter la génération suivante. Il en va ainsi de l’antechinus, une espèce de marsupial. La femelle survivra jusqu’à ce que les jeunes puissent devenir autonomes et parfois, la femelle pourra même avoir une seconde portée. Le mâle, lui, a la vie la plus courte parmi tous les mammifères, moins d’un an, vie qui se termine très peu de temps après la reproduction.

Ce qui pourrait créer une différence importante selon le sexe, à savoir le mécanisme de ménopause, n’existe, en dehors des humains, que chez certains cétacés dont les orques.

Différences entre femmes et hommes : le naturel et le culturel

Il est largement connu que les femmes vivent aujourd’hui en moyenne plus longtemps que les hommes. Ainsi, en France en 2017, l’espérance de vie atteignait 85,4 ans pour les femmes et 79,5 ans pour les hommes. C’est bien sûr entre autres grâce au fait que la mortalité maternelle à l’accouchement est devenue un évènement très rare. Alors qu’il naît un peu plus d’hommes que de femmes, le nombre de femmes sur la planète dépasse celui des hommes. Jusqu’il y a quelques décennies, la différence sexuelle se marquait d’abord dans les décès plus nombreux des jeunes garçons que des jeunes filles. Aujourd’hui, sauf dans les pays les plus pauvres, la mortalité infantile étant devenue faible voire négligeable, c’est surtout aux âges avancés que se marquent les différences. En France, en 2018, 58 % des personnes âgées de 80 ans étaient des femmes, 69 % des personnes âgées de 90 ans et 81 % des centenaires. Parmi les très rares personnes qui dépassent l’âge de 110 ans, il n’y a presque pas d’hommes. Les 10 personnes qui ont vécu (de manière prouvée) le plus longtemps dans l’histoire de l’humanité sont d’ailleurs des femmes.

Dans tous les pays du monde sauf deux pays extrêmement pauvres (Mali et Eswatini, ex-Swaziland), les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes, malgré qu’elles aient un niveau de vie, dont un accès aux soins, souvent moindre, particulièrement à un âge avancé, souvent synonyme d’isolement.

La durée de vie, tant moyenne que maximale, est donc un domaine où il est préférable de naître femme plutôt qu’homme.

Les causes de ces différences sont presque certainement biologiques, mais il y a aussi des raisons socio-culturelles :

  • moins de prise de risque, par exemple moins de décès dans les accidents de voiture;
  • moins de violence, notamment moins de meurtres (commis, mais aussi subis, malgré les féminicides);
  • moins de suicides aboutis; 
  • moins de consommation de tabac et d’alcool.

Dans de nombreux pays riches à l’espérance de vie longue, l’espérance de vie des hommes progresse plus que celle des femmes et donc la différence de durée de vie entre femmes et hommes tend à diminuer. Ceci s’explique probablement par une raison culturelle, à savoir que les comportements des personnes des deux sexes s’uniformisent, mais peut-être aussi parce que, sans progrès médical de rupture, nous ne pouvons plus guère progresser dans l’espérance de vie et donc ceux et surtout celles qui sont « au sommet » ne grimpent plus guère.

Enfin, également beaucoup moins positif, selon les statistiques relatives à la durée de vie en bonne santé, la partie de la vie sans problème important de santé est généralement moindre chez les femmes. En ce qui concerne l’inégalité devant la souffrance et les maladies non mortelles, une partie des explications est certainement culturelle, notamment la moins bonne couverture médicale et assistance des femmes âgées. Mais des différences biologiques peuvent aussi expliquer cette situation, particulièrement les profondes transformations qui se produisent lors de la ménopause. Selon une étude récente provenant de chercheurs autrichiens, il apparaît d’ailleurs que le visage des femmes se modifie plus rapidement que celui des hommes après 50 ans, l’âge moyen de la ménopause.

La castration, une recette de longévité ?

