Category Archives: La Mort de la Mort

La mort de la mort. N° 145. Avril 2021. Secrets de longévité des zones bleues

Il est important d’améliorer la santé. Nous voulons améliorer la vie et vous ne pouvez améliorer la vie qu’en améliorant l’espérance de vie. Matthew Hancock. 1921. Secrétaire d’État britannique à la santé et aux affaires sociales (source).


Thème du mois : Secrets de longévité des zones bleues 


Dans le monde, l’espérance de vie est actuellement de 71 ans environ. En 2019, l’espérance de vie à la naissance s’établissait en Belgique à 81,8 ans pour la population totale, 84,0 ans pour les femmes et 79,6 ans pour les hommes.  Dans certains pays d’Asie (Singapour, Corée du Sud, Japon), c’est plus encore.

C’est cependant moins que la longévité exceptionnelle observée dans des zones précises de notre planète où l’on retrouve une grande proportion de centenaires. Ces régions ont été identifiées par deux démographes, Gianni Pes et Michel Poulain et le journaliste Dan Buettner, auteur de l’article The secrets of Long Life paru dans le magazine National Geographic et du livre The Blue Zones.

Les 5 Blue Zones identifiées dans le monde

Sardaigne, Italie

En étudiant la longévité des habitants de la Sardaigne, les démographes Pes et Poulain et leurs collaborateurs ont localisé des zones où vivent davantage de centenaires. Ces longevity hot spots ou Blue Zones (les chercheurs utilisaient initialement un marqueur bleu pour délimiter ces zones sur une carte) se trouvent dans une région montagneuse de l’île, la Barbagia, qui était encore difficile d’accès il y a de cela quelques décennies. Une telle situation géographique favorise la consanguinité, diminuant la diversité du patrimoine génétique. Dans la zone où l’on retrouve une longévité exceptionnelle, au sud-est de la province de Nuoro, 91 personnes sont devenues centenaires parmi les 18 000 personnes qui sont nées dans la région entre 1880 et 1900. Dans un village en particulier (Seulo), 20 centenaires ont été recensés  entre 1996 et 2016. 

L’analyse de gènes impliqués dans l’inflammation, le cancer et les maladies cardiaques n’a pas révélé de différence significative qui pourrait être liée à la longévité exceptionnelle des Sardes. Les chercheurs suspectent donc que les caractéristiques environnementales, le style de vie et la nourriture sont beaucoup plus importants que des prédispositions génétiques pour vivre longtemps et en bonne santé. 

Plusieurs de ces centenaires sardes sont des bergers ou des fermiers qui ont fait beaucoup d’activité physique au grand air tout au long de leur vie. L’alimentation sarde, qui fait partie du fameux régime méditerranéen, pourrait jouer un rôle important. Elle consiste en des légumes cultivés à la maison (surtout des fèves, tomates, aubergines), du pain de grains entiers, du fromage pecorino fait de lait entier de brebis nourries à l’herbe, du vin rouge local particulièrement riche en polyphénols. Le régime n’inclut de la viande qu’une fois par semaine tout au plus.

Lorsque les centenaires sont interrogés à propos de leur longévité exceptionnelle, ils mentionnent fréquemment l’importance de la famille et des liens sociaux. En Sardaigne les vieillards vivent avec la famille et non pas dans des maisons de retraite. Les personnes âgées qui vivent dans la Blue Zone sarde jugent qu’ils ont un excellent bien-être mental et rapportent peu de symptômes de dépression. Une étude italienne auprès de 160 aînés de la Blue Zone sarde rapporte que le trait de résilience était significativement associé avec des marqueurs d’une bonne santé mentale. 

Okinawa, Japon

C’est au Japon qu’on retrouve l’une des plus grandes concentrations de centenaires dans le monde, plus de 34,7 pour 100 000 habitants en 2010. Les habitants des îles de l’archipel Okinawa au sud-ouest du Japon ont une espérance de vie particulièrement élevée et l’on a recensé dans cette préfecture 66,7 centenaires par 100 000 habitants. Les femmes vivant à Okinawa ont 3 fois plus de chance de vivre jusqu’à 100 ans que les Nord-Américaines. La longévité exceptionnelle à Okinawa résulterait d’un ensemble de facteurs favorables qui ne se résument pas au seul patrimoine génétique. La plupart de ces facteurs sont éminemment culturels et liés au style de vie traditionnel d’Okinawa.

Le régime alimentaire d’Okinawa est basé sur les végétaux, beaucoup de légumes à feuilles vertes, patates douces, poissons et fruits de mer. La majorité des centenaires d’Okinawa ont maintenu un jardin potager au cours de leur vie, une activité physique modérée qui permet de rester en forme et de réduire le stress. Les habitants d’Okinawa pratiquent traditionnellement l’auto restriction alimentaire en suivant l’enseignement d’inspiration confucéenne «hara hachi bun me » qui préconise de manger de façon à être rassasié à 80 % à la fin d’un repas. Les personnes âgées à Okinawa sont très actives et maintiennent de forts liens familiaux et sociaux, par exemple lors de réunions régulières appelées « moai ». Il est très important pour eux de donner un sens à leur vie, d’avoir un « ikigai » c’est-à-dire d’avoir une raison de se lever chaque matin.

Nicoya, Costa Rica

L’espérance de vie est relativement élevée au Costa Rica (82,1 pour les femmes et 77,4 pour les hommes), mais elle l’est tout particulièrement dans une région de la péninsule de Nicoya où les hommes âgés de 60 ans ont 7 fois plus de chances de devenir centenaires que les autres Costariciens. Comme la Sardaigne, Nicoya est une région qui a été relativement isolée pendant des centaines d’années. Le taux de mortalité due au cancer y est 23 % moins élevé que dans le reste du pays et les habitants de Nicoya ont un régime alimentaire basé sur les plantes (courges, haricots noirs, tortillas de maïs, beaucoup de fruits locaux), mais qui comprend aussi des œufs et de la viande (poulet et porc). Les centenaires de Nicoya sont très actifs physiquement, ils ont de forts liens familiaux, une forte foi religieuse et ils aiment travailler. Ils sont très peu stressés et sont généralement très positifs et heureux.

Loma Linda, États-Unis

La seule Blue Zone identifiée en Amérique du Nord est située à Loma Linda, une ville de Californie où il y a une communauté de 9000 membres de l’Église adventiste du septième jour. En Californie, un homme adventiste âgé de 30 ans vivra en moyenne 7,3 années de plus qu’un Californien de race blanche du même âge. Une femme adventiste âgée de 30 ans vivra en moyenne 4,4 ans de plus qu’une Californienne du même âge. Sachant qu’environ les deux-tiers des Américains meurent des suites d’une maladie cardiovasculaire ou d’un cancer, il n’est pas surprenant que les adventistes vivent plus longtemps puisque leur mode de vie fait en sorte qu’ils sont moins à risque de développer ces maladies. Environ la moitié des adventistes sont végétariens ou mangent rarement de la viande et les adventistes non végétariens sont deux fois plus à risque de développer une maladie cardiovasculaire. La majorité des adventistes sont non-fumeurs et ne boivent pas d’alcool. Ils ont par conséquent une incidence de cancer du poumon moins élevée que les Américains en général. Les adventistes sont actifs physiquement et ont un esprit communautaire très développé, car ils sont très croyants et leur église incite ses membres à s’entraider.

Ikaria, Grèce

Ikaria est une île de la mer Égée orientale où un habitant sur trois atteint l’âge de 90 ans. L’incidence de cancer, de maladie cardiovasculaire, du diabète et de démence y est significativement moins élevée. Comme en Sardaigne, Okinawa et autres Blue Zones, les Icariens maintiennent un jardin potager à la maison et mènent une vie peu stressante. Le régime alimentaire des Icariens, de type méditerranéen, est composé de légumes (pommes de terre, pois, lentilles, légumes à feuilles vertes), de fruits, d’huile d’olive, de poissons, de lait de chèvre, de produits laitiers et d’un peu de viande. Les Icariens mangent peu de sucre et ils boivent quotidiennement du café, du vin rouge et des tisanes à base de romarin, de sauge et d’origan. Les Icariens qui observent le calendrier de l’Église orthodoxe grecque doivent se soumettre régulièrement à un jeûne. Or, la restriction calorique est reconnue pour ralentir le processus de vieillissement chez les mammifères.

