La bataille pour nourrir toute l’humanité est terminée. Dans les années 1970, des centaines de millions de personnes mourront de faim malgré les programmes de secours lancés aujourd’hui. À cette date, rien ne pourra empêcher une augmentation substantielle du taux de mortalité dans le monde…
Voilà la chute certaine de l’espérance de vie suite à la surpopulation que Paul Ehrlich, auteur de l’ouvrage « The Population Bomb« , paru en 1968 et vendu à des millions d’exemplaires, annonçait. Un demi-siècle plus tard, la taille de la population mondiale a plus que doublé. Même si des centaines de millions de personnes souffrent encore de la faim, jamais nous n’avons eu autant de nourriture par personne. Et concernant le taux de mortalité, l’espérance de vie globale a progressé de plus de 15 ans.
Thème du mois : Surpopulation et longévité
Déclin vers 2064
Il est temps pour certains pessimistes de mettre de côté leurs images de malheur sur la surpopulation. Selon une étude récente publiée dans la revue scientifique The Lancet, la population mondiale atteindra son maximum vers 2064, à 9,7 milliards d’individus, et entamera alors un déclin pour redescendre à 8,8 milliards de terriens à la fin du siècle.
Dans les années 60, chaque femme avait encore en moyenne 4,5 enfants, aujourd’hui ce chiffre est inférieur à 2,5. Ce chiffre n’est pas beaucoup plus élevé que le taux de remplacement de 2,1 : le nombre dont vous avez besoin pour maintenir une population.
Comme l’écrit le médecin suédois Hans Rosling dans son livre Factfulness : Lorsque les parents voient que les enfants restent en vie, que les enfants ne sont plus nécessaires au travail et que les femmes reçoivent une éducation et ont accès aux contraceptifs, les deux sexes, dans toutes les cultures et religions, commencent à rêver d’enfants moins nombreux, mais bien éduqués.
En 1950, 25 bébés naissaient pour chaque personne qui soufflait 80 bougies. Aujourd’hui, ce chiffre est d’environ sept. Si l’évolution actuelle se poursuit, en 2100, pour chaque personne de plus de 80 ans, il n’y aura qu’un seul bébé. C’est une révolution invisible, une pyramide des âges inversée, jamais vue auparavant dans l’histoire. Il est temps d’y réfléchir, au lieu de se complaire avec des images désuètes ressassant une soi-disant inévitable explosion de la population mondiale.
En 2100, 183 pays n’auraient pas les taux de fécondité nécessaires pour maintenir la population actuelle
Nous sommes aujourd’hui environ 7,8 milliards d’habitants. Les démographes savaient déjà que notre population devrait diminuer d’ici quelques décennies, mais cette nouvelle étude prédit que ça se produira encore plus vite que nous ne le pensions.
Les Nations unies ont également supposé que les pays qui tombent en-dessous du taux de remplacement se stabiliseront autour de 1,75 enfant par femme, mais selon The Lancet, cette estimation est basée sur un échantillon sélectif. Dans des pays tels que la Thaïlande, la Corée du Sud et la Grèce, nous constatons que la baisse se poursuit à moins d’un enfant et demi par femme. Et cela fait une grande différence à long terme.
Bien sûr, un monde d’environ 10 milliards d’habitants reste un défi, surtout si nous voulons que tout le monde profite du niveau de prospérité occidental (un milliard de personnes n’ont même pas encore accès à l’électricité). Mais avec la science et la technologie modernes, c’est certainement surmontable. Plus de gens signifie même, à bien des égards, une bonne nouvelle.
A priori, il semble plausible que, plus il y a de gens, moins il reste de ressources pour tout le monde. Or, d’un point de vue économique, ce n’est pas toujours vrai. Plus de personnes signifie souvent moins de pénurie. Parce que de nombreux cerveaux, regroupés de manière dense, trouvent des idées plus intelligentes et se spécialisent davantage. L’indice d’abondance Simon, du nom de l’économiste et penseur Julian Simon, montre que les matières premières deviennent plus abondantes et moins chères à mesure que la population mondiale augmente. Cela semble fou et contre-intuitif, mais c’est souvent le cas avec les connaissances scientifiques.
Attention cependant, ceci n’est envisageable, à terme, que dans un monde où les progrès technologiques permettent d’utiliser principalement des énergies et matières premières renouvelables. C’est techniquement possible, mais cela nécessite une volonté politique, sociale et économique encore insuffisante aujourd’hui.
Il faut aussi tempérer l’image d’un monde surpeuplé. La surface de la planète fait environ 500 millions de kilomètres carrés dont 150 millions de terres émergées. Un pays comme le Bangladesh est autosuffisant en matière d’alimentation avec plus de 160 millions d’habitants (un quarantième de la population mondiale sur 1 millième de la surface des terres émergées).
