Tag Archives: featured

Lettre mensuelle de Heales. La mort de la mort. N°160. Juillet 2022. La nanomédecine et la longévité

Voyez-vous la longévité en médecine comme une question bipartisane et pensez-vous donc qu’elle puisse rester ainsi ? (…)

(…) Oui, malgré l’opposition entre la législation sur les soins de santé et l’assurance maladie en général, qui tend à être, je dirais, une question politiquement neutre. Personne n’est à l’abri du vieillissement et des maladies chroniques qui se développent, donc ces questions ont un impact sur tout le monde, il y a là un certain ordre d’équité et parfois une équité malvenue.

Il existe un large soutien pour des avancées dans ce domaine. Les sondages que vous avez réalisés plus tôt cette année le montrent. Je pense que 73 % des personnes interrogées estiment que la durée de vie humaine devrait continuer à augmenter si les progrès de la médecine et de la technologie le permettent. Une forte majorité approuve également la recherche sur les causes du vieillissement cellulaire afin de mieux traiter les maladies chroniques.

Paul Tonko, membre du Congrès du 20e district de New York, A4LI Policy Discussion, 29 juin 2022.


Thème du mois : La nanomédecine et la longévité


Les nanosciences et les nanotechnologies (NST) peuvent être décrites comme l’ensemble des recherches et des procédures de fabrication et de manipulation de structures physiques, chimiques ou biologiques, de dispositifs matériels et de systèmes à l’échelle nanométrique.

L’initiative nationale sur les nanotechnologies la définit comme la manipulation de la matière avec au moins une dimension de 1 à 100 nanomètres.

Nanomédecine

La nanomédecine est l’application des nanotechnologies dans le domaine de la médecine. Le terme est apparu en 1999 avec une première mention par le scientifique américain Robert A. Freitas Jr. dans son livre Nanomedicine : basic capabilities.

Bien que la nanomédecine en soit encore à son stade de base, certaines applications ont été réalisées dans la pratique médicale, parmi lesquelles on peut citer : les biocapteurs, des médicaments, des outils de diagnostic, la thérapie génique, le développement de nanocapsules pour aider au traitement du cancer, les nanorobots

Applications et utilisations de la nanomédecine dans le domaine médical et la recherche sur le vieillissement

Nano-biocapteurs

Notre corps est une somme de processus biologiques et biochimiques. Le processus de vieillissement est fait d’une détérioration et d’un dé réglage de ces mécanismes. Cependant, il est difficile d’analyser les données biologiques comme un signal électrique.

Les progrès récents de la technologie de biofabrication pourraient permettre aux capteurs d’atteindre la haute sensibilité spatiale requise et nous rapprocher de la réalisation de dispositifs dotés d’un tel potentiel, ce qui serait réellement bénéfique pour le diagnostic médical. Les nanobio capteurs pourraient donc atteindre une telle capacité.

Un biocapteur est un dispositif d’analyse qui incorpore un élément biologiquement actif avec un transducteur physique approprié pour générer un signal mesurable proportionnel à la concentration d’espèces chimiques dans un échantillon. Un tel dispositif est idéalement capable d’une réponse continue et réversible et ne doit pas être nocif pour l’échantillon utilisé. Le terme « nanocapteur » désigne un système dans lequel au moins une des nanostructures est utilisée pour détecter des gaz, des produits chimiques, des agents biologiques, des champs électriques, de la lumière, de la chaleur, etc. Les nanobio capteurs sont des capteurs dans lesquels les détecteurs sont des éléments biologiques...

Les nanobio capteurs sont des dispositifs conçus pour détecter un analyte biologique spécifique en convertissant une entité biologique (protéine, ADN, ARN) en un signal électrique qui peut être détecté et analysé.

Les nanocapteurs peuvent être considérés comme des machines de laboratoire sophistiquées capables de mesurer rapidement, précisément et facilement des interactions biologiques complexes.

Leur potentiel a été utilisé pour la détection rapide des maladies auto-immunes, ce qui pourrait prévenir de manière significative les dommages tissulaires irréversibles et améliorer la qualité de vie de ces patients. Comme on le sait également, la biologie de la sénescence cellulaire est l’un des thèmes importants de la recherche sur le vieillissement. L’utilisation de biocapteurs pour mesurer et surveiller les cellules vivantes individuelles pourrait simplifier l’étude de ces dernières et être utile pour la recherche sur la sénescence cellulaire.

D’autres caractéristiques des biocapteurs sont d’être capables de distinguer plusieurs analytes dans un seul échantillon et de détecter des analytes en solution à de très faibles concentrations.

Une autre utilisation des biocapteurs au niveau moléculaire est celle des nanocapteurs d’ADN qui fournissent des outils puissants pour la détermination rapide et sensible des agents pathogènes, des maladies, des troubles génétiques, du dépistage des médicaments et d’autres applications de diagnostic in vitro. Ils permettent un diagnostic précoce, avant même l’apparition de symptômes cliniques.

Nanotechnologie et thérapie génique dans la recherche sur le vieillissement

Diverses études anti-âge sur des modèles montrent que la thérapie génique a été utile pour prolonger la durée de vie d’un organisme. Diverses interventions génétiques, notamment la mutation, le knock-out et la surexpression, ont permis de prolonger la durée de vie de certains animaux. 

Mais parlons maintenant de la thérapie génique chez l’homme, de l’influence des nanotechnologies sur celle-ci et de la manière dont elle peut bénéficier à la recherche sur le vieillissement.

La thérapie génique consiste à modifier génétiquement des gènes à des fins thérapeutiques. Initialement, la thérapie génique était destinée à remplacer un gène pathogène dans les maladies monogéniques, c’est-à-dire celles liées au dysfonctionnement d’un seul gène. Elle consistait à délivrer aux cellules un gène sain capable de remplacer le gène malade. Avec les nouvelles avancées, d’autres applications sont apparues comme l’inactivation ou l’élimination ou la réparation d’un gène pathogène qui ne fonctionne pas correctement. Elle peut être réalisée directement dans le corps humain (in vivo) ou les cellules peuvent être génétiquement modifiées en laboratoire puis réinjectées au patient (ex-vivo).

Il existe différents types de produits de thérapie génique, notamment les suivants : ADN plasmidique ; vecteurs viraux ; vecteurs bactériens ; technologie d’édition du génome ; produits de thérapie génique cellulaire dérivés de patients.