Caractéristiques communes des régions où l’on vit mieux et plus longtemps

Les habitants des « Blue Zones », Okinawa, Sardaigne, Nicoya, Icarie et Loma Linda, partagent des caractéristiques dans leur style de vie qui contribuent à leur longévité. Dan Buettner dans son livre The Blue Zones dresse une liste de 9 caractéristiques communes :

  • Activité physique modérée et régulière, tout au long de la vie.
  • Restriction calorique.
  • Semi-végétarisme, la nourriture provenant en grande partie de plantes.
  • Consommation modérée d’alcool (vin rouge en particulier)
  • Donner un sens à sa vie.
  • Réduire le stress.
  • Engagement dans la spiritualité ou la religion.
  • La famille est au centre de la vie.
  • Engagement social, intégration dans la communauté.

Ces zones bleues ont en commun d’être des zones ensoleillées et aérées. Elles sont aussi relativement isolées, soit géographiquement, soit en fonction de pratiques religieuses (Loma Linda). Les régimes alimentaires sont différents, mais ils ont deux aspects en commun. Le premier est qu’ils sont basés sur les aliments d’origine végétale, avec la viande, le poisson ou le fromage seulement en petite quantité ou pendant les fêtes, aliments locaux, frais, peu transformés. Le deuxième est qu’ils mangent des légumes. Quant aux saveurs, les régimes sont très différents. Si la population d’Ikaria a un régime proche du régime crétois (légumes, poissons, viandes blanches), la population des villages de montagne sardes ne consomme pas de poisson mais de la viande, dont de la charcuterie.

L’étude publiée par Michel Poulain et Gianni Pes identifie l’importance d’un mode de vie sain, en altitude, avec une activité physique, même au-delà de 80 ans, sans stress, avec des liens familiaux et sociaux étroits.

Un lien social très fort

« La longévité (dans ces zones) s’explique à 10% par les gènes et à 90% par le mode de vie», souligne le journaliste américain Dan Buettner, auteur du livre-enquête « Blue zones : Où vit-on mieux et plus longtemps ? ».

Le lien social est au cœur du mode de vie particulier des « zones bleues ».  Le cas de la péninsule de Nicoya au Costa Rica le démontre bien. Sous certains toits de cette région, il n’est pas rare que trois ou quatre générations vivent ensemble. Une étude menée par l’institut allemand Max-Planck a prouvé que le fait de garder régulièrement ses petits-enfants améliorerait les fonctions cognitives, la santé mentale et physique, diminuerait le risque de développer la maladie d’Alzheimer et préviendrait le stress. La transmission du savoir et des souvenirs des grands-parents à leur descendance leur permet aussi de faire travailler leur mémoire. Autre importance des liens sociaux, la communauté des Adventistes du septième jour de Loma Linda en Californie, cinquième zone bleue recensées surnommée l’« oasis de longévité » aux États-Unis. Là, les croyants vivent ensemble et œuvrent chaque jour pour un bien commun, créant alors un sentiment fort d’appartenance. Ce sentiment va au-delà du simple comportement bienveillant les uns envers les autres. La foi est un facteur proéminent. Ensemble, il est plus difficile de céder à la tentation, une lutte commune crée ainsi un soutien social bénéfique qui participe à réduire la mortalité.

Les repas sont également une source importante de lien social. Selon la diététicienne-nutritionniste Alexandra Retion : « On y attribue de moins en moins d’importance, mais les personnes les plus heureuses sont celles qui partagent leur repas, qui passent un moment en famille ou entre amis. C’est très important de prendre le temps de manger, ensemble et donc de partager des bons moments. La convivialité est importante. » La France est plutôt un bonne élève dans le domaine car en 2010, l’ UNESCO a décidé de classer le « repas gastronomique des Français » au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Une distinction qui reconnaît cette pratique sociale autour de la convivialité, du plaisir du goût, du partage, de l’association avec le vin, du lien aux terroirs, etc.

En guise de conclusion

Depuis bien longtemps, les humains ont cherché des lieux mythiques de longévité. Parfois, les croyances relatives à une vie plus longue sont simplement dues à des registres d’État civil non fiables et une exagération de la longévité. Encore aujourd’hui, certains pensent par exemple que les habitants du Hunza auraient le secret pour vivre jusqu’à 145 ans.

Les zones bleues ne nous permettront pas une longévité sans limite. Cependant, elles nous enseignent que nous pouvons encore progresser nettement pour la longévité en bonne santé, même sans découverte médicale de rupture. Cela peut faire gagner quelques années de vie en bonne santé, même par rapport à la longévité des pays déjà les plus favorisés.


La bonne nouvelle du mois : Les insectes aussi peuvent nous informer à propos de longévité en bonne santé


Nous savons que la durée de vie maximale est fixée génétiquement. Aucune souris (mus musculus) au monde ne vit plus de 4 ans, aucun être humain plus de 122 ans et aucun gastrotriche (petit invertébré marin) ne vivra plus de quelques jours.

Cependant, chez les insectes sociaux, les durées de vie maximales varient considérablement selon le rôle de l’individu. Un article de Science détaille cette situation. L’exemple le plus frappant étant celui de la termite-reine, gigantesque « machine à pondre », vivant jusqu’à 20 ans alors que les ouvrières ne vivent que deux ans. La différence de durée de vie concerne aussi notamment les reines des abeilles et des fourmis. 

L’étude des arthropodes comporte donc des espoirs et des pistes. Surtout que certains de ces insectes démentent le principe général que les animaux de petite taille ont une vie courte.


Pour en savoir plus :

La mort de la mort N° 144. Mars 2021. Fertilité, longévité, ménopause.

La loi est déjà stricte vis-à-vis de la rapamycine et de la metformine, en exigeant une prescription. En comparaison, l’alcool et le tabac ne nécessitent pas de prescription ni de surveillance médicale. Le tabagisme n’a aucun avantage pour la santé et réduit considérablement la durée de vie, accélérant toutes les maladies. Alors que le tabagisme provoque le cancer, la rapamycine le prévient, y compris le cancer du poumon causé par la fumée. N’est-il donc pas paradoxal que l’alcool et le tabac soient vendus sans ordonnance, alors que la rapamycine et la metformine ne le sont pas. 

Blagosklonny M. V. Le but de la géroscience est la prolongation de la vie. Oncotarget. 02 février 2021; 12: 131-144


Thème du mois : Fertilité, longévité & ménopause


Si l’homme est fertile chaque jour, la fertilité de la femme est cyclique. En effet, la plupart des petites filles viennent au monde avec un stock déterminé d’ovocytes dès la naissance, et même un peu avant. Ce stock varie entre 300.000 et 500.000 environ, dont en moyenne 400 arriveront véritablement jusqu’à maturité. Dès la puberté, un ovocyte est libéré à chaque cycle puis éliminé par les menstruations lorsqu’il n’y a pas de fécondation. Au fil des années, ce stock d’ovocytes diminue. 

Et quand il n’y en a plus… il n’y en a plus… cela marque la fin du cycle de fertilité d’une femme et l’arrivée de la ménopause !

La nature est ainsi faite que, de façon spontanée, vers l’âge de 50 ans, le corps d’une femme subit un changement hormonal de taille. Les conséquences sur la santé qui y sont attribuées sont multiples et variables, en fréquence comme en gravité. Pour les symptômes, il s’agit principalement de troubles climatériques (bouffées de chaleur, frissons, impressions de malaises et de vertiges…), des troubles de l’humeur ou sexuels (baisse de la libido, douleurs lors de rapports sexuels, vaginite…) mais aussi une augmentation du risque cardiovasculaire et d’ostéoporose. 