Selon les projections effectuées, d’ici 2100, 183 des 195 pays n’auraient pas les taux de fécondité nécessaires pour maintenir la population actuelle, avec une projection de 2,1 naissances par femme, ont déclaré des chercheurs de l’Institut de métrologie et d’évaluation de la santé de l’École de médecine de l’Université de Washington. Quelque 23 pays – dont le Japon, la Thaïlande, l’Italie et l’Espagne – verraient leur population diminuer de plus de 50 %.
Cependant, la population de l’Afrique subsaharienne pourrait tripler, ce qui permettrait à un peu moins de la moitié de la population mondiale d’être africaine d’ici la fin du siècle.
Le monde, depuis les années 1960, s’est vraiment focalisé sur la soi-disant explosion démographique, a déclaré le Dr Christopher Murray, qui a dirigé la recherche, à CNN. Soudain, nous assistons maintenant à ce genre de tournant où il est très clair que nous passons rapidement de la question du trop grand nombre à celle du trop petit nombre.
Les plus de 80 ans seront plus nombreux que les moins de 5 ans
L’étude prévoit également des changements majeurs dans la structure des âges au niveau mondial à mesure que la fécondité diminue et que l’espérance de vie augmente. On estime qu’en 2100, 2,37 milliards de personnes auront plus de 65 ans dans le monde, contre 1,7 milliard de moins de 20 ans.
Le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans dans le monde pourrait être multiplié par six, passant de 141 millions à 866 millions. Dans le même temps, le nombre d’enfants de moins de cinq ans devrait diminuer de plus de 40 %, passant de 681 millions en 2017 à 401 millions en 2100. L’enfance pourrait devenir rare.
Et la longévité en bonne santé dans tout cela ?
Il faut d’abord rappeler, comme cela a été fait dès 2012 dans une lettre « la mort de la mort« , qu’il y a une corrélation forte entre l’espérance de vie et la fécondité. Dans les régions du monde ou les femmes et les hommes vivent plus longtemps (et sont mieux éduqués et plus aisés), la natalité diminue et la population tend à décroître. Lorsque l’espérance de vie croît, la natalité diminue et la croissance de la population est moindre (ou négative).
Première bonne nouvelle donc, la longévité est un facteur stabilisant pour la population. Pour le dire d’une manière qui apparaîtra provocatrice : pour être moins nombreux, vivons plus longtemps !
Deuxième bonne nouvelle : là où les gens vivent plus longtemps, ils tendent à être plus prudents. Si un jour, la durée de vie devient potentiellement beaucoup plus longue, bien au-delà du siècle, les citoyens seront naturellement bien plus prudents, investiront plus pour leur avenir et ne souhaiteront, ni pour eux-mêmes, ni pour les autres, une planète surpeuplée.
Il y a cependant une moins bonne nouvelle. Jusqu’à aujourd’hui, pour les populations au-delà de 80 ou 90 ans, nous ne parvenons toujours pas à des progrès importants en matière de santé. Comme déjà exposé dans des lettres précédentes, pour ce qui est de la durée de vie maximale, nos progrès sont insuffisants, particulièrement pour la longévité en bonne santé.
Donc, dans l’état actuel, la surpopulation, nous ne la risquons pas, au contraire. Mais bien un monde avec une population fragile nombreuse. C’est une des nombreuses raisons pour lesquelles les recherches pour une vie beaucoup plus longue en bonne santé sont fondamentales, pas seulement dans l’intérêt individuel, mais aussi dans l’intérêt collectif.
Les bonnes nouvelles du mois : La maladie d’Alzheimer recule en Europe et aux États-Unis. Du plasma et de l’albumine pour diminuer l’impact de la maladie d’Alzheimer. Une enzyme prévient la perte de mémoire chez les souris.
Le risque de développer une maladie d’Alzheimer ou une autre forme de dégénérescence neuronale à un âge donné s’est réduit de 13 % en dix ans, rapporte une importante étude menée aux États-Unis et dans plusieurs pays européens.
Attention, cette bonne nouvelle est relative. Du fait de l’augmentation de l’espérance de vie, le nombre de personnes ayant la maladie d’Alzheimer augmente quand même. En d’autres termes, le pourcentage de personnes atteintes dans une tranche d’âge diminue, le nombre absolu de personnes atteintes continue d’augmenter.
Dans le domaine de la recherche proprement dite contre la maladie d’Alzheimer, un essai clinique pour enlever les facteurs vieillissants du sang (en injectant de l’albumine et de l’immunoglobuline), donne de bons résultats. Cette étude est randomisée et réalisée en double-aveugle. Elle reste néanmoins à confirmer d’autant qu’elle est financée par une société produisant de l’albumine et de l’immunoglobuline a des fins thérapeutiques.
Dans un article à paraître dans la revue Acta Neuropathologica, Lars et Arne Ittner, chercheurs spécialisés dans l’étude de la démence à l’Université Macquarie, détaillent comment l’activation d’une enzyme clef (p38gamma) dans le cerveau peut prévenir le type de perte de mémoire associé aux formes avancées de la maladie d’Alzheimer, et même l’inverser. Une avancée importante testée sur des souris, à confirmer sur les humains.
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