LETTRE MENSUELLE DE HEALES. LA MORT DE LA MORT. N°162. Septembre 2022. Les jumeaux numériques pour la résilience et la longévité.

Il est tout à fait envisageable que certaines personnes vivant aujourd’hui ne voient aucune limite supérieure (de durée de vie). Et il est tout à fait possible que certains d’entre nous dans cette conversation aujourd’hui voient 150, 200 ans. Et à ce moment-là (…) notre technologie sera si avancée qu’elle continuera simplement à progresser. George Church. Généticien. Longevity Mindset: Proof of Age Reversal (Traduction). Octobre 2020.


Thème du mois:  Les jumeaux numériques pour la résilience et la longévité.


Un jumeau numérique est défini comme un ensemble de constructions d’informations virtuelles qui imitent la structure, le contexte et le comportement d’un actif physique individuel ou unique, qui est dynamiquement mis à jour avec les données de son jumeau physique tout au long de son cycle de vie, et qui, en fin de compte, informe pour les décisions. C’est une représentation virtuelle d’un bien physique connecté et englobe l’ensemble du cycle de vie du produit.

Sa valeur découle de la capacité à déplacer le travail d’un environnement physique vers un environnement virtuel ou numérique et de la possibilité de prévoir l’état à l’avenir, ou lorsque cela n’est pas souhaitable physiquement, en exploitant le modèle numérique.

Dans les recherches de santé, pour qu’un double virtuel soit utile, il est nécessaire que suffisamment de données de la personne physique soient disponibles. Outre tous les marqueurs changeant peu ou pas (taille, poids, groupe sanguin…) ainsi que tous les indicateurs sociaux et de comportement (travail, alimentation,…), des dispositifs portables (« wearables« ) sont extrêmement utiles. À moyen terme, des capteurs nouveaux peu invasifs, internes et externes, pourraient être envisagés pour mesurer par exemple la digestion, la respiration, les excrétions…

Une modélisation tridimensionnelle peut être utilisée pour visualiser les compagnons numériques. Lorsque le système a été vérifié, des simulations informatiques de situation de santé et des comparaisons sont possibles.

Applications envisageables pour les personnes elles-mêmes

  • Aide à la décision en matière de diagnostic et de traitement
  • Surveillance des patients par les dispositifs portables avec « projection » des conséquences futures, par exemple, des battements de coeur anormaux prédicteurs d’un arrêt cardiaque.
  • Simulation de chirurgie – évaluation du risque chirurgical
  • Simulation des effets de modification de prise médicamenteuse, d’exercice, …

Application envisageables dans les domaines de la recherche

Une des raisons majeures pour lesquelles nous ne comprenons que très imparfaitement les mécanismes biologiques humains, dont ceux de la sénescence, c’est le manque de données accessibles aux chercheurs. Attention, ce n’est pas le manque de données lui-même qui rend l’observation difficile, c’est le manque de données partagées.

L’analyse comparative des données issues de jumeaux numériques permettrait de sauver de nombreux patients. Cependant, cette amélioration ne pourrait se faire sans changement d’attitude en matière de partage de données.

Le premier défi est celui de la vie privée. En théorie, les réglementations et les principes généraux du droit dans l’Union européenne et dans bien d’autres pays, permettent l’utilisation de données de santé des individus pour des motifs de santé publique. En pratique, ce n’est que rarement le cas. Il est aberrant et contraire au droit fondamental à une vie en bonne santé que l’accès aux données de santé soit, en droit ou en fait, impossible. À noter d’ailleurs que presque personne ne conteste que les données permettant l’établissement de ressources fiscales doivent être accessibles aux agents des administrations fiscales.

Les conditions « idéales » pour rendre utiles les données des jumeaux numériques seraient :

  1. Un enregistrement des données selon des méthodes qui autorisent la comparaison. Idéalement, au moins une partie des paramètres devraient être mesurés partout selon des méthodes donnant des résultats rigoureusement identiques.

  2. Une bonne « curation des données ». Il s’agit du « nettoyage » ou de la correction des données incorrectes. C’est un mécanisme complexe, car tant les « signaux faibles » que les « signaux anormaux » peuvent résulter d’une erreur de mesure ou annoncer un phénomène de santé imprévu.

  3. Les données des jumeaux numériques sont juridiquement un bien commun. Elles ne peuvent être consultées que  par des personnes accréditées et uniquement dans un but médical et de recherche. L’utilisation à des fins autres que scientifiques pourrait être réprimée pénalement.

  4. Pour les recherches scientifiques, un système de sécurisation, d’anonymisation ou de pseudonymisation serait institué chaque fois que c’est techniquement possible. Par exemple, les données pourraient n’être accessibles que pour des scientifiques garantissant de manière stricte que les résultats des recherches seront publiés et ne feront pas l’objet de brevets. Il est à noter que, par certains côtés, un système où l’accès aux données se fait presque exclusivement via votre jumeau numérique est plus sécurisé contre des usages illégitimes qu’un dossier chez un médecin. En effet, toute « entrée » dans le système pourra être retrouvée sans possibilité de « regarder discrètement en cachette ».

  5. Évidemment, la protection contre la cybercriminalité est un problème fondamental. Même s’il est un petit peu moins sensible que celui de la protection bancaire (moins de gens s’intéressent à votre diabète qu’à votre portefeuille!), votre santé est plus précieuse que votre portefeuille.

L’étude des jumeaux numériques permettrait de :

  1. Choisir des traitements plus adéquats en fonction de situations spécifiques, c’est-à-dire en tenant compte de « jumeaux numériques » ayant des conditions similaires pour de nombreux paramètres âge, sexe, passé et présent médical, alimentation, exercice, environnement géographique, social, exposition à des substances toxiques,…

  2. Déterminer avec plus de finesse les tests cliniques qui devraient être démarrés prioritairement et vers quels publics.

  3. Déterminer à partir de signaux faibles et d’éléments « surprenants » (sérendipité), des pistes de recherche pas suffisamment explorées.

  4. Effectuer les premiers tests sur des modèles informatiques (des « jumeaux numériques » de personnes existantes) remplaçant en grande partie tant les tests animaux que les tests cliniques.

Conclusion

A ce jour, sauf lors de graves détériorations de l’état de santé, peu de citoyens sont suivis constamment pour leur santé. Alors que, de plus en plus systématiquement, nous sommes suivis par de nombreux dispositifs électroniques, un jumeau numérique pourrait devenir à la fois un ange gardien pour chacun d’entre nous et une contribution aux progrès de santé de tous.


La bonne nouvelle du mois : objectif de 5 ans de vie en bonne santé de plus à Singapour


C’est un des États du monde où l’espérance de vie est la plus élevée. Les autorités publiques y sont attentives aux améliorations possibles  Le  NUHS Centre for Healthy Longevity singapourien où travaillent notamment deux brillants chercheurs Andrea Maier et Brian Kennedy a pour objectif de permettre une augmentation de cinq années de la durée de vie en bonne santé, les premières améliorations apparaissant dans 3 à cinq ans.


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