Quand les ovaires démissionnent

Cependant, pour certaines femmes, la ménopause frappe parfois très tôt. Avant même d’avoir soufflé 40 bougies, elles voient leur vie chamboulée. Un rapport publié sur le site américain Health explique les 5 raisons pour lesquelles certaines femmes sont sujettes à une ménopause précoce. Parmi les facteurs influençant l’âge de la ménopause, il y a le facteur génétique. Dans 20% des cas, une femme ménopausée très tôt n’était pas la seule de sa famille à souffrir de ce problème. Certains traitements comme la chimiothérapie et la radiothérapie peuvent également affecter le matériel génétique des cellules ovariennes. Mais pas seulement, le tabac et le surpoids peuvent être également responsables. Plusieurs études affirment qu’en moyenne la ménopause intervient 2 ans plus tôt chez les fumeuses. À l’inverse, une amélioration globale de l’alimentation, de l’hygiène et de la qualité de la vie dans les pays occidentaux ont fait reculer l’âge moyen de la ménopause.

Et dans le monde animal ?

La ménopause semble le propre de la femme… et des cétacés. Cette cessation précoce de la reproduction est rare dans le monde animal. Sur Terre, seules les femmes et quatre autres espèces animales (le béluga, le narval, l’orque et le globicéphale) connaissent la ménopause, un phénomène chez les mammifères qui intrigue les scientifiques. Par exemple, les orques femelles peuvent espérer vivre jusqu’à plus de 90 ans, mais étonnamment elles atteignent la ménopause entre 30 et 40 ans. 

Mais pourquoi une femelle devrait-elle cesser de se reproduire avant la fin de sa vie ? Cette cessation physiologique est souvent décrite comme un paradoxe évolutif, car il semble que les femelles ne retirent aucun avantage à terminer leur carrière reproductrice bien avant la mort. Dans une étude récente publiée dans Scientific Reports, menée par des chercheurs de l’Université d’Exeter (UK) et du Center for Whale Research (USA), le Dr. Samuel Ellis explique que « Pour que la ménopause ait un sens en termes d’évolution, une espèce a besoin à la fois d’une raison de cesser de se reproduire et d’une raison de vivre après ».

Le chercheur britannique avance « l’effet de la grand-mère » comme explication. Cette hypothèse avait été formulée par l’anthropologue Kristen Hawkes et ses collègues pour comprendre pourquoi la ménopause est survenue au cours de l’évolution de l’humanité. La ménopause aurait été sélectionnée par l’évolution naturelle pour permettre aux femelles d’espèces très sociables et à longue espérance de vie, de se consacrer à leur progéniture directe et à celle de leurs enfants sans courir le risque de mourir lors d’une grossesse tardive. Après quelques générations, une femelle ménopausée aura donc transmis ses gènes à plus de descendants qu’une femelle qui aurait continué d’enfanter.

Dans des tribus de chasseurs-cueilleurs, il a été constaté que les chances de survie des jeunes jusqu’à l’âge de reproduction, est corrélé positivement à la présence d’une ou deux de leurs grand-mères, certainement parce que celles-ci soulagent les mères dans les charges de l’éducation des enfants.

Chez la plupart des animaux comme chez nos animaux domestiques (chiennes, chattes, juments, vaches…), on observe qu’avec les années le cycle devient plus irrégulier, que la fécondité baisse et des soucis de santé peuvent apparaître à cause de la chute d’hormones sexuelles, mais on ne peut pas parler de réelle ménopause.

Paradoxalement, ce phénomène n’existe chez aucun primate. Nos plus proches cousines peuvent tomber enceintes jusqu’à la toute fin de leur vie car leurs organes reproducteurs ralentissent avec le reste de leur corps. Les chimpanzés peuvent rester viables sur le plan de la reproduction pendant une plus grande partie de leur durée de vie que les femmes. Bien qu’une recherche publiée en 2011, sur des chimpanzés captifs indiquent que les femelles passent par la ménopause dans les dernières années de leur vie.

Plus surprenant, chez l’éléphant on observe cet effet « grand-mère » qui peut expliquer l’utilité de la ménopause. Or, les femelles peuvent se reproduire jusqu’à la fin de leur vie. Les scientifiques ne savent pas encore expliquer pourquoi les cétacés ont une ménopause et pas les éléphants. D’autres études sont nécessaires pour élucider le mystère …

Les oiseaux non plus ne connaissent pas de ménopause. Certains peuvent rester fertiles très longtemps. Wisdom (sagesse en anglais), une femelle albatros de Laysan défie la nature. L’oiseau sauvage le plus vieux du monde a eu un poussin à l’âge de 70 ans ! 

Une grossesse après 50 ans ? Serait-il possible d’inverser la ménopause ? 

La ménopause peut être considérée soit comme un aspect naturel du vieillissement, soit comme une pathologie qu’il convient de traiter.

On entend souvent dire qu’une grossesse après la ménopause est impossible. Toutefois en 2016, des scientifiques de la clinique de la fertilité à Athènes sont parvenus à inverser le processus de ménopause chez une femme de 45 ans alors qu’elle était ménopausée depuis 5 ans ! 

L’équipe a injecté dans les ovaires d’environ 30 femmes ménopausées du plasma riche en plaquettes (PRP). Il est largement utilisé pour accélérer la réparation des os et des muscles endommagés. Les femmes qui ont reçu le traitement PRP avaient toutes entre 45 et 49 ans et n’avaient pas eu de règles depuis plusieurs mois. Six mois après avoir reçu une injection de PRP, la jeune femme de 45 ans a constaté le retour de ses règles. Les nouveaux ovules libérés peuvent être recueillis et fécondés in vitro. Cela offre une nouvelle fenêtre d’espoir aux femmes souffrant de ménopause précoce.

En 2020, le Dr. Konstantinos Pantos et ses équipes scientifiques obtiennent des résultats encore plus étonnants : des femmes ménopausées accouchent après une injection de PRP ! Leur fertilité aurait été restaurée grâce au traitement PRP. Parmi les 30 femmes volontaires ménopausées, quatre sont tombées enceintes, trois ont eu des enfants.

La cryopréservation pour retarder la ménopause de 20 ans ! 

C’est en tout cas ce qu’affirment des spécialistes de la fécondation in vitro en Grande-Bretagne. Leur méthode a déjà été expérimentée sur neuf femmes. La procédure a consisté à prélever du tissu ovarien qui est ensuite congelé pour être préservé. Plus tard à leur entrée dans la ménopause, le tissu congelé peut être décongelé et greffé dans le corps afin de rétablir les niveaux d’hormones en baisse. 

Cependant, les spécialistes estiment qu’il est possible de retarder jusqu’à 20 ans l’arrivée de la ménopause, mais cela dépend de l’âge auquel le tissu est prélevé et du moment où il est remis en place. À titre d’exemple, les tissus prélevés sur une femme de 25 ans pourraient retarder la ménopause de 20 ans, tandis que ceux prélevés sur une personne de 40 ans pourraient ne retarder son apparition que de cinq ans.

À l’inverse certains produits de beauté avancent l’âge de la ménopause …

Selon le Dr Amber Cooper et son équipe (États-Unis), une exposition aux molécules chimiques, contenues notamment dans les produits de beauté, peut avancer l’âge de la ménopause de 4 ans. Entre 1999 et 2008, ils ont procédé à des analyses de sang et d’urine sur 31.500 femmes pour vérifier la présence de produits chimiques. Les chercheurs ont découvert que les femmes ayant dans l’organisme d’importants taux de substances chimiques étaient ménopausées entre 1,9 ans à 3,8 ans plus tôt que les femmes ayant des taux plus faibles.

L’utilité des rongeurs dans la compréhension fondamentale des éléments clés aux processus de reproduction et de vieillissement… 

Nous avons écrit plus haut que seuls quelques animaux connaissent la ménopause. Cependant, les rattes (et les souris), en tout cas en laboratoire, cessent progressivement d’être fertiles bien avant la durée maximale de leur vie. En effet, une ratte peut vivre plus de trois ans, mais sa fertilité diminue fortement dès 10 mois.

Comme nous l’avons vu, l’effet du plasma riche en plaquettes (PRP) a eu un effet positif chez les femmes ménopausées en Grèce… 

En 2018, des équipes scientifiques ont voulu évaluer l’effet du PRP sur les structures et la fonction ovariennes dans l’insuffisance ovarienne induite par le cyclophosphamide (Cy) chez les rats femelles par une méthode stéréologique. Les chercheurs ont conclu qu’il semble que le PRP ait un effet protecteur sur l’insuffisance ovarienne chez le modèle de rat femelle infertile.

