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Appel et prix pour l’activisme en faveur de la longévité et la sensibilisation du public à la recherche sur la longévité

L’International Longevity Alliance annonce le Prix de l’activisme pour la longévité. Les candidatures doivent être déposées avant le 10 novembre 2020.  

Suivant la tradition établie en 2013, à partir du 1er octobre (« Journée internationale des personnes âgées » de l’ONU), des militants de la recherche sur la longévité du monde entier organisent des événements et des promotions tout au long du mois d’octobre, dans le cadre de la campagne du « Mois de la longévité ». Tous les événements et promotions sont axés sur le soutien à la recherche biomédicale sur le vieillissement afin d’améliorer la longévité en bonne santé de la population mondiale. Au fil des ans, des centaines d’événements et de promotions ont été organisés dans le cadre de cette campagne dans des dizaines de pays. Cette tradition se poursuivra également en octobre 2020.

C’est une excellente occasion d’organiser une réunion en ligne ou en direct pour renforcer la communauté de défense de la longévité ou d’organiser une publication ou une promotion spéciale (dans différentes langues) pour sensibiliser à la cause de la longévité. Avec une démonstration commune suffisante de soutien, ces actions peuvent attirer l’attention et la sympathie du grand public et des décideurs, et contribuer à faire de la longévité en bonne santé une priorité mondiale.

Cette année, comme les rassemblements physiques sont limités dans de nombreux endroits, nous vous invitons à faire preuve de créativité quant aux moyens disponibles pour sensibiliser le public à la cause de la longévité en bonne santé. Nous vous invitons à créer des événements, du matériel et des promotions en ligne pour sensibiliser le grand public à l’importance de la recherche, du développement et des applications en matière de longévité en bonne santé.

L’International Longevity Alliance (ILA) décernera des prix aux travaux les plus créatifs et les plus percutants pour sensibiliser le public à la cause de la longévité en bonne santé, en mettant l’accent sur la promotion de la recherche scientifique sur la longévité et le développement et l’application de thérapies. Il peut s’agir de conférences sur la longévité en ligne et de podcasts, d’œuvres d’art de toutes sortes, de courtes vidéos et de médias, de textes éducatifs et inspirants, d’applications, de jeux et de mèmes, de sites web et de pages, de campagnes de sensibilisation – tout ce qui peut contribuer à sensibiliser le public et à obtenir son soutien pour la cause de la longévité.

Trois prix seront décernés pour les promotions les plus créatives et les plus efficaces : Le premier prix (3 000 $), le deuxième prix (1 000 $), le troisième prix (5 livres sur la prolongation de la vie). 

Vous pouvez à tout moment envoyer des suggestions, des idées et des plans préliminaires au conseil d’administration de l’ILA, mais les prix seront attribués pour les actions promotionnelles réelles réalisées en vue et pendant la campagne du « Mois de la longévité » d’octobre. Les œuvres présentées doivent respecter les lois sur les droits d’auteur. Les candidats doivent envoyer au conseil d’administration de l’ILA les rapports sur leurs actions promotionnelles tout au long du mois d’octobre 2020. Ces rapports doivent comporter au maximum deux pages et présenter l’action de promotion de la longévité ainsi que son impact actuel et prévu sur la sensibilisation du public. La date limite pour la soumission des rapports est le 10 novembre. La décision concernant les prix sera prise par le conseil d’administration de l’ILA après la fin des actions du Mois de la Longévité et après examen des rapports, le 15 novembre. Cette procédure encouragera les meilleures actions de promotion de la longévité et de plaidoyer.

Nous sommes impatients de vous entendre parler de vous et de vos actions, et de recevoir vos candidatures pour les prix d’activisme et de sensibilisation à la longévité. 

Contactez le conseil d’administration de l’ILA info@longevityalliance.org

http://www.longevityalliance.org/

Annonce à la page ILA : https://www.facebook.com/InternationalLongevityAlliance/posts/3022914334501526

Remarque: Vos actions peuvent être effectuées dans la langue de votre choix mais le rapport devra être rédigé en anglais.

Ce texte est traduit de l’anglais http://www.longevityalliance.org/?q=call-and-prize-longevity-activism-and-raising-public-awareness-about-longevity-research

Initiative européenne pour la longévité – la santé dans son ensemble comme une question unique

Attila Csordas nous rejoint pour un éditorial sur l’Initiative européenne pour la longévité, dans lequel il affirme que le temps est venu de créer un groupe de défense de la longévité au niveau européen.

Attila Csordas est un biologiste et philosophe spécialiste de la longévité qui a des idées très larges sur le vieillissement biologique. Il est le fondateur et le directeur de la start-up britannique AgeCurve, une société spécialisée dans la mesure du vieillissement, qui prétend être la première start-up à utiliser la protéomique personnelle directe pour fournir des profils d’âge détaillés aux utilisateurs finaux. Il a également d’autres projets : l’Initiative européenne pour la longévité.

Le fondateur et directeur d’AgeCurve, Attila Csordas, est un biologiste et philosophe de la longévité qui partage ses idées sur la biologie du vieillissement.

Attila travaille actuellement sur un livre intitulé Open Lifespan, une argumentation soutenue sur la philosophie politique de la longévité, poursuivant sa thèse de philosophie, et Longevity.Technology a eu la chance d’avoir Attila comme commissaire de notre conférence sur la « Définition du vieillissement biologique » plus tôt cette année. Aujourd’hui, il nous rejoint pour un éditorial sur un sujet très actuel – l’Initiative européenne pour la longévité.


Le désir de vivre longtemps et en bonne santé transcende les frontières économiques, politiques, culturelles, géographiques, ethniques, religieuses et sexuelles, divisant l’humanité en diverses fractions, souvent opposées. La promotion d’une Longévité en bonne santé peut attirer des représentants de toutes sortes de communautés humaines ; c’est l’un de ses principaux atouts. Mais l’efficacité de la promotion de la longévité pour obtenir des résultats concrets dépend de plusieurs conditions : deux conditions cruciales sont le calendrier et le niveau d’intervention. Le présent article d’opinion voudrait faire valoir que le bon moment est celui où il faut organiser un groupe de défense de la longévité au niveau de l’Union européenne.

