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Covid-19 et longévité. La mort de la mort. N° 132. Mars 2020.

Nous demandons (…) une ouverture maximale des données médicales des patients atteints du coronavirus SARS-CoV-2, afin de faciliter la recherche médicale et le développement de nouvelles thérapies et de nouvelles pistes de traitement. (…)

L’augmentation du taux de mortalité par le COVID-19 avec l’âge soulève des questions sur les caractéristiques du vieillissement biologique qui entraînent une plus grande sensibilité à cette maladie et à d’autres maladies infectieuses. (…)

Peut-être que s’il existait des moyens de renforcer ou de régénérer l’immunité des personnes âgées, cette maladie ne les tuerait pas.

Extraits d’une lettre ouverte au président de l’Organisation Mondiale de la Santé et aux Chefs d’Etat (le texte en anglais peut être signé ici).


Thème du mois : Coronavirus et longévité


En ces dernières heures de mars 2020, il n’y a peut-être plus un seul être humain adulte en pleine possession de ses moyens qui ne soit au courant de l’extension de la maladie d’origine virale nommée Covid-19.

Cet évènement est unique à bien des niveaux. Jamais, au cours des cinq derniers siècles de l’histoire de l’humanité, un évènement sanitaire n’avait eu un tel impact. Jamais, dans l’histoire récente de l’humanité, la productivité économique mondiale n’aura autant diminué en aussi peu de temps. Jamais, dans l’histoire de l’humanité, une maladie n’aura été combattue aussi rapidement, avec autant d’énergie et avec autant de moyens scientifiques, économiques, politiques, financiers…

Les conséquences économiques, sociologiques et culturelles sont incalculables. Nous vivons un scénario de film apocalyptique. Un organisme invisible se répand rapidement partout dans le monde et provoque partout un nombre de décès qui va grandissant. Les rues sont désertées par les habitants. Les humains s’évitent et restent cloitrés sauf pour se nourrir. Les supermarchés sont pris d’assaut.

Tous les ingrédients du film apocalyptique ? Non. Il en manque un. Le virus ne tue pas tous ceux qui sont exposés. En fait, il tue avec « éclectisme », surtout les personnes les plus âgées et les plus faibles. 

Selon les données dont nous disposons, le sort fatal concernerait environ une personne atteinte sur 15 dans la pire des hypothèses. Selon d’autres estimations, il ne s’agirait qu’une personne sur 100. Il y a même des chercheurs envisageant une létalité encore nettement moindre de l’ordre de 0,25 %. Ils se basent notamment sur l’idée que de nombreuses personnes seraient porteuses asymptomatiques du virus. Ceci semble cependant très improbable, compte tenu notamment des connaissances acquises là où des groupes complets ont été testés.

Ces dernières semaines, sauver des vies menacées par le virus est devenu une priorité absolue. Les autorités et les citoyens agissent avec une détermination qui va bien au-delà des « désavantages » économiques et matériels normalement acceptés.

Des longévitistes l’avaient annoncé depuis longtemps. Ceux qui hier considéraient que la vie est « bien assez longue comme cela » se mobiliseraient le jour où une maladie menacerait de faire chuter la durée de vie. Nick Bostrom avait même envisagé cela sous le terme du test de l’inversion. Ce que personne n’imaginait, c’est l’ampleur de la réaction de l’opinion publique.

La situation de ces dernières semaines est celle de deux phénomènes boule de neige en cascade. La croissance du nombre de personnes atteintes entraîne la croissance des mesures prises. Une fois cette double croissance « lancée », il devient presque impossible de l’arrêter. Tant que des moyens thérapeutiques de type antiviraux ou vaccins ne sont pas découverts, s’arrêter de lutter, cela serait perdre la face, admettre que des centaines de milliards d’euros ont été dépensés en vain et s’accommoder de millions de décès de personnes âgées. Si la vie humaine des plus faibles avait pesé, ne fût-ce qu’un peu moins dans la balance, de nombreux Etats, peut-être presque tous, se limiteraient à des mesures plus modérées, « acceptant » des morts en plus.

La détermination des autorités et des citoyens est extraordinaire et émouvante. Il faudra cependant être attentif à ce qu’elle ne devienne pas irrationnelle. Toute mort humaine évitable est une tragédie. Une mort suite au coronavirus n’est pas plus dramatique qu’une mort de la grippe ou d’une septicémie. Or, rien que la grippe provoque des centaines de milliers de morts chaque année. Et la seule application de procédures strictes de vaccination et d’hygiène pour toutes les personnes en contact direct avec des personnes âgées en sauverait probablement des centaines de milliers. Sans maîtrise de la pandémie, des millions de femmes et d’hommes risquent de mourir du coronavirus. Mais des dizaines de millions de femmes et d’hommes mourront aussi d’autres maladies généralement liées au vieillissement rien que dans les prochains 12 mois

Le Covid-19 présente plusieurs similitudes avec l’ensemble des mécanismes de dégradation concernant le vieillissement. Détaillons en quelques-uns.

L’âge des décès

La probabilité de mourir après infection suit une courbe exponentielle qui ressemble beaucoup à la courbe de Gompertz du vieillissement.

Pour le vieillissement ordinaire, à partir d’une vingtaine d’années, la probabilité de décéder est multipliée par 2 environ tous les 8 ans. Pour les décès suite au coronavirus, l’âge est aussi, de très loin, le facteur le plus déterminant. Ainsi, aucun décès d’enfant de moins de 10 ans n’est encore à déplorer nulle part dans le monde. Seuls 0,2 % de jeunes adultes décèdent lorsqu’ils sont atteints et 1,3 % des personnes de 50 à 59 ans. Mais 8 % des personnes de 70 à 79 ans meurent et plus de 20 % des nonagénaires. Le coronavirus est peut-être plus une maladie liée au vieillissement que toute autre maladie infectieuse. En Italie, pays aujourd’hui le plus touché par la pandémie, l’âge moyen du décès des personnes atteintes est de 79,5 ans.

Il est utile de noter qu’aujourd’hui, les maladies infectieuses sont presque toutes plus dangereuses pour les personnes âgées que pour les jeunes. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Ainsi, la redoutable grippe espagnole de l’après première guerre mondiale « visait » d’abord les jeunes militaires, épuisés par la guerre.