Ce paragraphe est à prendre au second degré. Comme disent les anglophones Don’t try this at home. Selon certains, la suppression d’hormones mâles aurait un effet positif sur la longévité. Une étude de 2012 avait établi que les eunuques vivaient plus longtemps que les autres personnes dont l’âge du décès était connu dans les palais royaux coréens. Cependant, ceci pourrait être dû d’abord au meilleur traitement de ces personnes par rapport aux membres « ordinaires » de l’entourage des dirigeants coréens du passé.

De manière beaucoup moins invasive, certains ont proposé l’injection d’hormones pour favoriser la longévité. Mais les effets sur l’apparence physique étant importants, il n’y a pas eu d’expérimentations larges d’hommes prenant des hormones féminines.

A noter, à propos de sexe et de longévité, que l’abstinence sexuelle a souvent été proposée comme un moyen de longévité, de « préserver l’énergie », ceci complémentairement à de nombreux aspects religieux, par exemple le taoïsme. Il semble en fait qu’une pratique sexuelle modérée favorise la longévité.

Aujourd’hui, un nombre beaucoup plus important que par le passé de personnes changent de sexe. Il est encore trop tôt pour en estimer l’impact sur l’espérance de vie. Et les circonstances psychologiques et sociales auront très probablement un impact important à ce sujet, avant l’aspect proprement physiologique.

Les pistes du futur pour une vie en bonne santé beaucoup plus longues des femmes … et des hommes.

La différence d’espérance de vie s’explique notamment par de meilleurs comportements, une meilleure hygiène de vie, malgré des conditions globalement moins favorables. Des gains de longévité modestes sont possibles en examinant les différences et en imitant ce que font les femmes.

Or, trop souvent, les expérimentations médicales ne concernent que les hommes. Et même en ce qui concerne les expérimentations sur des animaux, très souvent, elles ne sont effectuées que sur des animaux mâles. C’est évidemment nuisible pour les femmes de ne pas observer les questions de santé spécifiques, mais aussi potentiellement pour tous les humains.

Pour des gains de longévité importants, la différence de la durée d’espérance de vie maximale s’explique par des raisons in fine génétiques. Les femmes diffèrent des hommes. Nous savons que de nombreux gènes sont associés à la longévité et nous savons que les femmes et les hommes diffèrent par la présence de deux chromosomes Y chez les femmes et un chromosome X et un chromosome Y chez les hommes.

A ce jour, aucun « gène de longévité » ayant un impact important n’a été découvert sur les chromosomes X ou Y (ni d’ailleurs sur aucun gène). Il s’agit probablement plutôt de la combinaison de gènes. Les recherches qui portent sur le séquençage potentiel de millions de personnes permettront peut-être d’en détecter.


La bonne nouvelle du mois : L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) interroge les citoyens à propos d’une décennie de « vieillissement en bonne santé »


L’OMS a annoncé que la décennie 2020-2030 serait consacrée au vieillissement en bonne santé (mais le terme longévité serait préférable à celui de vieillissement). Elle invite les citoyens et les organisations à prendre position à ce sujet. Plusieurs organisations internationales se sont prononcées pour inscrire la recherche biomédicale pour une vie en bonne santé beaucoup plus longue comme étant la priorité pour les progrès dans ce domaine.

Si vous le souhaitez, vous pouvez soutenir ou vous inspirer de la position de l’International Longevity Alliance pour émettre sur le site de l’OMS, jusqu’au 8 septembre 2019, votre point de vue à ce sujet.


Pour en savoir plus:

 

 

 

Droits d’auteur et longévité. La mort de la mort. Juillet 2019 . Numéro 124.

Il y a des gens qui pensent que sans la perspective de la mort, la vie n’a plus de sens. Mais vous savez, je regarde les jeunes enfants, ils sont pleins de joie de vivre, ils bondissent hors du lit le matin, ils veulent se rencontrer et jouer. Ils ne le font pas parce qu’ils pensent qu’ils vont mourir un jour. Ils vivent pour l’amour de la vie. Ils ne vivent pas pour l’amour de la mort. Et à mon avis, nous sommes tout à fait capables de trouver de nombreux sens à la vie, même s’il n’y a aucune menace de mort devant nous. David Wood, auteur de The abolition of aging. Sur la chaîne Skynews. 19 Juin 2019 (traduction).