Les rats et les souris sont des modèles imparfaits mais extrêmement utiles pour mieux comprendre et lutter contre les mécanismes du vieillissement. Mais pour être certain de l’efficacité d’un traitement, il faut comparer la durée de vie maximale avec ou sans traitement. Ce qui peut prendre longtemps puisqu’un rat peut vivre plus de 3 ans. 

En examinant la fertilité des rattes avec des traitements anti-vieillissement, les informations en laboratoire pourront être obtenues beaucoup plus rapidement. Un rat « ordinaire » de laboratoire a 6 mois lorsque des expériences ordinaires débutent. Après seulement 4 mois de traitement, il sera possible de voir si des rattes traitées, comparées à des rattes témoins,  restent plus fertiles et donc vieillissent moins.

Rappelons incidemment que les expériences de longévité sont faites avec un traitement des animaux bien plus agréable que la vie de rats « sauvages » dans les égouts. Ceci s’explique notamment par les législations protectrices exigeantes et parce que le but étant de les faire vivre plus longtemps, des bons traitements le favorisent.


La (relativement) bonne nouvelle du mois :

 La lutte contre la covid grâce à la vaccination progresse 


Parler de bonne nouvelle concernant cette maladie est très relatif. Il y a près de 3 millions de décès comptabilisés. Des mutations nouvelles apparaissent de plus en plus. Les belles déclarations relatives au vaccin, bien commun de l’humanité n’ont été suivies que de peu d’effets. Les collaborations au-delà des barrières financières, sociales et politiques sont difficiles. Enfin, les populations sont épuisées par des mesures de restriction.

Mais tout n’est pas sombre. Au cours du premier trimestre de 2021, une grosse année après le déclenchement de la pandémie, plus de 100 millions de personnes dans le monde auront été vaccinées. Une dizaine de vaccins sont maintenant administrés dans le monde. Les vaccins semblent efficaces contre les différentes variantes de la maladie.

Les personnes âgées étant les premières victimes, elles sont aussi très souvent les premières vaccinées. Jamais dans l’histoire de l’humanité, nous ne nous sommes autant préoccupés des personnes les plus faibles de la société et de la recherche à ce sujet.  C’est un progrès de l’humanité toute entière. Enfin, la prise de conscience que la Covid n’est qu’une maladie parmi toutes les affections liées à l’âge progresse petit à petit. Et les recherches pour mettre fin à la Covid s’étendent parfois à des recherches contre d’autres affections liées au vieillissement.


Pour en savoir plus :

La mort de la mort. N° 143. Longévité, amortalité, transhumanisme, technoprogressisme. Février 2021

… La question de savoir si nous pourrons vivre éternellement reste sans réponse. Mais qu’un âge de cent ans soit équivalent à soixante ans aujourd’hui, c’est-à-dire l’allongement significatif de la durée de vie humaine, ce n’est plus une question de « si », c’est une question de « quand ». Peter Diamandis, entrepreneur, ingénieur, futuriste. Page 179. The Future Is Faster Than You Think.


Thème du mois : Longévité, amortalité, transhumanisme, technoprogressisme


C’est un des plus anciens rêves de l’humanité, la santé sans limitation de durée. Nous nous le souhaitons tous à la nouvelle année. Une bonne santé. Nous savons de mieux en mieux pourquoi et comment se déroulent les phénomènes de vieillissement. Mais nous ne parvenons pas encore à maîtriser la sénescence.

Tous ceux qui souhaitent aller au-delà de nos limites biologiques, au-delà du siècle de vie, ne se définiront pas comme transhumanistes. Par contre, quasiment tous les transhumanistes se décriront comme longévitistes.

Qu’est-ce que le longévitisme ?

C’est la recherche d’une vie beaucoup plus longue, au-delà de ce qui est aujourd’hui possible, grâce aux progrès de la science et de la médecine.

Le longévitisme suscite des attirances, mais aussi des oppositions. Les oppositions sont souvent motivées par la peur de faux espoirs, la peur de vivre plus longtemps mais en mauvaise santé et la crainte de thérapies uniquement pour les riches.

Les longévitistes veulent une recherche pour une vie en bonne santé, basée sur des éléments scientifiques sérieux et sont généralement attentifs à l’accessibilité large.

Leur recherche peut être modérée, visant et seulement quelques années de bonne santé en plus. Elle peut être forte, visant une vie de bien plus de 120 ans.

Le but de ces thérapies est alors de diminuer fortement voire de supprimer les mécanismes de sénescence. Les plus optimistes viseront ce qui est appelé « L’immortalité biologique« , l’absence de tout mécanisme de vieillissement. Le terme « amortalité » est aussi employé.

Qu’est-ce que le transhumanisme ?

Reprenons la définition de Wikipédia: c’est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer la condition humaine notamment par l’augmentation des capacités physiques et mentales des êtres humains.

Le mot transhumanisme effraie parfois car évoquant l’attrait de technologies dangereuses, déshumanisantes. L’immense majorité des transhumanistes sont conscients des dangers liés aux progressions techniques. Ils souhaitent activement des technologies pour réduire les risques, notamment ceux dits « existentiels », augmenter la résilience et donc la qualité et la durée de la vie.

Les améliorations visées par les transhumanistes peuvent être physiques: plus haut, plus fort, plus loin, plus adapté à l’environnement ou relatives aux organes des sens (meilleure vue, odorat, capacités sensorielles nouvelles…). Les améliorations visées peuvent aussi être relatives aux capacités intellectuelles. Le but est alors de permettre plus d’intelligence, plus de capacité à l’empathie, à la compassion, au bonheur…

Mais l’amélioration la plus souvent envisagée par les transhumanistes, c’est celle de l’amélioration de la durée de vie, donc l’objectif des longévitistes. C’est d’ailleurs la condition nécessaire, mais pas suffisante de toutes les autres augmentations, de tous les droits humains. Sans vie durable, pas de droits, pas de possibilités.

Qu’est-ce que le technoprogressisme ?

Le technoprogressisme, c’est un transhumanisme pour lequel l’idée de lier le progrès technologique et le progrès social est centrale. Lorsque nous regardons l’histoire de l’humanité, nous constatons que les progrès technologiques ont largement contribué aux progrès sociaux et inversement. Mais ce n’est pas automatique. Les technoprogressistes insisterons sur l’accessibilité pour tous ceux qui le souhaitent aux progrès technologiques. Ceci concerne notamment, bien sûr, les thérapies de santé et de longévité.

Un des principaux fondateurs du transhumanisme, le britannique David Pearce, a résumé le transhumanisme par 3 S: Superlongevité, Superintelligence et Super bien-être. Les technoprogressistes y ajoutent parfois « Super démocratie » ou encore Supersocial.

Longévitisme « biologique » et longévitisme « informatique ».

Pour la plupart des longévitistes contemporains, l’objectif ultime est une vie beaucoup plus longue avec un corps « ordinaire », pas tellement différent du corps contemporain.

Il faut quand même relativiser ce concept de « corps ordinaire ». Nous acceptons déjà aujourd’hui bien des choses qui seraient apparues totalement contre nature même aux plus érudits d’il y a deux siècles. Nous transfusons le sang, nous avons presque tous des corps étrangers dans la bouche. A la fin de notre vie, nous serons pour la plupart passés par un état physiologique inexistant en dehors de la médecine, quelque part entre le sommeil et la mort. Nous l’appelons anesthésie générale. Des millions d’humains ont été conçus en éprouvette. Nous sommes aussi des millions à avoir des pacemakers, des implants cochléaires… En fait, ce qui était hier de la transgression inimaginable est aujourd’hui de la médecine. Et le transhumanisme d’aujourd’hui pourrait être la médecine de demain.

Mais pour certains transhumanistes et longévitistes plus radicaux, nous pourrions aller bien au-delà de notre composition biologique. La « fusion » homme machine pourrait se développer, concernant une part de plus en plus grande du corps, créant un cyborg. Plus loin encore, un jour, la conscience de l’humain pourrait devenir indépendante du corps, être transmise sur un support informatique. Cette vision a été abordée dans une lettre de 2012. Cela reste aujourd’hui totalement hypothétique dans un avenir raisonnable. Pour la plupart des longévitistes et probablement également pour la plupart des transhumanistes, cela ne pourrait devenir envisageable que là où l’informatique reproduirait les processus biologiques aussi bien voire mieux que les processus eux-mêmes.  Là où la copie virtuelle serait meilleure que l’original. Comme un beau film peut être plus beau que la réalité. Comme un jeu peut être plus agréable que la situation qui lui a donné naissance.