La nanotechnologie a fait progresser la thérapie génique grâce au développement de nanoparticules comme vecteurs de thérapie génique. Des nanoparticules composées de polymères artificiels, de protéines, de polysaccharides et de lipides ont été développées pour l’administration de séquences thérapeutiques d’acide désoxyribonucléique (ADN) ou d’acide ribonucléique (ARN) pour cibler le cancer.

En principe, des nanoparticules biodégradables ont été utilisées comme capsules pour délivrer des gènes dans les cellules cancéreuses. Même avec ces nanoparticules, le déplacement de l’ADN de la membrane cytoplasmique des cellules vers le noyau reste l’un des principaux obstacles à la thérapie génique. Cependant, la mise en œuvre de nanoparticules comme vecteurs de thérapie génique est l’une des technologies les plus en vue dans la recherche biomédicale en raison de la facilité et de la simplicité de leur synthèse et de leur fonctionnalisation avec plusieurs composants, de leur faible immunogénicité et toxicité. Leur succès dans le traitement du cancer est bien connu. Ils devraient être développés et utilisés dans la recherche sur le vieillissement.

Les nanocapsules dans le traitement du cancer

Comme mentionné précédemment, l’utilisation de nanoparticules a été cruciale pour la thérapie génique, et encore plus utile pour la thérapie génique sur les cellules cancéreuses. Dans le domaine des nanotechnologies, les nanoparticules ne sont pas seulement utilisées pour modifier les gènes des cellules cancéreuses, mais aussi pour délivrer des médicaments dans ces cellules.

Techniquement, les nanoparticules sont équipées de nanocarriers qui guident les particules ultrafines vers les cellules tumorales. Les nanoparticules ciblant les cellules tumorales ne sont absorbées que par ces dernières, où elles libèrent leur effet médicinal pour les éliminer. Pour la qualité mentionnée dans le paragraphe précédent, les nanoparticules sont en fait bénéfiques aux cellules, car elles agissent précisément sur une cellule spécifique sans endommager les tissus environnants. La FDA a d’ailleurs approuvé l’utilisation de médicaments de thérapie génique et de thérapie cellulaire dans le traitement de certains cancers.

Nanorobots

Un nanorobot ou nanobot est un robot dont les composants sont à une échelle nanométrique (10-9 mètres). En général, la taille des nanorobots se situe entre 1 et 100 nm.

Les nanorobots peuvent être utilisés très activement en médecine pour le diagnostic préalable et l’administration ciblée de médicaments contre le cancer, la chirurgie, la pharmacocinétique, le suivi du diabète et l’instrumentation biomédicale.

Une autre application utile des nanorobots est de coopérer à la réparation des cellules des tissus après une blessure, en travaillant avec les globules blancs et les cellules inflammatoires.

D’autres fonctions des nanorobots sont :

  • Détection de bactéries
  • Détecter le cancer
  • Déterminer l’efficacité du médicament
  • Détecter des produits chimiques particuliers
  • Délivrer des médicaments anticancéreux
  • Dégager les vaisseaux sanguins obstrués
  • Servir d’anticorps
  • Nettoyer la pollution

L’administration précise de médicaments et les faibles effets secondaires sont quelques-uns des avantages des nanorobots. Le coût élevé de la production est l’un de ses inconvénients.

Conclusion

Nous vivons une époque COVID difficile. Nous n’utilisons pas suffisamment les nanotechnologies pour vaincre cette maladie et nous régressons dans certaines dimensions de la santé (voir ci-dessous).

Mais nous sommes dans une ère de nouvelles découvertes avec de nouvelles technologies. Des scientifiques comme Eric Drexler, Richard Feynman, Robert Freitas, ont cru aux progrès des nanotechnologies et aux bénéfices de ces avancées pour le monde. La recherche contre le vieillissement pourrait également bénéficier d’une avancée catapultée avec ces nouvelles technologies. 

Aujourd’hui, les nanoparticules font déjà l’objet de multiples utilisations dans différentes branches de la science médicale. Elles ont été analysées pour différentes applications cliniques, telles que les transporteurs de médicaments, la thérapie génique dans les tumeurs, les agents de contraste en imagerie et les dispositifs de diagnostic capables de transformer les données biologiques en données électriques mesurables. Les risques et les avantages doivent encore être étudiés, mais les avancées scientifiques des nanotechnologies pourraient être d’une aide cruciale dans le monde médical.


La mauvaise nouvelle du mois


La diminution désastreuse de l’espérance de vie au niveau mondial en 2020 et 2021 a été récemment confirmée par les Nations unies dans un document intitulé World Population Prospects 2022: 

L’espérance de vie mondiale à la naissance est tombée à 71,0 ans en 2021, contre 72,8 en 2019, en raison principalement de l’impact de la pandémie de coronavirus (COVID-19). (…) En Asie centrale et du Sud et en Amérique latine et dans les Caraïbes, l’espérance de vie à la naissance a diminué de près de trois ans entre 2019 et 2021. (…) Pour la Bolivie (…), le Botswana, le Liban, le Mexique, Oman et la Fédération de Russie, les estimations de l’espérance de vie à la naissance ont diminué de plus de 4 ans entre 2019 et 2021.

Les technologies de la santé progressent encore dans le monde entier. Cependant, nous avons besoin de toute urgence d’une plus grande utilisation de ces technologies de la santé, d’autorités sanitaires plus fiables, d’une plus grande utilisation du big data pour la longévité et la résilience afin que le progrès technologique en matière de santé crée à nouveau une augmentation mondiale de l’espérance de vie en bonne santé.

Autres nouvelles scientifiques en juin et juillet de Heales.


Pour plus d’informations

Lettre mensuelle de Heales. La mort de la mort. N°159. Juin 2022. Système immunitaire et longévité

Il est toujours bon d’avoir des rêves, même s’ils ne se réalisent jamais. Nous sommes à des années-lumière de parvenir à ce que le vieillissement ne soit plus une fatalité. Depuis peu, ce domaine reçoit des flots de capitaux privés. Pour moi, c’est une bonne chose, car tout le monde en profitera. Si ces entreprises effectuent réellement des découvertes clés, cela bénéficiera à l’ensemble de la société.

Pensez-vous que tout le monde en profitera de la même manière ? J’en suis convaincue. Vous ne pouvez pas limiter certaines avancées pour qu’elles ne profitent qu’à un cercle restreint de privilégiés. Elles finissent toujours par se démocratiser et profiter à tous. Il y a une limite, cependant. Si c’est une solution très chère, elle mettra davantage de temps à parvenir au commun des mortels. Mais il est possible de découvrir quelque chose de réellement efficace contre le vieillissement et d’accessible. Plus on consacre d’argent à la recherche dans ce domaine, mieux cela vaut pour tout le monde.

