La mort de la mort N° 140 Les tests cliniques et la longévité. Novembre 2020.

Il serait plus utile de trouver comment rendre définitivement notre génome à l’abri de tous les soucis plutôt que de rechercher des solutions palliatives.

Certains spécialistes de l’éthique croient être seuls sur ce qu’ils pensent être la bonne voie du progrès ! La voie lente qui laissera derrière elle des milliards de morts faute de soins préventifs/curatifs que des modifications du génome auraient permis.

Cette vision m’exaspère, car les malades ont besoin de solutions concrètes et non de bobards moraux.

Arnaud D. Militant longévitiste, courriel privé en novembre 2020.


Thème du mois : Les tests cliniques et la longévité


 

Essais cliniques

Les essais cliniques constituent une phase essentielle du développement des nouveaux médicaments. À mi-chemin entre la recherche en laboratoire, sur des cellules en culture ou des animaux (rongeurs, singes…), et la prise en charge du patient, ce long processus se déroule en plusieurs phases et permet de s’assurer que les bénéfices soient supérieurs à d’éventuels risques. C’est un élément indispensable dans l’élaboration des données massives pour la santé et la longévité.

Les essais cliniques permettent notamment de déterminer les populations pour lesquelles le médicament est le plus efficace et les conditions optimales d’utilisation (voie d’administration, concentration, posologie, …). Il existe trois phases dans ces essais cliniques, nécessaires avant que la molécule puisse être autorisée à la vente comme médicament ; plus une quatrième après la commercialisation du produit.

Phase 1, l’évaluation de la toxicité de la molécule

L’essai clinique de phase 1 correspond à la toute première utilisation d’une nouvelle molécule chez l’homme. Elle peut éventuellement donner lieu à rémunération. La molécule est testée sur une période courte, de quelques jours à quelques mois et sur un nombre restreint de personnes, pas plus de quelques dizaines.

L’essai de phase 1 a pour objectif de procéder à une évaluation à court terme de la sécurité d’emploi du produit, c’est-à-dire son éventuelle toxicité, son devenir à court terme dans l’organisme et un premier profil pharmacocinétique.

En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) établit que, dans ce type d’essai de première administration, « la première dose administrée de la nouvelle substance active ne doit entraîner aucun effet toxique détectable à court terme ». Selon le Leem (association des entreprises du médicament), 30% des produits testés échouent à passer cette première phase.

Phase 2, l’efficacité et la posologie optimale étudiées

Une fois la toxicité étudiée, c’est l’efficacité du produit qui est évaluée dans les essais de phase 2. Ce type d’essais est réalisé sur de petits groupes homogènes de 10 à 40 patients atteints de la maladie ciblée sur une durée allant de quelques mois à 2 ans. Il s’agit notamment de déterminer la posologie la plus adéquate, la plus petite dose efficace pour une pathologie donnée, et d’optimiser la forme pharmaceutique du produit. Seulement un tiers des produits testés franchiraient les essais de phase 1 et 2.

Phase 3, l’étude du rapport bénéfice/risque du candidat médicament

Le candidat médicament est, cette fois, testé sur un large échantillon de patients (au moins plusieurs centaines), souvent dans des études à l’échelle internationale.  Il s’agit là de comparer le médicament en développement à un placebo (un médicament dénué d’activité thérapeutique) ou à un autre médicament ayant déjà fait ses preuves. Idéalement cette phase doit être effectuée avec des groupes composés de manière aléatoire. L’objectif est de prouver l’efficacité et d’évaluer les rapports d’efficacité/tolérance et de bénéfices/risques de la molécule. Cette étape doit également permettre la mise en évidence d’éventuelles interactions avec toute autre médication simultanée.

C’est seulement après ces étapes de validation de la molécule que le médicament peut éventuellement obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). Entre 70% et 90% des médicaments entrant en phase 3 sont retenus pour une demande d’autorisation de mise sur le marché.

Phase 4, un suivi de longue durée après commercialisation

Cette étape supplémentaire est une phase de suivi du médicament désormais commercialisé. Les essais sont réalisés tout au long de la commercialisation du médicament et permettent d’approfondir la connaissance du produit en conditions réelles d’utilisation et de détecter les effets indésirables plus rares qui ne peuvent être détectés avant.

Réglementation européenne

Le règlement européen EU 536/2014 relatif aux essais cliniques (CTR), qui est entré en vigueur en 2019, entraîne un changement de taille pour les chercheurs européens. Les objectifs principaux de ce changement important dans la législation sont une simplification administrative et une harmonisation au niveau européen.

Via un portail central de l’UE, une seule demande (CTA, clinical trial authorization) devra être introduite par essai clinique par le promoteur de tous les États Membres prenant part à l’essai clinique. Un seul des États Membres sera désigné par le promoteur comme “État Membre Rapporteur” qui évalue la demande de façon centralisée et délivre ensuite un seul avis au promoteur et aux autres États Membres concernés.

