La mort de la mort. Partage de données de santé et longévité N° 138 Septembre 2020

Je fais un rêve qu’un jour les humains s’uniront et diront : Nous tenons cette vérité comme évidente que ce qui sert au droit à la santé est un bien commun.

Je fais un rêve qu’un jour les données médicales, les données de recherche pour la santé et la longévité seront accessibles à tous et permettront une vie plus longue, solidaire et en belle santé.

Je fais un rêve que ceux qui étaient atteints de maladies et ceux qui étaient submergés par la bureaucratie, les réglementations et les intérêts financiers ou psychologiques se retrouveront soeurs et frères pour être tous ensemble plus résilients, plus heureux et fiers de s’entraider.

Je fais un rêve que l’enfer des connaissances privatisées et dispersées se transformera en éden de partage des savoirs pour permettre une vie en bonne santé beaucoup plus longue pour tous.

Texte inspiré de « I have a dream » de Martin Luther King.


Thème du mois : Partage de données de santé et longévité


Nos données de santé 

Parmi toutes les informations personnelles conservées de manière informatique, mais aussi encore bien souvent sous format papier, les informations relatives à la santé et à l’ensemble de nos données biologiques sont parmi les plus nombreuses, les plus sensibles et les plus utiles.

Depuis le début de l’histoire de la médecine, les soins de santé sont prodigués grâce à des connaissances collectives, des expériences individuelles, des croyances souvent inexactes et la connaissance de l’état du patient.

Ce n’est que relativement récemment que les données des patients sont devenues une part importante du champ des connaissances, non plus seulement pour le traitement des personnes elles-mêmes, mais aussi pour la recherche médicale.

Comment partager les données de santé ?

Depuis la fin du 20ᵉ siècle, le souci de protéger la vie privée va croissant. Au départ, les dispositions prises avaient pour objectif et pour résultat d’empêcher des abus. Aujourd’hui, la combinaison des réglementations et des pratiques relatives aux données médicales et plus largement l’ensemble des réglementations et pratiques concernant la vie privée des citoyens a pour conséquence que :

  • Le citoyen n’a pas accès à ses propres données médicales de manière simple.
  • Le citoyen n’a pas la possibilité de participer à des expérimentations médicales et de partager les connaissances de manière scientifique, même s’il souhaite le faire par intérêt personnel ou collectif, même s’il a donné son consentement informé explicite.
  • Les chercheurs n’ont pas accès aux données détaillées relatives à la santé de la plupart des citoyens.
  • Les données médicales font souvent l’objet de transactions commerciales opaques.
  • Le développement de recherches utilisant l’intelligence artificielle et les « données massives en matière médicale » est ralenti. Ce développement est souvent aussi faussé car les données sont partielles, commercialisées et comportent potentiellement plus d’inexactitudes.

Il est parfaitement normal que le citoyen soit protégé d’utilisations illégales de données privées susceptibles de lui nuire. Mais la protection devrait s’arrêter là. Il est immoral, et il devrait être illégal, que les données utiles à la santé publique soient soustraites aux chercheurs, lorsque cette mise à disposition ne comporte pas d’inconvénients pour les personnes dont émanent les données.

Dans un monde idéal, le fait que les données médicales puissent avoir de la valeur pour la recherche ne devrait pas donner lieu à des transactions financières si ce n’est par rapport au coût des opérations nécessaires à la mise à disposition de ces données.

La situation actuelle n’assure d’ailleurs pas la protection de la vie privée. Elle interdit quasi totalement, en fait et en droit, le partage efficace des données.  Pour tout ce qui concerne la médecine classique, le dossier médical, les rapports avec nos institutions de santé, nos informations pharmaceutiques, … nous n’y avons qu’un accès restreint et temporaire. L’absence de mise en commun pour prévenir et réduire dans le futur l’impact des maladies est particulièrement regrettable pour les informations concernant les personnes âgées (indicateurs de maladies neurologiques, détections de chutes, …).

Quelques organisations privées et publiques partageant des données

Les nouveaux outils, comme le traitement en masse des données de santé et l’intelligence artificielle vont permettre d’importants progrès dans l’accompagnement des patients, l’évaluation et le choix des traitements et la gestion du système de santé. C’est pourquoi de nombreux acteurs investissent dans ce domaine. 