Vera Gorbunova, biologiste américaine, Le Soir (quotidien francophone belge), 29 mai 2022.


Thème du mois: Système immunitaire et longévité


Définition

Le système immunitaire d’un organisme est un système biologique responsable de mécanismes de défenses qui permettent de lutter contre les agressions.

Le système immunitaire est extraordinairement efficace, mais aussi extraordinairement complexe. Il est hérité à la naissance, dans un état de vigilance ou inactif, et évolue en fonction des contacts qu’il a avec des agents pathogènes (bactéries, virus, parasites…) ou des substances étrangères au corps (poison, greffe…).

Les organes du système immunitaire s’appellent des organes lymphoïdes, ils sont présents partout dans le corps et comprennent la moelle osseuse, les ganglions, la rate, les amygdales et le thymus.

Ils ont pour rôle de produire les cellules de l’immunité, mais aussi d’éduquer ces cellules à reconnaître des substances qui font partie de l’organisme (=le soi) et les substances étrangères (=le non-soi). Cette éducation commence dès le développement de l’embryon et décroît en intensité avec l’âge, laissant des cellules qui ont été moins bien éduquées (=l’immuno-sénescence). 

Les principaux mécanismes de défenses immunitaires: Comment cela fonctionne-t-il?

L’inflammation est la réaction du système immunitaire, face à une agression qui peut être externe (infection, brûlure, allergie, etc.) ou interne (cellules cancéreuses) des tissus. Face à ces agressions, le système immunitaire va être activé. On parle alors de réponse immunitaire. Cette activation est favorisée et amplifiée par la production de messagers (les interleukines ou les cytokines).

La réponse immunitaire est de deux types, l’immunité innée, médiée par les globules blancs (polynucléaires et macrophages), et l’immunité adaptative, médiée par les lymphocytes T et B.

Il s’agit d’un mécanisme permettant la défense de l’organisme contre des agents infectieux de façon immédiate car elle ne nécessite pas de division cellulaire. Ces cellules ont la capacité de reconnaître de manière non spécifique les intrus. Par exemple, certains globules blancs comme les granulocytes et les macrophages éliminent instantanément l’intrus en le digérant afin d’empêcher sa diffusion. Lorsque l’infection n’est pas contenue localement, des globules blancs spécialisés appelés lymphocytes vont venir digérer une seconde fois l’agent pathogène.

Il s’agit d’un mécanisme dans lequel des lymphocytes T et des lymphocytes B sont éduqués dès les premières années de la vie pour reconnaître les cellules du “soi” et du “non-soi”. Ils fonctionnent de 2 façons:

  • Soit par un contact cellulaire direct qui conduit à la destruction de la cellule du “non-soi” (= la cytotoxicité cellulaire) qui est réalisée par les lymphocytes T.
  • Soit par la production d’anticorps réalisés par les lymphocytes B  qui vont également reconnaître de façon spécifique les molécules étrangères du “non-soi”.

Les pathologies du système immunitaire

Soit le système immunitaire est trop faible: on parle d’immunodéficience. Ce déficit peut être génétique, acquis par des maladies (ex: l’infection HIV) ou par des traitements (ex: les immunosuppresseurs) qui vont diminuer les défenses immunitaires.

Soit le système immunitaire est trop fort: on parle de maladies auto-immunes. Lors de celles-ci, le système immunitaire s’attaque aux cellules “du soi”. Parmi ces maladies il y a la sclérose en plaques, le diabète, la maladie de Crohn. Mais également l’inflammation chronique appelée l’inflammaging qui se développe avec l’âge et en absence d’infection. Il semblerait que l’inflammation est causée par une perte de contrôle de l’inflammation systémique entraînant une surstimulation chronique du système immunitaire inné.

Des affections qui s’aggravent considérablement avec le vieillissement

Il a souvent été expliqué dans les lettres mensuelles de Heales que les trois principales causes de morbidité et de mortalité sont les maladies cardio-vasculaires, les cancers et les maladies neurodégénératives. Mais les déficiences du système immunitaire jouent également un rôle majeur par l’augmentation des maladies infectieuses,  la progression des maladies auto-immunes et le phénomène appelé « l’inflammaging ».

La morbidité et la mortalité ne sont généralement pas dues à une seule cause. Les maladies, les défenses somatiques et les moyens thérapeutiques vont généralement affaiblir progressivement notre corps, particulièrement le système immunitaire. La petite phrase « Tout ce qui ne tue pas rend plus fort » est parfois vraie (par exemple, le système immunitaire peut ressortir renforcé), mais malheureusement souvent fausse (par exemple, le système immunitaire peut s’épuiser ou se dérégler).

Croissance des maladies infectieuses avec l’âge

Du fait de la diminution de l’efficacité du système immunitaire, la plupart des maladies infectieuses sont de plus en plus dangereuses au fil des ans. Ainsi, chaque année, les épidémies de grippe font de nombreuses victimes. Les personnes âgées sont également beaucoup plus sensibles aux maladies nosocomiales. De plus, particulièrement dans les pays riches, la résistance bactérienne aux antibiotiques concerne particulièrement les individus, ayant absorbé beaucoup de médicaments par le passé.

Enfin, le Covid touche bien sûr particulièrement les personnes âgées. Pour cette maladie comme pour les autres maladies infectieuses, la mortalité n’est pas causée principalement parce qu’elles sont plus touchées. La mortalité très supérieure est causée par des mécanismes immunitaires déficients, un état global affaibli et une réponse positive moindre aux thérapies.

Croissance des maladies auto-immunes avec l’âge

Les maladies auto-immunes ne sont pas toujours liées à l’âge. Mais la mortalité causée par ces maladies touche principalement des personnes qui ne sont plus jeunes.

Lors d’une maladie auto-immune, le système immunitaire s’attaque à l’organisme lui-même (le « soi », d’où la racine auto). Plus précisément, les maladies auto-immunes s’attaquent soit à un organe spécifique (par exemple les maladies auto-immunes de la thyroïde), soit à plusieurs organes (par exemple le lupus).

L’inflammaging

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une inflammation excessive liée à l’âge. Comme déjà indiqué, l’inflammation à la base est un mécanisme normal et utile de réaction contre des agressions internes ou externes. Mais dans l’inflammaging, les mécanismes se produisent ou se poursuivent et deviennent nuisibles à l’organisme.

Le mécanisme d’emballement d’une réaction au départ utile a été particulièrement observé ces deux dernières années dans le cadre du Covid, avec notamment ce qui a été appelé les « tempêtes de cytokines« .