Situation aux États-Unis

La Food and Drugs Administration (FDA), une agence du ministère américain de la santé et des services sociaux, protège la santé publique en assurant la sûreté, l’efficacité et la sécurité des médicaments à usage humain et vétérinaire, des vaccins et autres produits biologiques à usage humain, ainsi que des dispositifs médicaux.

Au cours des dernières décennies, la FDA a encouragé des pratiques d’inscription qui conduiraient à des essais cliniques reflétant mieux la population la plus susceptible d’utiliser le médicament si celui-ci est approuvé, principalement en élargissant les critères d’admissibilité. Malgré ces efforts, les difficultés de participation aux essais cliniques demeurent, et certains groupes continuent d’être sous-représentés dans de nombreux essais cliniques, notamment les personnes les plus âgées.

Il faut noter que le site Clinical Trials de la Bibliothèque nationale américaine de médecine est la référence officielle pour les tests cliniques déclarés qui se produisent où que ce soit dans le monde.

Comités d’éthique

La notion de protection des personnes dans les pratiques de recherche apparaît dans les années 1930. Après la Seconde Guerre mondiale, suite aux expérimentations atroces faites par des médecins nazis et de criminels de guerre japonais, une prise de conscience internationale s’opère en matière d’éthique des expérimentations humaines pour la protection des individus.

En 1947, le Tribunal international de Nuremberg a défini un code fait de dix règles, et universellement connu sous le nom de « Code de Nuremberg ». Ce Code « reconnaît » que l’expérimentation sur l’homme « pour le bien de la société » est admissible et stipule que « le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel ». Suivent en 1949, le Code international d’éthique médicale, et en 1964, la Déclaration d’Helsinki.

La plupart des pays où sont conduites des recherches cliniques possèdent actuellement leurs comités d’éthique à l’instar des pays de la communauté européenne et des États-Unis. Malheureusement, les autorisations éthiques sont souvent lentes et diffèrent encore même au niveau de l’union européenne selon les pays (et même parfois selon les régions). Conséquence: même en temps de Covid, certaines recherches sont encore considérablement ralenties.

La loi d’Eroom

La « loi » d’Eroom est l’observation que la découverte de médicaments devient plus lente et plus coûteuse au fil du temps, malgré les améliorations technologiques, une tendance observée pour la première fois dans les années 1980.

Le coût de développement d’un nouveau médicament double en gros tous les neuf ans (corrigé de l’inflation). Le coût actuel de développement d’un médicament basé sur une nouvelle substance est estimé à un milliard de dollars ! Afin de souligner le contraste avec les progrès exponentiels d’autres formes de technologie au fil du temps, cette conjecture a été délibérément qualifiée de loi de Moore à l’envers.

Auto-expérimentations

Le célèbre généticien George Church ne voulait pas attendre les résultats des essais cliniques. Dans ce qui semble être la première initiative de vaccin « science citoyenne », Preston Estep et au moins 20 autres chercheurs, technologues ou passionnés de science, dont beaucoup sont liés à l’université de Harvard et au MIT, se sont portés volontaires comme « rats de laboratoire ».

Pour mettre au point un vaccin, le groupe, qui se nomme Rapid Deployment Vaccine Collaborative, ou Radvac a étudié les rapports sur les vaccins contre le SRAS et le MERS, deux autres maladies causées par les coronavirus. L’objectif est de trouver « une formule simple que vous pourriez fabriquer avec des matériaux facilement disponibles », explique M. Estep. Ce vaccin, administré par voie nasale, pourrait créer ce que l’on appelle une immunité muqueuse, c’est-à-dire des cellules immunitaires présentes dans les tissus des voies respiratoires. Cette immunité locale pourrait constituer une défense importante contre le SRAS-CoV-2. Mais contrairement aux anticorps qui apparaissent dans le sang, où ils sont facilement détectables, les signes d’immunité muqueuse pourraient nécessiter une biopsie pour être identifiés.

Essais cliniques. Comment faire avancer la médecine. Le consentement, condition parfois un peu fictive.

Sans essai clinique, pas de nouvelles méthodes thérapeutiques, pas de nouveau médicament. Chaque année, des milliers de citoyens s’engagent dans des essais cliniques visant à tester de nouveaux médicaments.

Les essais cliniques doivent être menés sous la direction et la surveillance d’un médecin qui  doit clairement informer le volontaire et obtenir son consentement « éclairé »  sur l’objectif de la recherche, sa méthodologie, les bénéfices attendus, les contraintes et les risques prévisibles et le droit de refuser de participer à une recherche. Toute personne ayant consenti à participer à une recherche est libre de retirer son consentement à tout moment, et donc de stopper sa participation à la recherche.

