Longévité positive dans les récits. La mort de la mort. N° 133. Avril 2020.

Même en volant
Je n’aurai pas le temps, pas le temps
De visiter toute l’immensité
D’un si grand univers
Même en cent ans
Je n’aurai pas le temps de tout faire

(…)

Et pour aimer
Comme l’on doit aimer
Quand on aime vraiment
Même en cent ans
Je n’aurai pas le temps
Pas le temps

Je n’aurai pas le temps. Paroles de Pierre Delanoë, chanté par Michel Fugain.


Thème du mois : Une longévité radieuse


En ces dernières heures d’avril 2020, la lutte contre le Covid-19 bat son plein. Nous semblons bien en mesure de gagner une bataille. Mais l’affrontement n’est pas terminé.

Parmi les belles leçons de cette lutte, il y a la mobilisation de milliards de femmes et d’hommes de tous pays et de tous horizons pour protéger les plus faibles et les plus âgés.

Faire vivre les femmes et les hommes beaucoup plus longtemps et en santé parfaite, atteindre l’amortalité (immortalité biologique), bien des humains en ont rêvé. Dans la fiction, à côté de visions négatives d’une longévité sans frontières, il y a des récits plus nuancés ou positifs. Quelques-uns de ceux-ci seront examinés dans cette lettre. Vous pouvez lire en écoutant la chanson Forever Young d’Alphaville ou Je n’aurai pas le temps cité ci-dessus de Michel Fugain.

Un futur amortel ?

Dans le film de science-fiction Time Out, la technologie rend possible de ne pas vieillir. Les humains peuvent vivre des siècles avec le corps d’une personne parfaitement jeune. Mais chaque humain a en lui un compteur électronique qui le tue s’il arrive à 0. Le temps de chaque compteur peut s’acheter, se vendre, se voler dans une société socialement extrêmement divisée.

Mais à la fin de l’histoire, grâce à la révolte du héros, les horloges s’arrêtent. Dans ce récit les « bons », victimes des marchands du temps, l’emportent contre les « méchants ». C’est aussi une victoire dans un monde qui s’annonce sans vieillissement.

Mr. Nobody, en 2009, fut le premier film d’anticipation à diffusion large dans laquelle les êtres humains « normaux » sont ceux qui vivent sans vieillir. Et le héros est, à 118 ans, le dernier homme à mourir de vieillissement. 

Kim Stanley Robinson est l’auteur de La Trilogie de Mars. Les scientifiques y ont développé des traitements qui leur permettent de vivre plus de 200 ans. Ceci n’empêche pas les accidents, il y a des difficultés de santé et cela n’est pas une vie illimitée, mais cela rend la vie plus aisée dans un monde étranger.

Renaître ou rajeunir sans limites ?

2001, l’Odyssée de l’espace est, pour beaucoup, le meilleur film de science-fiction jamais réalisé. À l’extrême fin du film, le héros après s’être vu comme un vieillard semble renaître en tant que bébé. Et dans le livre, écrit parallèlement au film, la dernière phrase illustre l’espoir de ce que nous ne pouvons même pas imaginer encore. Il était maintenant maître du monde, et il n’était pas très sûr de ce qu’il allait faire ensuite. Mais il lui viendrait bien une idée.

Le film Cocoon est un beau récit de science-fiction optimiste. Des personnes âgées dans une maison de retraite en Floride découvrent une piscine avec d’étranges pierres qui régénèrent leurs corps. Ces pierres sont en fait extra-terrestres. Les visiteurs permettent à ceux qui le souhaitent de quitter la terre pour leur monde lointain. Les retraités, sauf un, préféreront l’espace à la décrépitude.

La série née durant les années 60 Doctor Who est la plus longue série de science-fiction de tous le temps. Son impact a été considérable. Le docteur héros du film est un extra-terrestre qui peut se régénérer après sa mort, revenir dans un autre corps et ceci pendant des siècles.

Dans le très beau cycle de romans Le Fleuve de l’éternité du grand écrivain de science-fiction Philip K. Farmer, les humains qui ont vécu depuis le début de l’humanité (et même d’autres espèces d’hominidés) ressuscitent dans un monde organisé autour d’un fleuve immense. Dans ce monde, créé par des êtres surhumains, la mort est impossible et mène à une résurrection systématique. Certains le regrettent, mais la majorité des humains s’en accommodent fort bien.

Sagesse et religion pour une longévité sans limites ?

Dans certains récits, des extra-terrestres ou des êtres différents des humains vivent extrêmement longtemps. Ceci les rend plus sympathiques car ils ont eu le temps d’accumuler de la sagesse. C’est le cliché du « vieux maître » qui est plutôt positif. La longévité est sereine voire rigolarde. L’exemple le plus célèbre est celui de maître Yoda dans Star Wars qui est âgé de plus de 800 ans. Mais il y a aussi notamment Nicolas Flamel dans Harry Potter à l’école des sorciers, Elrond dans les romans de J.R.R. Tolkien et, pour les plus jeunes, le Grand Schtroumpf âgé de 542 ans.

Et puis ne l’oublions pas. Que nous soyons croyants, athées ou agnostiques, nous connaissons tous les récits de vie paradisiaque associés à une vie sans fin. Selon ces récits, les humains pourraient exister au-delà de la mort. Et dans ces visions, même si l’existence dure souvent l’éternité, l’ennui, la décrépitude, la lassitude, … n’apparaissent pas.

En effet, les religions, presque sans exception, nous expliquent ce qui se passe après le décès. Et beaucoup de ces futurs sont radieux pour les fidèles qui se sont bien comportés. C’est le paradis des chrétiens ou des musulmans, le Valhalla des Nordiques, les Champs Elysées des Grecs anciens, les champs d’Ialou de l’Egypte ancienne, le ciel et les terres d’immortalité des taoïstes, …

Les récits positifs concernant une vie beaucoup plus longue sont donc innombrables. Les progrès techniques, humains et de santé nous permettent déjà une vie beaucoup plus radieuse et nettement plus longue que nous n’aurions pu rêver il y a quelques siècles. L’actualité nous montre que les avancées restent fragiles. Et elle nous montre que nous pouvons nous mobiliser plus que nous l’aurions cru pour progresser ensemble.


La nouvelle du mois : La lutte contre le Covid-19 plus intense encore


Comme déjà mentionné dans la lettre du mois passé, jamais, dans l’histoire de l’humanité, une maladie n’aura été combattue aussi rapidement, avec autant d’énergie, de moyens scientifiques, économiques, politiques et financiers.

Aujourd’hui, c’est principalement le confinement qui sauve des vies, une technique multimillénaire. Mais les essais cliniques s’accélèrent. Les recherches à propos d’immunité, de vaccins, de cellules-souches, d’antiviraux, d’anticorps, n’ont jamais été aussi nombreuses. Le travail se fait également avec plus d’interactions et de mise en commun des connaissances que jamais. Demain, cela sera probablement avec plus de coopérations. Cela pourrait se faire au niveau de l’Organisation mondiale de la Santé ou par d’autres organisations avec une dimension internationale telle que celle annoncée récemment par des organismes publics et privés américains et européens.

Rappelons-le : le virus peut atteindre presque tout le monde, mais il ne tue quasiment que des personnes âgées ou très âgées. Demain, quand le virus sera vaincu ou dompté, les personnes âgées ne seront pas épargnées par les autres maladies. Il sera nécessaire que les moyens humains et matériels soient alors orientés pour permettre aux aînés la santé telle que définie par l’OMS un état de complet bien-être physique, mental et social [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.


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