Plus les hommes que les femmes, plus les malades que les biens portants

Partout dans le monde, les femmes vivent plus longtemps que les hommes. Parallèlement, le coronavirus est moins létal pour les femmes que pour les hommes. Une des explications est que les femmes fument moins que les hommes, ce qui a un impact pour une maladie qui provoque le décès le plus souvent suite à une détresse respiratoire. Cependant, cela ne semble pas expliquer l’importance des différences, à savoir plus de 50 % de décès en plus chez les hommes.

Sans surprise, le coronavirus, comme le vieillissement, provoquent plus de décès chez les personnes qui ont déjà d’autres affections. Les facteurs de risques principaux sont très proches de ceux qui accélèrent le plus les décès suite au vieillissement : maladies cardiovasculaires, diabètes, maladie respiratoire chronique, hypertension et cancer. 

Un système immunitaire déficient

Un des aspects du vieillissement, c’est l’immunosénescence. Notre système immunitaire devient de moins en moins efficace avec l’âge. Il ne reconnait plus ni les corps « amis » ni les corps « ennemis ». 

C’est notamment pour cela que les maladies infectieuses, virales ou non, sont beaucoup plus souvent mortelles chez les personnes âgées. C’est pour cela que les vaccins sont moins efficaces, même s’ils restent utiles. C’est probablement pour cela que le coronavirus est tellement létal chez les personnes âgées.

Nous en savons beaucoup mais nous avons beaucoup d’incertitudes 

Pour le coronavirus, comme pour le vieillissement, nous avons accumulé des connaissances énormes. Cependant, pour le coronavirus, comme pour les mécanismes du vieillissement, nous avons également d’énormes pans d’ignorance. À commencer par ce qui est le plus important : comment stopper les processus de développement qui mènent au décès.

Mais là s’arrêtent les similitudes. 

En ce qui concerne le coronavirus, nos nombreuses incertitudes concernent notamment :

Les connaissances progressent à un rythme sans équivalent dans l’histoire pour l’étude d’une maladie. Des millions de personnes et d’organisations se mobilisent pour lutter.

Il est essentiel, dans le cadre de la maîtrise de cette crise que les efforts internationaux soient renforcés, coordonnés, avec des données anonymisées accessibles à tous. Dans ces conditions, il est probable que des thérapies diminuant fortement la mortalité seront disponibles rapidement.

Les principales pistes thérapeutiques sont :

Mais d’autres pistes sont à explorer, notamment l’utilisation de cellules-souches

En ce qui concerne les virus, guérir vaut mieux que prévenir 

En attendant mieux, la prévention peut fonctionner. Il semble qu’elle atteindra son objectif, mais au moyen d’un coût économique incroyable. Pour paraphraser une phrase de La Fontaine, en ce moment « Peu meurent, mais tous sont frappés ». Des milliards de personnes restent à leur domicile. Les bourses de la planète s’effondrent. Des millions d’entreprises sont menacées. Et partout, les citoyens se mobilisent par peur pour eux-mêmes, par obligation fixée par les autorités, et aussi par un souhait de protection des plus faibles et des plus âgés qui n’a jamais eu d’équivalent.

Pour l’exprimer de manière un peu provocatrice, guérir vaudrait encore mieux que prévenir. Prévenir toutes les maladies nouvelles en empêchant la naissance de nouveaux virus létaux pour l’homme est impossible et le restera dans un avenir prévisible. En effet, de nouvelles sortes de virus peuvent apparaître partout et à tout moment. Les moyens pour empêcher la propagation doivent être améliorés. D’autant que nous ne sommes pas à l’abri de virus nettement plus létaux et qui ont une durée d’incubation encore plus longue. 

Trouver les moyens de lutter contre les maladies infectieuses plus rapidement est donc un enjeu qui pourrait devenir une question de survie, non pas seulement pour les personnes âgées et faibles, mais pour l’ensemble de l’humanité. Trouver de manière préventive des remèdes contre de plus en plus de types de virus infectieux pour l’homme est aujourd’hui impossible mais pas inenvisageable sur le long terme. Et cela peut, voire doit, s’inscrire dans un environnement global dans lequel tout ce qui rend l’humain plus résilient, capable de vivre en bonne santé plus longtemps doit être recherché.

Guérir vaut mieux que prévenir en ce qui concerne les maladies liées au vieillissement

La prévention des maladies liées au vieillissement est importante. Une meilleure hygiène de vie, plus de sport, moins de stress, une alimentation plus équilibrée et moins abondante, tout cela permet de gagner quelques années de vie en bonne santé.

Mais, encore plus que pour la lutte contre les virus, des progrès permettant une vie beaucoup plus longue et en bonne santé ne peuvent se faire sans progrès médicaux et scientifiques de rupture. Des progrès importants ne sont envisageables qu’en maîtrisant des mécanismes aboutissant à un véritable arrêt (ou ralentissement radical) des processus de vieillissement.

Pour lutter contre la sénescence, la mobilisation est faible et les connaissances progressent lentement. Les maladies liées au vieillissement sont encore trop souvent vues comme acceptables car « naturelles ». 

Cependant, ceci vient de radicalement changer pour une des maladies liées au vieillissement à savoir la pandémie actuelle. Un virus est pourtant tout ce qu’il y a de plus naturel. Que ce soit le virus de la peste ou la maladie à coronavirus 2019. Nous n’acceptons plus qu’ils tuent, même les personnes âgées en mauvaise santé qui ont vécu bien plus longtemps que la durée de vie moyenne. Et tant mieux !

Et demain ?

Des luttes ont débuté, il y a à peine 100 jours, pour maîtriser l’épidémie, pour le partage des connaissances, pour les progrès scientifiques et les thérapies nouvelles contre le Covid-2019. Elles seront épuisantes. Mais l’humanité a traversé des épreuves plus difficiles encore.

Début 2020, nous nous souciions déjà plus que jamais des personnes âgées. Mais réjouissons-nous du saut supplémentaire de l’opinion publique et des décideurs entre janvier 2020 et mars 2020. La mort de personnes âgées suite à une maladie infectieuse est devenue une catastrophe.

