Lettre mensuelle de Heales. La mort de la mort. N°159. Juin 2022. Système immunitaire et longévité

Il est toujours bon d’avoir des rêves, même s’ils ne se réalisent jamais. Nous sommes à des années-lumière de parvenir à ce que le vieillissement ne soit plus une fatalité. Depuis peu, ce domaine reçoit des flots de capitaux privés. Pour moi, c’est une bonne chose, car tout le monde en profitera. Si ces entreprises effectuent réellement des découvertes clés, cela bénéficiera à l’ensemble de la société.

Pensez-vous que tout le monde en profitera de la même manière ? J’en suis convaincue. Vous ne pouvez pas limiter certaines avancées pour qu’elles ne profitent qu’à un cercle restreint de privilégiés. Elles finissent toujours par se démocratiser et profiter à tous. Il y a une limite, cependant. Si c’est une solution très chère, elle mettra davantage de temps à parvenir au commun des mortels. Mais il est possible de découvrir quelque chose de réellement efficace contre le vieillissement et d’accessible. Plus on consacre d’argent à la recherche dans ce domaine, mieux cela vaut pour tout le monde.

Vera Gorbunova, biologiste américaine, Le Soir (quotidien francophone belge), 29 mai 2022.


Thème du mois: Système immunitaire et longévité


Définition

Le système immunitaire d’un organisme est un système biologique responsable de mécanismes de défenses qui permettent de lutter contre les agressions.

Le système immunitaire est extraordinairement efficace, mais aussi extraordinairement complexe. Il est hérité à la naissance, dans un état de vigilance ou inactif, et évolue en fonction des contacts qu’il a avec des agents pathogènes (bactéries, virus, parasites…) ou des substances étrangères au corps (poison, greffe…).

Les organes du système immunitaire s’appellent des organes lymphoïdes, ils sont présents partout dans le corps et comprennent la moelle osseuse, les ganglions, la rate, les amygdales et le thymus.

Ils ont pour rôle de produire les cellules de l’immunité, mais aussi d’éduquer ces cellules à reconnaître des substances qui font partie de l’organisme (=le soi) et les substances étrangères (=le non-soi). Cette éducation commence dès le développement de l’embryon et décroît en intensité avec l’âge, laissant des cellules qui ont été moins bien éduquées (=l’immuno-sénescence). 

Les principaux mécanismes de défenses immunitaires: Comment cela fonctionne-t-il?

L’inflammation est la réaction du système immunitaire, face à une agression qui peut être externe (infection, brûlure, allergie, etc.) ou interne (cellules cancéreuses) des tissus. Face à ces agressions, le système immunitaire va être activé. On parle alors de réponse immunitaire. Cette activation est favorisée et amplifiée par la production de messagers (les interleukines ou les cytokines).

La réponse immunitaire est de deux types, l’immunité innée, médiée par les globules blancs (polynucléaires et macrophages), et l’immunité adaptative, médiée par les lymphocytes T et B.

Il s’agit d’un mécanisme permettant la défense de l’organisme contre des agents infectieux de façon immédiate car elle ne nécessite pas de division cellulaire. Ces cellules ont la capacité de reconnaître de manière non spécifique les intrus. Par exemple, certains globules blancs comme les granulocytes et les macrophages éliminent instantanément l’intrus en le digérant afin d’empêcher sa diffusion. Lorsque l’infection n’est pas contenue localement, des globules blancs spécialisés appelés lymphocytes vont venir digérer une seconde fois l’agent pathogène.

Il s’agit d’un mécanisme dans lequel des lymphocytes T et des lymphocytes B sont éduqués dès les premières années de la vie pour reconnaître les cellules du “soi” et du “non-soi”. Ils fonctionnent de 2 façons:

  • Soit par un contact cellulaire direct qui conduit à la destruction de la cellule du “non-soi” (= la cytotoxicité cellulaire) qui est réalisée par les lymphocytes T.
  • Soit par la production d’anticorps réalisés par les lymphocytes B  qui vont également reconnaître de façon spécifique les molécules étrangères du “non-soi”.

Les pathologies du système immunitaire

Soit le système immunitaire est trop faible: on parle d’immunodéficience. Ce déficit peut être génétique, acquis par des maladies (ex: l’infection HIV) ou par des traitements (ex: les immunosuppresseurs) qui vont diminuer les défenses immunitaires.

Soit le système immunitaire est trop fort: on parle de maladies auto-immunes. Lors de celles-ci, le système immunitaire s’attaque aux cellules “du soi”. Parmi ces maladies il y a la sclérose en plaques, le diabète, la maladie de Crohn. Mais également l’inflammation chronique appelée l’inflammaging qui se développe avec l’âge et en absence d’infection. Il semblerait que l’inflammation est causée par une perte de contrôle de l’inflammation systémique entraînant une surstimulation chronique du système immunitaire inné.