  • Health data hub (HDH) est une plateforme de partage des données de santé lancée en décembre 2019 en France.  Son objectif est de favoriser l’utilisation et la multiplication des possibilités d’exploitation des données de santé, en particulier dans les domaines de la recherche, de l’appui au personnel de santé, du pilotage du système de santé, du suivi et de l’information des patients. Le HDH permet le développement de nouvelles techniques, notamment celles liées aux méthodes d’IA. Il a aussi un rôle de promotion de l’innovation dans l’utilisation des données de santé.
  • Un projet similaire existe en Allemagne : the German Medical Informatics Initiatives (MII). Les projets français et allemands partagent les mêmes objectifs mais sont différents en termes de méthodologies. Le projet HDH est basé sur une approche descendante et se concentre sur une infrastructure de calcul partagée, fournissant des outils et des services pour accélérer les projets entre les producteurs et les utilisateurs de données. Le projet MII est basé sur une approche ascendante et s’appuie sur quatre consortiums comprenant des hôpitaux universitaires, des universités et des partenaires privés.
  • Apple mise beaucoup sur les fonctionnalités liées à la santé et au bien-être avec son Apple Watch. Le dernier modèle peut notamment mesurer la fréquence cardiaque, avertir de chutes, effectuer un électrocardiogramme (ECG) grâce à un capteur optique. Malheureusement, tant la firme à la pomme que des firmes offrant des services similaires ne partagent pas les informations.
  • La Fondation X-Prize promeut l’intégration des données sur les soins de santé. Faire tomber les barrières à l’accès aux données tout en respectant les principes de confidentialité et de sécurité est un défi immense et une opportunité formidable. Des données normalisées, agrégées et granulaires sur les patients, pouvant être partagées entre les systèmes, constituent la base de soins de santé peu coûteux et de haute qualité, notamment en permettant aux systèmes de santé de première ligne de fonctionner de manière optimale et efficace. En outre, ces données sont essentielles pour que les algorithmes d’IA puissent fournir des informations.

Favoriser les utilisations pour la santé, empêcher les utilisations illégitimes

Votre assureur, votre banquier, l’État savent bien des choses sur vous. Google, Facebook, votre employeur et votre voisin aussi. Ils ne s’en servent en principe pas dans des buts illégitimes. 

Ce qu’il faut d’abord, c’est interdire l’utilisation illégitime des informations ainsi que des sanctions effectives en cas d’usage nuisible des données de santé (comme de toute autre donnée d’ailleurs)  Il faut empêcher que les données sur le sexe, les origines, l’état de santé, etc., puissent être utilisées par des entreprises privées ou publiques pour pratiquer des discriminations. Il ne doit pas être admis de vendre, de fournir des services ou même de contacter des personnes de manière différenciée dans d’autres cadres que la recherche scientifique et les soins de santé. Une utilisation illégitime doit être sévèrement interdite. Une violation de l’interdiction doit être sanctionnée par des mesures comprenant notamment l’indemnisation totale des victimes et la prévention de la récidive.

Un aspect important des données de santé considérées comme un bien commun, et non comme un bien privé, est qu’il s’agirait de dispositions auxquelles il ne pourrait être dérogé. Il n’y aurait pas de clause possible permettant de vendre, louer, échanger, … les données de santé. Cette interdiction concernerait tant les données des patients d’une institution de santé que les données propres d’un individu.
 

Bien sûr, il faudrait éviter que les données médicales individuelles soient accessibles aux simples curieux. Pour tout ce qui n’est pas directement nécessaire à la recherche scientifique, un système d’anonymisation (ou de pseudonymisation) devrait être réalisé.

Conclusion : partager pour progresser en longévité et en résilience

Réellement mettre en commun les données de santé est aujourd’hui tout à fait possible techniquement. Le cadre juridique et logistique serait relativement aisé à mettre sur pied.

Imaginez un monde où les données de santé ne peuvent être utilisées commercialement, mais seulement pour votre santé et celle d’autruit. Imaginez un monde où la mise en commun des données médicales serait systématique, instantanée et utilisable par l’intelligence artificielle. Votre médecin et vous sauriez en quelques secondes, quels médicaments prennent les gens de votre âge, de votre région, ayant vos caractéristiques médicales, quel est le meilleur traitement compte tenu des connaissances recueillies partout dans le monde.

Imaginez ce qui devrait être la logique élémentaire suivie. Tout comme vous pouvez trouver aisément sur internet ce qu’a fait votre femme politique ou votre chanteur préféré en juillet 2007, vous pourriez d’un clic trouver le médicament que vous aviez pris il y a 3 ans, l’analyse de sang, les vaccinations, que vous aviez fait effectuer il y a 15 ans, la comparaison avec d’autres populations, vos allergies, prédispositions, …

Imaginez que toutes ces données permettent demain des recherches de santé collectives beaucoup plus performantes, des expérimentations cliniques plus sûres et plus rapides. 

Imaginez une vie beaucoup plus longue et en meilleure santé pour tous ceux qui le souhaitent.


La bonne nouvelle du mois : Vers une restauration de la fertilité des femmes ménopausées


Une étude pilote, menée entre 2017 et 2019 à la clinique de fertilité Genesis à Athènes en Grèce, a permis à des femmes ménopausées de donner la vie. Aux termes de cette expérience menée sur 30 femmes qui n’avaient pas eu leurs règles depuis plus d’un an, 80 % d’entre elles ont vu leur taux d’hormones s’améliorer et ont retrouvé un cycle menstruel régulier. Parmi elles, quatre sont tombées enceintes, trois ont eu des enfants. La fertilité aurait été restaurée à l’aide de transfusions sanguines par la méthode PRP (Platelet-Rich Plasma) ovarienne.

Nous avons abordé dans des lettres précédentes les effets réjuvénateurs potentiels des transfusions. D’autres recherches sont en cours afin de confirmer que ce traitement de fertilité est viable. Le professeur Pantos supervise quatre essais cliniques randomisés, contrôlés par placebo, et deux autres essais sont menés par le professeur Emre Seli à l’école de médecine de Yale.


Pour en savoir plus :

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