Je crois que nous avons le droit d’utiliser ces nouvelles technologies pour nous aider et nous aimer. Je crois que nous avons un devoir, un devoir financier et un devoir éthique. Et si vous ne me croyez pas, demandez à n’importe quel enfant de quatre ans. David Sinclair, biologiste en 2013 (Extrait de A Cure for Ageing? traduit de l’anglais, Ted X Sydney).
Thème du mois : Une vie beaucoup plus longue pour des privilégiés ou pour tous ceux qui le souhaitent ?
Les progrès de la médecine permettent d’envisager une vie radicalement plus longue. Certains imaginent que ces progrès ne seront que pour les riches, d’autres imaginent que chacun pourra en bénéficier.
La crainte que des avancées technologiques ne profitent qu’aux puissants n’est pas originale. Une nouvelle technologie est presque toujours d’abord accessible seulement à quelques-uns avant que l’accès ne se répande.
Certaines avancées restent aujourd’hui accessibles à une minorité mais d’autres pas. L’électricité, le téléphone et le réseau internet sont devenus, dans les pays riches, accessibles à l’immense majorité de la population. Ces mêmes biens et services sont également accessibles au Sud à une part majoritaire de la population mais avec encore bien trop de citoyens exclus.
Il n’est pas certain que la majorité des citoyens aura accès aux thérapies de longévité en bonne santé. Cependant, le cas échéant, la pression sociale, politique, économique, éthique, morale, médicale et environnementale pour les rendre accessibles au plus grand nombre devrait être énorme et rendre extrêmement probable la démocratisation de l’extension de la longévité.
Les raisons de ce développement probable sont examinées ci-dessous.
Une vie en bonne santé plus longue pour tous a un avantage économique
Les coûts pour la société des maladies liées au vieillissement sont énormes. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, cela n’est pas l’avancée en âge qui est le plus coûteux. Ce sont les dernières années avant le décès suite à des maladies incapacitantes qui représentent des coûts considérables quel que soit l’âge du décès. Les dépenses concernent les personnes elles-mêmes mais aussi leurs familles et les institutions publiques qui financent les maisons de retraite, les remboursements de soins de santé, les hôpitaux, … Autrement dit, des thérapies permettant une vie plus longue en bonne santé signifient à terme des économies pour la collectivité.
Dans le domaine de la sénescence comme dans d’autres domaines, prévenir vaut mieux que guérir. Prévenir la dégénérescence suite à la sénescence vaut mieux que de pallier les conséquences négatives.
La longévité, un bien commun de l’humanité
Aujourd’hui, dans le monde, les maladies liées au vieillissement sont la première cause de mortalité, de morbidité et de souffrance, responsables d’environ 7 décès sur 10 à l’échelle planétaire et environ 9 sur 10 dans les pays les plus aisés.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. Le droit à la santé est reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 25). Les moyens d’exercer ce droit varient selon les évolutions médicales et il ne serait plus admissible au regard des droits humains de refuser des soins contre la sénescence si ceux-ci devenaient accessibles.
Les personnes avançant en âge pourraient devenir des citoyens égaux aux autre en fait (et pas seulement en droit)
Aujourd’hui, les éthiciens, les autorités morales et religieuses se concentrent généralement sur le droit des personnes âgées à vivre dans la société de la manière la plus harmonieuse possible, malgré les inégalités de fait. C’est une bonne chose. Demain, s’il est possible de mettre fin à certaines de ces inégalités, les responsables devraient se concentrer sur la possibilité de mettre fin à ces inégalités et non pas seulement tenter d’y remédier.
Si une personne devient aveugle par suite d’une déficience alimentaire inconnue, il faut bien sûr lui offrir les moyens de pallier à son handicap en donnant un logement adapté, des informations sonores au lieu d’informations visuelles, … Mais une fois la cause de la déficience connue, sauf si la personne souhaite rester non-voyante, la priorité est de mettre fin au déficit alimentaire et donc de rendre la vue.
Coût réel des thérapies
La recherche de thérapies coûtera cher, particulièrement la recherche pour la lutte contre les maladies neurodégénératives. Par contre, les produits et thérapies ensuite nécessaires seront très probablement rapidement disponibles à un coût de moins en moins élevé parce que:
- L’ensemble des citoyens de la planète est potentiellement concerné ce qui signifie des économies d’échelle gigantesques.
