Produits et médicaments contre la sénescence. Mort de la mort. Numéro 128. Novembre 2019.

Mon but en tant que scientifique est de prolonger la vie. Mes grands-parents sont des patients cardiaques et je veux les aider. Et les faire vivre éternellement. (Journal De Morgen, 12 novembre 2019, traduction). Laurent Simons a 9 ans, il est né à Ostende en Belgique et étudie à l’Université d’Eindhoven aux Pays-Bas. Il devrait devenir en novembre le plus jeune universitaire du monde. Et il pourrait bien aussi devenir bientôt le plus brillant longévitiste de la planète.


Thème du mois : Médicaments (et autres substances pour la longévité)


De nombreux chercheurs travaillent depuis des décennies à ralentir le vieillissement, voire même un jour à permettre des mécanismes de réel rajeunissement.

De nombreuses pistes d’études sont explorées et différents produits sont actuellement étudiés. La présente lettre donne une liste assez étendue de substances prometteuses. Attention, ces produits ne doivent pas être utilisés pour soi-même sans avis médical et, souvent, ne sont pas disponibles sans prescription.

Sénolytiques

Les médicaments sénolytiques permettraient de supprimer des cellules en fin de cycle de vie.

Rappelons en effet que nos cellules sont programmées pour se diviser un certain nombre de fois mais, avec l’âge, elles cessent de se multiplier (ou se multiplient avec des erreurs) avant de mourir et d’être éliminées par notre système immunitaire.

Le problème c’est que, en vieillissant, ce système de « nettoyage » s’avère de moins en moins efficace. En revanche, ces cellules en fin de vie pourraient être éliminées par les médicaments sénolytiques. Ils ont la capacité d’éliminer nos cellules vieillissantes sans toucher aux cellules saines, ce qui nous aide à lutter contre le vieillissement cellulaire et par là même, à tout son cortège de maladies chroniques liées à l’âge. Actuellement, ces médicaments sont encore à l’état d’expérimentation – débutée en 2015 par Jim Kirkland, un chercheur de la Mayo Clinic. 

Les produits les plus connus sont dasatinib, quercétine et fisétine.

Le mélange dasatinib et quercétine améliore la santé de souris âgées et allonge leur durée de vie. De premiers essais cliniques courts ont aussi eu lieu chez l’homme et sont prometteurs. Certains effets secondaires sont notamment apparus – si la quercétine se trouve dans la pomme ou les oignons, le dasatinib est un anti-cancéreux.

Metformine

La metformine est un vieux médicament, bon marché, largement utilisé pour réguler le taux de sucre dans le sang des patients diabétiques depuis des décennies. Aujourd’hui, elle pourrait peut-être réduire les maladies de l’âge et améliorer la longévité.

De la famille des biguanides, ce médicament traite le diabète de type 2 par voie orale. Son intérêt, pour ces diabétiques non dépendants à l’insuline, est de faire baisser la glycémie (le taux de sucre dans le sang) sans augmenter la sécrétion d’insuline. En outre, on sait aujourd’hui que l’insuline réduit les phénomènes d’inflammation dans le corps.

Cela fait déjà quelques années que les spécialistes de la médecine anti-âge se penchent sur le cas de la metformine pour lutter contre les problèmes de santé liés au vieillissement. En particulier, elle réduirait la glycation, un processus du corps lié au métabolisme des sucres et dégradant nos protéines, faisant perdre la souplesse de nos tissus de soutien, et accélérant le vieillissement global.

On sait aussi que la metformine favorise les effets de rajeunissement et de régénération cellulaire, connus sous le nom d’autophagie. Il s’agit d’un processus pendant lequel une cellule peut réparer ses composants défectueux (une vraie remise en état autonome). Il a été montré que d’autres substances comme le resvératrol, le thé vert ou la rapamycine favorisent aussi cette autophagie tout comme le jeûne, même court.

Même si une étude montre moins d’impact des maladies de dégénérescence (liées au vieillissement) chez les diabétiques traités, et moins de cancers, grâce à ce produit, comme pour tous les autres actuellement disponibles, l’impact sur la durée de vie maximale (au-delà de 95 ou 100 ans) est faible, voire nul.