Bientôt, nous pourrons peut-être passer de la recherche scientifique approuvée quasi-unanimement contre une nouvelle maladie réduisant l’espérance de vie à la recherche médicale de nouveaux remèdes augmentant l’espérance de vie (en bonne santé bien sûr).


La bonne  nouvelle du mois : Des cellules humaines âgées rajeunies


La principale nouvelle scientifique de santé non relative au coronavirus a été annoncée par une équipe de la célèbre Université médicale de Stanford. Les chercheurs californiens ont utilisé les protéines appelées Facteur Yamanaka et ont réussi à rajeunir des cellules humaines. Ils ont également constaté que des cellules musculaires de souris, traitées de manière similaire et réinjectées dans le corps des souris, avaient un effet rajeunissant sur les souris.

Les chercheurs veulent poursuivre leur travail pour, un jour, permettre le rajeunissement de tissus humains.


Pour en savoir plus :

 

 

 

Jeunesse et longévité. La mort de la mort. N° 131. Février 2020

Je crois qu’en fait un homme passe sa vie à guérir de son enfance. (…) Il est dur de vieillir sans être adulte. Jacques Brel.

On ne pense à la mort que comme quelque chose de futur. Mais le futur un jour sera le présent. Vous êtes égoïste par rapport à vous-même, votre vous du futur, la personne que vous deviendrez. Il existe heureusement des pistes pour stopper cette terrible maladie qu’est le vieillissement. Mais l’humanité y investit trop peu d’efforts. (…) Peut-être serons-nous de la génération de ceux qui vivront éternellement ou alors de celle qui sombrera à jamais dans l’oubli. Citation audacieuse dans 4 creepiest mysteries of the body.


Thème du mois : Le vieil homme et l’enfant


Certains affirment que la valeur de la vie vient de sa brièveté. Or, les enfants ont toute la vie devant eux. Voyez-vous chez les jeunes un manque de volonté, une forme d’ennui  ? Parfois peut-être, mais moins que chez les adultes.

Ce sont souvent les mêmes personnes qui affirment également que si nous avions une vie beaucoup plus longue ou sans limitation de durée, nous serions atteints d’une sorte de léthargie. En effet, plus rien ne serait urgent. Pensez-vous en regardant nos très jeunes semblables dans un jardin d’enfant, une cour de récréation ou encore en groupe aux portes d’un café que, parce que l’horizon leur semble sans limites, ils aient tendance à prendre tout avec lenteur ?

Bien au contraire, l’horizon large est généralement un facteur d’enthousiasme et d’énergie. D’ailleurs, seriez-vous demain plus actif, énergique et enthousiaste si vous saviez que vous n’aviez plus que quelques semaines à vivre ?

L’être humain est le seul animal à avoir conscience de l’inéluctabilité de sa fin. Mais jusque 3 ou 4 ans, l’enfant n’a pas du tout conscience de ce qu’est la mort. Ensuite, il en prend conscience, mais d’abord sans se rendre compte que cela concerne tous les humains. Petit à petit, l’enfant va percevoir que la mort est un phénomène irréversible et inéluctable. Cependant, même après la découverte de l’inéluctabilité, les adolescents voient le vieillissement comme un futur plus que lointain.

Evidemment, même chez les adultes d’âge mûr, cette conscience reste toujours relative. Ceci concerne les croyants qui affirment qu’il existe une vie après la mort. Ceci concerne aussi les non-croyants. Cet aspect a été abordé dans une lettre de 2010 concernant la théorie dite de la gestion de la terreur (terror management theory) Cette théorie énonce que nous sommes tellement terrifiés par la mort que pour rendre son idée soutenable, nous avons besoin de la voir comme positive, imaginer y remédier devient dès lors non avenu, impossible.

Les jeunes enfants découvrent donc l’inéluctabilité du vieillissement et de la mort physique, en même temps que l’attitude souvent ambivalente de leurs parents. Ils seront souvent indignés. Cela leur permettra parfois d’être des pionniers dans la lutte pour la longévité.

Nina Khera est une jeune scientifique surdouée de 13 ans, originaire du Canada. Elle étudie la longévité et la génomique et se spécialise dans la lutte contre les cellules sénescentes.

Laura Deming avait 12 ans quand elle commença à travailler. À cet âge, elle traversa la moitié de la planète depuis sa Nouvelle-Zélande natale pour rejoindre le laboratoire californien de la spécialiste du vieillissement Cynthia Kenyon. Elle est aujourd’hui une adulte convaincue de l’importance de la recherche et des investissements dans ce domaine.

Laurent Simons, à l’âge de 9 ans, voulait déjà devenir un scientifique et un médecin pour mettre fin au vieillissement.

Un des aspects impressionnants pour Laura Deming et Laurent Simons, c’est que leur idéal est né de la même préoccupation en leur jeune âge : protéger leurs grands-parents.

Laurent Simons déclarait dans un journal flamand : Mon but en tant que scientifique est de prolonger la vie. Mes grands-parents sont des patients cardiaques et je veux les aider. Et les faire vivre éternellement.

Laura Deming racontait dans une interview : Je me souviens d’une fois où ma grand-mère est venue nous rendre visite. Je n’avais jamais fréquenté quelqu’un de plus de 60 ans auparavant. (…) pour ma grand-mère, seulement se lever d’une chaise, c’était vraiment douloureux. Cela m’a frappé. (…) Ensuite je me rappelle avoir demandé à mes parents quelle maladie était-ce. Ils m’ont dit : elle n’est pas atteinte d’une maladie, elle est vieille. Je leur ai demandé quelle maladie c’était d’être vieux. Ils m’ont dit : Oh, non, non, tu ne comprends pas, c’est un processus naturel. Et en tant qu’enfant, vous vous dites : C’est stupide. Pourquoi y a-t-il un processus naturel que nous devrions tous attraper, une maladie qui nous rend tellement abimés ?

Les plus jeunes sont souvent les plus enclins à se préoccuper du sort des plus âgés et à les défendre. Ils n’ont pas encore appris à supporter les injustices, fussent-elles celles de la nature.