Thème du mois : Un copyright pour la pilule de l’immortalité ?


Introduction

Il y a 26 siècles environ, les habitants de Sybaris, colonie grecque dans ce qui est aujourd’hui la Calabre, inventent le droit d’auteur.

Les sybarites étaient réputés pour leur goût du luxe à tous égards, notamment celui de l’alimentation. Ils octroyaient aux cuisiniers le droit exclusif à leurs recettes de cuisine. Selon Phylarque de Naucratis, grec égyptien du 2ème siècle avant Jésus-Christ : « si un cuisinier inventait de nouvelles et succulentes recettes, nul autre de ses confrères n’était autorisé à les mettre en pratique pendant une année, lui seul ayant le privilège de confectionner librement son plat. Le but avoué de la chose était d’encourager les autres cuisiniers à se concurrencer dans la confection de mets toujours plus raffinés« .

En 2019, les fictions juridiques que sont les droits intellectuels ont envahi la vie sociale mondiale, s’immisçant dans les domaines les plus improbables de nos activités: arts, écrits, paroles, danses, inventions, représentations et même beaucoup de ce qui est naturel mais théoriquement appropriable depuis certaines espèces vivantes jusqu’aux objets extra-terrestres. Sont « appropriables » notamment, les médicaments, les techniques médicales, les articles scientifiques de recherche pour une vie plus longue en bonne santé, les noms de produits…

Tout cela s’intègre dans un cadre où les signes, symboles et objets virtuels, occupent une place de plus en plus importante dans la vie sociale. La complexité, la volatilité et les contradictions qui en résultent, génèrent un processus de décision de plus en plus lent, processus qui prend malheureusement peu en compte les objectifs de longévité issus de recherches pour la santé et un meilleur environnement.

Les anciens grecs seraient probablement surpris de constater que malgré toute l’imagination de ceux qui font profession de monétiser toute production de l’esprit, les recettes de cuisine sont généralement considérées aujourd’hui comme non appropriables. Une recette diététique, variante du régime crétois, présumée utile pour la longévité, ne sera pas protégeable.

Mais il serait encore plus surpris de savoir que si une jeune fille de 20 ans écrit ce jour un beau texte pour la promotion de la santé et le publie dans ce qui est aujourd’hui la France, théoriquement, son texte pourra bénéficier financièrement à ses descendants (mais pratiquement à son éditeur) jusqu’au milieu du 22ème siècle, précisément jusqu’en l’an 2159 si la personne décède à 90 ans. Même dans un siècle, en théorie, ils pourront refuser une publication qu’ils considéreront comme ayant un but contraire aux idées de l’auteure. Et si les recherches pour la longévité permettent un jour une vie sans limitation de durée, le droit d’auteur n’aura plus de limite (sauf changement de législation bien sûr).

Droits intellectuels – Droit d’auteur – Copyright – Marques – Brevets

Voici une présentation résumée à l’extrême d’un domaine qui s’étend sur des millions de pages.

Les droits de propriété intellectuelle (en anglais Intellectual Property, IP) sont l’ensemble des droits qui permettent à des personnes de restreindre le droit d’autres personnes d’utiliser certaines choses, productions, oeuvres en raison d’une « propriété » intellectuelle. En théorie, ces droits protègent l’auteur. En pratique, ces droits protègent quasiment toujours les représentants de l’auteur, le plus souvent sans que l’auteur lui-même y gagne quoi que ce soit et ait eu un véritable choix par rapport au contrat. Par exemple une maison d’édition scientifique ou une société de gestion de droit peut empêcher un auteur de mettre ses connaissances au service de la collectivité, une entreprise ayant racheté des brevets médicaux peut empêcher l’inventeur d’une technique médicale nouvelle d’en faire bénéficier ceux qui en ont besoin…

Le droit d’auteur est le droit intellectuel le plus classique. Un article scientifique ou de vulgarisation médicale, sur papier ou en ligne, mais aussi la plupart des autres formes d’expression culturelle originale telles une photo, un schéma médical, une musique relaxante, une sculpture anatomique originale… fera en principe toujours l’objet d’une protection de droit d’auteur.