Pourquoi est-il nécessaire de mettre en place un groupe de défense de la longévité et des politiques de santé à thème unique au sein de l’Union européenne ?

Voici trois raisons et quelques faits correspondants.

Premièrement, une raison globale : il est amplement nécessaire de communiquer des faits, des principes et des arguments nouveaux concernant la recherche sur le vieillissement et les possibilités technologiques en matière de longévité au sein de l’Union européenne, avec le message unique que seules ces nouvelles technologies apporteront une solution à long terme aux problèmes posés par le vieillissement et la santé en général. Le message central non dilué est que le plus grand facteur de santé générale est la plus grande extension de la portée de la santé qui ne peut être atteinte qu’avec des interventions radicales et médicales en faveur de la longévité.

Ensemble de faits n° 1 : La dernière décennie a vu un changement complet de paradigme autour de la compréhension des principaux processus caractéristiques du vieillissement biologique et de la malléabilité du processus de vieillissement en général. S’appuyant sur les recherches accumulées au cours des décennies précédentes, la recherche sur le vieillissement s’est complètement généralisée, et le paradigme de la géroscience translationnelle a gagné de solides partisans qui travaillent sur des interventions ciblant directement les causes profondes du vieillissement biologique afin de prévenir – le plus grand tueur – les maladies liées à l’âge, et de prolonger de manière significative la durée de vie en bonne santé, aussi appelée durée de vie en bonne santé.


« … il existe maintenant une nouvelle industrie mondiale de la longévité, encore à ses débuts, mais avec un potentiel énorme ».


Fait n° 2 : Suite à la science et à une forte poussée financière de la part de sociétés technologiques et d’investisseurs, principalement dans le domaine des TI, il existe maintenant une nouvelle industrie mondiale de la longévité, qui en est encore à ses débuts, mais qui a un énorme potentiel.

Deuxièmement, il n’existe actuellement aucune organisation spécialisée, avec des représentants de la plupart des pays de l’UE, qui défende de manière ciblée et efficace la longévité en bonne santé au niveau de l’UE. Il existe une ouverture évidente et importante pour la défense de la longévité, la politique et les politiques.

Fait n° 3 : La politique de longévité paneuropéenne à thème unique a une date de naissance réelle, ou plutôt une période, les élections européennes de 2019. C’est à cette date que de nombreux acteurs de différents pays se sont présentés aux élections en se concentrant sur la question de la prévention des maladies liées à l’âge à l’aide de technologies de longévité saines. Permettez-moi de mettre en évidence un parti politique qui s’est consacré à une seule question, unique en son genre, le Parti allemand pour la recherche en santé et moi-même qui nous sommes présentés en tant que candidat indépendant dans la région de l’est de l’Angleterre. Nous avons obtenu 0,2 % des voix avec un budget presque nul, pratiquement inconnu, ce qui signifie qu’un électeur sur 500 a estimé que la mission et le programme valaient leurs votes.

Troisièmement, la crise de santé publique déclenchée par la pandémie de Coronavirus est actuellement l’argument pratique le plus important pour développer des technologies robustes de longévité saine protégeant les personnes de tous âges, prévenant la sensibilité aux maladies infectieuses et non transmissibles liées à l’âge et pour placer cet engagement au centre de la société humaine et de la politique.

Point n°1 : L’âge chronologique, y compris les processus de vieillissement biologique accéléré, est le plus grand facteur de risque dans la gravité de l’infection COVID-19.

Point n° 2 : Le budget sans précédent de 1,82 milliard d’euros consacré au plan de relance de la lutte contre le coronavirus, approuvé par les dirigeants européens la semaine dernière, a montré que seule une crise de santé publique de cette ampleur peut déclencher une telle avancée historique et offre à l’UE un nouveau mécanisme de gestion de crise.

Toutes ces raisons sont opportunes et montrent qu’une fenêtre d’opportunité est ouverte. Qui est prêt à relever ces défis ?

Qu’est-ce que l’initiative européenne en faveur de la longévité ?

L’ELI est une association informelle de citoyens et de résidents de l’UE qui se rassemblent pour former un groupe de défense de la longévité en bonne santé, ciblant en particulier la législation européenne et le public européen.

Ses associés couvrent actuellement les pays de l’UE suivants Allemagne, Slovénie, France, République tchèque, Belgique, Hongrie, Grèce, Autriche, Pologne.

En outre, les associés actuels de l’ELI sont des représentants d’au moins six groupes européens de défense de la longévité existants.

1. Le parti allemand déjà mentionné, le Partei für Gesundheitsforschung – le parti pour la recherche en santé.
2. LongevityForum.eu, financé par les partisans de la longévité en République tchèque
3. Longevity International, basé au Royaume-Uni, dirige le groupe parlementaire multipartite (APPG) pionnier pour la longévité au Royaume-Uni
4. Institut international de la longévité basé en Pologne et au Liechtenstein
5. Društvo za vitalno podaljševanje življenja Slovenije – La société slovène pour une prolongation vitale de la vie
6. Heales Société pour l’Extension de la Vie – The Healthy Life Extension Society, basée en Belgique.
Les associés sont, d’une part, issus d’horizons professionnels divers, scientifiques biomédicaux, ingénieurs, spécialistes des sciences sociales, entrepreneurs, investisseurs de l’industrie de la longévité, entre autres. D’autre part, l’objectif de ces personnes est clair et bien défini.

Objectif actuel : L’initiative citoyenne européenne

L’initiative citoyenne européenne est un moyen unique de contribuer à l’élaboration des politiques et de la législation de l’UE. La proposition d’initiative particulière doit recueillir un million de signatures pour que la Commission puisse décider des actions à entreprendre.

Cette initiative est parfaitement adaptée à l’état actuel de la politique de la longévité en bonne santé pour trois raisons, qui peuvent être rapprochées des trois raisons ci-dessus.

