Comme toujours, tout commence par le rapport à la mort. Par son refus absolu, vital obsessionnel. Parce que la vie est magnifique ou en tout cas peut l’être. Jacques Attali. Vivement après-demain. 2017.
Thème du mois : Vieillissement et fertilité.
« L’horloge biologique tourne » est une expression utilisée bien plus souvent pour désigner l’approche de la ménopause chez les femmes que la fin de la vie d’un être humain quel que soit son sexe.
Dans la nature, le vieillissement et la fertilité sont liés, mais de manière très différente selon les espèces.
Vieillissement accéléré après la reproduction
Pour de nombreuses espèces vivantes, la reproduction est un acte unique suivi d’un processus de sénescence accélérée.
Pour beaucoup d’espèces d’insectes, l’essentiel de la vie se déroule durant les stades dits larvaires. L’animal adulte vivra de quelques heures à quelques mois, se reproduira et puis mourra. Parmi les insectes les plus spectaculaires dans ce domaine, il y a les éphémères qui généralement ne vivent pas plus d’une journée au stade adulte.
Pour de nombreuses plantes annuelles (ou bisannuelles), la croissance se termine par la floraison et la mort. Il en va de même pour des espèces animales très différentes les unes des autres: les célèbres saumons du Pacifique qui remontent la rivière, fraient et meurent ; les poulpes et calmars qui pondent, gardent parfois leurs oeufs jusqu’à l’éclosion et s’éteignent au plus tard à la naissance des jeunes. Le terme technique utilisé pour cette reproduction est sémelparité.
Ce phénomène concerne aussi des espèces plus proches de l’humain. Chez une espèce de marsupial, l’antechinus, le mâle marsupial va mourir peu de temps après qu’il ait fécondé une ou plusieurs femelles.
Reproduction jusqu’à la fin de la vie
Mais la reproduction comme acte unique, n’est pas la règle générale. La plupart des êtres vivants, lorsqu’ils atteignent l’âge adulte, se reproduisent à plusieurs reprises.
De très nombreuses plantes et de très nombreux animaux se reproduisent périodiquement. L’animal le plus représentatif de ce point de vue, en tout cas en Europe, est probablement le cerf. La période de « rut » concerne de nombreuses espèces. La reproduction à un moment déterminé peut aussi suivre d’autres périodicités, par exemple le cycle lunaire déterminant les marées pour les tortues marines, un cycle de 17 ans pour la cigale Magicicada stependecim.
D’autres animaux se reproduisent chaque fois que les conditions sont favorables sans suivre des cycles extérieurs. Les lemmings, les lapins et les rats mais aussi des insectes comme les mouches domestiques et les drosophiles se reproduisent rapidement, mais ont une durée de vie maximale courte.
Enfin, chez des insectes dits « eusociaux » comme les fourmis et les termites, les reines peuvent pondre sans discontinuer pendant des années voire des décennies.
Pour tous les êtres vivants décrits jusqu’ici, soit l’acte de reproduction précède de peu la mort, soit la reproduction se poursuit jusqu’à ce que le mécanisme de sénescence, précédant également de peu la mort, la rende impossible. Pour quelques espèces, la durée de reproduction dépasse celle atteinte par les femmes. Il en va ainsi de certains reptiles. C’est le cas également d’au moins une femelle albatros, nommée Wisdom, baguée en 1956, et qui continuait de pondre en 2016, à un âge estimé de 66 ans.
Les humains et les orques
Chez de rares espèces animales, chez les femelles, la fin de la période fertile ne signifie pas nécessairement la fin proche de la vie.
En fait, la ménopause ne semble concerner que les orques, les globicéphales (des cétacés) et les êtres humains. Il existe d’autres mammifères, dont des primates, qui cessent de se reproduire à un âge avancé, mais cela n’est probablement pas systématique. À près de quarante à un peu plus de cinquante ans chez les humains et de trente à quarante ans chez les orques, la fertilité s’interrompt mais la vie se poursuit. Selon certains, ce mécanisme s’explique en terme de sélection naturelle par l’utilité des grands-mères pour l’éducation des jeunes. Pour les hommes et pour les orques mâles, la fertilité peut diminuer avec l’âge, mais l’andropause ne signifie pas l’interruption de la possibilité de reproduction.
Quelques perspectives intéressantes en matière de longévité
L’étude de la fertilité et de son évolution selon l’âge, particulièrement des animaux femelles est utile pour mieux comprendre le vieillissement:
- Pour les êtres vivants qui meurent rapidement après s’être reproduits, l’étude des mécanismes biologiques de la période de fin de vie permet d’observer la sénescence « en accéléré » (alors qu’il faudrait des années pour mesurer la sénescence d’autres espèces).
- La mesure de l’évolution de la fertilité (nombre de jeunes nés vivants, nombre d’oeufs pondus, nombre de graines…), permet de recueillir des données relatives au vieillissement. Le taux de fertilité sera un indicateur pour déterminer le rythme de vieillissement de l’animal (ou de la plante). Pour certaines espèces, ce taux de fertilité ne diminue pas, voire même augmente jusqu’à un âge avancé. Ainsi, des chênes multicentenaires continuent à produire des glands en nombre significatif et les séquoias produisent des cônes (contenant des graines) pendant des millénaires.
- Il est utile de mesurer et de tenter de comprendre les liens entre certains types de fertilité et la longévité. Par exemple, en moyenne, plus un être vivant se reproduit tard, plus sa durée de vie est importante.
- Il est souvent affirmé, y compris par des spécialistes, que, moins une espèce a de descendants (potentiels), plus son espérance de vie est longue et que la sélection naturelle favorise soit une reproduction abondante soit une vie longue. Ceci est probablement exact chez les mammifères. Par contre, cela n’est pas systématique pour les autres espèces vivantes. Les quahogs, les coraux, les éponges peuvent vivre pendant des siècles. Ils peuvent aussi avoir d’innombrables descendants. Cependant ceux-ci ne survivront quasiment jamais, sinon la planète serait couverte par ces espèces.
Comme dans bien d’autres domaines relatifs à la sénescence, force est de constater que bien des questions n’ont pas encore été explorées concernant le vieillissement et la reproduction. Des recherches plus abondantes pourraient nous offrir encore bien des pistes de réflexion pour mieux comprendre – et donc pour mieux lutter contre – les mécanismes de sénescence.
La bonne nouvelle du mois: Multiplication des conférences relatives à la longévité
L’espoir de modifications radicales dans le domaine de la longévité se mesure notamment par la multiplication des conférences à ce sujet. Au cours du seul mois de mai 2017 ont eu lieu :
- à Paris, une conférence internationale de trois jours organisée par l’Institut Pasteur sur la sénescence cellulaire;
- à Madrid, une conférence internationale également de trois jours sur la longévité et la cryonie;
- au Texas, un symposium de deux jours nommé « Age and Longevity in the 21st Century, Science policy and Ethics » et
- à Londres un Congrès appelé « World Advanced Therapies & Regenerative Medicine Congress« .
Et bien d’autres activités scientifiques de type colloque liées aux questions des recherches scientifiques de santé et donc notamment à la longévité se sont déroulées au cours de ce mois.
Pour en savoir plus:
- De manière générale, voir notamment: heales.org, sens.org, longevityalliance.org et longecity.org
- Photo: certains coraux peuvent vivre des siècles et produire des larves très nombreuses (ici un corail cerveau)