Le copyright, c’est le même concept globalement mais en droit anglo-saxon, notamment aux Etats-Unis et en Grande=Bretagne. Ceci concerne la plupart des revues médicales et scientifiques prestigieuses (The Lancet, Elsevier, Springer, Nature…). Généralement, le droit d’auteur comme le copyright ne s’éteint que 70 ans après le décès de l’auteur (50 ans dans certains pays). Aujourd’hui, ce droit n’est plus soumis à aucune formalité, le célèbre signe © n’étant généralement plus une obligation.

Les marques bénéficient d’une protection qui va s’étendant dans des domaines parfois absurdes comme des objets courants (même une pomme ou des fenêtres !). Dans le domaine médical, une des nuisances nées de ce droit est que bien des médicaments similaires portent des noms variables pour pouvoir vendre plus, ce qui rend l’accessibilité moindre (par le manque de transparence, les confusions selon les noms des médicaments, les tarifications différentes, …).

Le brevet, c’est le droit intellectuel lié à une invention. Il permet au détenteur du droit de bénéficier de l’exclusivité des droits patrimoniaux issus de son exploitation. Le droit est beaucoup plus court que le droit d’auteur (20 ans parfois prolongeable de 5 ans) et nécessite une formalité, à savoir l’enregistrement. Les médicaments et les dispositifs médicaux sont généralement brevetés.

Des conséquences des droits d’auteur pour les médicaments et thérapies

A la question « Qu’est ce qui peut être utilisé pour les progrès médicaux sans crainte de recours juridique ? », la réponse courte est « Presque rien ». En effet, certains se font une spécialité des recours (sur base de l’ensemble du droit commercial, pas seulement les droits d’auteur) contre toute utilisation novatrice ou plus exactement pour tenter de retirer des bénéfices de toute utilisation novatrice. Une partie de ces démarches seraient comiques si elles n’étaient pas particulièrement nuisibles à la collectivité. Ainsi, des sociétés pharmaceutiques ont essayé de s’emparer de produits qui étaient utilisés par des peuples autochtones depuis des siècles. Très souvent, pour des raisons de droits d’auteur mais aussi pour des raisons fiscales, ces appropriations sont tentées par des entités avec des statuts juridiques de type « startup » et/ou avec une dimension internationale d’une grande opacité. Enfin, les aspects juridiques contribuent, dans un contexte administratif déjà extrêmement lourd, à un environnement d’une complexité souvent surréaliste générant des millions de formulaires d’accords de non divulgation (NDA), de contrats d’auteur et autres dispositions dont personne ne comprend l’ensemble des implications, même pas les avocats et autres juristes qui les écrivent.

Plus largement, il peut y avoir développement d’une évolution globale des désirs des chercheurs fait de l’appât du gain mais aussi de la recherche de la respectabilité née d’accords avec des entreprises privées. Sans startup, certains chercheurs risquent de penser (à tort) qu’ils ne sont rien. Ceci alors que le but d’origine, pour les chercheurs, est souvent d’apporter des bienfaits à la collectivité.

La conséquence négative la plus connue est la croissance de prix à des niveaux inaccessibles pour certaines thérapies car les sociétés doivent générer des bénéfices. Ceci concerne les traitements de maladies dites orphelines et aussi de nombreuses thérapies innovantes. Bien des malades pauvres en meurent. Et là où le système de soins de santé permet l’intervention publique, les coûts sociaux sont élevés.

De plus, pour que les produits se vendent bien, il est important de présenter les résultats de la manière la plus positive et de minimiser les résultats négatifs, ce qui nuit à la transparence.

Lorsqu’un produit pharmaceutique devient libre de droits, les sociétés qui disposaient de brevets seront poussées à faire des recherches visant à légèrement améliorer le produit dans un but nettement plus commercial que thérapeutique. Et surtout, en ce qui concerne les progrès « difficilement appropriables, vendables ou brevetables », la recherche sera très difficile à réaliser par des entreprises privées. Il en va ainsi des recherches prometteuses pour la lutte contre le vieillissement sur la metformine (dont le brevet est expiré).