Perspectives thérapeutiques
En fait, toute recherche relative à la vaccination est une recherche relative au système immunitaire.

Les recherches pour la conservation et le rétablissement du système immunitaire sont nombreuses. Les plus intéressantes sont celles qui visent à « apprendre » au système immunitaire à s’attaquer mieux et plus à tout ce qui nuit à l’organisme, notamment limmunothérapie et plus particulièrement limmunothérapie contre certaines formes de cancer.

Une des expériences les plus prometteuses, mais jusqu’ici à petite échelle, a permis au scientifique Greg Fahy de renforcer le thymus, et par là le système immunitaire de volontaires sains âgés.


La bonne nouvelle du mois : Hevolution, un milliard de dollars par an contre les maladies liées au vieillissement


La presse mondiale s’est abondamment fait l’écho des projets d’Hevolution. 

Cette fondation a un objectif longévitiste et universaliste affirmé: « Nous pensons que chaque être humain a le droit de vivre plus longtemps et en meilleure santé » est mentionné en anglais sur la page d’accueil. Il semble que grâce à la fondation, le projet TAME qui a pour but de vérifier l’efficacité de la metformine sur des humains va (enfin) être lancé bientôt.

Ce n’est pas la première grande organisation à annoncer des recherches de longévité portant sur des centaines de millions de dollars ou d’euros (Google Calico et Altos Labs l’ont précédés). Mais c’est la première organisation de ce type avec des capitaux (semi) publics. C’est, en effet, un décret royal de l’Arabie Saoudite qui est à l’origine de cette organisation.

Bien sûr, l’Arabie Saoudite n’est pas le lieu que choisiraient prioritairement la plupart des chercheurs et décideurs longévitistes, mais des chercheurs renommés comme Nir Barzilai sont déjà impliqués.


Pour plus d’information

Lettre mensuelle de Heales. La mort de la mort. N°158. Mai 2022. Bonheur et longévité.

Tout homme désire vivre longtemps, mais aucun homme ne souhaite être vieux. Jonathan Swift, prêtre, écrivain, 1726 (Les voyages de Gulliver: voyages dans plusieurs nations reculées du monde)


Thème du mois: Bonheur et longévité


Introduction

La lettre de ce mois-ci ne traite que des améliorations modérées de la longévité grâce à nos façons de profiter de la vie. Les lecteurs réguliers de cette lettre d’information savent que seuls des progrès scientifiques médicaux radicaux pourraient rendre possible une durée de vie bien supérieure à nos limites biologiques. Mais, tout en travaillant à cet objectif à long terme, trouver des moyens de vivre un peu plus longtemps et plus heureux, pourquoi pas ?

Les auteurs décrivent différemment ce qu’est le bonheur et sa définition est largement subjective. Chaque personne a sa propre perception du bonheur. 

En psychologie, il existe deux conceptions populaires du bonheur: hédonique et eudémonique. Le bonheur hédoniste est atteint par des expériences de plaisir et de jouissance, tandis que le bonheur eudémonique est atteint par des expériences de sens et de but.

D’autre part, de nombreuses études de psychologie comportementale font apparaître que chaque individu fluctue autour d’un gradient de bonheur qui connaît un maximum, un minimum et une zone d’équilibre. C’est la théorie dite du hedonic treadmill (ou adaptation hédonique). Quels que soient les événements heureux ou malheureux que nous connaissons, nous aurions tendance à revenir autour de ce point d’équilibre. La question se pose alors de savoir si nous pourrions élever ce gradient de bonheur, éventuellement par la technique, et si l’élever pourrait avoir un impact sur la longévité.

Une revue systématique, publiée en 2014 dans l’Iran Journal Public Health, conclut que le bonheur a une signification complexe et se compose de plusieurs facteurs, qui peuvent être divisés en deux dimensions: endogène (sous-facteurs biologiques, cognitifs, de personnalité et éthiques) et exogène (sous-facteurs comportementaux, socioculturels, économiques, géographiques, événements de vie et esthétiques).

L’optimisation du bonheur est un objectif sociétal souhaitable en soi. S’il contribue à prolonger une vie en bonne santé, c’est une raison de plus pour y porter notre attention. Voyons, à travers un aperçu de certains travaux de recherche, comment le sentiment de bien-être et de bonheur peut influencer notre longévité.

Bonheur et santé physique

De nombreuses enquêtes étudient l’association entre la santé physique et le bonheur et, inversement, d’autres recherches étudient la relation entre la maladie physique (hypertension…) et le bonheur.

L’étude de la littérature nous apprend que la relation entre la santé physique et le bien-être est bidirectionnelle. Le bien-être peut être un facteur de protection dans le maintien de la santé, et, à l’inverse, une détérioration de la santé peut entraîner une détérioration du bien-être.  Les personnes âgées souffrant de certaines maladies telles que les maladies coronariennes, l’arthrite… présentent à la fois des niveaux accrus d’humeur dépressive et une altération du bien-être hédonique et eudémonique.

Dans une analyse de l’étude longitudinale anglaise sur le vieillissement, le bien-être eudémonique était associé à une survie accrue. Les personnes du quartile de bien-être le plus bas sont décédées dans un pourcentage plus élevé au cours de la période de suivi moyenne de 8,5 ans, par rapport aux personnes du quartile de bien-être le plus haut. D’autres données montrent une association entre le bien-être global, hédonique et eudémonique et un vieillissement réussi. Des niveaux élevés de bien-être subjectif peuvent également favoriser la santé physique et la longévité.

Bonheur et risque de décès

Une étude menée auprès d’adultes aux États-Unis conclut que le bonheur est lié à une vie plus longue chez eux. Par rapport aux personnes très heureuses, le risque de décès pendant la période de suivi est supérieur de 6% chez les personnes plutôt heureuses et de 14% chez celles qui ne le sont pas, après déduction de l’influence de l’état civil, du statut socio-économique, de la division du recensement et de la pratique religieuse. Une conclusion similaire a été tirée par une étude longitudinale anglaise sur le vieillissement, qui montre que le bien-être personnel est associé à des taux de survie plus élevés, même si cette relation peut varier selon les nations. Toutefois, dans quelle mesure cette relation est-elle différente dans d’autres pays ayant un statut économique différent ?

Une étude écologique qui a utilisé les données de 151 pays, a conclu qu’un meilleur sentiment de bien-être a une forte relation avec l’espérance de vie, indépendamment du statut économique ou de la taille de la population.