- Les produits nécessaires pour les thérapies ne devraient pas être des produits coûteux. L’être humain est infiniment précieux mais sa composition et les produits qu’il absorbe, c’est surtout de l’eau, du carbone et des matières peu coûteuses. Que ce soient des médicaments ou des thérapies géniques, les concernées ne sont pas chères par elles-mêmes et nous n’en aurons besoin qu’en quantités limitées. Ce qui peut être cher, c’est le développement d’appareils pour les thérapies. Cependant, le coût ne sera relativement élevé que pendant leur mise en place.
Le principal obstacle financier pourrait être celui lié à l’exploitation commerciale des droits (de type droits d’auteur et brevets) qui sont liés aux recherches examinées dans le paragraphe suivant.
Des investissements publics ou des recherches privées maîtrisées
Une bonne partie des recherches de santé sont des recherches financées par la puissance publique, particulièrement dans le domaine des maladies neuro-dégénératives. Ce sont ces recherches, en étant attentif à ce que les découvertes soient mises à disposition de tous, qui présentent le plus de garanties pour l’accessibilité à tous. Mais des recherches efficaces sont aussi effectuées par le secteur privé ce qui pose la question de l’exploitation commerciale.
En ce qui concerne les recherches relatives aux thérapies géniques, il est généralement admis que le « brevetage du vivant » n’est pas autorisé. C’est particulièrement exact en ce qui concerne les thérapies concernant les êtres humains.
Cependant, ce qui peut bien être breveté, ce sont les moyens pour transformer des gènes de manière utile et, plus généralement, les moyens techniques nécessaires pour fabriquer des thérapies médicales contre le vieillissement. Il y a donc là un risque d’inégalité, une fois les thérapies disponibles. Cependant, ces risques sont limités parce que:
- Aujourd’hui, vu le caractère de plus en plus interconnecté des recherches, il est difficile de dissimuler des découvertes.
- La durée maximale d’un brevet est limitée généralement à 20 ans (parfois 25 ans). Ceci signifie que, dans le pire des cas, si une thérapie de longévité efficace est découverte, elle serait sans droit de propriété après une génération. Mais ce « pire des cas » est improbable vu ce qui suit.
- L’opposition de l’opinion publique, des femmes et des hommes politiques, des journalistes, des autorités publiques, si une thérapie efficace était réservée à une élite serait immense. Une société privée aurait à choisir entre mettre à disposition pour un prix modique pour des milliards de personnes une thérapie ou la vendre à un prix élevé pour des millions de personnes. Le second choix signifierait s’exposer à la réprobation voire à la haine de la population. Même si les « propriétaires » font abstraction de l’éthique, le choix collectif sera le plus intéressant à condition qu’une transparence suffisante des opérations soit garantie.
Une volonté collective pour une vie en bonne santé radicalement plus longue
Si des thérapies sont découvertes, la prise de conscience de leurs impacts positifs se renforcera. Les oppositions à une longévité accrue devraient rapidement s’amoindrir. Aujourd’hui, presque plus personne ne s’oppose à l’utilisation d’analgésiques, aux greffes d’organes ou encore à l’accès à des informations médicales fiables via internet. Tout cela n’allait pas de soi avant que cela ne soit aisément réalisable techniquement. Une fois que c’est devenu possible, la pression pour que cela soit accessible, et ceci sans obstacle financier, s’est accrue.
Bien sûr, il est probable que certains souhaiteraient encore avoir le droit de vivre « comme avant ». Cette possibilité doit exister ou plutôt apparaître. Pour rappel, à ce jour personne n’a « le droit » de choisir entre une vie relativement courte et une vie longue au-delà de nos limites biologiques actuelles. Si ce choix apparaît, il devrait être, dès que possible, le même, quel que soit le revenu, le patrimoine ou les origines.
La (relativement) bonne nouvelle du mois : l’espérance de vie en France est à nouveau en hausse
Alors que les médias avaient abondamment fait écho à une diminution de l’espérance de vie en France en 2015, il y a eu beaucoup moins d’échos sur la bonne nouvelle de l’augmentation de l’espérance de vie en 2016.
Pour 2016, l’espérance de vie à la naissance est pour les femmes de 85,4 ans (le record d’il y a 2 ans) et pour les hommes de 79,3 ans (le record absolu).
Ceci étant, c’est une bonne nouvelle relative parce que sur deux ans, cela fait une quasi-stagnation (statu quo pour les femmes, un mois pour les hommes) alors que les progressions moyennes antérieures annuelles étaient d’environ 3 mois pour les hommes et 2 mois pour les femmes.
Pour en savoir plus:
- De manière générale, voir notamment: heales.org, sens.org et longecity.org
- Source de la photo