Généralement, l’ADN et donc toutes les modifications génétiques, particulièrement chez l’humain, sont (heureusement) considérés comme non brevetables. Par contre, les moyens pour parvenir à une modification génétique le sont. Un affrontement juridique complexe oppose les différents chercheurs (et surtout les sociétés!) impliqués dans les recherches de type CRISPR. Si, un jour, une thérapie génique est découverte ayant un impact pour une vie en bonne santé beaucoup plus longue, rendre cette thérapie accessible à tous devrait être plus facile juridiquement que de photocopier un album de Tintin pour votre petit cousin.

Des conséquences des droits d’auteur pour les publications

Le système de publication pour les articles scientifiques est largement reconnu comme aberrant. Quelques éditeurs privés disposent d’un monopole de fait pour l’édition des revues scientifiques prestigieuses accessibles en ligne. L’accès à ces revues est vendu extrêmement cher et est donc en principe presque inaccessible, non seulement pour les citoyens ordinaires, mais même pour les chercheurs sauf dans les universités « riches ». Heureusement, ces dernières années, des progrès considérables ont eu lieu avec les développements suivants:

De nombreuses publications se font sans le consentement des éditeurs afin de permettre l’accessibilité aux chercheurs. L’initiative la plus connue et la plus efficace est Sci-Hub créé par l’informaticienne kazakh Alexandra Elbakyan. Ces démarches sont généralement considérées comme illicites, même si l’on peut parfois considérer juridiquement que nécessité fait loi pour permettre les recherches qui sauvent des vies. En pratique, il y a de multiples autres moyens d’obtenir des documents de chercheurs, notamment en demandant l’accès aux intéressés.

Au niveau européen, le plan S a l’ambition d’obliger à partir de 2021 à ce que toutes les publications scientifiques financées par des moyens publics soient publiées dans des revues à libre accès. Ce plan s’inscrit dans une logique qui devrait être évidente : ce qui est payé avec des moyens publics doit être mis à disposition du public. Il est à noter, de manière assez surprenante, que la réglementation la plus « progressiste » dans ce domaine est la législation fédérale américaine qui prévoit que ce qui est réalisé par l’administration fédérale est en principe accessible à tous : depuis les photos de la terre par la Nasa jusqu’aux documents utiles à la recherche médicale.

Conclusion et perspectives

Malgré le tableau sombre qui précède, les droits d’auteur ont certainement eu certaines utilités pour la recherche médicale dans l’environnement social et économique actuel. Sans eux, bien des chercheurs n’auraient plus de revenus et bien des recherches pour des produits potentiellement utiles pour la longévité devraient être abandonnées.

Mais une mise en commun radicalement facilitée des projets et des résultats des recherches par des investissements, notamment publics, serait un facteur considérable d’avancée. Il serait utile d’avoir des dispositions légales simples et compréhensibles aboutissant à ce que les résultats des recherches soient « libres de droits » et que l’indemnisation juste des chercheurs et des partenaires privés ne puisse aucunement freiner la mise à disposition des thérapies aux citoyens.


La bonne nouvelle du mois : CHAI, Initiative californienne pour le vieillissement en santé pour un référendum au pays de la Silicon Valley


Des militants longévitistes de Californie et d’ailleurs soutiennent une initiative électorale visant à fournir 12 milliards de dollars en financement public pour la recherche sur la lutte contre le vieillissement au cours des 12 prochaines années. La Californie est l’un des États où les citoyens peuvent créer des lois directement de par leurs votes. En 2004, ce processus a été utilisé avec succès pour affecter trois milliards de dollars à la recherche sur les cellules souches. Mais recueillir des signatures et éduquer le public est une proposition coûteuse. Ils auront besoin d’une vaste coalition d’intérêts (probablement avec des centaines de milliers de signatures de citoyens) pour permettre que le référendum ait lieu.