Ceci suppose des nanotechnologies et de la maîtrise informatique bien au-delà des capacités actuelles. Cela suppose surtout d’être capable de comprendre et de répliquer les mécanismes neuronaux de ce qui est souvent défini comme « l’objet le plus complexe de l’Univers connu« .

Longévité, transhumanisme, intelligence artificielle

L’informatique d’un demain proche, c’est surtout le développement d’une intelligence artificielle de plus en plus forte, développée pour faciliter les intérêts humains. Les longévitistes, transhumanistes ou pas, espèrent et tentent de mettre en œuvre des processus informatiques permettant des recherches meilleures et plus rapides. Une accélération des découvertes pour la santé, la longévité, la résilience passe aussi par des données massives bien accessibles et organisées.

Le fait d’utiliser prioritairement les capacités de recherche dans ces buts plutôt que pour des objectifs de concurrence, des buts militaires ou de la consommation débridée est de nature à diminuer les risques liés à l’intelligence artificielle. Faire fonctionner de manière commune pour une vie en bonne santé beaucoup plus longue les meilleurs « cerveaux » tant humains qu’informatiques diminuera les risques de développements d’une intelligence s’éloignant de l’humain.

C’est important car les risques d’une intelligence artificielle « tournant radicalement mal » sont jugés élevés par beaucoup. Parmi ceux qui s’inquiètent, il y a de nombreux transhumanistes dont Nick Bostrom, auteur d’un ouvrage renommé à ce sujet.

Plus humain, demain

Les longévitistes s’attachent généralement d’abord aux progrès de la médecine et à tout ce qui y contribue. Les transhumanistes, particulièrement les technoprogressistes, cherchent également à analyser en quoi ce progrès est important. Ils expliqueront ainsi qu’une vie beaucoup plus longue permettra 
– une vie plus pacifiste, avec moins de violence et plus de prudence;
– de nous aimer plus et de nous stresser moins, puisque nous aurons plus de temps;
-d’être plus prudents envers la biosphère, car nous saurons que nous sommes là pour longtemps. Un corps durable ne peut s’envisager sans une planète durable.
Moins de surpopulation, et plus d’attention aux enfants. Car c’est là où la vie est la plus longue que les enfants sont les plus rares et que nous avons donc le plus de temps à leur consacrer..

Pour ces raisons et pour d’autres, la quête multimillénaire de la fontaine de jouvence est aujourd’hui un objectif plus souhaitable et raisonnable que jamais. Aujourd’hui, nous devons encore accepter la mort de vieillesse, car nous n’avons pas le choix. Demain nous pourrions choisir.


Les bonnes nouvelles du mois : Conférence et ateliers du 11 février 2021 sur les tests animaux et humains pour la longévité ainsi qu’un soutien de Heales à deux études testant la durée de vie des rats traités au plasma jeune.


La conférence du 11 février sur le thème « Clarifier si et dans quelle mesure les approches anti-âge actuelles fonctionnent chez les souris ou les personnes” a rencontré un franc succès avec plus de 100 participants.

Était présents,  des spécialistes du sujet tels que Irina Conboy, Nir Barzilaï, Greg Fahy et Liz Parrish pour n’en citer que quelques-uns. Si vous souhaitez les découvrir tous, la conférence « découpée » par intervenant reste accessible.

Une synthèse reprenant des propositions faites durant les ateliers a été réalisée.

L’association Heales soutient depuis début 2021 deux études, réalisées par Rodolfo Goya en Argentine et Harold Katcher en Inde, suivant chacune,  la durée de vie maximale de rats traités avec des produits sanguins, afin de vérifier l’effet bénéfique sur la longévité de ce type de traitement.

Si des résultats de longévité importants ne sont pas atteints, cela permettra de « fermer une porte ». Si des résultats importants de longévité maximale sont établis, cela sera une nouvelle extrêmement importante. La conviction de la plupart des chercheurs et de l’association est que la première hypothèse est la bonne. Mais nous adorerions nous tromper !


Pour en savoir plus :

La mort de la mort N° 142. Tout ce qui ne te tue pas te renforce-t-il ? L’hormèse. Janvier 2021

J’évoquais (…) les travaux des prix Nobel de 2009, Blackburn, et Greider (…) qui dans leur conférence de presse sur les télomérases nous ont dit:  (…) On va vivre entre 300 et 600 ans. Je dis cela devant un parterre de patrons qui éclate de rire. (…). Vous les prendriez ces gélules ? Mais bien sûr, je les prendrais. Evidemment! Roselyne Bachelot (ancienne ministre de la santé) en 2016. Pourquoi Google veut-il nous rendre immortels ?  


Thème du mois : Tout ce qui ne te tue pas te renforce-t-il ? L’hormèse .


L’hormèse est un principe biologique qui nous permet d’améliorer naturellement les fonctions de notre corps, sa résistance, son immunité… C’est en fait une aide précieuse pour se maintenir en forme, face aux effets de l’âge.

C’est un sujet particulièrement d’actualité vu l’importance de bonnes défenses immunitaires pour éviter ou limiter l’impact des infections virales. Encore peu connue, l’hormèse fait l’objet de nombreuses études scientifiques depuis une vingtaine d’années.

L’hormèse, comment ça marche ?

À la base, l’hormèse est une stimulation des défenses biologiques d’un organisme vivant, en réponse à une faible dose de toxines ou d’un autre agent générateur de stress. Ceci existe chez tous les êtres vivants, à commencer par la simple cellule.

En pratique, la règle est simple : Soumettez votre corps à un stress intense et inhabituel, généralement de courte durée, suivi d’un temps de repos et de récupération, et il se renforcera, pour s’adapter et mieux résister la prochaine fois. Ceci illustre bien la citation de Nietzsche : « Ce qui ne tue pas, rend plus fort ».

Ce stress peut être une substance toxique, une exposition à une température extrême ou à des radiations, un effort musculaire inhabituel, une contrainte physique ou psychologique, une privation de nutriments ou d’oxygène, qui retentit directement sur le fonctionnement de nos cellules.

L’hormèse a pour conséquence paradoxale que le confort accru de notre vie quotidienne n’améliore pas toujours notre santé. Chauffage ou climatisation en permanence, nourriture « calibrée », déplacements motorisés, environnement aseptisé… notre confort moderne peut nous affaiblir. 

L’hormèse va tout d’abord améliorer nos fonctions d’adaptation à l’environnement et aux contraintes extérieures : régulation de la température du corps, résistance musculaire, utilisation des nutriments, création ou stockage d’énergie au sein de nos cellules …

Ce faisant, elle renforce d’autres grandes fonctions vitales (circulatoires, immunitaires, réparatrices, nerveuses…). 

Il ne faut pas confondre le stress de courte durée, plutôt salutaire, avec le stress chronique. Ce dernier accentue le vieillissement et débouche souvent sur la maladie (notamment le stress psychologique permanent, fréquent de nos jours).

Voici l’illustration du phénomène. En dessous d’un certain seuil, la stimulation par le stress est trop faible pour induire un renforcement de l’organisme, mais au-dessus d’un deuxième seuil, il existe un risque de toxicité ou de dégradation.

La « zone hormétique » varie selon les individus et dépend notamment de leur état de forme physique et psychologique.

La dose (ou l’intensité) d’un stress biologique ou d’un nutriment est donc essentielle pour déterminer si elle aura des effets bénéfiques ou toxiques. La citation célèbre de Paracelse au 16e siècle « Tout est poison et rien n’est sans poison; la dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison. » a été complétée au 19e siècle selon la loi dite de Arndt-Schulz : « Pour toute substance, de faibles doses stimulent, des doses modérées inhibent, des doses trop fortes tuent.« 

À ce jour, on ne comprend pas complètement comment l’hormèse peut améliorer la durée de vie. Beaucoup de procédés dits « anti-âge » agiraient en fait par le mécanisme de l’hormèse (c’est le cas par exemple de la restriction calorique, ou de la prise de rapamycine).

