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Observation de longévités animales. La mort de la mort. Janvier 2017. N° 94.

Chaque médicament est une innovation et celui qui ne s’applique pas de nouveaux remèdes doit s’attendre à de nouveaux maux car le temps est le plus grand corrupteur et s’il change les choses pour le pire et que la sagesse et le conseil ne les modifient pas pour le meilleur, quelle sera la fin? Francis Bacon, essais de morale et de politique, 1625.


Thème du mois : Les animaux observables pour la compréhension de la longévité


Aujourd’hui, pas un être humain n’a plus de 117 ans. Pas une seule souris n’a plus de 4 ou 5 ans. Pas un seul caméléon malgache de l’espèce Furcifer Labordi n’a plus de 4 ou 5 mois alors que d’autres caméléons de Madagascar peuvent vivre une dizaine d’années.

La cause première de ces différences est le patrimoine génétique. Le fonctionnement des molécules fondamentales du vivant est d’une extrême complexité, notamment suite aux processus épigénétiques. Il n’en reste pas moins que des différences relativement modestes dans l’ADN peuvent créer des écarts tout à fait considérables de durée de vie.

Dans cette lettre, nous décrirons les espèces vivantes les plus courantes étudiées fréquemment en laboratoire dans le cadre de la compréhension de la durée de vie ainsi que des espèces plus « atypiques » qu’il pourrait être utile d’étudier plus pour les raisons de leurs durées de vie.

Les espèces déjà fréquemment étudiées en laboratoire (du plus lointain au plus proche de l’humain).

La levure est un champignon unicellulaire d’abord connu pour son rôle dans l’alimentation. Il est utilisé en laboratoire entre autres pour étudier l’impact de différents traitements sur la durée de vie de cet organisme.

Les vers nématodes Caenorhabditis elegans (mesurant environ un millimètre) et les drosophiles (petites mouches n’excédant pas 4 millimètres) sont les animaux de laboratoire de ceux qui se contentent d’invertébrés. Elles présentent de nombreux avantages pour l’étude de la longévité: durée de vie courte (et donc résultats rapides), reproduction facile, taille petite, mutations génétiques aisées à établir. Évidemment, leur ressemblance avec les êtres humains n’est pas frappante même si une bonne partie du patrimoine génétique est commun.

Les souris et les rats qui vivent normalement 2 à 4 ans sont certainement les animaux de laboratoire les plus étudiés tant pour l’étude du vieillissement que pour d’autres questions. Ils se reproduisent en laboratoire depuis de nombreuses générations. Comme les études sont nombreuses, les points de comparaison et le patrimoine génétique sont très bien définis. Les souris étant de plus petite taille, elles sont moins coûteuses à entretenir et donc plus utilisées.

Les macaques rhésus sont l’objet des expériences parmi les plus longues de l’histoire scientifique. Un traitement en faveur de la longévité, à savoir la restriction calorique a été suivi pour certains individus pendant une quarantaine d’années.

De manière générale, les expériences relatives au vieillissement donnent des résultats plus rapides si les animaux examinés le sont à partir d’un âge correspondant à la mi-vie. En effet, la mortalité due au vieillissement croît selon une courbe exponentielle dite « courbe de Gompertz« . L’étude de sujets plus âgés permet donc de percevoir des différences de mortalité plus fortes. Ceci se fait cependant malheureusement relativement peu car des animaux plus âgés sont plus coûteux.

Les espèces atypiques observables en captivité

De manière générale, ce sont les animaux de grande taille, subissant peu de prédation (ou d’autres causes de mortalité externe) et au métabolisme lent qui vivent le plus longtemps. L’étude des exceptions à ces règles, mais aussi les cas les plus extrêmes d’application de ces règles est une source d’information scientifique intéressante.

Comme chacun sait, les chimpanzés et les bonobos sont proches des humaines et très intelligents. Leur utilisation en laboratoire est devenue exceptionnelle. L’étude uniquement de ce qui permet une vie en bonne santé plus longue (et non pas de ce qui diminue la durée de vie) répondrait à des exigences éthiques et serait utile pour les humains mais aussi pour les animaux concernés (qui peuvent vivre plus de 60 ans).

Les porcs sont des animaux souvent étudiés en laboratoire pour leurs organes souvent proches des organes humains. Elever des animaux de grande taille est bien sûr coûteux. Cela pourrait cependant être très utile vu la biologie proche de l’humain. De plus, comme la durée de vie est relativement limitée (une quinzaine d’années), ceci permettrait des études assez rapides.

Pour les rongeurs, le rat-taupe nu peut atteindre 30 ans, ce qui est exceptionnel pour un mammifère de petite taille.

Parmi les oiseaux, les durées de vie sont extrêmement variables. Beaucoup de passereaux ne vivent que quelques années alors que des espèces de perroquets peuvent vivre plus de 60 ans. Un albatros né dans les années 50 continue à pondre aujourd’hui. Tous ces animaux pourraient être observés sur le long terme en ce qui concerne les indicateurs de vieillissement. Pour un albatros, l’observation en captivité n’est probablement pas possible, mais des capteurs peu invasifs pourraient mesurer des informations pour cet animal.

Il est bien connu que certaines tortues, notamment celles des Galápagos peuvent vivre extrêmement longtemps. Des exemplaires sont observés en captivité depuis des siècles mais pas spécifiquement pour comprendre les mécanismes de longévité.

Le caméléon Furcifer Labordi est le vertébré terrestre dont la durée de vie est la plus courte. Elle n’excède pas 4 ou 5 mois. Dans le milieu naturel, ce reptile vit sa courte existence durant la belle saison. A la fin de cette période, la femelle pond des oeufs qui incuberont jusqu’au début de la belle saison de l’année suivante. En captivité, l’animal ne survit normalement pas plus longtemps. Examiner les processus de vieillissement en comparant notamment à d’autres caméléons vivant beaucoup plus longtemps pourrait apporter des informations précieuses.

Un mécanisme de développement et de vieillissement accéléré se produit également chez certaines espèces de poissons qui vivent dans des mares temporaires dans des zones désertiques africaines. Il s’agit notamment du fort beau Nothobranchius furzeri. Ici aussi, examiner ces poissons en les comparant à des espèces proches vivant beaucoup plus longtemps contribuerait aux connaissances relatives à la sénescence.

Chez les insectes eusociaux (termites, fourmis, abeilles,…), les individus qui pondent (les « reines ») vivent beaucoup plus longtemps alors qu’ils sont génétiquement identiques au départ aux ouvrières, soldats,… qui ne vivront que quelques mois. Des colonies d’insectes sont observées depuis des siècles mais pas dans le cadre spécifique de l’étude de la longévité.

Des animaux beaucoup plus éloignés des humains peuvent vivre très longtemps. La méduse Turritopsis dornhii  peut retourner à l’état larvaire apparemment en un cycle sans fin et est étudiée en aquarium. D’autres animaux non mobiles peuvent vivre des siècles et leur métabolisme pourrait être plus étudié. Il s’agit du quahog nordique mais aussi de coraux. Pour ces derniers, ce sont en fait les colonies qui vivent des milliers d’années, pas chaque polype « individuel”). Il pourrait être passionnant d’étudier simultanément ces êtres collectifs qui peuvent aujourd’hui nous survivre des siècles et le gobie pygmée Eviota sigilata qui vit sur des récifs coralliens et qui est l’espèce de vertébré ayant la durée de vie la plus courte au monde (moins de 2 mois).

Enfin, pour conclure, c’est évidemment l’humain qui est susceptible d’apporter les informations les plus précieuses pour sa propre sénescence. Cet être vivant est coûteux à entretenir, mais il résiste fort bien aux écarts de température et aux modifications rapides de l’environnement. Le consentement éclairé à des expérimentations en double aveugle pour une vie en bonne santé plus longue est particulièrement utile chez les vrais jumeaux, les personnes les plus âgées ainsi que celles atteintes de maladies liées à un vieillissement accéléré. Il pourrait servir tant aux individus observés qu’à l’ensemble des 7,5 milliards de congénères.


La bonne nouvelle du mois: lettre ouverte aux candidats à la présidence de la République française pour un plan national de lutte contre le vieillissement


Cette lettre a été écrite le 1er janvier 2017. Il y est demandé un acte républicain et clairvoyant, à la mesure de l’enjeu énorme du vieillissement. Ceci devrait se traduire entre autres par:

  • la création d’un pôle de recherche national, financé en conséquence, capable d’attirer les meilleur(e)s chercheur(se)s de la discipline ;
  • un cadre légal novateur adapté aux particularités de la lutte contre le vieillissement.

Plusieurs personnalités (dont Miroslav Radman) ont déjà accepté de signer. Pour soutenir cette initiative, vous pouvez également signer


Pour en savoir plus:

Progrès récents pour la longévité. La mort de la mort. Décembre 2016. N° 93.

Le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg a promis 3 milliards de dollars pour éradiquer la maladie et la pauvreté. N’est-ce pas idéaliste?

Certainement, tous ces objectifs absolus sont idéalistes. Mais il s’est donné jusqu’à la fin du siècle. Donc, il nous reste à espérer qu’il ait raison pour que vous soyez encore là pour le vérifier ! Ce qu’il a fait est fantastique. C’est un énorme engagement. A son âge, je ne faisais pas du tout de philanthropie. Bill Gates, Le Soir (journal belge), 28 octobre 2016.


Progressions scientifiques contemporaines dans les recherches pour une vie en bonne santé (radicalement) plus longue


C’est une banalité de dire que nous vivons une époque de progrès technologiques rapides, notamment dans les domaines informatiques, de la robotisation et des connaissances génétiques. Grâce notamment à ces progrès, nous vivons une période de croissance des communications encore plus rapide, permettant la mise à disposition d’une quantité d’informations en augmentation continue.

La communication accrue n’a pas que des avantages. Dans le domaine scientifique, comme dans d’autres domaines, certaines personnes ou organisations peuvent décrire des avancées de manière exagérée voire simplement incorrecte dans des buts financiers, de prestige, d’influence d’opinion,… D’autres personnes peuvent, au contraire, ne pas communiquer, pour tenter de protéger leurs connaissances, parce que le résultat de leurs recherches ne correspond pas à leurs espérances ou parce qu’elles n’y sont pas autorisées. Il manque de lieux en ligne où les expérimentations en matière de longévité animale ou humaine sans résultats positifs sont reprises de manière systématique. Or, savoir ce qui ne fonctionne pas est presque aussi important que de savoir ce qui fonctionne car cela évite de refaire des recherches inutiles.

Cette lettre tentera de cerner les domaines les plus prometteurs des recherches en matière de longévité de ce début de 21è siècle. Cette lettre est un peu plus longue qu’à l’accoutumée mais il a fallu néanmoins rester bref. Des dizaines de pages n’auraient pas suffi à faire un tour complet des perspectives.

A. Progrès par type d’affection

  1. Lutte contre les maladies cardio-vasculaires.

Au Québec, le taux ajusté de mortalité a diminué de plus de 50 % en moins de 30 ans. Les progrès sont spectaculaires aussi dans bien des pays similaires. Ce n’est pas grâce à une percée unique mais par une combinaison de progrès dans les domaines de la prévention et des thérapies. Cette évolution réjouissante se poursuit aujourd’hui. Les spécialistes ne savent pas exactement ce qui la provoque mais il semble que cela soit l’ensemble des mesures médicales de prévention et de traitement notamment du diabète et la diminution de l’usage du tabac qui forme une partie importante des causes.

  1. Le cancer, un jour une maladie chronique?

En France, depuis des décennies, la mortalité dans les 5 années des personnes atteintes du cancer diminue, à âge égal, d’environ 1 % par année. Les progrès sont divers. En fait, chaque cancer se caractérise par des modifications génétiques spécifiques. La diminution exponentielle des coûts du séquençage génétique permet d’envisager, dans un futur peu éloigné, pour chaque citoyen, un traitement spécifique. La transformation du cancer en une maladie dont on ne meurt plus est envisageable à un terme pas trop éloigné pour certaines formes de cancer, dont ceux du sein et de la prostate.

  1. Les maladies neurodégénératives

Il semble que, à âge égal, le nombre de personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer soit en décroissance. La science médicale progresse pour la recherche et l’expérimentation animale mais pas dans celui de thérapies concrètes. Les pistes de progression sont
– des médicaments, notamment la substance Verubecestat,
– les substances se trouvant dans le sang (voir plus bas),
– les ultrasons et la lumière (voir plus bas).

A ce jour, malheureusement, aucune thérapie qui est apparue prometteuse sur le plan de la recherche théorique, de l’expérimentation animale ou même des premiers tests humains, n’a été confirmée à l’échelle des patients « normaux ».

B. Progrès par méthode

  1. Les produits

La recherche de la « pilule d’immortalité » (de longévité en fait) se poursuit depuis plusieurs millénaires. L’être humain, comme les autres mammifères, est un organisme d’une extraordinaire complexité. Il dispose d’un système nerveux qui est l’organe le plus complexe de l’univers connu. Nous avons besoin de très nombreuses substances pour fonctionner, chacune de ces substances interagissant avec des centaines d’autres et selon les rythmes de notre métabolisme.

Il existe, pour une personne donnée, dans un environnement donné avec un comportement donné, un « dosage » idéal. Approcher de cet idéal peut se faire, notamment en absorbant des substances médicamenteuses ou des suppléments alimentaires. Cela permet de gagner des années de vie en bonne santé en approchant d’une situation biologique idéale. Par contre, il est peu probable qu’un produit actuellement existant permette jamais de dépasser les durées de vie maximales aujourd’hui atteintes, notre « limite biologique génétique » (110 à 120 ans).

Les produits les plus prometteurs aujourd’hui sont:
– les statines,
– la rapamycine,
– la metformine,
– des substances protégeant certaines protéines.

D’autres produits ont été porteurs d’espoirs et ne le sont plus guère: resvératrol, C 60, vitamines, hormones,…

  1. Les thérapies géniques

C’est de très loin le domaine le plus prometteur. La modification ciblée du patrimoine génétique est de plus en plus simple grâce au développement des méthodes dites CRISPR-Cas 9 (et également grâce à d’autres techniques) ainsi qu’à la diminution exponentielle des coûts du séquençage génétique.

Ce début du 21è siècle a également été une période de découvertes de mécanismes d’une grande complexité: rôle de l’épigénétique et d’un ensemble de caractéristiques pouvant se transmettre de manière héréditaire sans passer par les modifications « classiques » de l’ADN (hérédité de caractères acquis, rôle de l’ARN, rôle des mutations génétiques de certaines cellules au cours de la vie,…). Par ailleurs, alors qu’il est certain que des modifications réduites du patrimoine génétique permettent des différences considérables de durée de vie entre espèces animales proches, les recherches entre autres sur des supercentenaires n’ont pas permis de découvrir encore les « secrets » génétiques de la longévité de certaines personnes. Par contre, les recherches pour « transformer » des cellules âgées en cellules jeunes sont très prometteuses.

3. Les nanotechnologies

Les nanorobots (créés atome par atome  à l’échelle du milliardième de mètre ») capables d’éliminer les cellules malades et les virus nuisibles ainsi que de remplacer des neurones déficients ne sont pas pour demain, mais des équipes en Israël et ailleurs cherchent à développer des robots microscopiques. D’autres chercheurs étudient des nanomédicaments qui, grâce à leur taille et leur couches successives de type « oignon » peuvent franchir les frontières internes du corps, notamment la barrière hémato-encéphalique.

4. Les régénérations

Chez l’être humain, les possibilités de se régénérer sont non négligeables. Nous ne pourrions pas survivre sans certains renouvellements constants dans notre corps. Cependant, nous n’avons pas la capacité de régénérer des organes entiers qu’avaient nos lointains ancêtres et qu’ont des reptiles, des poissons et des amphibiens. Ceux-ci peuvent régénérer des organes entiers. Des chercheurs, notamment de l’université Monash de Melbourne, tentent de découvrir comment, pourquoi et par quelles modifications génétiques, nous avons perdu ces capacités en vue de tenter de les « réveiller ».

  1. Les imprimantes 3D et les microchirurgies

Les imprimantes tridimensionnelles peuvent être utilisées à des fins médicales notamment pour constituer des tissus ou des organes à partir de cellules-souches. Le travail de constitution d’organes à partir de cellules-souches est notamment étudié par la société Organovo.

6. Les recherches provenant de données épidémiologiques

De l‘utilisation d’un profil Facebook actif en passant par le fait de jouer au tennis, la lecture de livres et l’absorption de thé vert, les comportements, les consommations, les compositions,… des populations montrent des liens innombrables avec la durée de vie. Dans l’océan des données statistiques, des informations précieuses pour la longévité se dissimulent au milieu de brassées de données redondantes, de simples corrélations et d’erreurs de mesure. Pour pouvoir déterminer les pistes les plus prometteuses, les applications logicielles traitant les « big data » médicales (et comportementales) sont de plus en plus utilisées. Un traitement plus collectif, moins privatisé, informant plus les citoyens des buts de santé publique collectifs est un facteur d’accélération de l’efficacité de ces recherches.

7. L’immunothérapie

Lorsque nous vieillissons, notre organisme réagit de plus en plus mal aux agressions extérieures. Les personnes âgées décèdent fréquemment de maladies infectieuses du fait de la décroissance des défenses immunitaires. Les recherches qui visent à rétablir ou à renforcer l’efficacité des défenses immunitaires sont en pleine croissance pour lutter contre certains cancers et elles sont également considérées afin de diminuer les effets du vieillissement de manière plus généralisée.

8. Les produits contenus dans le sang

Il apparaît que l’échange de sang entre souris jeunes et âgées (parabiose) permet des mécanismes de réjuvénation chez les souris âgées (et provoque au contraire le vieillissement » des souris jeunes) sans que l’on sache exactement ce qui provoque ces modifications. Ces recherches ont eu récemment un succès important et démontrent que nous ne comprenons encore que trop peu l’impact des substances biologiques qui nous composent, même parmi les plus aisément et les plus longuement étudiées.

9. Les ondes

Chez des souris atteintes d’une maladie similaire à la maladie d’Alzheimer, l’utilisation d’ultra-sons a pour conséquence surprenante de diminuer les plaques qui sont une cause déterminante de cette maladie. Il pourrait aussi en aller de même avec de la lumière ! Ces avancées surprenantes sont une des illustrations de l’intérêt de chercher dans toutes les directions en permettant donc…

  1. La sérendipité

Les progressions technologiques dans les autres domaines scientifiques peuvent servir à une vie beaucoup plus longue en bonne santé sans que nous ne nous y attendions vraiment. Les effets  des nanoparticules, des ondes, des nouveaux produits, de nouveaux comportements,… sur la santé sont souvent cités incidemment pour leurs conséquences négatives mais nous pourrions aussi découvrir des conséquences positives à condition de toujours garder  les questions de longévité  à l’esprit.

  1. L’intelligence informatique et artificielle à vocation médicale

Il s’agit probablement du domaine le plus prometteur de cette décennie. Les géants de l’informatique annoncent des investissements et des ambitions considérables.

Facebook annonce la disparition des maladies du vivant de la fille de Mark Zuckerberg. C’est notamment pour cela qu’a été créé par lui et son épouse la Chan Zuckerberg Initiative. Microsoft et Apple investissent énormément dans les applications médicales. Google est en pointe, via Verily, Google Genomics, l’engagement du « singularitariste » Ray Kurzweil et surtout la fort discrète société Calico.

Enfin, l’application IBM Watson, qui est probablement aujourd’hui ce qui ressemble le plus à une intelligence artificielle large, permet de développer des outils de diagnostic médical remarquables et devrait pouvoir être utilisé pour des recherches larges.

C. Nuance à l’optimisme et conclusion provisoire

La science progresse et c’est enthousiasmant mais les avancées sont ralenties par:

– des réglementations complexes qui ne mettent pas clairement la priorité sur l’intérêt collectif et individuel des avancées thérapeutiques;
– une multiplication d’acteurs de toutes tailles aux objectifs souvent concurrents, aux intérêts trop privés et aux solidarités aléatoires;
– des enthousiasmes conjoncturels parfois trop puissants nous faisant surestimer le progrès à court terme et perdre la « longue haleine »;
– une perception encore rare que la « mort de la mort » par vieillissement est une perspective réaliste.

Un tour d’horizon optimiste ne nous fera pas oublier non plus que cette année encore des dizaines de millions de personnes sont mortes de maladies liées au vieillissement qui pourraient être un jour pas si lointain évitables. Nous sommes malheureusement raisonnablement certains qu’il en ira de même l’année prochaine. Que ce soit la mort de sa mère ou celle d’un étranger, tout décès non voulu doit nous toucher et nous pousser à favoriser les solidarités vis-à-vis des plus âgés, c’est-à-dire des plus faibles des citoyens de notre monde.

2017 et les années suivantes s’ouvrent sur des perspectives qu’il appartient aux chercheurs, aux activistes, aux citoyens de rendre encore plus enthousiasmantes en matière de longévité.


La bonne nouvelle du mois: le transhumanisme en tant que permettant d’augmenter fortement la longévité perçu positivement en France


Les opposants à la longévité radicale sont très actifs parfois même vociférants. Mais il se pourrait bien qu’ils ne deviennent pas minoritaires… parce qu’ils le sont déjà.

Si nous en croyons une étude de Swiss Insurance, à la question « Aujourd’hui, on parle en médecine de transhumanisme ou d’homme augmenté, ce qui signifie que les progrès en médecine permettront à l’avenir d’augmenter fortement la longévité des hommes via par exemple des implants rétiniens électroniques pour redonner la vue, des prothèses intelligentes, des organes artificiels, etc. Diriez-vous que ce type d’évolution est une bonne ou une mauvaise chose ? », 72 % des répondants considèrent que c’est une bonne chose.

Pour en savoir plus:

L’utopie. Hier et aujourd’hui. La mort de la mort. Novembre 2016. N° 92.

Car la vieillesse n’est-elle pas la mère de toutes les maladies? N’est-elle pas elle-même une maladie? Thomas More. L’Utopie.utopien_arche


Longévité utopiste 500 ans après Thomas More


C’est en 1516 que paraissait l’ouvrage  de Thomas More qui a donné son nom à un des concepts parmi les plus positifs de l’histoire de l’humanité: l’Utopie.

Avant la naissance du concept, le désir de perfection concernait le plus souvent le retour au passé, la redécouverte d’un paradis perdu créé en dehors de l’homme.

Avec l’utopie se répandit l’idée que les humains peuvent transformer leur environnement, le rendre meilleur avec une aspiration à la perfection. L’amélioration radicale n’est plus l’apanage des dieux ou du destin.

Durant des siècles, des auteurs se sont attachés à cet exercice. En fait, avec ou sans Thomas More, le désir d’un monde meilleur est presque universel. Qui n’a pas réfléchi un jour à un monde idéal, qui n’a pas au creux de son lit fait ce rêve?

Cependant alors que le monde permet des abondances dépassant nos rêves d’antan, les auteurs littéraires, les artistes, les prévisionnistes, sont le plus souvent soucieux de décrire des futurs qui déchantent. Le mot « utopie » est utilisé le plus souvent à contresens pour décrire un futur non souhaitable, une dystopie.

Imaginer le pire, cela peut être utile pour comprendre les risques. Mais imaginer le meilleur peut l’être aussi pour se fixer des idéaux. Dans cette lettre, nous proposons de courtes utopies, dans ce qu’il y a de potentiellement le plus beau: une vie sans limitation de durée, en belle et bonne santé et donc aussi sans vieillissement.

Avant de décrire ces utopies, il faut se rappeler que bien des avancées qui étaient inimaginables hier, bien des rêves inaccessibles du passé, sont devenus réalité aujourd’hui. Les aurions-nous atteints, en tout cas aussi rapidement, sans les avoir d’abord rêvés ? Les humains volent, les opérations chirurgicales se font sans douleur, « le lait et le miel » sont accessibles presque sans limite, la bibliothèque et la médiathèque universelle de l’honnête homme/femme tient dans la main et le paysan dans la majorité des pays ne laboure plus son champ à la sueur de son front que s’il le souhaite.

Ceci n’a pourtant pas suffi, loin s’en faut, à permettre le bonheur universel. Une des raisons (pas la seule) est que l’être humain ne goûte à la vie qu’un temps encore très limité. La vie est trop courte pour pouvoir en profiter pleinement. Mais nous pouvons imaginer un monde meilleur, bien meilleur. Le voici en quelques utopies.

Utopie longévitiste politique

Dans ce monde utopique, la vie sans limitation de durée est le droit de l’homme le plus absolu, la condition de tous les autres droits. L’article Premier de la déclaration universelle des droits humains est devenu « Les femmes et les hommes ont le droit inaliénable d’une vie sans sénescence. Les lois et les autorités étatiques sont tenues de garantir ce droit. Les citoyens et les institutions ont le devoir de porter assistance à toute personne en danger de vieillissement non souhaité. »

Utopie longévitiste technologique

Non seulement, comme aujourd’hui, les machines nous permettent de voler, de nous nourrir, de nous vêtir, de nous divertir presque sans limite, elles entretiennent aussi nos corps et nos cerveaux presque à la perfection. Les thérapies géniques, les nanotechnologies, les imprimantes biologiques 3D, les produits médicaux, l’ensemble des techniques médicales permettent que l’équilibre entre les différents processus biologiques rende le vieillissement impossible, sauf choix contraire.

Utopie du partage longévitiste

« Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », disait un proverbe africain repris par Senghor. Des milliards d’êtres humains vivant à satiété, ce sont les maladies d’Alzheimer et de Parkinson qui rejoignent la peste et le choléra dans la longue liste des extraordinaires atrocités que la nature avait créé. Nous gardons le plus beau, la vie et l’espoir d’étendre indéfiniment notre savoir. Nous jouissons donc d’un monde de connaissances plus accumulées et partagées que jamais.

Utopie longévitiste environnementale

La nature avait inventé, il y a des millions d’années, la vie sans sénescence des arbres. Les forêts sont des milieux qui peuvent réaliser une harmonie millénaire. Pour vivre dans un environnement plus durable que jamais, les femmes et les hommes qui le souhaitent choisissent collectivement et individuellement de vivre cet environnement durable dans des corps durables. La nature et l’humain se sont rejoints dans ce qu’ils ont de meilleur, pacifiés.

Utopie longévitiste pacifiste

A propos de pacification, un monde sans limitation de durée de la vie humaine est devenu un monde pacifié. La violence n’est plus utilisée car chacun qui le souhaite peut vivre sans limitation de durée et la lutte pour la vie n’existe donc plus pour les humains. La violence n’est même plus concevable car avec la « mort de la mort » involontaire, l’idée même de tuer ou de faire souffrir son prochain est devenue impensable, inconcevable, inimaginable. Les mots existent encore mais en tant que concept abstrait. Nous disons encore « gravés dans le marbre » ou « il me tue » mais nous ne gravons plus et ne tuons plus.

Utopie longévitiste du bonheur

Une vie humaine naturelle ne conduisait pas au bien-être à satiété parce qu’elle était bien trop courte pour apprendre et vivre le bonheur pleinement et aussi parce que voir les autres mourir nous obligeait à nous couper des sensations les plus fortes. En permettant une vie sans crainte du surlendemain, l’utopie longévitiste permet à l’être humain petit à petit, crescendo, de se construire ce qu’il y avait de plus inaccessible: le bonheur. Cela c’est l’utopie la plus difficile à réaliser, elle a nécessité des améliorations qui ne sont pas que physiques mais également morales, techniques et éducationnelles. Cela restera peut-être un idéal inaccessible. Ou peut-être pas. Nous aurons des siècles et des siècles de vie beaucoup plus longue pour le découvrir.


La bonne nouvelle du mois : les recherches concernant la maladie d’Alzheimer progressent


C’est certainement dans le domaine des maladies neurodégénératives et particulièrement la maladie d’Alzheimer que les progrès de la lutte contre Le vieillissement sont les plus lents.


Une thérapie génique est en cours de test contre cette maladie. Mais pour le moment les tests se font uniquement sur des souris.

Des scientifiques britanniques ont injecté un virus qui contient un gène (appelé PGC-1-alpha) dans les régions du cerveau liées à la mémoire chez les souris. Selon les chercheurs, les souris qui avaient reçu le gène présentent très peu de plaques amyloïdes, par rapport aux souris non soignées et réussissent les tests de mémoire aussi bien que des souris saines.

Ces résultats positifs devront être confirmés et, surtout, il faudra examiner si ce type de thérapie est réalisable sur l’homme. Plusieurs thérapies relatives à Alzheimer prometteuses chez les rongeurs se sont malheureusement révélées inefficaces chez l’homme.

Par ailleurs, plus prometteur à court terme, aux Etats-Unis, le médicament « verubecestat » développé par la société américaine Merck qui semble efficace contre la maladie d’Alzheimer va être testé sur 3500 patients. Le médicament permet d’inhiber l’enzyme BACE1 qui est une des substances responsables du développement des plaques amyloïdes.

Si tout se passe pour ces tests à grande échelle comme pour les tests sur un plus petit nombre, ce médicament est sans effet secondaire important et il devrait ralentir le développement de la maladie.


Pour en savoir plus :

Déclaration de Bruxelles pour l’extension radicale de la durée de vie. Octobre 2016. Numéro 91. 

 

Le projet transhumaniste n’est pas absurde. Il s’agit de fabriquer une humanité qui serait à la fois jeune et vieille, qui réaliserait enfin l’adage: « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait. » Cela dit, le transhumanisme est fondamentalement égalitariste. (…)  Après avoir corrigé les inégalités sociales, le transhumanisme veut corriger les inégalités naturelles. Interview de Luc Ferry, philosophe, ancien ministre de l’éducation dans Le Point, 25 août 2016.


Thème du mois: L’Eurosymposium on Healthy Ageing se prononce vigoureusement pour la recherche pour la longévité


Près de cent chercheurs, activistes et spécialistes du vieillissement et de la lutte contre celle-ci se sont réunis durant trois jours pour l’Eurosymposium on Healthy Ageing. Ils participaient à des exposés scientifiques et des débats passionnants et parfois passionnés concernant les moyens envisagés pour lutter contre la première cause de souffrance et de mortalité du monde contemporain, la sénescence.

Le premier jour, les orateurs visaient surtout à décrire l’état des connaissances de l’épigénétique aux marqueurs du vieillissement et des cellules individuelles à l’être humain dans son ensemble.

Durant la seconde journée, les scientifiques exploraient notamment quelques-unes des innombrables pistes que suivent des spécialistes partout dans le monde pour lutter contre les maladies qui, aujourd’hui, nous empêchent tous, quel que soit notre santé et notre volonté de vivre plus d’une grosse centaine de printemps.

Lors de la dernière journée, ce sont  surtout les questions sociales, politiques et économiques liées aux recherches pour la longévité et aux perspectives d’une vie beaucoup plus longue qui furent abordées.

Enfin, les intervenants et participants de l’Eurosymposium on Healthy Ageing réunis d’abord en soirée dans un café typique de la capitale belge « La mort subite » (!) puis dans le cadre solennel de la Bibliothèque Royale de Belgique ont adopté une déclaration. Celle-ci se prononce clairement et radicalement (le terme a fait débat) pour un changement d’attitude en ce qui concerne les recherches pour une vie en bonne santé beaucoup plus longue.

La déclaration a été formellement adoptée le 1er octobre. Cette date est importante car c’est, pour l’Organisation des Nations-Unies, la journée internationale des personnes âgées. Cette journée est également devenue, depuis quelques années, par extension, la journée internationale de la longévité.

Voici le texte adopté traduit en français:


Déclaration de Bruxelles pour l’extension radicale de la durée de vie


La défaite du vieillissement est à notre portée à tous. Il est temps de saisir cette remarquable opportunité.

Ce 1er octobre 2016, durant la Journée internationale de la longévité, l’Eurosymposium on Healthy Ageing, réuni à Bruxelles, proclame la possibilité et l’impératif d’un projet d’envergure planétaire pour surmonter toutes les maladies liées à l’âge dans les 25 prochaines années, en s’attaquant au vieillissement en tant que cause de ces maladies.

Le résultat sera un monde :

  • où les soins de santé seront beaucoup moins chers;
  • où le bien-être humain pourra être radicalement étendu;
  • où les gens accorderont une plus grande valeur à l’environnement et à la paix, grâce à leur espérance de vie beaucoup plus longue;
  • où le droit à la vie sera plus précieux que jamais, parce que la vie sera plus longue.

Les principales étapes de cette initiative seront les suivantes :

  • un changement de paradigme insistant sur la nécessité d’une recherche sur le vieillissement lui-même, plutôt qu’uniquement sur les maladies individuelles découlant de la vieillesse;
  • la suppression des barrières réglementaires et autres qui empêchent ou découragent les entreprises de développer des traitements concernant le vieillissement;
  • un programme accéléré pour tester les interventions anti-âge sur une échelle beaucoup plus grande que tout ce qui existe à l’heure actuelle.  De cette manière, des essais biotechnologiques de réel rajeunissement seront testés sur l’homme dès 2021.

Ces programmes nécessiteront un effort coordonné au niveau national et international, en intégrant diverses approches de recherche existantes et nouvelles. Ils doivent être financés par des organismes publics et privés et créer des solutions abordables, complètes et d’égal accès pour tous.


Bonne nouvelle du mois: Initiative Chan Zuckerberg pour mettre fin aux maladies


Mark Zuckerberg et Priscilla Chan ont un objectif de santé publique immense : mettre fin aux maladies et ceci encore avant la fin de la vie de leur fille (née fin 2015) en investissant 3 milliards de dollars. Les maladies citées sont surtout des maladies liées au vieillissement mais ce n’est pas mentionné dans la communication à ce sujet.

L’initiative s’est dotée d’un conseil scientifique. Ce conseil est composé de 9 personnes parmi lesquels un dirigeant de la société Google Calico. Rappelons que Calico a comme objectif de lutter contre le vieillissement. Les autres membres sont surtout des spécialistes de la génétique.


Pour en savoir plus:

 

 

Liberté, égalité, longévité. La mort de la mort. Septembre 2016. N° 90.

Si vous regardez les développements importants qui pourraient se produire à l’avenir, celui qui sera probablement de l’ordre de la plus grande discontinuité dans l’histoire de l’humanité est lorsque l’immortalité humaine sera réalisée. Ceci se produira sans aucun doute. Stephen Wolfram, scientifique britannique créateur notamment d’un moteur de recherche en 2014 dans une interview pour Inc. Video (traduction).


Thème du mois: longévité et inégalités


Situation – d’hier et d’aujourd’hui – des inégalités devant le vieillissement

En fait, les femmes et les hommes ne naissent ni ne meurent égaux en droits et opportunités. De toutes les inégalités, celle devant la mort est peut-être la plus injuste. Il est étrange que certains affirment que nous sommes tous égaux devant la fin de l’existence. Nous mourons tous de maladies liées à la vieillesse si nous échappons aux autres causes de décès, mais nous mourons à des moments très différents. Nous sommes inégaux, selon le patrimoine génétique, le sexe, l’environnement, le lieu de naissance,…

La majorité de ces inégalités sont fixées avant l’âge adulte et elles sont très souvent marquées par un avantage aux plus riches. Les principales de ces inégalités sont:

  • la condition sociale des parents (patrimoine et revenu)
  • l’éducation
  • le lieu de naissance puis le lieu de vie
  • le sexe et l’ensemble des autres caractéristiques génétiques

Il convient de rappeler que la mort par vieillissement crée aussi une inégalité forte de par l’héritage. Pour les plus pauvres, le décès des parents se fera plus tôt et sera rarement accompagné d’une transmission de patrimoine important. Pour les plus riches, le décès des parents sera souvent précédé d’une période plus longue d’assistance des parents aux enfants puis aux jeunes adultes (même si la situation peut s’inverser en fin de vie des parents). Au décès, l’enfant recevra un capital important, même s’il ne s’est jamais occupé de ses parents et que son seul « mérite » est d’avoir gagné à la loterie génétique.

Cette source d’inégalité forte qu’est l’héritage familial fait l’objet d’un consensus social très large, même parmi les tenants d’une gauche radicale et quel que soit le pays. Ceci s’explique probablement par le fait que transmettre son patrimoine aux générations suivantes est une façon symbolique de « vaincre » la mort.

Dans un monde dans lequel la durée de vie serait considérablement plus longue, voire sans limitation de durée, l’inégalité successorale – et tous les conflits qu’elle génère – pourrait perdre beaucoup de terrain.

Pour revenir aux vivants, il n’y a, bien sûr, pas que la naissance et l’enfance pour déterminer la durée de vie. Le comportement à l’âge adulte, la profession, l’alimentation, les pratiques sportives, … auront également un impact  important mais ces choix de vie sont eux-mêmes fortement influencés par les origines sociales. Par exemple, il n’est pas impossible que le fils d’une chirurgienne renommée et d’un cadre supérieur suisse diplômé d’Oxford finisse sa vie à 51 ans sans emploi sur un trottoir de Manille plutôt qu’à 89 ans dans une maison de retraite de Genève après une belle carrière universitaire. Il est néanmoins beaucoup plus probable que le premier destin décrit concerne des enfants nés sur des trottoirs philippins.

Aujourd’hui, l’âge moyen de décès des populations qui ont le moins de chance (les hommes pauvres des pays les plus pauvres d’Afrique subsaharienne) est d’environ 50 ans tandis que celle des plus chanceux est d’environ 85 ans (les femmes aisées de pays européens et asiatiques au niveau économique élevé). C’est dans le pays globalement les plus riches (les pays du Nord) et les plus égalitaires (notamment les pays scandinaves) que la durée de vie est la plus longue.

L’inégalité est profonde mais l’égalité a cependant considérablement progressé en ce qui concerne les différences selon les pays d’origine. En effet, la durée de vie moyenne progresse nettement plus rapidement au Sud qu’au Nord, même dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne où la situation est, encore aujourd’hui, très mauvaise.

Cependant, il semble que les différences d’espérance de vie selon les origines sociales à l’intérieur des pays riches ne diminuent pas, voire, selon certains, s’accroissent. Un exemple souvent cité est l’espérance de vie à Glasgow qui tombe à 54 ans pour les hommes dans le quartier le plus déshérité.

Qu’en est-il du futur des inégalités devant la mort ?

Les connaissances médicales relatives au vieillissement progressent rapidement dans de nombreux domaines: thérapies géniques, nanotechnologies, nouveaux produits, microchirurgies, imprimantes 3D médicales, intelligence artificielle dans le domaine médical,… Les chercheurs qui s’attaquent résolument au vieillissement sont presque exclusivement financés par le secteur privé. Par contre, les recherches dans le domaine des maladies neuro-dégénératives, où les progressions sont les plus difficiles et donc les plus lentes, sont le plus souvent publiques.

La recherche scientifique est de plus en plus collective. Aujourd’hui comme hier, les scientifiques sérieux passent un temps considérable à consulter les recherches de leurs collègues. Mais aujourd’hui, à la différence d’hier, il n’y a plus d’espace temporel entre la publication d’informations scientifiques et la consultation par les pairs. Une des conséquences positives en est que les recherches sont de plus en plus collectives et partagées. Une des évolutions négatives, dans le système économique actuel, est que les scientifiques sont amenés à des démarches de plus en plus nombreuses relatives à l’impact financier de leurs recherches. Ceci implique l’étude d’aspects juridiques complexes, évolutifs et très incertains et la création de structures juridiques d’autant plus complexes que les droits liés à la propriété intellectuelle des découvertes scientifiques varient considérablement selon les Etats et les périodes.

Pour les progrès médicaux liés à la longévité, l’enjeu est la vie ou la mort future de centaines de millions de personnes. La peur qu’un jour une thérapie ne soit accessible qu’aux riches est profonde.

Dans une mesure importante, cette peur est aussi excessive que la peur de ceux qui affirmaient à la fin du 20ème siècle que la communication mobile et l’accès internet seraient « bien sûr » réservés aux riches parce que les possédants n’avaient aucun avantage à ce que les pauvres aient l’accès aux connaissances. Aujourd’hui, la moitié des adultes de l’humanité ont un accès presque instantané à plus de connaissances que ce qui était accessible au plus érudits et aux plus puissants des humains d’il y a 40 ans seulement.

Cette peur est d’autant plus excessive que si, après-demain, des thérapies permettent une vie en bonne santé beaucoup plus longue, presque tout le monde y aura avantage. Les pressions morales, politiques, éthiques et sociales pour l’accessibilité seront énormes mais aussi les pressions économiques. Des individus se dégradant moins ou plus du tout avec l’avancée en âge, ce n’est pas seulement une bonne nouvelle pour les personnes qui ne souhaitent pas vieillir, c’est également une bonne nouvelle pour la société et pour les entrepreneurs en termes de coûts moindres de santé, de productivité accrue, de plus grande attention portée au long terme…

Cette évolution sera (fortement) facilitée si les thérapies sont découvertes dans un environnement juridique et social d’appropriation collective qui limite les tentations de faire primer l’intérêt financier individuel à court terme sur l’intérêt collectif à long terme. Cet environnement devrait également s’opposer aux différences devant la mort au nom d’idéologies inégalitaires.

Ceux qui, même à la gauche du champ politique, refusent des investissements accrus pour des recherches publiques pour la longévité représentent donc un frein à l’égalité à travers une vie beaucoup plus longue. Ils  rejettent, ce qui peut se comprendre, la domination des sociétés privées non européennes dans la recherche médicale. Pour cela, ils arguent souvent de la nécessité d’un débat démocratique. Mais ils refusent aussi, de manière illogique, que la recherche publique en France et en Europe fasse l’objet, après un débat démocratique, de choix de priorités positives de santé pouvant bénéficier à tous.


La bonne nouvelle du mois: du 1er septembre au 1er octobre, un mois pour la longévité


Les activités scientifiques et sociales relatives à la longévité se multiplieront tout au long du mois de septembre. Elles culmineront avec deux conférences internationales simultanées, l’une à Bruxelles du 29 septembre au 1er octobre, l’Eurosymposium on Healthy Ageing, l’autre à l’Université de Stanford (Californie) du 30 septembre au 2 octobre, la conférence de l’International Society on Aging and Disease (ISOAD).

Le 1er octobre ayant été décrété journée internationale des personnes âgées, par l’ONU, cette journée est devenue, par extension, la journée internationale de la longévité et fera l’objet d’activités internationales relatives à la lutte contre le vieillissement: Longévitistes de tous pays, unissez-vous!


Pour en savoir plus:

 

 

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