Nous connaissons bien l’augmentation de l’espérance de vie, mais elle est surtout apparue sous la forme de stratégies de sauvetage, comme la vaccination. Les vaccinations contre la polio et la variole ont sauvé des centaines de millions de vies, ou, pour le dire autrement, ont permis à des centaines de millions de personnes de vivre, alors qu’autrement elles seraient mortes. La vaccination est un exercice d’augmentation volontaire de l’espérance de vie – mais personne ne s’oppose avec horreur à son énorme effet sur l’espérance de vie.
John Harris, bioéthicien (citation peut-être trop optimiste vu la virulence de certaines campagnes « anti-vaccination »), avril 2020 (source de la traduction)
Thème du mois : Traitements Covid-19 et lutte contre le vieillissement
L’émergence du coronavirus SARS-CoV-2 en décembre 2019 a laissé bon nombre de médecins dans l’expectative. Face à ce virus inconnu, ils ont souvent dû se débrouiller avec les moyens du bord pour soigner leurs patients, quitte à tester des médicaments et des traitements non homologués. Une méta-étude, menée par l’université de Pennsylvanie (États-Unis) et publiée dans la revue Infectious Diseases and Therapy, a dénombré l’ensemble des traitements administrés aux premiers patients atteints du Covid-19. Ils ont ainsi calculé que 115 médicaments et remèdes différents avaient été prescrits à 9.152 patients. Mais l’étude met en évidence les tâtonnements des équipes médicales pour trouver le remède adéquat.
Cette lettre vise à faire un point, pour des non-spécialistes du sujet, de la situation au 20 juin 2020 des recherches les plus prometteuses ainsi que quelques liens avec des recherches relatives au vieillissement. Certaines pistes ne seront cependant pas explorées (par exemple les moyens de renforcer le système immunitaire dont la vitamine D).
- Les vaccins
Les recherches autour du coronavirus battent tous les records, 140 recherches sont recensées par l’OMS au 18 juin 2020 : le développement de recherches pour un vaccin nécessite habituellement bien plus de temps. Bien que plusieurs laboratoires soient sur des pistes sérieuses, la « mise en rayon » n’est toutefois pas pour demain !
Les vaccins à ARN messager
La vaccination via ARN messager prend la tête de la course au vaccin contre le virus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19. C’est un vaccin de ce type qui a été le premier à passer à l’étape de l’essai clinique.
Aux États-Unis, la phase II de l’essai du vaccin mRNA-1273 a débuté le 29 mai, a indiqué l’entreprise de biotechnologies américaine Moderna Therapeutics dans un communiqué. Si elle se révèle concluante, la phase III de l’essai pourrait commencer dès juillet.
Les deux premiers essais européens sur l’homme ont eu lieu le 23 avril au Royaume-Uni et en Allemagne. Le vaccin ChAdOx 1 développé par l’université d’Oxford sera testé sur 800 patients, rapporte la BBC. Le vaccin BNT162 mis au point par la société allemande BioNTech a également obtenu le feu vert pour être testé sur 200 volontaires.
La technologie de recombinaison de l’ADN
Le groupe pharmaceutique français Sanofi s’est associé au ministère américain de la Santé pour développer lui aussi un candidat vaccin, en utilisant une « technologie de recombinaison de l’ADN ».
Elle consiste à combiner l’ADN du virus avec l’ADN d’un virus inoffensif afin de créer une nouvelle entité cellulaire à même de provoquer une réponse immunitaire. Les antigènes créés par cette opération peuvent ensuite être reproduits à grande échelle.
David Loew, vice-président exécutif de Sanofi Pasteur, estimait en février pouvoir disposer d’un candidat vaccin « dans moins de six mois » et potentiellement entrer en essai clinique « dans environ un an à un an et demi ».
L’avantage pour le vieillissement d’avoir des vaccins pour le Covid-19 est comme pour le vaccin contre la grippe, d’immuniser les personnes plus âgées pour les protéger d’une future contamination.