  1. La portée de l’initiative est générale, descendante, et peut être utilisée de manière appropriée pour sensibiliser le monde politique à la cause de la recherche sur le vieillissement et de la longévité en bonne santé. Comme elle vise à contribuer à l’élaboration de la législation européenne, elle offre la possibilité d’intégrer l’accent mis sur la longévité en bonne santé dans l’ADN législatif de l’UE. Le message non dilué concernant la malléabilité médicale du vieillissement biologique est encore nouveau et devrait trouver sa place dans la structure juridique la plus élevée de l’UE, même si, au départ, il s’agit de constructions juridiques non contraignantes.

« … un formidable outil stratégique pour faire progresser l’éducation et la formation de la prochaine génération de défenseurs de la longévité en bonne santé … la longévité ne sera plus reconnue comme une niche ou une question marginale ».


  1. Une telle initiative nécessite l’assemblage d’un groupe d’organisateurs d’au moins sept pays de l’UE. C’est un outil stratégique formidable pour faire avancer notre cause et notre mission et peut contribuer à l’éducation et à la formation de la prochaine génération de défenseurs de la santé et de la longévité, pour qui la longévité ne sera plus reconnue comme un créneau ou une question marginale. En outre, une initiative est une étape logique qui s’appuie sur les candidatures aux élections européennes de l’année dernière et qui permet de créer un mouvement paneuropéen en faveur de la longévité. Une initiative réussie, et je dirais que même une initiative non réussie, offre d’autres avantages tactiques du fait qu’il s’agit d’une tentative à l’échelle de l’UE.
  2. Le cas du million de signatures. En raison de la pandémie, le public est de plus en plus sensible à la santé publique et la situation sans précédent me donne l’espoir qu’une proposition législative raisonnable, mais aussi non diluée et exécutée avec rigueur, sur la longévité en bonne santé, puisse effectivement atteindre le million de signatures. Cela pourrait être le plus grand résultat politique que le mouvement pour la longévité ait obtenu à ce jour dans la politique internationale.

Projets futurs

Outre l’accent mis sur l’initiative, il existe plusieurs autres outils dans la boîte à outils de l’UE pour la défense de la longévité ; l’un d’entre eux serait les pétitions spécifiques, détaillées et localisées. Les pétitions sont soumises au Parlement européen, à titre de comparaison, les initiatives à la Commission européenne, et elles doivent être liées aux activités existantes de l’UE. Il s’agit ici de trouver des causes qui peuvent être pleinement acceptées et d’une manière particulière avec notre engagement.

Une stratégie prometteuse serait de considérer l’Agence européenne des médicaments, l’EMA. L’EMA est traditionnellement considérée comme fortement alignée sur la FDA américaine dans ses décisions, mais il existe également des divergences notoires. Alors que la FDA est une agence fédérale, l’EMA est une agence scientifique décentralisée, et non une autorité réglementaire. Je pense que l’EMA devrait jouer un rôle beaucoup plus important en tant que promoteur des opportunités de longévité médicale et saine à venir.

Enfin, pour revenir au point 2 ci-dessus, l’ELI offre une chance d’éduquer et de former les premiers véritables politiciens professionnels de la longévité dans le contexte de l’Union européenne. Actuellement, notre principal vecteur est un espace de travail relâché. Si vous avez envie de nous rejoindre, envoyez un courriel à longevitypolitics@gmail.com et envisagez de devenir un agent actif du changement de la longévité.

Le moment est venu. Le moment est venu.

Connectez-vous avec Attila sur Twitter sur @attilacsordas.

Crédit image : Par MattLphotography / Shutterstock

Ce texte est traduit de l’anglais https://www.longevity.technology/european-longevity-initiative-single-issue-healthy-longevity/

Sang et réjuvénation. N°136 Juillet 2020.

L’homme a surmonté le pouvoir de la sélection naturelle. Il ne s’adapte plus aux conditions de l’environnement extérieur, mais crée autour de lui un environnement artificiel et bénéfique, en remodelant la nature. Il n’a pas besoin de la mort comme facteur accélérant l’amélioration de l’humanité de génération en génération (…). 

Il n’y a aucune interdiction théorique à soulever la possibilité de l’immortalité. Je suis profondément convaincu que, tôt ou tard, l’ère de la longévité arrivera. (…) Comme dans toute tâche, il faut des enthousiastes pour cela, malheureusement ils sont très peu nombreux. Nous sommes gênés par la conviction profonde que la mort est inévitable et que la lutte contre elle est futile. C’est une sorte de barrière psychologique qu’il faut surmonter.

Vasily Feofilovich Kuprevich, microbiologiste (1897-1969). Cité par Ilia Stambler dans A History of Life-Extensionism In Twentieth Century. 2014.


Thème du mois : Sang et réjuvénation


Un peu d’histoire

Depuis des millénaires, le sang est un des éléments du corps avec la plus forte représentation symbolique, représentant notamment la vie, l’hérédité (liens du sang), la fidélité (échange de sang) et les mécanismes de réjuvénation.

Considéré comme l’un des gestes les plus anciens de la médecine, la saignée provient probablement de l’Égypte ancienne, mais aussi des plus anciennes traditions de l’Inde et du monde arabe.

En Grèce, Érasistrate, au troisième siècle avant JC, enseignait que les maladies découlent d’une surabondance de sang : la pléthore.

Au deuxième siècle de notre ère, Galien professait que la bonne santé nécessite un équilibre parfait des quatre «humeurs» : le sang, le flegme, la bile jaune et la bile noire. Ses écrits et ses enseignements ont fait de la saignée une technique courante dans tout l’empire romain.

Dans l’Europe médiévale, la saignée est devenue le traitement de base pour toutes les maladies, en particulier, la peste,  la variole, l’épilepsie et la goutte.

La technique était alors d’entailler les veines ou des artères dans l’avant-bras ou du cou, en utilisant un outil spécial avec une lame aiguë.