Des affections qui s’aggravent considérablement avec le vieillissement

Il a souvent été expliqué dans les lettres mensuelles de Heales que les trois principales causes de morbidité et de mortalité sont les maladies cardio-vasculaires, les cancers et les maladies neurodégénératives. Mais les déficiences du système immunitaire jouent également un rôle majeur par l’augmentation des maladies infectieuses,  la progression des maladies auto-immunes et le phénomène appelé « l’inflammaging ».

La morbidité et la mortalité ne sont généralement pas dues à une seule cause. Les maladies, les défenses somatiques et les moyens thérapeutiques vont généralement affaiblir progressivement notre corps, particulièrement le système immunitaire. La petite phrase « Tout ce qui ne tue pas rend plus fort » est parfois vraie (par exemple, le système immunitaire peut ressortir renforcé), mais malheureusement souvent fausse (par exemple, le système immunitaire peut s’épuiser ou se dérégler).

Croissance des maladies infectieuses avec l’âge

Du fait de la diminution de l’efficacité du système immunitaire, la plupart des maladies infectieuses sont de plus en plus dangereuses au fil des ans. Ainsi, chaque année, les épidémies de grippe font de nombreuses victimes. Les personnes âgées sont également beaucoup plus sensibles aux maladies nosocomiales. De plus, particulièrement dans les pays riches, la résistance bactérienne aux antibiotiques concerne particulièrement les individus, ayant absorbé beaucoup de médicaments par le passé.

Enfin, le Covid touche bien sûr particulièrement les personnes âgées. Pour cette maladie comme pour les autres maladies infectieuses, la mortalité n’est pas causée principalement parce qu’elles sont plus touchées. La mortalité très supérieure est causée par des mécanismes immunitaires déficients, un état global affaibli et une réponse positive moindre aux thérapies.

Croissance des maladies auto-immunes avec l’âge

Les maladies auto-immunes ne sont pas toujours liées à l’âge. Mais la mortalité causée par ces maladies touche principalement des personnes qui ne sont plus jeunes.

Lors d’une maladie auto-immune, le système immunitaire s’attaque à l’organisme lui-même (le « soi », d’où la racine auto). Plus précisément, les maladies auto-immunes s’attaquent soit à un organe spécifique (par exemple les maladies auto-immunes de la thyroïde), soit à plusieurs organes (par exemple le lupus).

L’inflammaging

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une inflammation excessive liée à l’âge. Comme déjà indiqué, l’inflammation à la base est un mécanisme normal et utile de réaction contre des agressions internes ou externes. Mais dans l’inflammaging, les mécanismes se produisent ou se poursuivent et deviennent nuisibles à l’organisme.

Le mécanisme d’emballement d’une réaction au départ utile a été particulièrement observé ces deux dernières années dans le cadre du Covid, avec notamment ce qui a été appelé les « tempêtes de cytokines« .

Perspectives thérapeutiques
En fait, toute recherche relative à la vaccination est une recherche relative au système immunitaire.

Les recherches pour la conservation et le rétablissement du système immunitaire sont nombreuses. Les plus intéressantes sont celles qui visent à « apprendre » au système immunitaire à s’attaquer mieux et plus à tout ce qui nuit à l’organisme, notamment limmunothérapie et plus particulièrement limmunothérapie contre certaines formes de cancer.

Une des expériences les plus prometteuses, mais jusqu’ici à petite échelle, a permis au scientifique Greg Fahy de renforcer le thymus, et par là le système immunitaire de volontaires sains âgés.


La bonne nouvelle du mois : Hevolution, un milliard de dollars par an contre les maladies liées au vieillissement


La presse mondiale s’est abondamment fait l’écho des projets d’Hevolution. 

Cette fondation a un objectif longévitiste et universaliste affirmé: « Nous pensons que chaque être humain a le droit de vivre plus longtemps et en meilleure santé » est mentionné en anglais sur la page d’accueil. Il semble que grâce à la fondation, le projet TAME qui a pour but de vérifier l’efficacité de la metformine sur des humains va (enfin) être lancé bientôt.

Ce n’est pas la première grande organisation à annoncer des recherches de longévité portant sur des centaines de millions de dollars ou d’euros (Google Calico et Altos Labs l’ont précédés). Mais c’est la première organisation de ce type avec des capitaux (semi) publics. C’est, en effet, un décret royal de l’Arabie Saoudite qui est à l’origine de cette organisation.

Bien sûr, l’Arabie Saoudite n’est pas le lieu que choisiraient prioritairement la plupart des chercheurs et décideurs longévitistes, mais des chercheurs renommés comme Nir Barzilai sont déjà impliqués.


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