L’hormèse s’applique-t-elle à toute substance ou action toxique à forte dose ? Probablement pas. Par exemple, pour les perturbateurs hormonaux, les études semblent démontrer qu’il y a accumulation des effets toxiques même avec des doses très faibles.

Les substances phytochimiques des plantes

Les substances phytochimiques telles que les alcaloïdes, les polyphénols et les terpénoïdes activent les mêmes processus que la restriction calorique, le jeûne et l’exercice. De nombreux effets bénéfiques des fruits et légumes peuvent donc être dus à l’activation des voies de résistance au stress par les substances que les plantes sécrètent pour se protéger.

La caféine, l’EGCG (thé vert), la curcumine, la glucosamine, les polyphénols, les polysaccharides, la quercétine (oignon), le resvératrol (raisin et vin), la spermidine (soja, champignon) et le sulforaphane (brocoli) sont des molécules qui produisent des effets hormétiques.

Par exemple, une faible dose de sulforaphane protège les cellules contre le stress oxydant, une dose plus élevée de ce composé a des effets toxiques sur les cellules qui entraînent la mort cellulaire. De même, une faible dose de resvératrol (2 mg/kg) réduit les ulcères d’estomac induits par l’inflammation chez les souris, alors que des doses plus élevées (5 et 10 mg/kg) augmentent la formation d’ulcères et des marqueurs de l’inflammation.

Hormèse et polluants

Les molécules chimiques PFAS, également surnommées polluants perfluorés ou polluants éternels, font partie de notre quotidien. Il a été montré depuis les années 2000 que ces éléments contaminent les écosystèmes, et ce même dans des zones très éloignées des activités humaines, telles que les régions Arctiques.

Or, une étude du Centre d’études biologiques de Chizé et de ses partenaires norvégiens a montré que l’exposition à ces polluants est associée à une plus faible érosion des télomères et à une survie accrue chez un oiseau marin de cette zone. Ces résultats surprenants ont été publiés en juillet 2020. Cette étude est la première à faire le lien entre les télomères, mécanisme majeur du vieillissement, la longévité et la contamination par ces polluants, de plus en plus présents en Arctique.

Hormèse et radiations

Selon l’hypothèse de l’hormèse des radiations, de faibles doses de radiations peuvent stimuler l’activation de mécanismes de réparation qui protègent contre les maladies et qui ne sont pas activés en l’absence de radiations ionisantes.

Par faible dose, on entend ici des petites doses supplémentaires comparables au rayonnement de fond normal (10 µSv = dose quotidienne moyenne reçue du fond naturel). Étant donné qu’à fortes doses, les effets négatifs sont irréfutables, il doit exister un seuil entre les effets bénéfiques et les effets négatifs des rayonnements. Ce seuil est connu sous le nom de point équivalent zéro (ZEP).

Hormèse et augmentation de l’immunité

Notre système immunitaire se renforce avec les expositions répétées aux agents microbiens (par exemple, les enfants jouant dans la terre ont moins d’infections que ceux qui vivent dans un environnement plus « aseptisé »).

Le principe d’hormèse se retrouve aussi dans les traitements de désensibilisation des allergies ou de vaccination. On expose les sujets à une très faible quantité d’agent pathogène pour que leur corps apprenne à y résister. Un peu comme le roi Mithridate qui, craignant d’être empoisonné, buvait une petite quantité de poison chaque matin.

Il a été montré que l’hormèse déclenchée par l’exposition au chaud (sauna), pouvait améliorer l’immunité générale. Celle déclenchée par l’exposition brève au froid peut rendre le système immunitaire capable de mieux répondre aux infections et toxines bactériennes.

Certains médicaments ont une action de protection contre les maladies infectieuses, fonctionnant selon ce principe, qui augmente la résistance à l’infection. Les dégâts infectieux sur les tissus du corps sont alors diminués, sans que la substance n’ait eu d’action directe sur les agents pathogènes .

Les remèdes dits « adaptogènes » (comme le ginseng) agiraient dans ce sens, en demandant au corps un effort d’adaptation au produit, qui sera suivi d’un renforcement de l’immunité et d’une amélioration générale de la capacité d’adaptation au stress.

Fabrication de fibres musculaires

L’effort intense, même de courte durée, va stimuler la fabrication de muscles. Cette synthèse musculaire qui s’étiole avec l’âge et ses modifications hormonales, trouvera dans l’hormèse une aide précieuse.

La circulation sanguine et lymphatique

L’hormèse peut contrer la diminution progressive du volume sanguin circulant qui est liée au vieillissement, et source de maladies et de dégénérescence. Si l’on parle le plus souvent d’efforts physiques ou intellectuels brefs et répétés comme déclencheurs, l’apport de certaines substances nutritionnelles (notamment végétales et appelées « hormétines »), induisent un stress digestif qui peut aussi lancer l’hormèse. En fait elles demandent un effort particulier à notre tube digestif car elles sont tout simplement difficiles à digérer.

Hormèse et  capacités cognitives

Les phénomènes liés à l’hormèse luttent contre la neurodégénérescence du sujet âgé. Ainsi, dans certaines conditions, la cigarette pourrait avoir un effet protecteur contre la neurodégénérescence comme la maladie de Parkinson ou d‘Alzheimer. Attention, cet exemple est extrême et les effets négatifs de la consommation de tabac l’emportent (bien sûr) largement sur les effets positifs.

La production des substances réactives de l’oxygène, lorsque des réactions d’oxydation  ont lieu dans notre corps, peut aussi déclencher une hormèse bénéfique. On sait pourtant que l’oxydation est liée au vieillissement, mais il faudrait, a priori, faire la différence entre des phénomènes d’oxydation ponctuels et ce que l’on appelle le « stress oxydatif » durable. Dans ce dernier cas, le corps se défend avec ses anti-oxydants.

En fait, cette hormèse là serait la résultante de plusieurs facteurs métaboliques dont la stimulation de l’autophagie, ce processus régénérant de nos cellules qui se déclenche notamment lors du jeûne. Notons, par la même occasion, que nombre de facteurs favorables à l’hormèse sont aussi favorables à l’autophagie : jeûne, exercice intense, substances adaptogènes.

Hormèse et alimentation

On classe aujourd’hui les jeûnes dans les inducteurs de l’hormèse. Au niveau cellulaire, notre corps possède en effet de puissants mécanismes d’adaptation à la privation de nutriments.

La restriction calorique, ou encore la restriction protéique sont des méthodes pour améliorer la longévité en bonne santé. Ainsi, en situation de privation de nutriments, le corps s’adapte en mettant en jeu plusieurs voies métaboliques, dont l’autophagie et se renforce en conséquence.

Un stress généré par une alimentation réduite (sans aller jusqu’à la malnutrition), voire par des périodes de jeûne, peut améliorer la santé et la longévité, au moins partiellement, au travers des processus d’hormèse.

Cependant, les effets de la restriction alimentaire semblent plus importants chez les animaux à vie courte et sont donc vraisemblablement assez limités chez l’humain, outre que la restriction calorique est fort difficile à suivre.

Hormèse et respiration

Priver nos cellules de leur oxygène vital leur crée un grand stress. Toutefois, si cela ne dure pas trop longtemps, l’hormèse va enclencher des mécanismes fort intéressants pour la santé. Dans l’autre sens, une hyperventilation qui va accroître le taux d’oxygène sanguin, peut aussi activer l’hormèse.

Il a été montré, par exemple que réduire momentanément la circulation sanguine (comme on le fait souvent avant une chirurgie cardiaque), pouvait protéger le coeur et le cerveau.

Hormèse et esthétique du corps

On cherche bien entendu beaucoup à améliorer la peau par des soins esthétiques. Depuis longtemps, ces soins pour revitaliser et avoir un effet rajeunissant sur la peau utilisent les principes de l’hormèse. Divers soins exfoliants (comme les peelings), les microtraumatismes répétés par piqûres et autres claques du visage, sont proposés pour lutter notamment contre le relâchement cutané.

L’hormèse en pratique

Mettre en pratique l’hormèse, c’est sortir de sa zone de confort pour une durée limitée et ensuite récupérer avec un temps de repos où le corps se renforce … à condition   de respecter certaines doses. 