Les nouvelles du mois : recherches à propos du coronavirus et intelligence artificielle pour des antibiotiques


Alors que les craintes relatives au virus SARS-CoV-2 (coronavirus), s’étendent, deux aspects sont importants et concernent la « lutte contre le vieillissement » :

  • Il a été relevé que le risque de décès est beaucoup plus grand chez les personnes âgées. Comme pour toute maladie infectieuse, un des principaux facteurs aggravants est l’âge.
  • Des archivistes se sont mobilisés pour que l’ensemble des articles scientifiques utiles pour lutter contre la nouvelle maladie soient accessibles sans tenir compte des droits d’auteur. Ils parlent d’impératif moral. Ils argumentent donc implicitement sur le fait que le droit à la vie prime ou devrait primer sur le droit au profit.

Enfin, dans un autre domaine, concernant cette fois les bactéries pathogènes, pour la première fois, un antibiotique a été développé grâce à une intelligence artificielle en utilisant des techniques de machine learning. L’antibiotique nouveau, baptisé Halicim, a déjà prouvé son efficacité chez les souris et sur des cellules humaines.


Pour en savoir plus :

 

 

 

Statistiques et longévité. La mort de la mort. Numéro 130. Janvier 2020.

Il viendra un temps où notre espérance de vie moyenne atteindra 200 ans. Masayoshi Son, dirigeant de l’entreprise japonaise SoftBank. 


Thème du mois : vivre plus longtemps selon les statistiques


C’était à Londres en 1854 dans le quartier de Broad Street. Dans les miasmes de la métropole, les habitants de quartiers à l’époque misérables et surpeuplés meurent par centaines du choléra. Nul ne sait encore que c’est un bacille qui tue, et parmi les scientifiques les plus compétents, beaucoup pensent que c’est l’air « pestilentiel » (étymologiquement « porteur de la peste ») qui porte ce qui déclenche la maladie.

Mais un médecin, John Snow, demande à consulter les statistiques de la mortalité. Il constate que les décès se produisent surtout dans les maisons proches d’un certain puits. Il obtient que le puits soit fermé et la mortalité tombe. C’était peut-être la première fois que les statistiques sauvaient, un siècle et demi avant le règne du « big data ». Et les statistiques ont sauvé malgré une conviction fausse. En effet, le docteur Snow pensait que l’eau était empoisonnée. Il ignorait que le choléra était un organisme vivant  (un bacille). Comme quoi, et heureusement, il n’est pas nécessaire de comprendre entièrement un problème de santé publique pour le résoudre.

Trente ans plus tôt, en 1825, à quelques kilomètres de Broad Street, un autre médecin britannique avait été le premier à décrire ce qui porte aujourd’hui le nom de loi de Gompertz. Il s’agit de la courbe exponentielle de décès selon l’âge. Au 21èe siècle, cette courbe exponentielle de mortalité a reculé, mais aucunement cédé. En d’autres termes, aujourd’hui comme hier, la mortalité augmente de manière exponentielle avec l’âge, mais aujourd’hui, l’augmentation commence plus tard.

La durée de nos vies découle d’évènements innombrables. En rencontrant les gens individuellement, l’état de santé semble ne pas avoir de logique claire, du fumeur centenaire au sportif musclé et attentif à son alimentation qui meurt à 50 ans foudroyé par une rupture d’anévrisme.

Pourtant, des millions d’éléments combinés de notre existence ont une influence précise sur la durée de vie moyenne. Pour certains d’entre eux, le lecteur de ces lignes a été gagnant ou perdant dès avant sa naissance. Pour d’autres, ce sont ses choix qui seront décisifs. Sachons cependant que nos décisions sont profondément influencées par notre milieu social, économique, culturel, religieux, …

Des centaines d’articles ont été publiés concernant les conséquences de produits, de situations sociales, culturelles, économiques, médicales, … sur la longévité. Un fichier de travail réalisé par l’association Heales, intitulé Vie plus longue selon les statistiques (et ouvert aux commentaires) en fournit un relevé non exhaustif, mais déjà assez large.

Depuis des décennies, l’observation des statistiques de mortalité permet  des améliorations de santé. Elle en permettra très probablement encore. S’il est presque certain que la détection de « bonnes habitudes » et de « bons comportements » ne permettra que des gains modestes, les observations pourront très probablement aussi ouvrir des pistes à de nouvelles recherches.

Il faut cependant rester très prudent avec l’interprétation de ces observations, dont certaines d’ailleurs se contredisent. La plupart des études sont des études a posteriori de comportements. Ce qui apparaît comme favorable à la longévité peut en fait découler d’autres facteurs. Par exemple s’il est généralement peu contesté que faire de l’exercice est favorable à la santé, il est peu contesté également qu’être en mauvaise santé rend l’exercice plus difficile. Comme disait un humoriste, ne dormez pas dans votre lit, statistiquement les gens y meurent beaucoup ! Pour prendre un autre exemple, il apparaît que les gens qui jouent au golf et au tennis vivent plus longtemps. De même, pour donner un exemple plus caricatural, il est fort probable que les gens qui mangent régulièrement des huîtres et du caviar et qui ont une résidence secondaire à Saint-Tropez ou Monaco, vivent plus longtemps également. Les causes des disparités de comportement sont souvent d’abord sociales.

Bien sûr, les scientifiques s’efforcent de « corriger » les données en prenant en compte d’autres facteurs avant de communiquer les résultats. Toutefois :

  • c’est complexe notamment parce que l’influence précise des autres facteurs n’est pas connue (facteurs sociaux, biologiques, géographiques, …).
  • il est tentant de se contenter de données brutes (dans l’exemple cité, les vendeurs de caviar et de clubs de golf seront tentés de se contenter de données non corrigées « démontrant » l’espérance de vie plus longue).

Une observation idéale porte sur des groupes de personnes séparées par tirage au sort, chaque groupe doit suivre un comportement différent (un groupe prend par exemple certains médicaments et l’autre pas) et doit être effectuée « en double aveugle« . Ce type d’observation est extrêmement coûteux et peut en outre poser des problèmes éthiques, par exemple si le résultat probable est que l’un des deux groupes aura une mortalité plus forte.

Voici maintenant des informations intéressantes relatives à ce qui a été détecté. Certaines données vous surprendront probablement, mais elles sont à interpréter avec prudence, comme expliqué plus haut.