Sur la base de tous ces éléments, nous pouvons conclure que le bien-être a probablement un rôle protecteur dans la survie. Toutefois, compte tenu de l’aspect bidirectionnel de la relation décrite, il est particulièrement difficile de savoir si le fait d’essayer spécifiquement d’améliorer le bonheur peut réellement être positif pour la longévité en bonne santé. Il convient de noter que la difficulté de distinguer la cause de l’effet est commune à de nombreux aspects de la longévité. Par exemple, des études concluent que « l’exercice est bon pour la longévité ». Mais comme les personnes malades font moins d’exercice, cela ne prouve pas que l’exercice est bon en soi pour la longévité.

Bien-être psychologique et vieillissement réussi

Il n’est pas facile de définir ce qu’est un vieillissement réussi, et les chercheurs dans ce domaine ne s’entendent toujours pas. De nombreuses études affirment que le bien-être physique et psychosocial dans la vieillesse fait partie intégrante du bien vieillir. D’autres recherches doivent être menées mais, ce qui est presque certain, c’est que le malheur a un effet négatif sur la santé des gens et encore plus sur leur santé mentale. Dans une étude transversale comparant des personnes âgées japonaises et coréennes, on a constaté que la mauvaise santé physique était corrélée aux symptômes dépressifs dans les deux groupes. En fait, en psychologie, le bien-être psychologique est défini comme le niveau de bonheur/santé psychologique d’une personne, englobant la satisfaction de la vie et le sentiment d’accomplissement. Une étude asiatique conclut que les activités, politiques et programmes qui maintiennent ou améliorent le bonheur peuvent être bénéfiques pour une vie plus longue chez les personnes âgées. Cependant, la quantité de stress que nous accumulons progressivement en vieillissant, et l’incapacité à gérer les adversités de la vie et les situations stressantes peuvent avoir un effet négatif sur notre santé et notre qualité de vie à un âge avancé. En d’autres termes, notre capacité à faire face au stress est l’un des importants déterminants de la longévité et de la qualité de vie.

Le bonheur chez les personnes âgées

Le vieillissement heureux fait partie d’un vieillissement sain. Certaines caractéristiques telles que: l’affaiblissement cognitif, les maladies cardiovasculaires, la neuropathologie, la réduction des activités, les événements stressants de la vie et l’insomnie ont été considérées par les chercheurs comme la principale source de dépression et un facteur contribuant à « l’anti-bonheur » chez les personnes âgées. D’autre part, l’engagement, le sentiment de maîtrise, la régulation des émotions, un réseau social proche, le fait de savoir donner un sens à sa vie, sont considérés comme des facteurs de protection contre la dépression et des facteurs contribuant au bonheur chez les personnes âgées. Le bonheur est l’un des facteurs déterminants d’un vieillissement sain. Une étude récente publiée en 2020 a conclu que le bien-être était associé à l’âge. Voyons quelles sont les caractéristiques du bonheur chez les personnes âgées.

Vieillir signifie potentiellement:

  • Une meilleure compréhension de la vie
  • Une appréciation plus profonde de la valeur de la vie
  • Une sensation d’accomplissement et d’épanouissement
  • Une plus grande capacité à comprendre et à gérer les vicissitudes de la vie
  • Moins de pression et d’aspirations envers soi-même
  • Une meilleure appréciation du moment présent
  • Moins d’inquiétude pour l’avenir

Bien entendu, toutes ces caractéristiques sont associées à la présence des facteurs de protection que nous avons mentionnés précédemment.

Conclusion

Comme déjà mentionné, le bonheur ne joue qu’un rôle modéré pour améliorer la durée de vie. Il est cependant important d’explorer cette piste, pour autant que l’on garde les autres objectifs à l’esprit.

Ceci étant écrit, citons ces quatre raisons pour lesquelles la gérontologie devrait investir dans la recherche sur le bonheur, tirée d’un article d’Andrew Steptoe, de la revue Gerontology.

  • Le bonheur n’est pas simplement le miroir de la dépression, de l’anxiété ou de la détresse, mais il a des relations distinctes avec une série de résultats, et mérite donc des études en soi.
  • Le bonheur semble être un facteur de protection contre la morbidité et la mortalité ; bien que les études soient complexes et longues à réaliser, il est de plus en plus évident qu’un plus grand bonheur prédit une meilleure survie chez les personnes âgées, indépendamment des covariables, notamment l’état de santé et la dépression.
  • Le bonheur a de vastes ramifications à un âge avancé, car il est lié aux relations personnelles et sociales, à la prospérité économique, aux facteurs de risque biologiques, aux comportements de santé et à l’emploi du temps ainsi qu’à la santé. 
  • Le bonheur est malléable et peut potentiellement être modifié de manière à améliorer la santé et le bien-être des personnes âgées.

Les bonnes et les mauvaises nouvelles du mois


Après de nombreuses recherches sur les effets de la transfusion de substances de jeunes animaux à des animaux âgés, ces dernières semaines, certaines ont donné des résultats significatifs.

Des chercheurs ont montré que le transfert de microbiote fécal entre des souris jeunes et âgées inversait les caractéristiques du vieillissement de l’intestin, des yeux et du cerveau. Ils ont découvert que les profils de composition du microbiote et les espèces clés enrichies sont transférés avec succès par la transplantation de microbiote fécal (FMT) entre des souris jeunes et âgées et que la FMT module les profils des voies métaboliques qui en résultent. Le transfert de microbiote de donneurs âgés à des souris jeunes accélère l’inflammation du système nerveux central (SNC), l’inflammation rétinienne et la signalisation des cytokines associées à l’âge et favorise la perte de protéines fonctionnelles clés dans l’œil. À l’inverse, ces effets néfastes peuvent être inversés par le transfert de microbiote de donneurs jeunes.

Notre seconde bonne nouvelle est qu’il a été démontré que le liquide céphalo-rachidien (LCR) de jeunes souris peut améliorer la fonction de la mémoire chez les souris plus âgées. Une infusion directe de LCR de jeunes souris dans le cerveau améliore probablement la conductivité des neurones des souris vieillissantes, ce qui améliore le processus de création et de rappel des souvenirs. L’infusion d’une protéine isolée du LCR, le facteur de croissance des fibroblastes (FGF17), a également donné des résultats similaires pour restaurer la mémoire des souris âgées. En outre, l’administration aux souris d’un anticorps bloquant la fonction du FGF17 a altéré la capacité de mémorisation de ces rongeurs.

Passons maintenant aux bonnes nouvelles.