La saignée, comme procédure médicale, est devenue un peu moins angoissante au 18ème siècle : les médecins utilisaient des lancettes à ressort et un instrument appelé scarificateur, comportant plusieurs lames faisant des coupes parallèles.

Sang jeune 

Et si l’élixir de jouvence coulait dans nos veines ? Du moins chez ceux d’entre nous qui n’en ont pas encore asséché la source : les jeunes. L’hypothèse, qui semble tout droit sortie d’un film de vampires, est étudiée de plus en plus sérieusement depuis que des expériences ont montré que le sang extrait d’un organisme dans la force de l’âge peut régénérer les corps affaiblis par le poids des années. Au point que, pour lutter contre les nombreuses maladies associées à la vieillesse, de premiers essais de transfusion de patients viennent de démarrer.

Un article récent signé notamment par Harold Katcher et Steve Horvath concerne des rats âgés de 2 ans qui ont reçu un plasma sanguin de jeunes rats. Leurs indicateurs physiologiques durant le test étaient quasiment devenus ceux de rats de 6 mois. Cela semble prometteur mais cette étude est controversée du fait notamment qu’il ne teste pas la longévité et que l’échantillon de rats n’est pas suffisant pour en tirer des conclusions fiables. Cette étude n’a d’ailleurs pas encore été validée par la communauté scientifique.

Il y a 15 ans déjà, cette piste surprenante dans la quête de la jeunesse éternelle ou du moins prolongée s’est ouverte avec les expériences réalisées par Irina et Michael Conboy et leurs collègues de l’université de Stanford. Nous nous demandions pourquoi les organes vieillissent tous plus ou moins à la même vitesse, et nous avons pensé que le sang qui les relie pouvait être une explication, raconte Michael Conboy.

Pour le vérifier, son équipe a relié temporairement le réseau vasculaire de souris jeunes à celui de souris âgées, comme s’il s’agissait de siamois, une opération chirurgicale complexe, nommée parabiose. Et ils ont constaté que les muscles et le foie des plus vieilles se régénéraient plus efficacement, tandis que l’inverse se produisait chez les souris jeunes.

Selon les résultats publiés par une équipe internationale dirigée par Tony Wyss-Coray, de l’université de Stanford, le sang jeune pourrait stimuler la fabrication de nouveaux neurones chez les souris âgées. Tandis qu’une équipe anglo-américaine, codirigée par Amy Wagers observait un effet régénérant au niveau de la moelle épinière.

Mais d’où viendraient ces pouvoirs « alchimiques » du sang des jeunes ? Les scientifiques tentent depuis plusieurs années d’identifier les molécules favorisant cette régénération. Des expériences d’injection de quelques-unes d’entre elles ont déjà donné des résultats prometteurs, et les pistes de recherche ne manquent pas.

D’où viendraient, à l’inverse, les molécules à l’action opposée qui, avec les années, les remplacent progressivement dans le sang ? On peut imaginer que certains tissus ou organes, en vieillissant, « infectent » les autres en produisant de plus en plus de molécules néfastes, qui vont voyager dans le sang, avance le neurologue Tony Wyss-Coray. Reste à identifier lesquels.

Le chercheur partage l’espoir, avec de nombreux confrères, qu’inhiber l’action de ces molécules liées au vieillissement, et renforcer celle des molécules régénératrices présentes dans le sang jeune, pourra ralentir le vieillissement.

En attendant ce Graal du prolongement de la vie, l’objectif est déjà de prévenir ou de soigner les nombreuses maladies chroniques favorisées par l’âge (pathologies cardio-vasculaires ou neurodégénératives, fragilité osseuse et musculaire…), mais aussi de favoriser la régénération des organes après un accident ou une opération chirurgicale.

Et les premiers essais sur l’homme ont déjà commencé. Dès 2014, Tony Wyss-Coray a fondé une start-up, Alkahest, qui a depuis procédé à des transfusions hebdomadaires de quelques décilitres de plasma, donné par des individus de moins de 30 ans, et acheté aux banques de sang lorsqu’elles avaient du surplus, à 18 patients atteints d’Alzheimer.

En 2019, l’équipe de Wyss-Coray a publié dans Nature medecine à propos d’une protéine, la VCAM1, qui augmente avec le vieillissement et semble avoir un impact important sur le cerveau. Les mesures biologiques et cognitives ont indiqué que bloquer la VCAM1 empêchait non seulement le vieux plasma d’endommager le cerveau des jeunes souris, mais pourrait même inverser les déficits chez les souris âgées.

Du plasma sanguin dilué

Une nouvelle étude, menée par  Irina et Michael Conboy de l’université Berkeley, a révélé une nouvelle voie intéressante dans les efforts pour lutter contre les effets du vieillissement. Les recherches de l’équipe ont montré comment la dilution du plasma sanguin de souris plus âgées peut avoir un fort effet de rajeunissement sur les tissus et les organes, en réduisant la concentration de protéines inflammatoires qui augmentent avec l’âge.

La moitié du plasma des souris a été échangée contre une solution composée d’eau salée et d’albumine. Ceci a amélioré considérablement la santé des souris âgées. Les effets de rajeunissement sur le cerveau, le foie et les muscles étaient les mêmes ou plus importants que lors des premières expériences en 2005. La procédure n’a eu aucun effet néfaste ou positif sur la santé des jeunes souris.

En utilisant l’analyse protéomique pour étudier le plasma sanguin et son contenu en protéines, l’équipe a découvert que le processus agit comme un « bouton de réinitialisation moléculaire ». Après l’échange, l’équipe a observé des concentrations plus faibles de protéines pro-inflammatoires tandis que les protéines bénéfiques, notamment celles qui favorisent la vascularisation, étaient capables de prospérer.

Il y a deux interprétations principales de nos expériences originales (de 2005), explique Irina Conboy. La première est que, dans les expériences de jonction des souris, le rajeunissement était dû à du sang jeune et à des protéines jeunes ou à des facteurs qui diminuent avec l’âge, mais une alternative tout aussi possible est que, avec l’âge, vous avez une augmentation de certaines protéines dans le sang qui deviennent nuisibles, et celles-ci ont été supprimées ou neutralisées par les jeunes partenaires. Comme le montre notre expérience (récente), la deuxième interprétation s’avère exacte. Le sang jeune ou les facteurs correspondants ne sont pas nécessaires pour l’effet de rajeunissement ; la dilution du vieux sang est suffisante (source).

Des candidats médicamenteux

Certaines de ces protéines présentent un intérêt particulier et, à l’avenir, nous pourrions les considérer comme des candidats thérapeutiques et médicamenteux supplémentaires, déclare Michael Conboy. Mais je mettrais en garde les gens trop optimistes. Il est très peu probable que le vieillissement puisse être inversé par des modifications d’une seule protéine. Dans notre expérience, nous avons découvert que nous pouvions faire une procédure relativement simple et approuvée par la FDA, et qu’elle modifiait simultanément les niveaux de nombreuses protéines dans le bon sens (source).

Voici donc qui est extrêmement prometteur. Malheureusement, seuls des marqueurs de vieillissement ont été mesurés. Aucune vérification de progrès pour la longévité n’a été effectuée puisque les souris étaient sacrifiées une fois l’expérience terminée. Il se pourrait très bien que les effets soient seulement temporaires voire négatifs sur le long terme.

Une expérimentation sur des humains et en double-aveugle serait cependant déjà prévue. C’est très positif si cela se passe rapidement et avec des volontaires bien informés. Nous saurions ainsi rapidement s’il y a un effet aussi positif pour les humains que pour les souris. Nous saurions après quelques mois si l’effet positif est durable. Si c’est le cas, cela sera une avancée énorme pour la longévité.


La bonne nouvelle du mois : De plus en plus de conférences internationales pour la longévité en ligne


Suite à la pandémie de Covid-19, un effet collatéral positif est une diffusion plus large, plus rapide et souvent gratuite, d’évènements concernant la longévité. Ainsi la Life Extension Advocacy Foundation (LEAF – Lifespan.io) diffuse de nombreuses conférences, notamment par sa chaîne YouTube.

À noter pour les non-anglophones qu’il est possible d’utiliser la traduction automatisée pour le sous-titrage. C’est encore imparfait, mais, généralement, déjà compréhensible. Un progrès technologique utile pour bien des usages dont le partage d’informations pour une vie plus longue.


Pour en savoir plus :

Pistes thérapeutiques : Covid-19 et vieillissement. N°135 Juin 2020

Nous connaissons bien l’augmentation de l’espérance de vie, mais elle est surtout apparue sous la forme de stratégies de sauvetage, comme la vaccination. Les vaccinations contre la polio et la variole ont sauvé des centaines de millions de vies, ou, pour le dire autrement, ont permis à des centaines de millions de personnes de vivre, alors qu’autrement elles seraient mortes. La vaccination est un exercice d’augmentation volontaire de l’espérance de vie – mais personne ne s’oppose avec horreur à son énorme effet sur l’espérance de vie.

John Harris, bioéthicien (citation peut-être trop optimiste vu la virulence de certaines campagnes « anti-vaccination »), avril 2020 (source de la traduction)


Thème du mois : Traitements Covid-19 et lutte contre le vieillissement


L’émergence du coronavirus SARS-CoV-2 en décembre 2019 a laissé bon nombre de médecins dans l’expectative. Face à ce virus inconnu, ils ont souvent dû se débrouiller avec les moyens du bord pour soigner leurs patients, quitte à tester des médicaments et des traitements non homologués. Une méta-étude, menée par l’université de Pennsylvanie (États-Unis) et publiée dans la revue Infectious Diseases and Therapy, a dénombré l’ensemble des traitements administrés aux premiers patients atteints du Covid-19. Ils ont ainsi calculé que 115 médicaments et remèdes différents avaient été prescrits à 9.152 patients. Mais l’étude met en évidence les tâtonnements des équipes médicales pour trouver le remède adéquat.

Cette lettre vise à faire un point, pour des non-spécialistes du sujet, de la situation au 20 juin 2020 des recherches les plus prometteuses ainsi que quelques liens avec des recherches relatives au vieillissement. Certaines pistes ne seront cependant pas explorées (par exemple les moyens de renforcer le système immunitaire dont la vitamine D).

  • Les vaccins 

Les recherches autour du coronavirus battent tous les records, 140 recherches sont recensées par l’OMS au 18 juin 2020 : le développement de recherches pour un vaccin nécessite habituellement bien plus de temps. Bien que plusieurs laboratoires soient sur des pistes sérieuses, la « mise en rayon » n’est toutefois pas pour demain !

Les vaccins à ARN messager

La vaccination via ARN messager prend la tête de la course au vaccin contre le virus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19.  C’est un vaccin de ce type qui a été le premier à passer à l’étape de l’essai clinique.

Aux États-Unis, la phase II de l’essai du vaccin mRNA-1273 a débuté le 29 mai, a indiqué l’entreprise de biotechnologies américaine Moderna Therapeutics dans un communiqué. Si elle se révèle concluante, la phase III de l’essai pourrait commencer dès juillet.

Les deux premiers essais européens sur l’homme ont eu lieu le 23 avril au Royaume-Uni et en Allemagne. Le vaccin ChAdOx 1 développé par l’université d’Oxford sera testé sur 800 patients, rapporte la BBC. Le vaccin BNT162 mis au point par la société allemande BioNTech a également obtenu le feu vert pour être testé sur 200 volontaires.

La technologie de recombinaison de l’ADN

Le groupe pharmaceutique français Sanofi s’est associé au ministère américain de la Santé pour développer lui aussi un candidat vaccin, en utilisant une « technologie de recombinaison de l’ADN ».

Elle consiste à combiner l’ADN du virus avec l’ADN d’un virus inoffensif afin de créer une nouvelle entité cellulaire à même de provoquer une réponse immunitaire. Les antigènes créés par cette opération peuvent ensuite être reproduits à grande échelle.