La loi énonce clairement que l’intérêt des personnes se prêtant à une recherche clinique prime toujours sur ceux de la science et de la société. Dans ce domaine, nous sommes passés d’un extrême à l’autre, des abus de l’expérimentation humaine à des dispositions où même ceux qui acceptent de prendre des risques de manière informée pour le bien commun n’ont pas le droit le faire. Par ailleurs cette législation extrêmement lourde ne nuit pas à certains intérêts privés. Seules les grandes sociétés pharmaceutiques sont capables de réaliser les tests et de rémunérer les juristes et personnels administratifs coûteux et chronophages. Les petits concurrents sont donc éliminés (ou absorbés), quelle que soit la valeur de leurs idées.

Enfin, il faut faire remarquer que, pour des personnes gravement malades à l’hôpital à qui on propose un traitement expérimental, quoi qu’il arrive, le consentement éclairé se résume au mieux à « Nous vous proposons un traitement pour lequel nous pensions que vous avez plus de chances de survie (ou d’amélioration). Vous êtes libres de courir cette chance ou d’augmenter vos risques de mourir ». Comme le patient  restera quand même dans le même établissement s’il refuse, même si le médecin est de parfaite bonne foi, cela limite le caractère « libre ».

Question de brevets et intérêts financiers (exemple belge)

En 2018, 162 demandes de brevets pour des médicaments et/ou vaccins ont été introduites en Belgique (+ 30 % par rapport à 2017), 507 nouvelles études cliniques ont été démarrées et 1.399 études de médicaments ont été menées. L’an passé, près de 3,6 milliards ont été investis dans la recherche en Belgique par les entreprises (bio)pharmaceutiques.

Trois essais cliniques sur quatre (77 %) sont organisés et financés par les entreprises (bio)pharmaceutiques elles-mêmes. Les 23 % restants sont effectués à l’initiative du secteur académique ou public. Cette proportion de financement privé est l’une des plus élevées en Europe. Les investissements publics directs pour la santé sont faibles. Les aides fiscales, sociales et autres permettant la privatisation de la recherche sont nombreuses.

Et les conséquences pour les recherches de longévité ?

Mesurer l’impact de thérapies pour des personnes âgées est complexe. Obtenir leur consentement « éclairé » est bien souvent impossible, notamment pour la lutte contre les maladies neurodégénératives.

Effectuer des tests cliniques pour lutter contre le vieillissement sera difficile notamment parce que des décès ou accidents lors de tests cliniques inspirent des craintes. Or, par définition, avec ou sans traitement, la mortalité et la morbidité seront plus élevées chez des sujets âgés.

Pourtant, comme nous l’avons vu pour les recherches relatives à la Covid, permettre une vie plus longue des personnes les plus âgées et les plus fragiles peut devenir une priorité presque absolue, même à un coût économique considérable. La confiance est globalement plus grande lorsque les recherches sont effectuées par des organisations sans but lucratif (publiques ou non), menant à des résultats de recherches pouvant bénéficier à tous, sans implication commerciale.

Il existe des millions d’hommes et de femmes jeunes, âgés, très âgés qui sont prêts à donner leur consentement éclairé (ou qui y étaient prêts lorsqu’ils étaient encore pleinement conscients) pour des progrès de longévité en bonne santé, même s’ils ne sont pas certains d’en bénéficier directement. De toute façon, en cas de traitement expérimental, ces personnes bénéficieront d’un suivi très détaillé, ce qui sera déjà presque toujours favorable à leur santé.


La bonne nouvelle du mois : Progressions pour les traitements de la Covid-19


Dans plusieurs pays dont la France et plus encore la Belgique, la mortalité globale de 2020 sera malheureusement supérieure à celle de 2019.

Heureusement, en cette fin d’année, les gigantesques efforts pour la recherche de vaccins permettent maintenant à des produits d’être utilisés non plus en phase test, mais sur la population générale, avec une efficacité forte annoncée et peu d’effets secondaires. Parmi les plus de 300 vaccins en développement dans le monde, trois sont déjà administrés à la population générale (deux en Chine et un en Russie) et trois approchent de ce stade pour le reste du monde (vaccins de consortia comprenant respectivement Pfizer, AstraZeneca et Moderna).

Nul doute que des discussions complexes s’annoncent à propos des choix, des prix ou des oppositions antivaccinales. Pour en arriver au stade où nous en sommes aujourd’hui, le chemin a pu paraître long. Cependant l’épidémie a moins d’un an. Jamais un vaccin contre un virus de la famille des coronavirus n’avait été réalisé avant celui-ci. Le développement d’un vaccin nouveau prend normalement des années.

Au rayon des nouvelles positives plus « incrémentales », grâce à la meilleure connaissance de la maladie et des thérapies, notamment pour les soins intensifs, la mortalité a diminué assez lentement, mais régulièrement pour les patients atteints.


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