C’est un enjeu considérable. Si le référendum se tient, cela serait la première fois que des millions d’électeurs seraient directement amenés à se prononcer à propos de recherche pour la longévité. Et quel meilleur endroit pour aborder ces questions que la Silicon Valley ?


Pour en savoir plus:

 

 

Epigénétique et vieillissement. La mort de la mort. Juin 2019. Numéro 123. 

Le pessimisme, c’est pour vendre; l’optimisme, c’est pour la lutte. (…) Si vous regardez l’espérance de vie, vous constatez que, vers les années 1850, elle était de 30 ans pour les femmes. Trente ans! Aujourd’hui, elle est de 85 ans. Ce n’est plus la même femme. Ce n’est plus le même corps. Michel Serres. Philosophe et historien des sciences. Le Soir lundi 3 juin 2019 cité suite à son décès.


Thème du mois: L’horloge épigénétique, marqueur du vieillissement 


Brève introduction à l’épigénétique

Pendant longtemps, les biologistes disaient que notre corps était composé de milliards de cellules toutes différentes, mais toutes avec le même code génétique. Il s’agissait bien sûr de l’ADN, une molécule en forme de très long ruban enroulé de manière complexe dans 23 paires de chromosomes et qui « déplié », mesurerait deux mètres de long. Dans la vision traditionnelle, tout se jouait au moment de la conception. Après celle-ci, les cellules se divisaient à de très nombreuses reprises et se spécialisaient, mais en gardant le même code, le même ADN. En principe, donc rien ne changeait  avant la création des cellules reproductrices.

Mais, cette compréhension du code fondamental du vivant s’est affinée. Nous savons aujourd’hui que de temps en temps, l’ADN des cellules qui nous composent change soit spontanément, soit sous l’impact de circonstances extérieures et que même les vrais jumeaux (monozygotes) n’ont pas exactement le même patrimoine génétique.  Au fur et à mesure de l’avancée en âge et lorsque les circonstances extérieures sont défavorables, ces modifications sont de plus en plus importantes. Les cellules disposent de moyens de réparation de l’ADN endommagé, mais les capacités de réparation semblent moindres pour les personnes en mauvaise santé.

A cette vision déjà fort complexe, il faut ajouter la dimension d’un phénomène qui était encore presque inconnu il y a une vingtaine d’années : l’épigénétique (du grec « épí », « au-dessus de »). Il s’agit des mécanismes modifiant l’expression des gènes sans en changer la séquence nucléotidique (ADN).

C’est l’épigénétique qui permet notamment d’expliquer que, alors que toutes les cellules d’un organisme multicellulaire ont (quasiment) le même patrimoine génétique, elles se développent de manière totalement différente selon la catégorie de cellules auxquelles elles appartiennent, ce qui fait qu’une cellule de la peau « sait » qu’elle ne doit pas se développer comme une cellule du coeur.

Que sont concrètement les modifications épigénétiques ?

L’épigénétique, ce n’est pas de la transformation de l’ADN proprement dit (qui constitue le code génétique), mais ce sont des modifications qui se déroulent également au niveau du noyau de la cellule et qui sont intimement liées à l’ADN. Certaines de ces modifications acquises au cours de la vie, peuvent être transmises à des générations suivantes par exemple suite à des traumatismes, ceci étant contraire au principe que l’on pensait absolu que seul l’ADN détermine comment sera la descendance.

Les altérations épigénétiques comprennent notamment trois mécanismes appelés la méthylation de l’ADN, les modifications d’histones et le remodelage chromatinien.

La méthylation de l’ADN conditionne l’expression des gènes dans chaque cellule. Des bases nucléotidiques peuvent être modifiées par l’addition d’un groupement méthyle. Cette modification de l’ADN est effectuée par des enzymes particulières appelées DNMTs (pour « DNA methyl-transferase »).

Les histones sont des protéines qui permettent la compaction de l’ADN. Par ce mécanisme, l’ADN est enroulé autour des histones comme du fil autour d’une bobine.