Par exemple :

  • Exposition au froid : certains prendront un bain glacé de 3 minutes, d’autres se doucheront simplement à l’eau froide.
  • Exposition à la chaleur par le sauna.
  • Exercice de haute intensité : L’effort est totalement différent d’une personne à l’autre, selon ses capacités physiques et son état du moment. De même pour la musculation, le yoga…).
  • Alimentation : certains sauteront un repas (jeûne intermittent), d’autres ne mangeront pas pendant plusieurs jours. Pour d’autres, certains alcools à petite dose ont un effet positif.

Conclusion et perspectives

Le proverbe « Tout ce qui ne te tue pas, te renforce » est joli, rassurant pour ceux qui ont subi des traumatismes, mais est malheureusement faux si les doses adéquates ne sont pas respectées.

Ainsi, les personnes qui ont survécu à la famine du dernier hiver de la seconde guerre mondiale aux Pays-Bas et même leurs descendants ont eu une moins bonne santé. Ainsi surtout aujourd’hui, les personnes qui ont été atteintes de la Covid auront presque certainement une espérance de vie moins longue.

Votre grand-mère vous le disait peut-être déjà: Ni trop, ni trop peu. Mais le dosage, le « fine tuning » des substances et actions utiles à la longévité nécessite des recherches considérables.

Déterminer si des substances toxiques le sont ou pas à très faibles doses et à partir de quelles doses est très important. D’autant qu’il y a des intérêts financiers, politiques et idéologiques considérables en jeu.

Ici, comme dans d’autres domaines, le débat sur le principe de précaution devrait rejoindre celui sur le principe de « proactivité ». Il ne s’agit pas seulement d’empêcher ce qui pourrait être dangereux, mais de déterminer ce qui pourrait être utile et comment. Les données massives de santé (big data), les expérimentations rigoureuses nouvelles avec des volontaires informés et l’étude scientifique et médicale des mécanismes physiques, physiologiques, génétiques, etc., le permettent. Ils devraient nous faire progresser vers une vie en bonne santé beaucoup plus longue.


Les bonnes nouvelles du mois : Soutien financier aux recherches par des citoyens et livres relatifs à la lutte contre le vieillissement


La campagne de dons “Unlock Longevity” organisée par la SENS Foundation  a récolté plus de 2 millions de dollars de donations privées pour soutenir les recherches les plus prometteuses !

Deux ouvrages font le point et défendent les avancées pour la réjuvénation. Dans le monde anglophone, le livre Ageless: The New Science of Getting Older Without Getting Old du docteur Andrew Steele a notamment été commenté dans le Guardian. Dans le monde francophone, l’ouvrage La mort de la mort. Les avancées scientifiques vers l’immortalité de José Cordeiro et David Wood, a largement été abordé dans la presse.


Pour en savoir plus :

La mort de la mort. N° 141. Les cosmétiques et la longévité. Décembre 2020

L’être humain est composé à 50% de micro-organismes qui l’aident à fonctionner. Cette découverte va nous permettre, dans les années à venir, de mieux comprendre comment la peau nous protège, évolue et vieillit.

 Véronique Delvigne, Lancôme.


Thème du mois : Les cosmétiques et la longévité


L’histoire des cosmétiques

C’est avant tout l’histoire d’un regard, le regard que nous portons sur nous-mêmes, le regard que nous portons sur les autres. De la Préhistoire à nos jours, ce regard a changé, dictant des modes et édictant des règles qui tour à tour paraissent obsolètes ou, bien au contraire, le comble de la modernité. 

Tout cela a commencé il y a environ 12.000 ans lorsque les anciens Égyptiens ont découvert les capacités de guérison des huiles parfumées. À partir de ce moment, leur industrie cosmétique s’est développée, au point où elle est devenue une partie importante de leur religion. Les dieux ont été honorés par l’ensemble de la population avec une large utilisation des cosmétiques. Presque tout le monde a utilisé des huiles, des eyeliners et des produits similaires, pour améliorer l’apparence. Même si certains de leurs ingrédients étaient toxiques, l’attrait des cosmétiques n’a pas diminué.

Les cosmétiques ont trouvé aussi leur chemin en dehors de l’Égypte. Ils ont atteint une grande popularité en Grèce et à Rome. Dans la “ville éternelle”, il fut même un temps où les femmes n’étaient pas considérées comme belles si elles ne portaient pas de cosmétiques. Cela a conduit à l’inflation des prix. Des femmes riches ont investi des fortunes dans des produits cosmétiques coûteux en provenance de l’Inde et du Moyen-Orient. Cependant, à un moment donné, beaucoup ont commencé à les considérer comme extravagants et non nécessaires. Pour lutter contre l’épidémie des cosmétiques, le Sénat romain a promulgué la loi “LexOppia” de 189 avant J.-C qui interdit les expositions publiques de produits cosmétiques et de vêtements féminins extravagants dans toutes les villes de la République romaine.

L’âge des ténèbres en Europe a été l’époque où les cosmétiques ont presque disparu de la pratique publique. En raison de la tradition des prostituées d’utiliser des quantités excessives de cosmétiques pour cacher leur âge et exagérer leur beauté, les cosmétiques ont été totalement abandonnés par la majorité de la population européenne pendant des siècles. Les rois et les reines ont fait des déclarations publiques pour dire que le port de cosmétiques n’était pas décent, les responsables de l’Église ont répandu la croyance que les cosmétiques sont utilisés uniquement par les païens et les adorateurs de Satan et, pendant très longtemps, seuls les acteurs de scène étaient autorisés à les utiliser, mais seulement pendant leurs représentations.

La cosmétique en quête de science

Les cosmétiques et les produits de soin occupent une place importante dans notre quotidien. Ainsi, chaque jour, le consommateur belge utilise près de 18 grammes de produits de soins

Jadis, la noble dermatologie ignorait la futile cosmétique. Mais aujourd’hui la cosmétique se médicalise tandis que la dermatologie profite des innovations des industriels de la beauté. Témoin de ce rapprochement : l’essor du terme dermocosmétique (en anglais cosmeceutical), promu par les industriels comme caution médicale à leurs produits.

Le virage de la cosmétique vers la recherche a été entamé au début des années 80, quand les biologistes ont fait irruption dans un domaine jusque-là aux mains des chimistes et des pharmaciens, portant sur la peau un regard différent : non plus une simple barrière séparant le corps de l’extérieur, mais un véritable organe aux propriétés immunologiques, sensorielles et physiologiques complexes.

Une série d’innovations a rythmé ce virage vers la recherche : introduction en 1984 de la vitamine A acide, aujourd’hui molécule reine des anti-âges, premières cultures de peau en 1985 et, l’année suivante, lancement par Dior des liposomes, ces vésicules lipidiques qui transportent le principe actif jusqu’à la zone à traiter. Cette cascade d’innovations s’est accompagnée d’un envol des dépenses en recherche et développement. L’Oréal, numéro un mondial de la cosmétique, a ainsi triplé son budget de recherche en dix ans pour atteindre 985 millions d’euros en 2019. En moyenne, le secteur de la cosmétique dépense 4 % de son chiffre d’affaires en recherche et développement. Attention, cela reste cependant négligeable par rapport aux dépenses publicitaires.

Le point sur les dernières avancées anti-âge…

Décryptage biologique

Chaque année apporte son lot d’innovations quant au vieillissement de la peau. Mais les chercheurs font actuellement de telles découvertes que la cosmétique anti-âge pourrait s’en trouver complètement bouleversée : « Nous avons d’un côté le séquençage de l’ADN, de toutes nos cellules et de notre microbiome, qui nous donne de nouvelles informations capitales sur le fonctionnement de la peau. Et de l’autre, la bio-informatique qui nous permet aujourd’hui de compiler (via de super-ordinateurs) des milliards de données biologiques provenant d’études réalisées sur toute la planète, résume Véronique Delvigne, directrice de la communication scientifique de Lancôme.

Microbiome 2.0

Les connaissances évolutives sur le microbiome nous donnent une lecture totalement différente de notre fonctionnement et de celui de la peau en particulier. Nous savons aujourd’hui que nous sommes à 50% composés de micro-organismes (bactéries, levures, virus) et que ce microbiote nous protège des agressions, synthétise des antioxydants, renforce notre système immunitaire et aide à la cicatrisation. Il communique aussi avec toutes les cellules de notre corps, et donc de notre peau, pour leur dicter leur conduite. Chez L’Oréal, 9 centres de recherche et 50 chercheurs planchent déjà sur le sujet.

