Moi, personnellement, si il y a des technologies qui permettent de prolonger ma vie, et que j’y ai accès, oui, je ferais le choix de les utiliser. Mais je pense aussi qu’il va justement aussi y avoir des questions individuelles parce qu’au nom de cette liberté, on va aussi créer des inégalités entre les êtres humains. (…) Il va y avoir un moment radical (par) la conjonction entre la thérapie génique et la nanotechnologie (…) qui fait qu’on va avoir des traitements non seulement extrêmement performants pour traiter les maladies liées au vieillissement, mais aussi peut-être même pour stopper le vieillissement
Corinne Narassiguin, femme politique française, numéro 2 du Parti socialiste, notamment à propos des moyens envisageables pour que ces thérapies soient accessibles un jour à tous ceux qui le souhaitent.
Thème du mois : Les longévitistes les plus (re)connus
Évidemment, le choix ci-dessous est subjectif. C’est un tour d’horizon de quelques-uns des femmes et des hommes attachés à rendre possible une vie beaucoup plus longue et en meilleure santé. Ils se sont exprimés derrière les éprouvettes, dans leurs recherches académiques, mais aussi devant des caméras. La diversité de leurs approches illustre la difficulté et la richesse du travail dans ce domaine qui nous concerne tous.
Aubrey De Grey
Aubrey de Grey, est un scientifique anglais, ancien informaticien à l’université de Cambridge et au départ autodidacte en biogérontologie. Il vit aujourd’hui en Californie.
Inspiré par la « théorie mitochondriale du vieillissement » émise par le Dr Denham Harman en 1972, il élabore le projet baptisé SENS (Strategies for Engineered Negligible Senescence) destiné à prévenir le déclin physique et mental lié au vieillissement.
Il propose de développer un moyen de régénérer les tissus cellulaires permettant de rajeunir et d’étendre l’espérance de vie humaine sans limitation de durée. Il aurait identifié sept causes du processus de vieillissement qui doivent être contrées afin de mener à bien ce projet.
Sur sa carrière passée d’informaticien (puis de bio-informaticien en génétique), Aubrey de Grey déclare :
Il y a des différences vraiment importantes entre le type de créativité d’un scientifique et celui d’un ingénieur technique. Cela signifie que je suis capable de penser de plusieurs manières très différentes, et de me retrouver avec des approches des choses qui sont différentes de la manière de penser d’un scientifique normal.
En 2007, il écrivit un livre, Ending Aging, avec Michael Rae, qui résume les enjeux scientifiques, politiques et sociaux du projet SENS. Il est le rédacteur en chef de la revue Rejuvenation Research. C’est aussi un génie multiple, capable à l’occasion de résoudre un problème mathématique resté sans solution pendant des décennies.
Irina Conboy
Irina Conboy est professeure à l’université de Californie, Berkeley, dans le département de bio-ingénierie. Sa découverte des effets rajeunissants du sang jeune par la parabiose dans un article fondateur publié dans Nature en 2005 a ouvert la voie à un domaine florissant de la biologie du rajeunissement. Son époux, Michael Conboy, travaille avec elle.
Une étude publiée en mai dans la revue Aging montre que des effets similaires d’inversion de l’âge peuvent être obtenus en diluant simplement le plasma sanguin de vieilles souris sans recours à du sang jeune.
Chez l’humain, la composition du plasma sanguin peut être modifiée par une procédure clinique appelée échange thérapeutique de plasma, ou plasmaphérèse, qui est actuellement approuvée par la Food and Drug Administration aux États-Unis pour le traitement de diverses maladies auto-immunes.
David Sinclair
David Sinclair est un biologiste australien qui est professeur de génétique et co-directeur du Paul F. Glenn Center for the Biology of Aging à la Harvard Medical School.
Il est connu pour ses recherches sur le vieillissement, il a été notamment nommé officier de l’Ordre d’Australie (AO) pour « services éminents rendus à la recherche médicale sur la biologie du vieillissement et de l’allongement de la durée de vie, en tant que généticien et universitaire, aux initiatives de biosécurité et en tant que défenseur de l’étude des sciences ».
Le Dr Sinclair est co-fondateur de plusieurs sociétés de biotechnologie (Sirtris, Ovascience, Genocea, Cohbar, MetroBiotech, ArcBio, Liberty Biosecurity) et siège au conseil d’administration de plusieurs autres. Il est également co-fondateur et co-rédacteur en chef de la revue Aging.