La chromatine est la matière composée notamment d’ARN et de protéines dans laquelle l’ADN se trouve empaqueté et compacté, un peu, ici aussi, comme une pelote de fil, mais en beaucoup plus complexe. Les parties les plus « empaquetées » ont le moins de contact avec l’extérieur et les gènes qui y sont situés s’expriment moins ou pas. Le remodelage chromatinien, ce sont les modifications de cet « empaquetage ». 

Ce qui précède est simplifié à l’extrême. C’est fascinant et vertigineux que chacune des dizaines de milliers de milliards de noyaux de cellules de notre corps constitue un petit univers. Chaque élément central de l’unité de base de notre corps contient donc non seulement presque tout ce qui est nécessaire à la création d’un être humain, mais aussi des composants organisant l’expression du patrimoine génétique, des différences subtiles et pourtant indispensables et des mécanismes innombrables que nous ne comprenons encore que très partiellement. 

Epigénétique et mesure du vieillissement

Tout comme il est aujourd’hui de plus en plus facile de déchiffrer le code ADN y compris les différences entre différentes cellules (par exemple les caractéristiques génétiques des cellules cancéreuses), il est aussi de plus en plus facile de mesurer les différences des composantes épigénétiques.

Ces composantes varient avec l’écoulement du temps, c’est pourquoi l’expression d’horloge épigénétique est employée.

Mais si les variations des composantes étaient uniquement proportionnelles à l’âge chronologique, la mesure des résultats de cette horloge n’aurait pas d’intérêt pour le calcul du vieillissement.

En fait, il est apparu que la rapidité avec laquelle l’horloge avance était fortement corrélée avec d’autres mécanismes de vieillissement. Une personne âgée (ou d’ailleurs une souris âgée) en plus mauvaise santé aura plus de modifications épigénétiques.

Il semble donc possible, simplement en examinant à intervalles réguliers le nombre de modifications épigénétiques dans les cellules d’un être humain, d’avoir une idée de la vitesse de son vieillissement.

Plus précisément, les modifications épigénétiques étant des mécanismes multiples, il y a de nombreux composants qui peuvent être mesurés. Il y a notamment ceux mesurés par le professeur californien Steve Horwath et ceux mesurés par un autre scientifique américain Gregory Hannum.

Comme dans bien des domaines liés aux causes et conséquences de la sénescence, il n’y a pas de consensus pour établir si les modifications épigénétiques sont d’abord une cause ou d’abord une conséquence du vieillissement. Selon certains gérontologues, les changements épigénétiques peuvent être considérés comme le moteur de la croissance et du développement du corps et le vieillissement comme la continuation du programme épigénétique. L’horloge épigénétique, bon prédicteur des causes de mortalité, ne serait donc pas seulement un biomarqueur parmi d’autres, ce serait une cause importante du vieillissement, voire la plus importante.

Un scientifique de la côte est des Etats-Unis, Josh Mitteldorf, a le projet ambitieux de mesurer pendant deux années des milliers de profils épigénétiques de citoyens volontaires qui suivent des traitements anti-vieillissements de toutes sortes dans tous les coins du monde. Ce projet est conçu particulièrement pour rechercher des combinaisons qui fonctionnent bien ensemble, qui interagissent de manière fortement positive. En deux années, à condition que Josh trouve un financement, nous pourrions avoir une vision globale de l’efficacité de centaines de traitements anti-âge. 

Ceci aurait une immense utilité, pour limiter des recherches dans des directions qui s’avèrent inefficaces et surtout pour intensifier les recherches de ce qui fonctionne pour permettre à des millions de citoyens avançant en âge de prendre des traitements préventifs et curatifs adéquats.


La bonne nouvelle du mois : Projet public français pour la longévité


Un projet baptisé ExtenSanté est actuellement examiné par des citoyens, des décideurs  et des scientifiques afin de favoriser des recherches et des traitements pour lutter contre les maladies liées au vieillissement. La campagne déjà en cours comprend un texte d’explication de la démarche (Travaillons sur les causes plutôt que sur les conséquences), des informations de fond fournies par différents groupements et des affiches


Pour en savoir plus: