Nous demandons (…) une ouverture maximale des données médicales des patients atteints du coronavirus SARS-CoV-2, afin de faciliter la recherche médicale et le développement de nouvelles thérapies et de nouvelles pistes de traitement. (…)
L’augmentation du taux de mortalité par le COVID-19 avec l’âge soulève des questions sur les caractéristiques du vieillissement biologique qui entraînent une plus grande sensibilité à cette maladie et à d’autres maladies infectieuses. (…)
Peut-être que s’il existait des moyens de renforcer ou de régénérer l’immunité des personnes âgées, cette maladie ne les tuerait pas.
Extraits d’une lettre ouverte au président de l’Organisation Mondiale de la Santé et aux Chefs d’Etat (le texte en anglais peut être signé ici).
Thème du mois : Coronavirus et longévité
En ces dernières heures de mars 2020, il n’y a peut-être plus un seul être humain adulte en pleine possession de ses moyens qui ne soit au courant de l’extension de la maladie d’origine virale nommée Covid-19.
Cet évènement est unique à bien des niveaux. Jamais, au cours des cinq derniers siècles de l’histoire de l’humanité, un évènement sanitaire n’avait eu un tel impact. Jamais, dans l’histoire récente de l’humanité, la productivité économique mondiale n’aura autant diminué en aussi peu de temps. Jamais, dans l’histoire de l’humanité, une maladie n’aura été combattue aussi rapidement, avec autant d’énergie et avec autant de moyens scientifiques, économiques, politiques, financiers…
Les conséquences économiques, sociologiques et culturelles sont incalculables. Nous vivons un scénario de film apocalyptique. Un organisme invisible se répand rapidement partout dans le monde et provoque partout un nombre de décès qui va grandissant. Les rues sont désertées par les habitants. Les humains s’évitent et restent cloitrés sauf pour se nourrir. Les supermarchés sont pris d’assaut.
Tous les ingrédients du film apocalyptique ? Non. Il en manque un. Le virus ne tue pas tous ceux qui sont exposés. En fait, il tue avec « éclectisme », surtout les personnes les plus âgées et les plus faibles.
Selon les données dont nous disposons, le sort fatal concernerait environ une personne atteinte sur 15 dans la pire des hypothèses. Selon d’autres estimations, il ne s’agirait qu’une personne sur 100. Il y a même des chercheurs envisageant une létalité encore nettement moindre de l’ordre de 0,25 %. Ils se basent notamment sur l’idée que de nombreuses personnes seraient porteuses asymptomatiques du virus. Ceci semble cependant très improbable, compte tenu notamment des connaissances acquises là où des groupes complets ont été testés.
Ces dernières semaines, sauver des vies menacées par le virus est devenu une priorité absolue. Les autorités et les citoyens agissent avec une détermination qui va bien au-delà des « désavantages » économiques et matériels normalement acceptés.
Des longévitistes l’avaient annoncé depuis longtemps. Ceux qui hier considéraient que la vie est « bien assez longue comme cela » se mobiliseraient le jour où une maladie menacerait de faire chuter la durée de vie. Nick Bostrom avait même envisagé cela sous le terme du test de l’inversion. Ce que personne n’imaginait, c’est l’ampleur de la réaction de l’opinion publique.
La situation de ces dernières semaines est celle de deux phénomènes boule de neige en cascade. La croissance du nombre de personnes atteintes entraîne la croissance des mesures prises. Une fois cette double croissance « lancée », il devient presque impossible de l’arrêter. Tant que des moyens thérapeutiques de type antiviraux ou vaccins ne sont pas découverts, s’arrêter de lutter, cela serait perdre la face, admettre que des centaines de milliards d’euros ont été dépensés en vain et s’accommoder de millions de décès de personnes âgées. Si la vie humaine des plus faibles avait pesé, ne fût-ce qu’un peu moins dans la balance, de nombreux Etats, peut-être presque tous, se limiteraient à des mesures plus modérées, « acceptant » des morts en plus.
La détermination des autorités et des citoyens est extraordinaire et émouvante. Il faudra cependant être attentif à ce qu’elle ne devienne pas irrationnelle. Toute mort humaine évitable est une tragédie. Une mort suite au coronavirus n’est pas plus dramatique qu’une mort de la grippe ou d’une septicémie. Or, rien que la grippe provoque des centaines de milliers de morts chaque année. Et la seule application de procédures strictes de vaccination et d’hygiène pour toutes les personnes en contact direct avec des personnes âgées en sauverait probablement des centaines de milliers. Sans maîtrise de la pandémie, des millions de femmes et d’hommes risquent de mourir du coronavirus. Mais des dizaines de millions de femmes et d’hommes mourront aussi d’autres maladies généralement liées au vieillissement rien que dans les prochains 12 mois
Le Covid-19 présente plusieurs similitudes avec l’ensemble des mécanismes de dégradation concernant le vieillissement. Détaillons en quelques-uns.
L’âge des décès
La probabilité de mourir après infection suit une courbe exponentielle qui ressemble beaucoup à la courbe de Gompertz du vieillissement.
Pour le vieillissement ordinaire, à partir d’une vingtaine d’années, la probabilité de décéder est multipliée par 2 environ tous les 8 ans. Pour les décès suite au coronavirus, l’âge est aussi, de très loin, le facteur le plus déterminant. Ainsi, aucun décès d’enfant de moins de 10 ans n’est encore à déplorer nulle part dans le monde. Seuls 0,2 % de jeunes adultes décèdent lorsqu’ils sont atteints et 1,3 % des personnes de 50 à 59 ans. Mais 8 % des personnes de 70 à 79 ans meurent et plus de 20 % des nonagénaires. Le coronavirus est peut-être plus une maladie liée au vieillissement que toute autre maladie infectieuse. En Italie, pays aujourd’hui le plus touché par la pandémie, l’âge moyen du décès des personnes atteintes est de 79,5 ans.
Il est utile de noter qu’aujourd’hui, les maladies infectieuses sont presque toutes plus dangereuses pour les personnes âgées que pour les jeunes. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Ainsi, la redoutable grippe espagnole de l’après première guerre mondiale « visait » d’abord les jeunes militaires, épuisés par la guerre.
Plus les hommes que les femmes, plus les malades que les biens portants
Partout dans le monde, les femmes vivent plus longtemps que les hommes. Parallèlement, le coronavirus est moins létal pour les femmes que pour les hommes. Une des explications est que les femmes fument moins que les hommes, ce qui a un impact pour une maladie qui provoque le décès le plus souvent suite à une détresse respiratoire. Cependant, cela ne semble pas expliquer l’importance des différences, à savoir plus de 50 % de décès en plus chez les hommes.
Sans surprise, le coronavirus, comme le vieillissement, provoquent plus de décès chez les personnes qui ont déjà d’autres affections. Les facteurs de risques principaux sont très proches de ceux qui accélèrent le plus les décès suite au vieillissement : maladies cardiovasculaires, diabètes, maladie respiratoire chronique, hypertension et cancer.
Un système immunitaire déficient
Un des aspects du vieillissement, c’est l’immunosénescence. Notre système immunitaire devient de moins en moins efficace avec l’âge. Il ne reconnait plus ni les corps « amis » ni les corps « ennemis ».
C’est notamment pour cela que les maladies infectieuses, virales ou non, sont beaucoup plus souvent mortelles chez les personnes âgées. C’est pour cela que les vaccins sont moins efficaces, même s’ils restent utiles. C’est probablement pour cela que le coronavirus est tellement létal chez les personnes âgées.
Nous en savons beaucoup mais nous avons beaucoup d’incertitudes
Pour le coronavirus, comme pour le vieillissement, nous avons accumulé des connaissances énormes. Cependant, pour le coronavirus, comme pour les mécanismes du vieillissement, nous avons également d’énormes pans d’ignorance. À commencer par ce qui est le plus important : comment stopper les processus de développement qui mènent au décès.
Mais là s’arrêtent les similitudes.
En ce qui concerne le coronavirus, nos nombreuses incertitudes concernent notamment :
- la durée d’incubation
- le degré de contagiosité durant l’incubation, durant la maladie et après la maladie
- le nombre de personnes asymptomatiques et le degré de risque qu’ils contaminent d’autres personnes
- le taux de mortalité des personnes atteintes (déjà abordé plus haut)
- la durée de l’immunité après la maladie (si elle se produit bien) et les risques de réinfection
Les connaissances progressent à un rythme sans équivalent dans l’histoire pour l’étude d’une maladie. Des millions de personnes et d’organisations se mobilisent pour lutter.
Il est essentiel, dans le cadre de la maîtrise de cette crise que les efforts internationaux soient renforcés, coordonnés, avec des données anonymisées accessibles à tous. Dans ces conditions, il est probable que des thérapies diminuant fortement la mortalité seront disponibles rapidement.
Les principales pistes thérapeutiques sont :
- Un vaccin (qui n’est cependant en principe pas envisageable avant 18 mois)
- Des médicaments antiviraux
- Des anticorps produits par les patients guéris
Mais d’autres pistes sont à explorer, notamment l’utilisation de cellules-souches
En ce qui concerne les virus, guérir vaut mieux que prévenir
En attendant mieux, la prévention peut fonctionner. Il semble qu’elle atteindra son objectif, mais au moyen d’un coût économique incroyable. Pour paraphraser une phrase de La Fontaine, en ce moment « Peu meurent, mais tous sont frappés ». Des milliards de personnes restent à leur domicile. Les bourses de la planète s’effondrent. Des millions d’entreprises sont menacées. Et partout, les citoyens se mobilisent par peur pour eux-mêmes, par obligation fixée par les autorités, et aussi par un souhait de protection des plus faibles et des plus âgés qui n’a jamais eu d’équivalent.
Pour l’exprimer de manière un peu provocatrice, guérir vaudrait encore mieux que prévenir. Prévenir toutes les maladies nouvelles en empêchant la naissance de nouveaux virus létaux pour l’homme est impossible et le restera dans un avenir prévisible. En effet, de nouvelles sortes de virus peuvent apparaître partout et à tout moment. Les moyens pour empêcher la propagation doivent être améliorés. D’autant que nous ne sommes pas à l’abri de virus nettement plus létaux et qui ont une durée d’incubation encore plus longue.
Trouver les moyens de lutter contre les maladies infectieuses plus rapidement est donc un enjeu qui pourrait devenir une question de survie, non pas seulement pour les personnes âgées et faibles, mais pour l’ensemble de l’humanité. Trouver de manière préventive des remèdes contre de plus en plus de types de virus infectieux pour l’homme est aujourd’hui impossible mais pas inenvisageable sur le long terme. Et cela peut, voire doit, s’inscrire dans un environnement global dans lequel tout ce qui rend l’humain plus résilient, capable de vivre en bonne santé plus longtemps doit être recherché.
Guérir vaut mieux que prévenir en ce qui concerne les maladies liées au vieillissement
La prévention des maladies liées au vieillissement est importante. Une meilleure hygiène de vie, plus de sport, moins de stress, une alimentation plus équilibrée et moins abondante, tout cela permet de gagner quelques années de vie en bonne santé.
Mais, encore plus que pour la lutte contre les virus, des progrès permettant une vie beaucoup plus longue et en bonne santé ne peuvent se faire sans progrès médicaux et scientifiques de rupture. Des progrès importants ne sont envisageables qu’en maîtrisant des mécanismes aboutissant à un véritable arrêt (ou ralentissement radical) des processus de vieillissement.
Pour lutter contre la sénescence, la mobilisation est faible et les connaissances progressent lentement. Les maladies liées au vieillissement sont encore trop souvent vues comme acceptables car « naturelles ».
Cependant, ceci vient de radicalement changer pour une des maladies liées au vieillissement à savoir la pandémie actuelle. Un virus est pourtant tout ce qu’il y a de plus naturel. Que ce soit le virus de la peste ou la maladie à coronavirus 2019. Nous n’acceptons plus qu’ils tuent, même les personnes âgées en mauvaise santé qui ont vécu bien plus longtemps que la durée de vie moyenne. Et tant mieux !
Et demain ?
Des luttes ont débuté, il y a à peine 100 jours, pour maîtriser l’épidémie, pour le partage des connaissances, pour les progrès scientifiques et les thérapies nouvelles contre le Covid-2019. Elles seront épuisantes. Mais l’humanité a traversé des épreuves plus difficiles encore.
Début 2020, nous nous souciions déjà plus que jamais des personnes âgées. Mais réjouissons-nous du saut supplémentaire de l’opinion publique et des décideurs entre janvier 2020 et mars 2020. La mort de personnes âgées suite à une maladie infectieuse est devenue une catastrophe.
Bientôt, nous pourrons peut-être passer de la recherche scientifique approuvée quasi-unanimement contre une nouvelle maladie réduisant l’espérance de vie à la recherche médicale de nouveaux remèdes augmentant l’espérance de vie (en bonne santé bien sûr).
La bonne nouvelle du mois : Des cellules humaines âgées rajeunies
La principale nouvelle scientifique de santé non relative au coronavirus a été annoncée par une équipe de la célèbre Université médicale de Stanford. Les chercheurs californiens ont utilisé les protéines appelées Facteur Yamanaka et ont réussi à rajeunir des cellules humaines. Ils ont également constaté que des cellules musculaires de souris, traitées de manière similaire et réinjectées dans le corps des souris, avaient un effet rajeunissant sur les souris.
Les chercheurs veulent poursuivre leur travail pour, un jour, permettre le rajeunissement de tissus humains.
Pour en savoir plus :
- Voir notamment : heales.org, sens.org, longevityalliance.org et longecity.org.
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