Un vaccin global contre le vieillissement est bien sûr actuellement inimaginable d’un point de vue scientifique. Certaines vaccinations globales favorables à la longévité sont par contre envisageables. Il est ainsi imaginable d’étendre la vaccination pour des maladies comme par exemple l’herpès. L’herpès est souvent asymptomatique, « souterrain ». Il touche la majorité des humains et la grande majorité des personnes âgées. Une vaccination pourrait permettre un gain modéré de vie en bonne santé aux personnes préservées de cette affection.
- Les antiviraux et les anti-inflammatoires
La chloroquine, un antipaludique controversé
Une étude chinoise, publiée par la revue BioScience Trends le 18 février 2020 fut la première à affirmer l’efficacité de la chloroquine, un médicament utilisé contre paludisme, dans le traitement du Coronavirus SARS-CoV-2 et sa maladie Covid-19.
Le professeur Didier Raoult, qui teste la chloroquine à l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille, a affirmé que son effet contre le coronavirus était spectaculaire avec la disparition du virus en six jours auprès des trois quarts des patients. Mais plusieurs experts appellent à la prudence en l’absence d’études plus poussées et en raison de ses effets indésirables qui peuvent être graves, notamment en cas de surdosage.
En mai, une étude du Lancet qui relevait les potentiels dangers de la chloroquine, a été rapidement rétractée. Un récent essai clinique randomisé en double-aveugle en défaveur d’un usage prophylactique de la chloroquine est paru dans le New England Medical Journal.
Cette affaire a été un superbe cas d’école pour présenter les sciences médicales. Il a été utile de pointer du doigt les nombreuses erreurs méthodologiques. Cependant, le débat est très vite devenu un conflit entre les anti-chloroquine d’un côté et les pro-chloroquine de l’autre. Pourtant la démarche scientifique n’est ni pro, ni anti. Elle valorise le doute, la prise de recul et se préoccupe peu de notre désir d’efficacité envers une thérapeutique, elle a vocation à trancher le réel, pas à nous bercer d’illusions rassurantes.
Les tests cliniques, notamment en double aveugle, auraient dû être une priorité absolue, mieux coordonnés et plus rapides. Force est de constater que la mobilisation énorme concernant la lutte contre la maladie n’a pas suffisamment permis cela.
Le remdésivir, premier traitement efficace sur le marché ?
Le remdésivir, mis au point par le laboratoire américain Gilead, « agit directement sur le virus pour empêcher sa multiplication », il a été testé dans le passé pour Ebola.
« Il n’y a pour l’instant qu’un seul médicament dont nous pensons qu’il pourrait avoir une réelle efficacité. Et c’est le remdésivir », annonçait en mars Bruce Aylward, un responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’Agence européenne des médicaments (EMA) a annoncé lundi 8 juin avoir reçu une demande d’autorisation de mise sur le marché conditionnelle de l’antiviral dans l’Union européenne.
La recherche sur les antiviraux liés au Covid a entrainé une accélération de l’ensemble des recherches relatives à cette catégorie de médicaments. Il n’y a cependant à ce jour pas d’application concernant la longévité des personnes âgées non atteintes d’une maladie virale.
Dexaméthasone
Il a été démontré en juin qu’un stéroïde, le dexaméthasone, par son effet anti-inflammatoire, réduisait assez fortement (jusqu’à 25 %) les décès des patients les plus atteints.
- Plasma et anticorps
Lorsqu’on transfuse du plasma convalescent, et donc que l’on transfuse du sang d’un patient guéri vers un patient encore malade, on espère générer un « transfert d’immunité passive ». On insère les anticorps créés pour lutter contre l’infection chez une personne encore infectée afin qu’ils puissent agir immédiatement contre la maladie. Ce transfert peut provoquer une réaction de défense plus rapide encore qu’avec un vaccin. En revanche, puisqu’ils n’ont pas été produits directement par le corps du malade, les anticorps transférés ne perdureront pas et ne permettront pas une immunité à long terme. Néanmoins cela accélère la guérison et, dans le cas du Covid-19, l’espoir est d’éviter que la maladie ne s’aggrave.