Le mois dernier, la lettre d’information mentionnait la très mauvaise nouvelle d’une diminution mondiale de l’espérance de vie en 2020 et 2021. Or, la Banque mondiale a publié d’autres données. Selon cette importante organisation, en 2020, il n’y aurait pas de diminution, mais seulement un statu quo concernant l’espérance de vie mondiale (précisément -0,01 %). Si cette étude est confirmée, la situation serait toujours mauvaise (en effet, c’est la première année sans croissance depuis 70 ans), mais moins qu’annoncé auparavant. Il est aussi à noter que, malgré toutes les statistiques et études, nous avons encore de grandes divergences d’analyse concernant l’impact du Covid-19, même pour l’information de base quant au nombre de morts.

Les autres nouvelles scientifiques de mai de Heales.


Pour plus d’information

Lettre mensuelle de Heales. La mort de la mort. N°157. Avril 2022. L’auto-expérimentation et la longévité.

“Je suis aussi heureux que l’on puisse laisser la science progresser, que l’on puisse lui donner les moyens de progresser. Parce que quand même, même s’il y a des risques, les progrès de la science, on leur doit beaucoup pour la qualité de notre vie et surtout le prolongement de l’espérance de notre vie. Et aussi longtemps que l’on n’est pas tout à fait certain de ce qui vient après, il faut souhaiter que la science continue de nous maintenir en vie et en bonne santé le plus longtemps possible ici-bas”.

Pierre-Yves Maillard, vice-président du Parti socialiste suisse, 2013.


Thème du mois: L’auto-expérimentation et la longévité


Introduction

La lenteur des progrès médicaux pour les thérapies pour une vie en bonne santé beaucoup plus longue a des multiples causes: lourdeurs, délais et coûts des réglementations, les brevets empêchant le partage des connaissances, l’interdiction de transparence due à des législations relatives à la vie privée, le manque de publication des résultats et d’expérimentation sur les personnes les plus âgées ainsi que le manque d’essais respectant rigoureusement les principes scientifiques dont celui du double aveugle. Cette lettre examine une partie des moyens d’accélérer ces recherches.

Définition

L’auto-expérimentation fait référence au cas particulier de la recherche dans laquelle le chercheur réalise l’expérience sur lui-même.

Également appelée recherche scientifique personnelle, l’auto-expérimentation est un exemple de science participative puisqu’elle peut également être menée par des patients ou des personnes intéressées par leur propre santé et leur bien-être, comme en même temps des sujets de recherche et des auto-expérimentateurs.

À noter qu’en plus de l’auto-expérimentation, pour obtenir des résultats plus rapides, certains réalisent ce qui est appelé « Human challenge study » ou « Challenge trials », c’est-à-dire des expérimentations impliquant l’exposition intentionnelle du sujet à la condition testée (ex: l’exposition volontaire à des maladies virales pour des essais de vaccins).

Historique

L’auto-expérimentation est pratiquée depuis des siècles. De nombreux scientifiques ont risqué leur propre santé pour permettre de faire avancer la médecine.

Parmi les pionniers de l’auto-expérimentation :

Plus récemment, l’auteur à succès Tim Ferriss se prétend être un auto-expérimentateur de l’extrême. Alexander Shulgin, un pharmacologue et chimiste américain. Il est connu pour la création de nouveaux produits chimiques psychoactifs. Il a consacré toute sa carrière à l’auto-expérimentation, publiant ses résultats dans des livres largement acclamés. Enfin, Josiah Zayner (The Odin company) est un célèbre biohacker qui a notamment en 2016 réalisé une transplantation de microbiome y compris une transplantation fécale, pour tenter de résoudre des problèmes de santé notamment gastro-intestinaux.

Le “Quantified Self” est un phénomène né aux USA dans les années 2000,  qui consiste à utiliser des outils connectés ou des applications mobiles dédiées à la santé afin de mesurer ses données personnelles, de les analyser et de les partager. Parmi les outils connectés, il y a les moniteurs d’activité physique (bracelets, montres, podomètres…), des enregistreurs de sommeils, des balances connectées ou encore des applications mobiles destinées à la santé des femmes (suivi des menstruations, grossesses…).

L’auto-expérimentation dans le domaine de la longévité

Liz Parrish, PDG de BioViva, est l’une des auto-expérimentatrices les plus connues. En 2015, elle s’est rendue en Colombie pour devenir la « patiente zéro » (= la 1ère personne à tester) de deux thérapies anti-âge. Celles-ci consistent en deux types d’injections: un inhibiteur de myostatine pour prévenir la perte musculaire liée à l’âge; et une thérapie génique sur la télomérase pour allonger les télomères.

Certaines personnes, le plus souvent autodidactes appelées des biohackers, s’engagent également dans la recherche pour la longévité en expérimentant sur eux-mêmes.

C’est notamment le cas de Ken Scott, un passionné de longévité de 78 ans qui a changé son mode de vie au cours des 10 dernières années. Tous les 3 mois, il s’injecte 1 cc d’exosomes amniotiques et du Dasatinib, un médicament anticancéreux qui aiderait à tuer les cellules sénescentes nocives du corps.

Pour ces expérimentateurs, les règles de la FDA qui régissent les essais cliniques les frustrent dans leur désir d’essayer de nouvelles technologies médicales. De plus, il y a aussi la question du coût et du temps. Une étude menée par la London School of Economics a révélé que le prix moyen de mise sur le marché d’un médicament était de 1,3 milliard de dollars. Et les recherches de BIO, ont révélé qu’il faut en moyenne 10,5 ans entre le moment où un médicament est en phase 1 d’un essai clinique, c’est-à-dire au stade de la première expérimentation sur des humains et le moment de l’approbation réglementaire.

Heureusement pour les biohackers, il existe de nombreux outils moins chers et plus faciles d’accès afin de mesurer leurs propres données médicales. Par exemple, InsideTracker, une société de suivi de la santé aux USA, propose une analyse complète pour 590 $ notamment via un test sur 43 biomarqueurs sanguins.

De plus, un des longévitistes les mieux informés, nommé Reason, a publié sur son site Fight Aging, des guides pratiques détaillés pour l’auto-expérimentation.

Conclusion

Les auto-expérimentations permettent des avancées médicales. Pour ce qui concerne le vieillissement, c’est particulièrement souhaitable parce que la plupart des essais « classiques » se font sur des sujets jeunes ou en très bonne santé. Alors que ce qui devrait être étudié, c’est d’abord l’effet sur des personnes âgées ou en santé déclinante.