David Loew, vice-président exécutif de Sanofi Pasteur, estimait en février pouvoir disposer d’un candidat vaccin « dans moins de six mois » et potentiellement entrer en essai clinique « dans environ un an à un an et demi ».

L’avantage pour le vieillissement d’avoir des vaccins pour le Covid-19 est comme pour le vaccin contre la grippe, d’immuniser les personnes plus âgées pour les protéger d’une future contamination.

Un vaccin global contre le vieillissement est bien sûr actuellement inimaginable d’un point de vue scientifique. Certaines vaccinations globales favorables à la longévité sont par contre envisageables. Il est ainsi imaginable d’étendre la vaccination pour des maladies comme par exemple l’herpès. L’herpès est souvent asymptomatique, « souterrain ». Il touche la majorité des humains et la grande majorité des personnes âgées. Une vaccination pourrait permettre un gain modéré de vie en bonne santé aux personnes préservées de cette affection.

  • Les antiviraux et les anti-inflammatoires

La chloroquine, un antipaludique controversé

Une étude chinoise, publiée par la revue BioScience Trends le 18 février 2020 fut la première à affirmer l’efficacité de la chloroquine, un médicament utilisé contre paludisme, dans le traitement du Coronavirus SARS-CoV-2 et sa maladie Covid-19.

Le professeur Didier Raoult, qui teste la chloroquine à l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille, a affirmé que son effet contre le coronavirus était spectaculaire avec la disparition du virus en six jours auprès des trois quarts des patients. Mais plusieurs experts appellent à la prudence en l’absence d’études plus poussées et en raison de ses effets indésirables qui peuvent être graves, notamment en cas de surdosage.

En mai, une étude du Lancet qui relevait les potentiels dangers de la chloroquine, a été rapidement rétractée. Un récent essai clinique randomisé en double-aveugle en défaveur d’un usage prophylactique de la chloroquine est paru dans le New England Medical Journal.

Cette affaire a été un superbe cas d’école pour présenter les sciences médicales. Il a été utile de pointer du doigt les nombreuses erreurs méthodologiques. Cependant, le débat est très vite devenu un conflit entre les anti-chloroquine d’un côté et les pro-chloroquine de l’autre. Pourtant la démarche scientifique n’est ni pro, ni anti. Elle valorise le doute, la prise de recul et se préoccupe peu de notre désir d’efficacité envers une thérapeutique, elle a vocation à trancher le réel, pas à nous bercer d’illusions rassurantes.

Les tests cliniques, notamment en double aveugle, auraient dû être une priorité absolue, mieux coordonnés et plus rapides. Force est de constater que la mobilisation énorme concernant la lutte contre la maladie n’a pas suffisamment permis cela.

Le remdésivir, premier traitement efficace sur le marché ?

Le remdésivir, mis au point par le laboratoire américain Gilead, « agit directement sur le virus pour empêcher sa multiplication », il a été testé dans le passé pour Ebola.

« Il n’y a pour l’instant qu’un seul médicament dont nous pensons qu’il pourrait avoir une réelle efficacité. Et c’est le remdésivir », annonçait en mars Bruce Aylward, un responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’Agence européenne des médicaments (EMA) a annoncé lundi 8 juin avoir reçu une demande d’autorisation de mise sur le marché conditionnelle  de l’antiviral dans l’Union européenne.

La recherche sur les antiviraux liés au Covid a entrainé une accélération de l’ensemble des recherches relatives à cette catégorie de médicaments. Il n’y a cependant à ce jour pas d’application concernant la longévité des personnes âgées non atteintes d’une maladie virale.

Dexaméthasone

Il a été démontré en juin qu’un stéroïde, le dexaméthasone, par son effet anti-inflammatoire, réduisait assez fortement (jusqu’à 25 %) les décès des patients les plus atteints.

  • Plasma et anticorps

Lorsqu’on transfuse du plasma convalescent, et donc que l’on transfuse du sang d’un patient guéri vers un patient encore malade, on espère générer un « transfert d’immunité passive ». On insère les anticorps créés pour lutter contre l’infection chez une personne encore infectée afin qu’ils puissent agir immédiatement contre la maladie. Ce transfert peut provoquer une réaction de défense plus rapide encore qu’avec un vaccin. En revanche, puisqu’ils n’ont pas été produits directement par le corps du malade, les anticorps transférés ne perdureront pas et ne permettront pas une immunité à long terme. Néanmoins cela accélère la guérison et, dans le cas du Covid-19, l’espoir est d’éviter que la maladie ne s’aggrave.

La recherche médicale explore différentes pistes pour lutter contre le Covid-19. Parmi elles, transfuser le sang — et plus précisément le plasma — de patients guéris chez des patients encore malades est une sérieuse possibilité. L’Établissement Français du Sang (EFS) a démarré le 7 avril un essai clinique basé sur ce principe. Aux États-Unis, le groupe de recherche National COVID-19 Convalescent Plasma Project est également mobilisé sur de telles expérimentations.

L’avantage pour les personnes âgées est de pallier le manque de défense de leur système immunitaire en leur apportant une dose d’anticorps présents dans le plasma de personnes guéries. De manière plus large, le remplacement du sang par d’autres substances dans un organisme âgé fait partie des pistes extrêmement prometteuses en matière de longévité. Un développement tout récent est examiné à la fin de cette lettre (voir : La bonne nouvelle du mois).

Regeneron développe un traitement à la fois curatif et préventif

Le laboratoire Regeneron a développé l’année dernière un médicament, administré par voie intraveineuse, connu sous le nom « d’anticorps monoclonaux », qui a permis d’améliorer de manière significative le taux de survie de patients touchés par le virus Ebola. Le médicament pourrait fonctionner en l’administrant à des personnes avant qu’elles soient exposées ou après, même si les effets ne seraient que temporaires car les anticorps ne feront pas partie de la mémoire du système immunitaire des individus.