Alimentation et autres absorptions par le corps

Génétique

Activités physiques

Social, temporel et géographique

Médicaments, soins de santé et thérapies

Mais suivre les recettes pro-longévité ne suffira pas pour une vie beaucoup plus longue

Tant dans le domaine des thérapies et des médicaments que dans celui des autres « méthodes » diverses pour la longévité 1 + 1 ne fait pas 2 mais souvent à peine un peu plus que 1. Et chaque « méthode » qui s’ajoute conduit probablement à des gains de plus en plus réduits. Un exemple : faire plus d’exercice, manger moins et mieux et prendre de la metformine devrait, si l’on cumule les informations statistiques disponibles, permettre une dizaine d’années de vie en plus.

C’est probablement beaucoup moins, surtout pour les personnes dans les pays à l’espérance de vie élevée et qui échappent à des causes de décès prématuré. En effet, malheureusement, lorsque l’âge de 90 ans est dépassé (un peu moins pour les hommes, un peu plus pour les femmes), il faut surtout de la chance à la « loterie génétique ». Et plus loin encore, la durée maximale de vie de 110 ans reste une frontière quasiment infranchissable, même pour un individu qui aurait suivi toute sa vie une hygiène de vie rigoureuse.

Il reste que les informations statistiques relatives à la longévité nous donnent des pistes toujours plus nombreuses sur ce qui est utile, et l’utilisation des « big data » et de l’intelligence artificielle combinées pourront faciliter les recherches médicales pour la longévité.


La bonne nouvelle du mois : De plus en plus de données médicales disponibles dans le cadre des recherches


C’est en fait une tendance lourde pas uniquement ce mois-ci. Les données médicales statistiques sont de plus en plus disponibles pour les professions de santé, les citoyens ainsi que les scientifiques. La majorité des responsables et également du public se prononcent en faveur du partage des données pour des raisons médicales (et non pas pour des raisons commerciales) et ceci en utilisant des moyens informatiques performants. Ceci est par exemple illustré par la déclaration de la ministre française de la santé Agnès Buzyn le 19 novembre 2019 : « Il nous faut travailler tous ensemble pour créer les conditions propices au développement de l’intelligence artificielle en santé. C’est pour cette raison que nous avons souhaité nous doter d’une plate-forme de données de santé. »

La création officielle du Health Data Hub a eu lieu le 1er décembre 2019. Certaines modifications en cours des lois de bioéthique annoncent également, très probablement, des recherches plus aisées et efficaces.


Pour en savoir plus :

Comités d’éthique et longévité. La mort de la mort. Numéro 129. Décembre 2019

Ma mère est morte d’un cancer du poumon apparemment parce qu’elle fumait. Ses risques ont quintuplé avec le tabagisme. C’est terrible ce quintuplement, bien sûr, ça va potentiellement conduire à la mort. Mais de 20 à 70 ans, vos chances d’avoir un cancer sont multipliées par mille et nous ne parlons pas du vieillissement. David Sinclair, biologiste australien.  Cracking and reversing the aging Clock. 2019, juin 2019.


Thème du mois : Les comités d’éthique, frein au droit à la santé et aux avancées pour la réjuvénation ?


Nous vivons dans un environnement administratif et politique extraordinairement complexe notamment en ce qui concerne les processus décisionnels. Ainsi, dans le domaine de la santé, dans le monde, il y a des dizaines de milliers d’institutions publiques compétentes à un niveau ou à un autre. Parmi celles-ci, les comités d’éthique médicale qui donnent leur accord par rapport à des expérimentations humaines, ne sont pas parmi les plus connues.

Prenons le cas des décisions politiques et sociales dans le domaine de la santé dans trois pays riches : la France, la Belgique et les Etats-Unis. Le citoyen normalement informé sait que les décisions relatives aux approbations des médicaments dépendent de certaines autorités (la FDA, Food and Drug Administration américaine étant certainement la plus connue), que les décisions les plus importantes sont tranchées dans les parlements et préparées par les ministres. S’il est belge et bien informé, il saura qu’il y a dans ce petit pays 9 ministres compétents pour les questions de santé, de nombreuses mutualités, une direction pour chaque hôpital public (parfois les hôpitaux sont groupés), des organisations de médecins, des multiples comités d’avis. S’il habite en France, il aura très probablement rencontré la Caisse primaire d’assurance maladie, le ministère de la santé, les directions des hôpitaux, …

Mais un citoyen, même informé, sait-il que pour presque chaque expérimentation médicale, susceptible, un jour, de le sauver, des centaines d’organismes sont en mesure d’empêcher la recherche (mais pas d’obliger à la recherche) ?

Les institutions sont très variables selon le pays. Les plus importantes se trouvent aux Etats-Unis. Elles sont connues par l’abréviation IRB pour Institutional Review Board. En France, ce sont des Comités de protection des personnes, en Belgique des Comités d’éthique médicale. Rien qu’en Belgique, on compte 144 comités actifs!

Ces institutions sont d’autant moins connues que les organisations qui expérimentent vont rarement exprimer les craintes de lenteur ou de blocage dans ces domaines. D’abord parce que cela ferait savoir à l’opinion publique et aux investisseurs potentiels que des démarches administratives longues sont encore nécessaires avant que des produits puissent être mis sur le marché. Ensuite, parce que les intervenants estiment presque toujours que le choix de la discrétion plutôt que de la médiatisation par rapport aux difficultés dans ces domaines donne plus de chances d’aboutir. D’ailleurs, alors que des recours sont possibles en théorie en cas de refus d’une expérimentation par un comité éthique, un tel recours ne se produira quasiment jamais.

Pour éviter l’effet de blocage des comités, certains sont tentés d’expérimenter dans des pays à la législation beaucoup moins contraignante. Ceci ne donne généralement pas de résultat parce qu’organiser une expérimentation dans une région « exotique » :

  •  présente de nombreuses difficultés (infrastructure médicale insuffisante, risque de corruption ou de fraude et bien sûr nécessité d’agir à distance ou de se déplacer…);
  • pourrait être une mauvaise publicité pour ceux qui organisent l’expérimentation car ils pourraient se faire accuser de ne pas respecter les règles éthiques;
  • et surtout, les résultats de l’expérimentation seraient difficiles à publier; même en cas de résultats potentiellement utiles, ils seraient donc peu ou pas diffusés et la thérapie disponible ne pourrait être mise à disposition.