Il est important que les évolutions législatives permettent voire favorisent ces recherches sans délai et sans exigence autre que la garantie de consentement véritablement libre (c’est-à-dire financièrement désintéressée) et informé.


Les bonnes nouvelles du mois mais aussi la mauvaise nouvelle du bilan mondial de l’épidémie de Covid-19.


Le nouveau livre de Jean-Marc Lemaître intitulé “Guérir la vieillesse” est sorti. “Et si la vieillesse était une maladie et qu’on pouvait en guérir ?” 

Une étude récemment publiée dans PLOS Medicine démontre que l’espérance de vie en bonne santé augmente (= le nombre d’années en bonne santé qu’une personne vit) et ce même pour les personnes atteintes de maladies chroniques courantes. Holly Bennett et les autres chercheurs ont voulu déterminer si cette prolongation de la vie implique une augmentation des années avec ou sans handicap. L’équipe a analysé les données de deux grandes études de population portant sur des personnes âgées de 65 ans ou plus en Angleterre.

Pour les hommes et les femmes atteints de troubles cognitifs, il y a  une augmentation du pourcentage d’années restantes passées en invalidité chez les hommes et les femmes.Mais globalement, le nombre moyen d’années d’espérance de vie sans incapacité a augmenté entre 1991 et 2011. Les femmes ont ainsi gagné 2,0 années et les hommes 3,7 ans. 

Mais à côté de ces bonnes nouvelles, il y a malheureusement une mauvaise nouvelle. Un bilan évaluant l’impact du Covid-19 sur l’espérance de vie a été réalisé par le chercheur américain P. Heuveline. Ce bilan est catastrophique. C’est la première baisse de l’espérance de vie dans le monde depuis 1950. Cela ne fut pas seulement le cas durant un an , mais durant deux années consécutives. L’espérance de vie mondiale a diminué de 0,92 année entre 2019 et 2020 et encore de 0,72 année entre 2020 et 2021. Les citoyens du monde sont revenus à l’espérance de vie d’il y a 10 ans. Ces baisses annuelles de l’espérance de vie signifient plus de 15 millions de décès supplémentaires en 2020 et 2021. Attention, ce bilan est encore provisoire. Il est à affiner, mais surtout, il n’y a pas de certitude, d’avoir retour à la normale. Surtout si l’attention se relâche, si le soutien à la recherche médicale s’affaiblit… Pour les longévitistes de 2022, il ne suffira plus « de canaliser le fleuve du progrès », il faudra inverser le courant actuel en termes d’impact réel de santé. 

Les autres nouvelles scientifiques d’Avril par Heales.


Pour en savoir plus

Lettre mensuelle de Heales. La mort de la mort. N°156. Mars 2022. Respiration et longévité.

La révolution (…) de la longévité qui est en train de se passer aujourd’hui et (…) va changer la vie des humains, probablement davantage que toutes les autres révolutions que nous avons connues au cours de l’histoire humaine. (..) Un certain nombre de scientifiques tout à fait sérieux nous annoncent cette révolution de la longévité.

Il ne s’agit pas de milliardaires américains cinglés, ni de transhumanistes délirants. Il s’agit par exemple de Jean-Claude Ameisen, qui a été le président du comité d’éthique, qui est un type tout à fait sérieux. (…) J’ai toute une série de citations de professeurs de médecine extraordinairement sérieux et qui disent que l’on est en train de vivre cette révolution de la longévité.

Luc Ferry. Décembre 2021. Rencontre de l’avenir.


Thème du mois: Respiration et longévité


Introduction

Aux débuts de l’histoire de la vie, pendant plus d’un milliard d’années, l’oxygène a été pour les premiers organismes un poison violent. C’était au temps des organismes unicellulaires, lorsque les organismes ne connaissaient vraisemblablement pas encore le vieillissement.

Aujourd’hui, l’oxygène est nécessaire à la majorité des espèces vivantes. Le poumon est apparu chez des espèces marines , il y a au moins 420 millions d’années. Chez l’humain, les poumons sont la source presque exclusive de respiration.

Au cours d’une vie, nous inhalons environ 300 millions de litres d’air. Un litre d’air pesant un peu plus d’un gramme, les 12 mètres cubes que nous absorbons et expirons chaque jour représentent approximativement 15 kilos de gaz.

À l’inspiration, l’air est composé principalement d’azote (78%) et d’oxygène (21%). Le dioxyde de carbone (CO2) ne représente que 0,04% de l’air inhalé. L’oxygène est nécessaire au métabolisme de l’organisme, et le dioxyde de carbone doit être évacué.

L’air expiré est appauvri en oxygène (17%) et enrichi en vapeur d’eau et CO2  (4%). À l’expiration, l’air est aussi chargé en aérosols invisibles. Celui-ci contient des virus et des bactéries, éventuellement pathogènes provenant de l’arbre respiratoire et de la cavité buccale. Ces aérosols contribuent au phénomène de contagion, même en l’absence de toux et d’éternuement. Le taux d’aérosol respiratoire tend à croître avec l’âge.

Malheureusement, nous absorbons également ces organismes venus de nos proches ainsi que de nombreuses autres substances  notamment les particules fines issues de la pollution, des allergènes…

La respiration nous permet aussi d’utiliser l’odorat, la capacité fascinante de cellules olfactives permettant à notre cerveau de distinguer parmi des millions d’odeurs sur base de quantités infimes de substances volatiles. Avec l’avancée en âge, ces capacités, comme les autres, diminuent imperceptiblement mais, jusqu’à nos jours, de manière globalement irréversible.

Quelles sont les principales maladies pulmonaires ? Trois grandes catégories

  • Les maladies aiguës :

Les maladies infectieuses des bronches (bronchite) ou du tissu pulmonaire (pneumonie). Dans les deux cas, la maladie est d’origine bactérienne ou virale. La pneumonie peut aussi être provoquée par un champignon et la bronchite par des agents irritants comme la fumée.

Les personnes âgées sont très vulnérables à ces maladies. Le vieillissement favorise l’entrée des infections car les défenses sont plus faibles et parce qu’il y a généralement d’autres pathologies ou maladies chroniques présentes.

La bronchite est rarement létale mais peut devenir chronique. En revanche, la pneumonie peut  avoir de graves conséquences pour une personne âgée et entraîner la mort. Près d’un centenaire sur cinq succombe à une pneumonie, contre seulement 6 % des 80-85 ans.

  • Les maladies chroniques du poumon dont :

L’asthme se développe à n’importe quel âge. Quand une personne âgée devient asthmatique, les symptômes sont majoritairement les mêmes que ceux qui touchent les plus jeunes. Cependant, il comporte plus de risques pour une personne âgée car celle-ci est susceptible de développer d’autres problèmes respiratoires.