Il travaille notamment sur des substances appelées sirtuines, une classe d’enzymes qui agissent comme des « agents de la circulation », mobilisant un grand nombre de protéines afin de réparer et défendre les cellules.
Miroslav Radman
Miroslav Radman aime les paradoxes. Dans la même phrase, ce scientifique rigoureux, passionné d’art et chanteur dans une chorale, explique avoir créé, à Split, dans une ancienne caserne militaire croate, l’Institut méditerranéen des sciences de la vie (MedILS), qui fonctionne avec un esprit « collège » mais comme un jazz-band !
Ancien chercheur à Harvard, mais aussi à Zagreb et à Bruxelles, il a été récompensé de nombreux prix scientifiques, dont le Grand prix de l’Inserm. Il est professeur de biologie cellulaire à l’université Paris Descartes, et membre de l’Académie nationale des sciences. Il est par ailleurs auteur du “Code de l’immortalité”.
Ce célèbre biologiste-généticien cherche à révolutionner les études sur le vieillissement. Après avoir travaillé sur l’ADN et les gènes, mais aussi sur la bactérie extrémophile et hyper-résistante Deinococcus radiodurans, il décrypte nos bactéries et nos protéines réparatrices. Ouvrant une voie vers de nouvelles thérapies pour les maladies dégénératives et cancéreuses.
Steve Horvath
Steve Horvath est un chercheur, généticien et biostatisticien germano-américain spécialisé dans le vieillissement. Il est professeur à l’université de Californie à Los Angeles, connue pour avoir développé l’horloge de vieillissement qui porte son nom, qui est un biomarqueur moléculaire très précis du vieillissement, et pour avoir développé l’analyse de réseau de corrélation pondérée.
Selon lui: Une fois que nous saurons comment mesurer avec précision le vieillissement, nous pourrons l’étudier et le vaincre.
Il travaille sur tous les aspects du développement de biomarqueurs, en particulier les biomarqueurs génomiques du vieillissement. Il a développé un biomarqueur multi-tissus très précis du vieillissement connu sous le nom d’horloge épigénétique.
Nir Barzilai
Le docteur Nir Barzilai est directeur fondateur de l’Institute for Aging Research de l’Albert Einstein College of Medicine de New York.
Je pense que la prévention du vieillissement est vraiment une bonne chose. … et je pense que la vie va être très différente dans la prochaine décennie grâce à nos progrès.
À son agenda est inscrite depuis plusieurs années la mise au point d’un essai clinique unique au monde qui vise à montrer qu’une molécule peut retarder l’apparition de toutes les maladies dont l’incidence augmente avec l’âge. Son nom : la metformine, un médicament très connu qui diminue la résistance à l’insuline dans le traitement du diabète de type 2.
L’étude TAME (Targeting Aging with METformin) est financée par une association à but non lucratif, l’AFAR (American Federation for Aging Research). « Personne ne gagnera d’argent si ce médicament prouve son efficacité car la metformine est un générique qui coûte quelques centimes la dose seulement ».
Cynthia Kenyon
Cynthia Kenyon est une biologiste moléculaire américaine qui étudie la génétique du processus de vieillissement (gérontogenèse).
Kenyon a étudié la chimie et la biochimie et a fait ensuite son doctorat en 1981 au Massachusetts Institute of Technology.
A Cambridge, elle a étudié les gènes Hox, actifs dans la morphogenèse chez la drosophile. Elle a dirigé ensuite le centre Hillblom de l’UCSF de biologie du vieillissement à San Francisco.
Elle a notamment démontré qu’en agissant sur un seul gène (nommé daf-2) et en détruisant les cellules du système reproducteur, la durée de vie du nématode Caenorhabditis elegans pouvait être multipliée par 6, de moins de 3 semaines à 4 mois.
Madame Kenyon est actuellement employée par Google Calico, en tant que vice-présidente Aging research et chercheuse sur le vieillissement.
Brian Kennedy
Brian Kennedy est internationalement reconnu pour ses recherches sur la biologie du vieillissement et pour son travail visant à traduire les découvertes de la recherche en de nouveaux moyens de retarder, détecter et prévenir le vieillissement humain et les maladies qui y sont associées. Il travaille actuellement à Singapour. De 2010 à 2016, il a été le président et le directeur général du célèbre Institut Buck, où il est toujours professeur.