  • Cellules souches

Des chercheurs chinois et américains ont joint leurs forces pour tester l’efficacité de cellules-souches contre le coronavirus. L’étude a été publiée en avril 2020.

Les cellules souche semblent contribuer au rajeunissement et à la régénération des autres cellules. Elles font ceci de nombreuses manières tels que réduire l’inflammation, sécréter les substances qui protègent les cellules, réduire la mort cellulaire, fournir des effets antioxydants, et amplifier la réaction du système immunitaire.

En 2011, des chercheurs français ont réussi à redonner leur jeunesse à des cellules de donneurs âgés de plus de 100 ans en les reprogrammant au stade de cellules souches, ils démontrent ainsi que le processus du vieillissement des cellules est réversible. L’accélération des recherches sur les cellules-souches pour le Covid-19 pourra être utile également dans le cadre de la lutte contre la sénescence.


La bonne nouvelle du mois : Remplacer le sang de souris âgées par de l’eau salée et de l’albumine les « rajeunit » considérablement 


Dans la lettre mensuelle du mois de mai, nous faisions référence à un article scientifique concernant un « élixir » injecté dans le sang qui « rajeunirait » des rats.

Il y a quelques jours, un autre article très prometteur est paru dans la revue Aging concernant un mécanisme proche. Des chercheurs, dont un couple de scientifiques spécialisés dans ce type d’études, Irina et Michael Conboy, ont remplacé la moitié du sang de souris âgées par une solution d’eau salée et d’albumine. Le résultat a été spectaculaire. Cette dilution a des effets de rajeunissement sur le cerveau, le foie et les muscles.

Parmi les aspects extrêmement prometteurs de cette étude :

  • le produit donné est connu et ne coûte quasiment rien,
  • le traitement est d’une grande simplicité,
  • le traitement ne pose pas les problèmes éthiques qui se poseraient pour des transfusions sanguines de sang.

Cependant, comme pour l’expérimentation décrite le mois passé, il reste une question fondamentale non examinée Est-ce que réellement les souris « rajeunies » pourraient vivre plus longtemps ou bien est-ce que l’effet serait temporaire, voire même négatif à long terme ?

Si l’effet est durable (en renouvelant le cas échéant les transferts), un avenir spectaculaire de la réjuvénation s’annonce.


Pour en savoir plus :

Source de l’image.

Toutes les longévités ne progressent pas. N° 134. Mai 2020

C’est l’une des choses les plus remarquables que, dans toutes les sciences biologiques, il n’y ait aucun indice quant à la nécessité de la mort. Si vous dites que nous voulons faire du mouvement perpétuel, nous avons découvert suffisamment de lois en étudiant la physique pour voir que c’est absolument impossible ou que les lois sont fausses.

Mais il n’y a encore rien en biologie qui indique le caractère inévitable de la mort. Cela me suggère qu’elle n’est pas du tout inévitable, et que ce n’est qu’une question de temps avant que les biologistes ne découvrent ce qui nous cause des problèmes et que cette terrible maladie universelle ou le caractère temporaire du corps humain sera guéri.

Richard Feynman (1918 – 1989), prix Nobel de physique (traduction).


Thème du mois : Longévité moyenne et maximale. Progression et stagnation.


Longévité côté face

Nous vivons dans un confort et un état de santé qui auraient été inimaginables même pour les monarques du temps jadis. Nous nous déplaçons plus vite que dans les rêves les plus fous des navigateurs du temps de Christophe Colomb. Nous volons. Nous sommes allés sur la Lune. Nous avons dans notre poche un objet de 100 grammes qui est plus performant que les objets de science-fiction envisagés par les plus imaginatifs des écrivains, même d’un passé proche.

Grâce aux extraordinaires progrès de la médecine, de l’hygiène et de l’économie aujourd’hui, notre espérance de vie est trois fois celle d’il y a à peine deux siècles. Tant la rapidité du développement que les sommets atteints sont sans équivalent dans l’histoire de l’humanité. Jamais nous n’avons vécu aussi longtemps. Jamais nous n’avons vécu en aussi bonne santé. Jamais nous n’avons vécu aussi bien. Et n’en déplaise aux pessimistes, cette évolution ne se tarit pas ces dernières années, au contraire, elle s’est encore accélérée depuis le début du 21ème siècle : nous avons gagné environ 6 années d’espérance de vie depuis le début de ce millénaire. Aujourd’hui, même dans le pays avec l’espérance de vie à la naissance la plus courte au monde, celle-ci est de 53 ans (en République centrafricaine), soit de 6 ans supérieure à l’espérance de vie d’il y a deux siècles dans le pays où on vivait le plus longtemps (en Norvège).

Longévité côté pile

Mais, malgré les progrès de la médecine, de l’hygiène et les recherches scientifiques et médicales tous azimuts qui font progresser les sciences comme jamais, nous ne vivons guère plus longtemps que certains de nos ancêtres lointains. En l’an 6 de notre ère, s’éteignait à Rome Terentia, la veuve de Cicéron. Elle avait 103 ans. La personne la plus âgée au monde aujourd’hui a 117 ans, 14 ans à peine de plus que Terentia à son décès. Et, de par le monde, sur les presque 8 milliards d’habitants, à peine 100.000 ont atteint l’âge de Terentia.

Pour continuer sur cette  non-progression, voire même de régression, il faut signaler que Jeanne Calment, qui a vécu le plus longtemps dans l’histoire de l’humanité (sous réserve de quelques controverses) est décédée il y a près de 23 ans. Côté masculin, l’homme actuellement le plus âgé au monde n’est que 40ème dans la liste des hommes ayant vécu le plus longtemps.

Durée de vie moyenne – durée de vie maximale, deux concepts qui ne concernent pas seulement les humains

La différence entre la durée de vie moyenne, améliorable et la durée de vie maximale, frontière presque immuable, s’étend bien au-delà des humains.