Il faut remarquer enfin que des comités d’éthique existent aussi dans des pays souvent réputés comme peu attentifs, voire indifférents à ces questions, comme la Russie ou la Chine.

Imaginons qu’aujourd’hui un comité d’éthique soit amené à se prononcer à propos d’un potentiel voyage d’un humain sur la lune, non pour des raisons de prestige, mais pour des raisons médicales par exemple en envoyant des vrais jumeaux (monozygotes) sur une base spatiale (les uns restants sur terre, les autres partants pour mesurer les effets de la pesanteur réduite, des radiations cosmiques, de la vie dans un espace confiné…). Aucun comité d’éthique n’accepterait cette expérience qui serait pourtant une source considérable d’informations utiles. Et ceci alors qu’il existe des personnes, informées et conscientes, qui sont prêtes à risquer leur vie et/ou qui sont atteintes de maladies incurables à court terme et qui donc seraient heureuses de pouvoir consacrer leurs derniers jours à être utiles.

À première vue, un comité d’éthique ne donne qu’un avis, il ne décide pas. Mais, les avis d’un comité peuvent être de deux types. En termes juridiques, cela sera décrit comme un avis conforme ou un avis simple. Un avis simple est un vrai avis que celui qui décide est libre de suivre. Un avis conforme est en fait une procédure d’autorisation. Et pour la grande majorité des comités éthiques, ce qui est nécessaire, c’est un avis conforme.

La multiplicité des organes compétents selon le lieu d’expérimentation est un mécanisme étrange. Les droits humains sont généralement considérés comme universels et la recherche scientifique devrait dépasser les frontières, particulièrement les frontières internes à un pays. Pourquoi une expérimentation pour la longévité serait-elle éthique dans un hôpital parisien et pas dans un hôpital de Lyon ? Notons par ailleurs que le fait que ces comités soient souvent de petite taille et donc directement liés à une institution implique aussi le risque qu’un comité d’avis ne se préoccupe ni de l’intérêt public, ni de l’intérêt des patients, mais d’abord de l’intérêt de l’institution dans laquelle se trouve le comité, ou encore que le comité soit peu attentif.

Mais surtout, les comités d’éthique n’ont que le pouvoir de bloquer, pas celui de déclencher, d’inciter. Or, si des recherches déclenchées trop rapidement peuvent causer des lésions voire la mort de personnes qui ont accepté les expérimentations, des recherches reportées ou abandonnées peuvent empêcher la survie de millions, voire un jour de milliards de personnes. Si les expérimentations de vaccins, par exemple contre la polio, avaient été empêchées, des millions de personnes seraient mortes dans des souffrances souvent atroces.

Dans un monde plus soucieux de l’intérêt collectif, les comités éthiques seraient donc d’abord compétents, non pour freiner les progrès médicaux, mais pour demander des expérimentations médicales utiles. Un changement de perspective à ce sujet n’est pas simple, mais il est envisageable.


La bonne nouvelle du mois : Une belle vidéo francophone en faveur de la longévité et une interview positive de George Church


Le « zététicien » (personne qui doute et vérifie des prétentions scientifiques inhabituelles) Samuel Buisseret a réalisé une longue vidéo qui explique combien la recherche de l’immortalité (plus précisément de la vie sans vieillissement) est un objectif envisageable et souhaitable. Il y propose notamment d’envisager un futur meilleur, d’oser rêver qu’ »en 2100 nous vivrons tous, vous et moi y compris, maîtres de notre longévité dans un monde qui aura su s’adapter et s’enrichir des conséquences de ses erreurs (…) S’imaginer un tel monde, cela n’a aujourd’hui rien d’irrationnel.« 

Le célèbre scientifique américain George Church a donné pour la chaîne de télévision CBS une interview détaillée et optimiste à propos des recherches pour la longévité: Le but d’un généticien de Harvard : protéger les humains contre les virus, les maladies génétiques et le vieillissement. (En ce qui concerne l’horizon temporel de l’inversion de l’âge chez les humains,) c’est en essai clinique en ce moment même chez les chiens. Donc, ce produit vétérinaire pourrait être disponible dans quelques années, et il faudra alors encore dix ans pour que les essais cliniques sur les humains soient terminés.


Pour en savoir plus :

Produits et médicaments contre la sénescence. Mort de la mort. Numéro 128. Novembre 2019.

Mon but en tant que scientifique est de prolonger la vie. Mes grands-parents sont des patients cardiaques et je veux les aider. Et les faire vivre éternellement. (Journal De Morgen, 12 novembre 2019, traduction). Laurent Simons a 9 ans, il est né à Ostende en Belgique et étudie à l’Université d’Eindhoven aux Pays-Bas. Il devrait devenir en novembre le plus jeune universitaire du monde. Et il pourrait bien aussi devenir bientôt le plus brillant longévitiste de la planète.


Thème du mois : Médicaments (et autres substances pour la longévité)


De nombreux chercheurs travaillent depuis des décennies à ralentir le vieillissement, voire même un jour à permettre des mécanismes de réel rajeunissement.

De nombreuses pistes d’études sont explorées et différents produits sont actuellement étudiés. La présente lettre donne une liste assez étendue de substances prometteuses. Attention, ces produits ne doivent pas être utilisés pour soi-même sans avis médical et, souvent, ne sont pas disponibles sans prescription.

Sénolytiques

Les médicaments sénolytiques permettraient de supprimer des cellules en fin de cycle de vie.

Rappelons en effet que nos cellules sont programmées pour se diviser un certain nombre de fois mais, avec l’âge, elles cessent de se multiplier (ou se multiplient avec des erreurs) avant de mourir et d’être éliminées par notre système immunitaire.

Le problème c’est que, en vieillissant, ce système de « nettoyage » s’avère de moins en moins efficace. En revanche, ces cellules en fin de vie pourraient être éliminées par les médicaments sénolytiques. Ils ont la capacité d’éliminer nos cellules vieillissantes sans toucher aux cellules saines, ce qui nous aide à lutter contre le vieillissement cellulaire et par là même, à tout son cortège de maladies chroniques liées à l’âge. Actuellement, ces médicaments sont encore à l’état d’expérimentation – débutée en 2015 par Jim Kirkland, un chercheur de la Mayo Clinic. 