La recherche médicale explore différentes pistes pour lutter contre le Covid-19. Parmi elles, transfuser le sang — et plus précisément le plasma — de patients guéris chez des patients encore malades est une sérieuse possibilité. L’Établissement Français du Sang (EFS) a démarré le 7 avril un essai clinique basé sur ce principe. Aux États-Unis, le groupe de recherche National COVID-19 Convalescent Plasma Project est également mobilisé sur de telles expérimentations.
L’avantage pour les personnes âgées est de pallier le manque de défense de leur système immunitaire en leur apportant une dose d’anticorps présents dans le plasma de personnes guéries. De manière plus large, le remplacement du sang par d’autres substances dans un organisme âgé fait partie des pistes extrêmement prometteuses en matière de longévité. Un développement tout récent est examiné à la fin de cette lettre (voir : La bonne nouvelle du mois).
Regeneron développe un traitement à la fois curatif et préventif
Le laboratoire Regeneron a développé l’année dernière un médicament, administré par voie intraveineuse, connu sous le nom « d’anticorps monoclonaux », qui a permis d’améliorer de manière significative le taux de survie de patients touchés par le virus Ebola. Le médicament pourrait fonctionner en l’administrant à des personnes avant qu’elles soient exposées ou après, même si les effets ne seraient que temporaires car les anticorps ne feront pas partie de la mémoire du système immunitaire des individus.
- Cellules souches
Des chercheurs chinois et américains ont joint leurs forces pour tester l’efficacité de cellules-souches contre le coronavirus. L’étude a été publiée en avril 2020.
Les cellules souche semblent contribuer au rajeunissement et à la régénération des autres cellules. Elles font ceci de nombreuses manières tels que réduire l’inflammation, sécréter les substances qui protègent les cellules, réduire la mort cellulaire, fournir des effets antioxydants, et amplifier la réaction du système immunitaire.
En 2011, des chercheurs français ont réussi à redonner leur jeunesse à des cellules de donneurs âgés de plus de 100 ans en les reprogrammant au stade de cellules souches, ils démontrent ainsi que le processus du vieillissement des cellules est réversible. L’accélération des recherches sur les cellules-souches pour le Covid-19 pourra être utile également dans le cadre de la lutte contre la sénescence.
La bonne nouvelle du mois : Remplacer le sang de souris âgées par de l’eau salée et de l’albumine les « rajeunit » considérablement
Dans la lettre mensuelle du mois de mai, nous faisions référence à un article scientifique concernant un « élixir » injecté dans le sang qui « rajeunirait » des rats.
Il y a quelques jours, un autre article très prometteur est paru dans la revue Aging concernant un mécanisme proche. Des chercheurs, dont un couple de scientifiques spécialisés dans ce type d’études, Irina et Michael Conboy, ont remplacé la moitié du sang de souris âgées par une solution d’eau salée et d’albumine. Le résultat a été spectaculaire. Cette dilution a des effets de rajeunissement sur le cerveau, le foie et les muscles.
Parmi les aspects extrêmement prometteurs de cette étude :
- le produit donné est connu et ne coûte quasiment rien,
- le traitement est d’une grande simplicité,
- le traitement ne pose pas les problèmes éthiques qui se poseraient pour des transfusions sanguines de sang.
Cependant, comme pour l’expérimentation décrite le mois passé, il reste une question fondamentale non examinée Est-ce que réellement les souris « rajeunies » pourraient vivre plus longtemps ou bien est-ce que l’effet serait temporaire, voire même négatif à long terme ?
Si l’effet est durable (en renouvelant le cas échéant les transferts), un avenir spectaculaire de la réjuvénation s’annonce.
Pour en savoir plus :
- Voir notamment : heales.org, sens.org, longevityalliance.org et longecity.org.