Pilotage microscopique

Le microbiote serait effectivement capable de contrôler nos déséquilibres internes, les zones d’inflammation, les brèches de la peau ou les attaques de radicaux libres. L’idée étant d’apprendre justement à piloter les micro-organismes pour qu’ils aillent réparer les zones abîmées ou irritées. La société Seed affirme que ses probiotiques seraient « dressés » pour se greffer sur les intestins et agir sur les zones enflammées au lieu de les traverser inutilement.

Kit de prévision du vieillissement

Aux États-Unis, la banalisation des kits de décodage ADN permet désormais de traiter le vieillissement dermatologique comme un classique problème de santé. L’état de la peau est décrypté non seulement à partir de son capital génétique, mais aussi de l’état de son microbiote du moment, de son moral et de son mode de vie… Les résultats donnent une vision de chacun à 360°, compressée sous forme d’une banque de données. Passée aux filtres de l’intelligence artificielle, cette base d’informations permet de prédire les zones à risque, les niveaux d’inflammation ou l’efficacité des différentes familles de probiotiques. À domicile, les kits permettent déjà de découvrir nos prédispositions à certaines allergies, maladies ou à la façon dont on va vieillir. Les tests de Lifenome, par exemple, sont supposés prédire une aptitude naturelle pour la course à pied ou une tendance à la ptôse cutanée avec, à la clé, des recommandations ultra-ciblées de fitness, nutrition ou soin de peau. Les kits d’EverlyWell, quant à eux, se concentrent sur les allergies alimentaires, les niveaux de DHA et le métabolisme du corps.

Crème anti-âge à base de sénolytiques

Les cellules sénescentes nuisent au fonctionnement et à la santé des tissus lorsqu’elles s’attardent et se multiplient, comme c’est le cas avec l’âge. Elles contribuent à l’inflammation chronique associée à la sénescence. Dans la peau, les cellules sénescentes sont très probablement responsables d’une fraction importante du vieillissement cutané, perçu comme plus problématique à partir de la cinquantaine.

Ainsi, OneSkin met à disposition un traitement sénolytique. Ceci des années avant l’approbation par la FDA de l’un des programmes visant à détruire les cellules sénescentes dans tout le corps.

Le collagène, la protéine qui maintient jeune

Le collagène est une protéine qui donne résistance et élasticité à la peau, aux os, aux muscles, aux cartilages et aux ligaments.

Elle est aujourd’hui l’objet d’un marketing intense : crèmes de beauté, boissons, poudres, compléments alimentaires. Évidemment ! Chacun aimerait être à nouveau bourré de collagène comme les enfants avec leurs joues douces, leur peau de pêche et leurs articulations souples.

Malheureusement, notre production de collagène décroît avec l’âge. De plus, les protéines de collagène présentes dans notre corps se dégradent sous l’effet des rayons solaires, de la pollution, des radicaux libres et de la malbouffe.

Le collagène, en particulier, est vulnérable à l’excès de sucre. Il s’abîme aussi beaucoup sous l’effet des AGE (Advanced glycation end-products). Les AGE sont des molécules toxiques contenues dans le « grillé » des viandes et des fritures, que nous consommons trop.

À cause du non-renouvellement du collagène, les personnes âgées subissent une sorte de délabrement général de l’organisme. Cela pose problème à tous les niveaux : ostéoporose, arthrose, vieillissement des tissus (rides).

Une des fonctions les plus connues (et les plus recherchées) du collagène concerne les rides. Une sur des femmes de 35 à 55 ans a montré une augmentation de l’élasticité de la peau en 4 semaines, sous l’effet d’un complément d’hydrolysat de collagène. Le même fabricant a fait une autre étude qui a montré une diminution des rides en huit semaines.

Le « bien-vieillir », une évolution de l’anti-âge avant d’aller plus loin ?

L’anti-âge est la tendance fondamentale du secteur qui se retrouve chez toutes les marques sous forme de crèmes de jour/nuit, sérums, masques, sprays, maquillage, etc. Les consommateurs sont amateurs de produits de soin permettant de réduire leurs rides, d’unifier et d’illuminer leur teint, d’atténuer les taches pigmentaires, en résumé : de limiter, voire réparer les signes de l’âge.

Cependant, les produits cosmétiques restent dédiés à un usage quotidien de surface qui permet d’améliorer l’apparence de la peau pour un temps limité. Ce ne sont pas des médicaments ou des actes chirurgicaux invasifs qui permettent d’inverser totalement les effets de l’âge. Les revendications anti-âge des marques sont d’ailleurs de plus en plus contrôlées avec des pays, comme les États-Unis, le Canada et de nombreux pays d’Europe, qui réglementent l’apparition de ces revendications sur les emballages et limitent l’étendue des termes utilisés.

La tendance actuelle est à l’acceptation de soi, au respect de son corps et à son accompagnement au quotidien dans le bien-être. Dans ce contexte, les articles se multiplient sur la notion de « bien-vieillir » qui vient nuancer le classique « anti-âge ».

Depuis des milliers d’années, les femmes et les hommes cherchent à préserver des ans l’irréparable outrage, pour leur apparence physique comme pour leur santé. La cosmétique n’a eu à ce sujet qu’un rôle … cosmétique. Pour aller plus loin, les connaissances, notamment en termes de génétique, d’analyse massive de données, de compréhension de l’ensemble des organismes qui nous composent, sont nécessaires à des avancées radicales pour une durée de vie en bonne santé beaucoup plus longue.


La bonne nouvelle du mois :


Les données massives dans le domaine de la santé sont de plus en plus interconnectées. Ceci est positif pour progresser contre les maladies liées au vieillissement. Il s’agit notamment de comprendre mieux pour mieux lutter contre la Covid 19 qui poursuit malheureusement sa croissance meurtrière ces dernières semaines.

L’évolution positive globale se remarque notamment:

En France, la  Plateforme des données de santé ou Health Data Hub permet la mise en commun de très nombreuses données de santé. Certains projets concrets progressent. Mais il faudrait plus de confiance du public. Ainsi, Emmanuel Bacry Chief Scientific Officer du Hub, déclarait le 9 décembre 2020: << Je pense que c’est extrêmement important de bien expliquer aux citoyens ce que cela signifie de partager les données, leur expliquer vraiment quel serait le véritable risque du partage de données, mais aussi son avantage, qu’est-ce qu’on peut en espérer. (…) Il peut y avoir des fantasmes positifs. Grâce à l’intelligence artificielle, je vais vivre jusqu’à 200 ans. Il y a des fantasmes négatifs. Mes données vont être prises par les sociétés d’assurance et on va m’évaluer, me noter. »

En Finlande, depuis quelques mois, l’ensemble des données de santé sont reliées via un organisme public appelé FinData. Il faut noter le vaste consensus qui existe lorsque les garanties de la puissance publique, de l’intérêt scientifique et de l’absence d’intérêt commercial sont intégrés dans le projet. Le système prévoit que les citoyens qui le souhaitent peuvent ne pas être « répertoriés (« opt out »). Mais, au 10 novembre 2020, moins de 200 personnes sur environ 6 millions de citoyens finnois ont souhaité que leurs données ne soient pas accessibles – selon Johanna Seppänen, directrice de l’institution.

Au niveau européen, les avancées concernant « l’espace européen de données » sont rapides. Un texte relatif à de nouvelles règles pour le partage de données au sein de l’Union est en cours d’élaboration, avec un texte relatif à la santé projeté pour début 2021. L’avancée la plus positive est peut-être plus en termes d’idées qu’en termes techniques. L’union européenne propose un nouveau concept celui de « base de données altruiste » géré par des organisations sans but lucratif.

Aux États-Unis, le projet « All of Us » a pour but de mettre en commun des données étendues de santé d’un million de volontaires. Des résultats liés aux échantillons biologiques de 270.000 personnes déjà actives sont depuis peu accessibles aux chercheurs et aux volontaires eux-mêmes.


Pour en savoir plus :