Les produits les plus connus sont dasatinib, quercétine et fisétine.

Le mélange dasatinib et quercétine améliore la santé de souris âgées et allonge leur durée de vie. De premiers essais cliniques courts ont aussi eu lieu chez l’homme et sont prometteurs. Certains effets secondaires sont notamment apparus – si la quercétine se trouve dans la pomme ou les oignons, le dasatinib est un anti-cancéreux.

Metformine

La metformine est un vieux médicament, bon marché, largement utilisé pour réguler le taux de sucre dans le sang des patients diabétiques depuis des décennies. Aujourd’hui, elle pourrait peut-être réduire les maladies de l’âge et améliorer la longévité.

De la famille des biguanides, ce médicament traite le diabète de type 2 par voie orale. Son intérêt, pour ces diabétiques non dépendants à l’insuline, est de faire baisser la glycémie (le taux de sucre dans le sang) sans augmenter la sécrétion d’insuline. En outre, on sait aujourd’hui que l’insuline réduit les phénomènes d’inflammation dans le corps.

Cela fait déjà quelques années que les spécialistes de la médecine anti-âge se penchent sur le cas de la metformine pour lutter contre les problèmes de santé liés au vieillissement. En particulier, elle réduirait la glycation, un processus du corps lié au métabolisme des sucres et dégradant nos protéines, faisant perdre la souplesse de nos tissus de soutien, et accélérant le vieillissement global.

On sait aussi que la metformine favorise les effets de rajeunissement et de régénération cellulaire, connus sous le nom d’autophagie. Il s’agit d’un processus pendant lequel une cellule peut réparer ses composants défectueux (une vraie remise en état autonome). Il a été montré que d’autres substances comme le resvératrol, le thé vert ou la rapamycine favorisent aussi cette autophagie tout comme le jeûne, même court.

Même si une étude montre moins d’impact des maladies de dégénérescence (liées au vieillissement) chez les diabétiques traités, et moins de cancers, grâce à ce produit, comme pour tous les autres actuellement disponibles, l’impact sur la durée de vie maximale (au-delà de 95 ou 100 ans) est faible, voire nul.

Rapamycine

L’Île de Pâques ou « La Grande Rapa » est connue pour ses 900 statues énigmatiques en pierre. C’est aussi le nom que des chercheurs canadiens ont donné à la « Rapamycine », molécule produite par la bactérie Streptomyces hygroscopicus. La Rapamycine ou « Sirolimus » est utilisée depuis 1999 comme médicament immunosuppresseur contre le rejet de greffe d’organe – avec notamment le « Rapamune » de Pfizer.

Différentes souches de souris voient leur santé améliorée et leur durée de vie augmentée par la rapamycine, et ce en commençant à des âges de la vie différents. Des tests sont en cours chez le chien (étude “Aging Dog”). Les effets secondaires de la rapamycine font que l’utilisation chez l’homme à titre préventif peine à avancer.

Statines

Des chercheurs de l’université de Naples ont montré que les statines pouvaient ralentir le processus de vieillissement cellulaire en prévenant le raccourcissement des télomères. Les télomères sont des sections d’ADN qui couvrent l’extrémité des chromosomes et les protègent contre les dommages associés au vieillissement. Les statines peuvent activer une enzyme appelée « télomérase » ce qui allonge la longueur des télomères. Cette longueur est un indice de longévité assez connue.

 

Déjà utilisées dans le traitement des maladies cardiaques, du diabète et des cancers, les statines pourraient être également prises dans une thérapie anti-vieillissement. Mais les effets secondaires musculaires, parfois graves, des statines, font que l’utilisation actuelle pour la prévention reste modérée.

NAD+

Les cellules ont la capacité innée de réparer les dommages causés à l’ADN – ce qui survient, par exemple, chaque fois que notre peau est exposée au soleil. Cependant, cette capacité tend à diminuer avec l’âge.

Des chercheurs ont découvert que le métabolite nicotinamide adénine dinucléotide oxydé (NAD+), qui est naturellement présent dans chaque cellule du corps humain, joue un rôle-clé en tant que régulateur des interactions protéine-protéine qui contrôlent la réparation de l’ADN.

Ainsi, le fait de traiter des souris avec un précurseur du NAD+ améliore la capacité de leurs cellules à réparer les dommages causés à l’ADN par l’exposition aux rayonnements du soleil ou au vieillissement. 

« Nous n’avons jamais été aussi proches de la création d’un médicament anti-âge sûr et efficace. Il pourrait même être disponible dans seulement trois à cinq ans si les essais sont concluants », a déclaré le Professeur David Sinclair.

Les premiers résultats d’essais cliniques chez l’homme sont décevants : ils ne montrent pas d’effet visible.

Hormones

La baisse de nos hormones est certainement un des effets les plus marqués et les plus précoces du vieillissement. Dès 30 ans, la fabrication d’hormones diminue avec des conséquences non négligeables.

Parmi celles que l’on connaît le mieux, voici les plus importantes à voir leur taux baisser avec le vieillissement : la DHEA, la mélatonine, les oestrogènes, la progestérone, la testostérone, la pregnénolone, l’hormone de croissance et le cortisol.

S’il est médicalement admis qu’une remontée des taux hormonaux s’accompagne d’un net regain de forme, le traitement substitutif hormonal n’est pas une panacée.

Alors que l’hormone de croissance a une action claire et positive sur la peau, les os et les muscles, personne n’a su à ce jour augmenter la durée de vie des souris et rats par l’hormone de croissance, tout du moins leur durée de vie maximale. Ainsi, ces effets positifs sont probablement accompagnés d’effets secondaires également, qui restent à identifier. La récente repousse du thymus par injection d’hormone de croissance et DHEA (et autres substances), accompagnée d’une baisse de l’âge biologique” (mesuré par méthylation de l’ADN de cellules sanguines), amène donc à une certaine prudence sur les effets à long terme.

L’équilibre alimentaire est important, notamment pour un apport suffisant de protéines et acides aminés (surtout après 65 ans), mais aussi de certaines vitamines et minéraux participant à la fabrication d’hormones dans nos glandes endocrines.