La BPCO (Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive), une maladie inflammatoire des bronches assez fréquente. Elle est souvent la suite de fortes expositions à des toxiques inhalés comme le tabac ou la pollution. Chez les personnes âgées, elle évolue souvent vers un handicap respiratoire nécessitant de l’oxygène à domicile.

  • Le cancer des poumons :

Le cancer du poumon est d’abord causé par le tabagisme , mais aussi par l’exposition à des substances comme l’amiante ou à la pollution par les particules fines. En Belgique, il s’agit du 3ème cancer le plus fréquent. Chaque année, plus de 3000 personnes entre 60 et 70 ans ont un cancer du poumon. La fréquence de ces cancers augmente avec l’âge, mais diminue après 70 ans. C’est un des cancers les plus redoutables puisque seuls 18% des hommes et 16% des femmes survivent plus de 5 ans à ce type de cancer.

Pourquoi les maladies respiratoires sont-elles plus fréquentes chez les personnes âgées ?

Car le vieillissement comporte

  • Diminution de la force musculaire notamment des muscles intercostaux, des muscles dorsaux et des muscles respiratoires.
  • Diminution de la force de la toux.
  • Diminution de la clairance des voies aériennes.
  • Diminution de l’élasticité des tissus par dégénérescence des fibres élastiques et modification du collagène.
  • Phénomène du “Inflamm-âge”.
  • Modification de la réponse immunitaire.

Les avancées et recherches médicales

Les antioxydants

Nous pouvons d’abord noter que, surtout par le passé, les antioxydants ont été considérés comme un moyen de lutter contre le vieillissement. L’idée est que la respiration génère des radicaux libres ayant des effets délétères et que des substances peuvent absorber lesdits radicaux. Cependant, ceci concerne la respiration à l’échelon de la cellule, pas spécifiquement des poumons. De plus, à ce jour, aucun antioxydant n’a démontré un effet longévitiste important et non contesté.

Thérapie génique pour les maladies pulmonaires

En ce qui concerne les maladies respiratoires, beaucoup d’entre elles sont chroniques et souvent d’origine génétique.

Les poumons forment un organe accessible à la thérapie génique, mais la complexité de la structure pulmonaire présente certaines barrières physiques et chimiques qui entravent la délivrance de vecteurs viraux. Outre ces barrières, des symptômes tels qu’une épaisse couche de mucus dans le cas de la mucoviscidose compliquent le processus.

Une étude publiée en 2020 dans le Journal of Clinical Medicine regroupe les différentes avancées en terme de thérapie génique dans le cadre des maladies respiratoires comme la mucoviscidose, le déficit en alpha-1 antitrypsine (AATD) et dyskinésie ciliaire primaire (PCD).

Durant ces dernières décennies, on a observé de grands progrès dans les thérapies géniques appliquées aux affections respiratoires. Cependant, les chercheurs travaillent toujours à de nouvelles percées en raison de préoccupations persistantes concernant l’innocuité, la spécificité et l’efficacité.

Les cellules-souches

Comme dans l’essentiel du reste du corps, des cellules-souches se trouvent dans les poumons. L’utilisation de cellules-souches à des fins de régénération fait l’objet de recherches. La création d’organoïdes est notamment possible, mais n’a pas encore de véritables applications directement pour l’humain âgé.

Les greffes

La transplantation pulmonaire et les greffes de trachée sont encore des opérations exceptionnelles. Comme pour d’autres organes, la xénogreffe (organe issu d’animaux) et la bio-impression (« imprimer » des tissus ou organes) sont aussi envisagées, mais pas encore réalisées.

Et plus loin

Ici comme ailleurs, la combinaison des connaissances croissantes, alliée à une volonté et un financement large, peut permettre des progrès incrémentaux et des percées fortes. Ainsi, les effets catastrophiques du Covid sur le système respiratoire des personnes âgées ont été rapidement diminués. C’est une des causes de la diminution, insuffisante mais importante, de la mortalité liée à cette maladie.


La bonne nouvelle du mois:
Reprogrammation cellulaire efficace chez des souris âgées


Il était déjà bien connu que l’ajout d’un mélange de 4 molécules de reprogrammation sous le nom de “facteurs de Yamanaka” aux cellules peut réinitialiser les marques épigénétiques à leur état d’origine. Cette reprogrammation partielle sur de courtes périodes, contrecarre les signes du vieillissement et augmente la durée de vie des souris atteintes d’une maladie de vieillissement prématuré.

En mars 2022, dans un article publié dans Nature Aging: “La reprogrammation partielle in vivo modifie les changements moléculaires associés à l’âge au cours du vieillissement physiologique chez la souris.”, on découvre que la reprogrammation partielle à long terme conduit à des effets de rajeunissement dans différents tissus de souris. Et que la durée du traitement détermine l’étendue des effets bénéfiques.

Dans une étude récente menée par le Pr. Juan Izpisua Belmonte et ses équipes du laboratoire d’expression génique de l’Institut Salk d’études biologiques, les chercheurs ont effectué divers régimes de reprogrammation partielle à long terme chez des animaux sains, y compris à différents moments d’apparition, au cours du vieillissement physiologique.

Un premier groupe de souris a reçu des doses régulières de facteurs Yamanaka à partir de l’âge de 15 mois jusqu’à 22 mois (ce qui correspond chez l’homme à un âge compris +/- entre 50 à 70). Un second groupe a été traité de 12 à 22 mois (équivalant humain: +/- 35 à 70 ans). Et enfin, un troisième groupe a été traité pendant un mois seulement à l’âge de 25 mois (équivalent humain: +/- de 80 ans). Malheureusement, pour ces expériences comme pour beaucoup d’autres sur des rats ou sur des souris, comme les animaux sont sacrifiés en fin d’expérience pour pouvoir analyser leur état physiologique, le résultat réel en termes de durée de vie maximale n’est pas connu.

Comparativement aux animaux témoins, il n’y a eu aucune altération des cellules sanguines ni aucun changement neurologique chez les souris qui avaient reçu les facteurs Yamanaka.

Les chercheurs affirment que les effets rajeunissants sont associés à une inversion de l’horloge épigénétique et à des changements métaboliques et transcriptomiques. L’équipe scientifique prévoit maintenant de futures recherches pour analyser comment des molécules et des gènes spécifiques sont modifiés par un traitement à long terme avec les facteurs Yamanaka.


Pour en savoir plus :