Chez les animaux, la durée de vie moyenne dans la nature est beaucoup plus courte que la durée de vie maximale du même animal en captivité. Une souris vivra généralement moins d’une année dans la nature, alors qu’en captivité, elle peut vivre plus de deux ans. Une mésange charbonnière vivra deux ou trois ans, alors que dans une cage, elle pourrait chanter plus de 10 ans. 

En ce qui concerne les rats et les souris en laboratoire, la durée de vie moyenne est d’environ 2 ans et la durée de vie maximale de 3,8 années pour les rats et d’un peu plus de 4 ans pour les souris. D’innombrables expériences de laboratoire mesurent la longévité des rats et des souris après un traitement. Pour les rongeurs comme pour les hommes, si nous connaissons des traitements qui augmentent l’espérance de vie moyenne, la durée de vie maximale reste à ce jour une frontière quasiment infranchissable.

La stagnation et même la régression est ce qui a été appelé dans une lettre antérieure « le mystère des supercentenaires« .

Nous, humains, comme les autres mammifères et l’immense majorité des animaux, nous sommes des êtres à l’obsolescence programmée. Ce qui démontre notamment le caractère presque infranchissable de la limite, c’est le prix de la souris Mathusalem. Il est octroyé par l’organisation longévitiste SENS à celui qui permet à une souris de vivre plus longtemps qu’aucune autre souris. Ce prix n’a plus été octroyé depuis 2004.

Durée de vie moyenne – durée de vie maximale, deux concepts de moins en moins différents pour les humains

Il y a plusieurs siècles, la durée de vie maximale n’avait rien à voir avec la durée de vie moyenne. En effet, de 30 à 60 % des individus mouraient en bas âge. Il y a un siècle, dans les pays riches, la mort des enfants était déjà relativement rare, mais les maladies infectieuses et les autres causes de mortalité tuaient la majorité des individus avant la vieillesse. Aujourd’hui, dans les pays riches, mourir avant 75 ans est souvent qualifié de « décès prématuré ». L’âge moyen du décès est de 80 ans et l’âge médian plus élevé encore.

Autrement dit, aujourd’hui pour la majorité des décès, ce qui met fin à nos vies, ce sont les maladies et les affections liées à ce qui était hier, l’extrême longévité d’une petite minorité.

Ceux qui disent que nous ne franchirons jamais certaines limites ont peut-être raison

Si nous projetons l’évolution du passé vers le futur, un bébé qui naît aujourd’hui dans un pays riche devrait vivre en moyenne environ 110 ans. Ceci sachant que nous vivons déjà en moyenne 80 ans et que nous avons gagné environ 30 années de vie ces 110 dernières années.

Mais pour cela, il nous faudrait d’abord briser un plafond de verre. Actuellement, même pour les recherches les plus prometteuses (sénolytiques, metformine, NAD+, …), il est surtout question de gagner des années de vie humaine en bonne santé dans nos limites biologiques actuelles. Les durées de vie maximale ne semblent pas près d’être dépassées, tant pour les êtres humains que pour les animaux.

Les longévitistes optimistes ont peut-être raison

Comme l’écrivait Richard Feynman, cité au début de cette lettre, il n’y a pourtant pas de frontière biologique infranchissable équivalente au mur du son où à la vitesse maximale de la lumière. Mais il y a le code génétique. Ce code génétique qui fait que jamais un homme n’a dépassé 116 ans, une femme 122 ans, une tortue des Galápagos environ 200 ans et une souris un peu plus de 4 ans. Cependant, ce code génétique, nous pouvons le modifier par des thérapies géniques. Nous le changeons d’ailleurs déjà pour un certain nombre de maladies,  même chez des personnes adultes.

Cet obstacle peut-être ultime de la santé pourrait aussi être un jour franchi par d’autres moyens, par exemple par la production de protéines normalement exprimée par certains gènes relatifs au vieillissement.

Et le jour où cette frontière sera franchie, d’abord chez des souris puis chez des humains, cela pourrait être comme la conquête du vol au tout début du 20ème siècle, comme la découverte de l’insuline en 1922 ou comme l’utilisation de la pénicilline à la fin de la seconde guerre mondiale. Un avant et un après, c’est-à-dire, cette fois, des horizons de longévité, radicalement au-delà du siècle.


Les nouvelles du mois : « Rajeunissement » de l’horloge épigénétique de rats grâce à un plasma. Progrès collectifs pour la lutte contre le Covid-19


Un article concernant l’utilisation d’un plasma donné à des rats âgés a soulevé un enthousiasme considérable dans la communauté longévitiste. Des rats de 2 ans ont reçu un plasma sanguin et leurs indicateurs physiologiques durant le test étaient quasiment devenus ceux de rats de 6 mois. Si c’est vrai, c’est une découverte extrêmement prometteuse. De plus, cet article est signé notamment par deux scientifiques renommés (Steve Horwath, spécialiste de l’épigénétique et Harold Katcher, de l’université de Maryland).

Malheureusement :

  • Aucun test de longévité proprement dite n’a été effectué (uniquement des marqueurs de longévité)
  • Seuls 6 rats ont bénéficié du traitement
  • L’article n’a pas encore été vérifié par des pairs
  • La composition du plasma n’est pas connue

Espérons que l’enthousiasme se traduira dans les tests de longévité annoncés. Ou que cela encourage d’autres recherches de réjuvénation radicale.

Dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, des centaines de recherches sont en cours. La majorité des autorités et groupements qui s’expriment insistent sur la mise en commun des recherches et la mise à disposition future pour tous. « Grâce » au virus, l’attention à la santé et à la protection du système immunitaire, particulièrement des personnes âgées, est plus grande que jamais. Le 19 mai, l’assemblée générale a adopté une résolution de riposte à la maladie Covid-19.

Un communiqué de presse de l’OMS annonce la création, pour le 29 mai, d’une plateforme permettant de centraliser les données, le savoir et la propriété intellectuelle se rapportant aux produits sanitaires existants ou nouveaux contre la COVID-19. Il s’agit, suite à une proposition du Costa-Rica, de mettre des biens de santé publique mondiaux à la portée de tous dans tous les pays.

 

Pour en savoir plus :