Notre travail sur de multiples modèles animaux montre que les processus qui entraînent le vieillissement sont conservés chez les espèces. L’étude de ces voies communes permet de développer des thérapies qui ralentiraient le processus de vieillissement, prévenant ainsi les maladies chroniques.
Jean-Marc Lemaître
Le biologiste Jean-Marc Lemaître est né le 14 octobre 1963. Enfant, il se plaît à observer les mares de sa région natale, la Picardie, pour y étudier les transformations des tritons et des têtards. Une passion qui le conduira à effectuer des études en biologie du développement. Chargé de recherches à l’Institut de Génomique fonctionnelle (Inserm/CNRS/Université de Montpellier), il tente de démontrer que le vieillissement est réversible.
Il y parvient en novembre 2011 et publie ses travaux sur le rajeunissement des cellules dans la revue américaine Genes and Development.
C’est une réussite clinique considérable commente Jean-Marc Lemaître. Si nous sommes capables de retarder le vieillissement des cellules, peut-être allons-nous alors parvenir à retarder le développement de certaines pathologies.
Maria Blasco
Le Dr Blasco est une biologiste moléculaire dont les principaux intérêts, depuis l’époque de ses études universitaires, sont le cancer et le vieillissement. Après avoir obtenu son doctorat au Centre de biologie moléculaire de Madrid, elle a déménagé à Cold Spring Harbor, New York, pour travailler comme chercheur post-doctoral dans le laboratoire du Dr Carol Greider, la même Carol Greider qui a co-découvert la télomérase avec Elizabeth Blackburn en 1995.
À l’époque, le lien entre le cancer, le vieillissement et la télomérase n’était qu’une simple hypothèse qui restait à prouver, et Blasco a entrepris de cloner le gène de la télomérase murine et de créer des souris knock-out pour la télomérase afin d’étudier les effets que le manque d’enzyme provoquerait chez les animaux.
George Church
Aussi barbu, surdoué et souvent aussi anticonformiste qu’Aubrey de Grey, George Church est un Américain, chimiste, généticien et ingénieur en biologie moléculaire, notamment connu pour un livre Regenesis, co-écrit avec Ed Regis, sous-titré « Comment la biologie synthétique va réinventer la nature et nous-mêmes » qui présente un futur où le génie génétique aurait amélioré la santé humaine et animale, accru notre intelligence, notre mémoire et allongé notre vie.
Il a repris une liste de 400 gènes identifiés comme potentiellement responsables de la longévité chez l’homme et l’a ramenée à 45. Aujourd’hui, il développe différentes techniques afin de cibler des combinaisons de ces gènes. Notre but principal est d’inverser le processus du vieillissement, explique Church. Nous savons qu’en bouleversant les règles, nous pouvons augmenter l’espérance de vie de deux ans et demi chez les rongeurs et de 200 ans chez les baleines boréales.
Le séquençage des gènes, ajoute-t-il, est presque 3 millions de fois moins coûteux qu’il y a dix ans. Cela nous permet de recourir à la biologie de synthèse et nous ne sommes plus restreints par les limites des êtres vivants.
Les travaux de Church sont financés en partie par l’Institut Wyss. Le scientifique a également reçu des fonds de la part de Google et de Peter Thiel.
Laura Deming
Laura Deming est biologiste et fondatrice de The Longevity Fund, la première société de capital-risque à se concentrer sur les entreprises qui travaillent à prolonger la durée de vie des êtres humains en bonne santé et à lutter contre les maladies liées au vieillissement grâce à la biotechnologie.
Elle a fait ses premières armes en biologie en Nouvelle-Zélande, où elle a fait ses études à la maison, puis est partie aux États-Unis pour travailler dans un laboratoire de biologie de l’UCSF à l’âge de 12 ans. À 14 ans, elle était déjà étudiante en physique au MIT.