Aspirine

Les médecins savent depuis les années 1990 que l’aspirine semble réduire le risque de souffrir du cancer; dans le cas du cancer colo-rectal, la réduction du risque est d’au moins 40%, mais les chercheurs ne comprennent pas exactement la nature de ce mécanisme protecteur.

Deux scientifiques de l’université suisse de Bâle ont examiné, chez 546 femmes âgées de plus de 50 ans, le lien entre le mode de vie et le vieillissement du génome. Ils ont déterminé que l’aspirine freine le vieillissement du génome, notamment en luttant contre des modifications qui jouent un rôle dans le développement de tumeurs. Cependant, les chercheurs préviennent qu’il ne serait pas sage de commencer à prendre régulièrement de l’aspirine simplement pour lutter contre le cancer, compte tenu des effets secondaires qui peuvent accompagner la prise du médicament. Les conclusions de cette étude sont publiées dans le Journal of the National Cancer Institute.

De manière globale, il est considéré que l’aspirine à faible dose (“half a baby aspirin”: un centième de la dose prise contre les maux de tête), pris pendant les repas pour éviter des ulcères, a un effet positif pour les personnes à risque cardiovasculaire avéré, et neutre (et peut-être négatif) dans les autres cas.

Vitamines 

Des années de mauvaise nutrition accélèrent le processus de vieillissement. Les carences en vitamines et minéraux peuvent avoir des effets néfastes sur la santé des personnes âgées. Des études récentes indiquent que certaines vitamines possèdent des propriétés anti-oxydantes et empêchent le processus d’oxydation. Ces vitamines sont les vitamines A, E, C et la Bêta-carotène. Grâce à ces propriétés, elles peuvent retarder le processus de vieillissement.

Elles préviennent également la dégénérescence des vaisseaux sanguins, des articulations cardiaques et des lentilles oculaires.

Connue sous le nom de vitamine anti-oxydante et anti-âge, la vitamine B1 joue un rôle important dans le fonctionnement normal du système nerveux, la régulation des glucides et une bonne digestion.

Antioxydants

On parle beaucoup de prendre ces fameux antioxydants qui doivent nous protéger des « radicaux libres » et du vieillissement accéléré.

Pour comprendre les antioxydants, il faut comprendre les radicaux libres (RL). Ceux-ci sont produits lors de réactions impliquant l’oxygène (respiration, digestion, effort musculaire, défenses contre l’infection, …). Ce sont diverses molécules ayant en particulier un électron « en trop », qui les rend particulièrement instables et réactives. Tant qu’un système antioxydant n’a pas stoppé le processus, les radicaux libres vont « contaminer » d’autres molécules qui deviennent alors des radicaux libres dans un processus en chaîne. On appelle cette contagion de « l’électron en trop » oxydation.

Un déséquilibre de nos défenses anti-radicalaires peut-être lié à un manque d’antioxydants dans notre alimentation. En particulier, la cuisson trop forte et la conservation des aliments détruisent un grand nombre d’antioxydants.

Certains facteurs (comme l’âge, le tabac et le surpoids) vont augmenter la production de radicaux libres, et donc l’oxydation dans le corps.

Les antioxydants se trouvent dans un grand nombre d’aliments, leurs sources sont très variées. Cependant, les plantes, soumises en permanence aux UV du soleil, ont dû développer de puissants antioxydants pour survivre, en particulier les polyphénols et les caroténoïdes. Pour ces raisons, une alimentation riche en fruits et légumes peu cuits est salutaire.

Des aliments riches en antioxydants :

  • Vitamine C : poivron, goyave, oseille, citron, orange, kiwi, choux, papaye, fraises, …
  • Vitamine E : huile de tournesol, germe de blé, soja, maïs, beurre, margarine, œufs, …
  • Vitamine A : foie, beurre, œufs, …
  • Sélénium : poissons, œufs, viandes, …
  • Zinc : fruits de mer, viandes, pain complet, légumes verts
  • Coenzyme Q10 : soja, boeuf, petits poissons, épinards
  • Lycopène : tomate et fruits rouges
  • Astaxanthine : krill, crevettes, crustacés au pigment rouge
  • Acide alphalipoïque : épinard, viandes rouges, brocolis
  • Polyphénols (flavonoïdes et tanins en particulier) : tous les fruits et légumes colorés, baies, vin, thés, …

Autres substances au potentiel anti-oxydant :

  • Certaines vitamines B : B1, B5, B6,
  • Certains acides aminés : acétyl-L-carnitine, méthionine, cystéine, taurine, …
  • Les acides gras oméga 3
  • L’acide hyaluronique
  • Le bleu de méthylène
  • Les flavonoïdes
  • Certains composants de l’astragale

Malheureusement, aux Etats-Unis, les études portant sur l’absorption de vitamines ou de compléments alimentaires par les citoyens n’ont pas donné des résultats positifs.

En conclusion

L’inventaire qui a été dressé ici est incomplet. De nombreux autres produits sont encore considérés par certains comme ayant un potentiel pour favoriser une vie plus longue, par exemple certaines protéines, le resvératrol, les sirtuines, … Pour toutes ces substances, la question du dosage est bien sûr fondamentale, « ni trop, ni trop peu » ainsi que l’étude des effets combinés de plusieurs produits (voir notamment les projets de « polypill » ainsi que le Data Beta test).

Actuellement, nulle part au monde, un organisme public ou privé n’examine systématiquement l’impact positif pour la durée de vie de ces nombreuses substances, ni pour les souris de laboratoire, ni pour les humains.

L’extrême complexité administrative et légale rend – paradoxalement – les tests plus difficiles aujourd’hui que par le passé. La prise de conscience de l’importance de ces études pourrait être accélérée grâce à l’attrait récent pour les sénolytiques, les développements de tests plus automatisés utilisant de l’intelligence artificielle et surtout une prise de conscience longévitiste des gains de santé public et de bien-être envisageables.


La bonne nouvelle du mois : une semaine pour la longévité à Londres


Parmi les nombreuses conférences qui se tiennent dans le monde, celles qui se tenaient du 11 au 15 novembre durant la semaine de la longévité à Londres étaient particulièrement prometteuses. Elles ont en effet vu la rencontre d’investisseurs potentiels, de personnalités scientifiques, de femmes et d’hommes politiques, principalement du Royaume-Uni, bien sûr, mais aussi des Etats-Unis.

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