Quand la vie suspend son vol. La mort de la mort. Décembre 2018. N° 117.

La mort des individus est la façon dont les espèces s’adaptent aux changements de l’environnement, grâce à la sélection naturelle. Lorsque l’humanité aura totalement pris en charge son environnement, la mort n’aura plus les mêmes raisons d’être. À cause de l’effet Baldwin, la sélection naturelle continuera encore à agir sur les gènes. Elle favorisera la longévité. Celle-ci continuera donc à augmenter régulièrement. Extrait de « thermodynamique de l’évolution » de François Roddier.


Thème du mois :  dormances, hibernations … et autres vies naturellement au ralenti


Les organismes cellulaires vivent, se reproduisent et meurent depuis des centaines de millions d’années. Des centaines de millions de cycles de vie se sont succédé. La vie, telle que nous la concevons de manière intuitive est un ensemble de mécanismes complexes par lesquels chaque entité conserve son intégrité, maintient son métabolisme,  moyennant des échanges multiples et abondants avec le monde extérieur.

Mais chez de nombreuses espèces vivantes, dans certaines circonstances, la vie « suspend son vol ». Autrement dit, le métabolisme se ralentit considérablement.

Cette lettre détaillera les principales catégories de vies « naturelles » au ralenti, à l’exception du sommeil. Ce mode fascinant de vie au ralenti que nous expérimentons chaque nuit a été abordé dans une lettre de janvier 2016.

Hibernation et dormances

L’hibernation est le cas le plus connu de vie ralentie. Pendant la saison froide, certains mammifères, dont les marmottes ainsi qu’une espèce d’oiseau (l’engoulevent), se réfugient sous terre ou dans des anfractuosités et vivent avec un métabolisme extrêmement lent : température corporelle à un ou deux degrés, rythme cardiaque de quelques battements par minute …

En ce qui concerne les vertébrés poïkilothermes (à sang froid), un phénomène similaire est appelé brumation. La grenouille des bois peut même survivre partiellement gelée. Pour les insectes, le mécanisme similaire à l’hibernation est appelé diapause.

Enfin, comme chacun sait, de nombreuses plantes perdent leurs feuilles en hiver (ou à la saison sèche). Le terme technique est plante décidue et la période d’activité ralentie est appelée dormance.

Graines et semences

C’est une vie tellement « au ralenti » que nous ne le considérons généralement pas comme de la vie. Dans des circonstances ordinaires, pour les plantes vivant dans des zones connaissant différentes saisons, une graine va avoir un métabolisme quasiment inexistant durant la période défavorable à la croissance.

Le terme dormance est ici aussi utilisé. En temps ordinaire, la dormance ne dure que quelques mois et la plante « naît » à la belle saison. Mais si les conditions de germination ne sont pas réunies alors que les conditions de conservation sont bonnes, certaines graines peuvent rester fertiles durant des siècles et même des millénaires. Des graines d’un dattier retrouvées dans la forteresse de Massada en Israël ont germé après deux millénaires.

Spores

Une spore est une entité minuscule généralement constituée d’une seule cellule qui peut donner naissance à un organisme. De nombreuses algues, champignons, protozoaires et plantes produisent des spores.

Dans des conditions de conservation idéales, une spore peut produire un organisme après des milliers d’années. Il semble même que les spores de bactéries puissent se maintenir à l’intérieur de roches pendant des millions d’années. Le record serait de 240 millions d’années. Ceci n’est cependant pas certain. S’agissant de formes de vie dormante d’une extrême résistance, il se pourrait que les spores soient arrivées par « contamination » lors de l’examen des roches.

Vie souterraine

Selon une déclaration toute récente du Deep Carbon Observatory, une vie microbienne presque inanimée de « zombie » se maintient pendant des millénaires à une grande profondeur (jusque 2 kilomètres sous terre). La biomasse totale excéderait largement le poids des humains. Moins profond, dans le permafrost sibérien, des nématodes ont pu être « réanimés » après 40.000 années.

Mais cela n’est pas transposable à l’humain

Tout ceci nous rappelle combien les êtres vivants sont souvent plus résistants que les humains et combien la mort de vieillissement n’est pas un phénomène universel. L’étude des mécanismes de ces longévités ne nous donnera pas un mode d’emploi direct pour une vie humaine plus longue, mais peut nous éclairer pour nous permettre un jour plus de résilience.


La nouvelle du mois : Jeanne Calment a-t-elle vécu 122 ans ?


Le petit monde des spécialistes de la longévité extrême est agité par une controverse. Certains affirment que Jeanne Calment décédée en 1997 était un imposteur. Officiellement, sa fille Yvonne serait décédée à 35 ans quand Jeanne avait une soixantaine d’années mais certains pensent qu’en fait, il y a eu substitution de la mère et de la fille. La personne connue comme Jeanne Calment serait dans ce cas décédée peu avant d’avoir atteint 100 ans.

A l’appui de cette thèse :

  • Il n’y avait pas dans la famille Calment d’autres centenaires. Or, la dimension génétique est importante chez les supercentenaires.
  • L’âge supposé atteint par Jeanne Calment était et est toujours totalement atypique (plus de 2 ans de plus que la seconde personne ayant vécu le plus longtemps).
  • Jeanne Calment était riche et il y avait donc un avantage notamment pour éviter les droits de succession à cacher son décès. Jeanne Calment est aussi restée célèbre pour avoir conclu un contrat viager. Ce type de contrat est rare, mais s’expliquerait en cas de fausse déclaration.

Par contre :

  • Le cas de Jeanne Calment est abondamment documenté. En cas de fraude, au moins le mari de Jeanne Calment aurait dû être au courant de même presque certainement que d’autres membres de la famille et des proches.
  • Il apparait peu probable qu’Yvonne Calment, qui se serait fait passer pour Jeanne Calment, ait pu mentir (ou éventuellement après un temps se mentir à elle-même) durant plus de 60 ans sans erreur détectée malgré ses très nombreux contacts notamment avec des journalistes.
  • Celui qui devait recevoir les biens de Jeanne Calment à son décès aurait eu tout avantage à dénoncer la fraude car il aurait pu faire annuler le viager. Au décès de ce notaire, la veuve qui continuait à payer y aurait eu également avantage.

Donc, il y a de bonnes raisons de douter dans les deux cas. Il serait utile pour la science d’analyser l’ADN de la personne enterrée en 1997 (en comparant avec l’ADN de membres de la famille). Si Jeanne Calment a vécu 122 ans, nous aurons des éléments génétiques extrêmement utiles à déchiffrer et, si ce n’est pas le cas, nous saurons que les supercentenaires sont un phénomène encore plus rare que ce que nous pensons aujourd’hui.

Malheureusement, les recherches pour la longévité ne sont pas encore perçues comme suffisamment importantes. Il est plus aisé d’examiner l’ADN de familles royales que celui de présumés supercentenaires.


Pour en savoir plus :