Elle décrit ainsi la naissance de son engagement :
Je me souviens d’une fois où ma grand-mère est venue nous rendre visite. Je n’avais jamais fréquenté quelqu’un de plus de 60 ans auparavant. (…) Pour ma grand-mère, seulement se lever d’une chaise, c’était vraiment douloureux. (…) je me rappelle avoir demandé à mes parents quelle maladie était-ce. Ils m’ont dit : elle n’est pas atteinte d’une maladie, elle est vieille. Je leur ai demandé quelle maladie c’était d’être vieux. Ils m’ont dit : « Oh, non, non, tu ne comprends pas, c’est un processus naturel. » Et en tant qu’enfant, vous vous dites : « C’est stupide. Pourquoi y a-t-il un processus naturel que nous devrions tous attraper, une maladie qui nous rend tellement abimés ? »
Alex Zhavoronkov
Alex Zhavoronkov, est le fondateur et le PDG de Deep Longevity, Inc, une entreprise mondiale qui développe une large gamme de biomarqueurs du vieillissement et de la longévité basés sur l’intelligence artificielle. Il est également le fondateur et le PDG d’Insilico Medicine, leader dans les technologies d’intelligence artificielle pour la découverte de médicaments et le développement de biomarqueurs.
Depuis 2015, il a inventé des technologies critiques dans le domaine des “réseaux adversaires générateurs” (GAN) et de l’apprentissage par renforcement (RL) pour la génération de nouvelles structures moléculaires ayant les propriétés souhaitées et la génération de données biologiques synthétiques et de données sur les patients. Il a également été le pionnier des applications des technologies d’apprentissage approfondi pour la prédiction de l’âge biologique humain à l’aide de multiples types de données, le transfert de l’apprentissage du vieillissement vers la maladie, l’identification des cibles et la modélisation des voies de signalisation.
Une liste certainement incomplète et quelques « coups de coeur »
Choisir c’est renoncer. Nous aurions pu écrire également à propos de bien d’autres chercheurs. Ils sont des milliers à lutter jour après jour pour réparer des ans l’irréparable outrage. Le brillant Greg Fahy et ses études sur le thymus, Josh Mitteldorf et son Data-Beta Project d’étude des effets cumulés de thérapies de longévité, Michael Rose, qui travailla sur la notion de pléanthropie antagoniste, William Andrews, le spécialiste des télomères qui court également des ultra-marathons, la controversée Liz Parrish de BioViva qui a expérimenté sur elle-même des thérapies géniques, les spécialistes des (super)centenaires et de la démographie dont Jean-Marie Robine et le couple Gavrilov.
Il y en a encore bien d’autres moins connus : les centaines de collaborateurs des scientifiques déjà cités, Sven Bulterijs, coprésident de Heales qui chaque mois réalise une revue des nouvelles de la longévité, Ilia Stambler, le meilleur historien des sciences de la longévité auteur du monumental Longevity A History of Life-Extensionism in the Twentieth Century, Kevin Perrott et son organisation Open Cures, Alexandra Stolzing qui s’efforce de rajeunir des souris avec conviction et discrétion, Guilhem Velve Casquillas, créateur du site LongLongLife et de multiples entreprises, la russe Maria Konovalenko, scientifique, activiste et photogénique travaillant, comme beaucoup d’autres dans la Silicon Valley, Laurent Simons, l’enfant belge surdoué qui a 9 ans voulait faire vivre ses grands-parents pour toujours,
La bonne nouvelle du mois : Eurosymposium on Healthy Ageing 2020
La 5ème édition de l’Eurosymposium a eu lieu en ligne le 1er Octobre 2020 à l’occasion de la journée internationale des personnes âgées.
Cet événement a réuni des scientifiques émérites pour traiter du sujet des biomarqueurs de la longévité ainsi que des tests cliniques.
Les vidéos, séparées par intervenant, sont disponibles sur Youtube.
Suite à cette conférence, une déclaration a été adoptée pour faciliter la recherche sur les biomarqueurs et les tests cliniques. En voici un extrait (traduit) :
Il devrait y avoir une obligation pour les comités d’éthique de décider dans un délai raisonnable des tests diagnostiques sur les biomarqueurs du vieillissement et de la recherche clinique de thérapies géroprotectrices (pas plus d’un mois, à moins de fournir une justification du retard). Décider plus rapidement ne doit pas signifier être moins prudent, au contraire. (…)
En améliorant l’évaluation des biomarqueurs cliniques du vieillissement et en testant de nouvelles thérapies géroprotectrices, il pourrait être possible de réduire radicalement les processus dégénératifs du vieillissement, et donc d’accroître les avantages sanitaires et économiques de la société qui vieillit rapidement. Nous devons atténuer les processus de sénescence dès que possible pour sauver le plus grand nombre de vies possible.
Pour en savoir plus :
Source de l’image: réalisé par la rédaction.