Rapamycine

L’Île de Pâques ou « La Grande Rapa » est connue pour ses 900 statues énigmatiques en pierre. C’est aussi le nom que des chercheurs canadiens ont donné à la « Rapamycine », molécule produite par la bactérie Streptomyces hygroscopicus. La Rapamycine ou « Sirolimus » est utilisée depuis 1999 comme médicament immunosuppresseur contre le rejet de greffe d’organe – avec notamment le « Rapamune » de Pfizer.

Différentes souches de souris voient leur santé améliorée et leur durée de vie augmentée par la rapamycine, et ce en commençant à des âges de la vie différents. Des tests sont en cours chez le chien (étude “Aging Dog”). Les effets secondaires de la rapamycine font que l’utilisation chez l’homme à titre préventif peine à avancer.

Statines

Des chercheurs de l’université de Naples ont montré que les statines pouvaient ralentir le processus de vieillissement cellulaire en prévenant le raccourcissement des télomères. Les télomères sont des sections d’ADN qui couvrent l’extrémité des chromosomes et les protègent contre les dommages associés au vieillissement. Les statines peuvent activer une enzyme appelée « télomérase » ce qui allonge la longueur des télomères. Cette longueur est un indice de longévité assez connue.

 

Déjà utilisées dans le traitement des maladies cardiaques, du diabète et des cancers, les statines pourraient être également prises dans une thérapie anti-vieillissement. Mais les effets secondaires musculaires, parfois graves, des statines, font que l’utilisation actuelle pour la prévention reste modérée.

NAD+

Les cellules ont la capacité innée de réparer les dommages causés à l’ADN – ce qui survient, par exemple, chaque fois que notre peau est exposée au soleil. Cependant, cette capacité tend à diminuer avec l’âge.

Des chercheurs ont découvert que le métabolite nicotinamide adénine dinucléotide oxydé (NAD+), qui est naturellement présent dans chaque cellule du corps humain, joue un rôle-clé en tant que régulateur des interactions protéine-protéine qui contrôlent la réparation de l’ADN.

Ainsi, le fait de traiter des souris avec un précurseur du NAD+ améliore la capacité de leurs cellules à réparer les dommages causés à l’ADN par l’exposition aux rayonnements du soleil ou au vieillissement. 

« Nous n’avons jamais été aussi proches de la création d’un médicament anti-âge sûr et efficace. Il pourrait même être disponible dans seulement trois à cinq ans si les essais sont concluants », a déclaré le Professeur David Sinclair.

Les premiers résultats d’essais cliniques chez l’homme sont décevants : ils ne montrent pas d’effet visible.

Hormones

La baisse de nos hormones est certainement un des effets les plus marqués et les plus précoces du vieillissement. Dès 30 ans, la fabrication d’hormones diminue avec des conséquences non négligeables.

Parmi celles que l’on connaît le mieux, voici les plus importantes à voir leur taux baisser avec le vieillissement : la DHEA, la mélatonine, les oestrogènes, la progestérone, la testostérone, la pregnénolone, l’hormone de croissance et le cortisol.

S’il est médicalement admis qu’une remontée des taux hormonaux s’accompagne d’un net regain de forme, le traitement substitutif hormonal n’est pas une panacée.

Alors que l’hormone de croissance a une action claire et positive sur la peau, les os et les muscles, personne n’a su à ce jour augmenter la durée de vie des souris et rats par l’hormone de croissance, tout du moins leur durée de vie maximale. Ainsi, ces effets positifs sont probablement accompagnés d’effets secondaires également, qui restent à identifier. La récente repousse du thymus par injection d’hormone de croissance et DHEA (et autres substances), accompagnée d’une baisse de l’âge biologique” (mesuré par méthylation de l’ADN de cellules sanguines), amène donc à une certaine prudence sur les effets à long terme.

L’équilibre alimentaire est important, notamment pour un apport suffisant de protéines et acides aminés (surtout après 65 ans), mais aussi de certaines vitamines et minéraux participant à la fabrication d’hormones dans nos glandes endocrines.

Aspirine

Les médecins savent depuis les années 1990 que l’aspirine semble réduire le risque de souffrir du cancer; dans le cas du cancer colo-rectal, la réduction du risque est d’au moins 40%, mais les chercheurs ne comprennent pas exactement la nature de ce mécanisme protecteur.

Deux scientifiques de l’université suisse de Bâle ont examiné, chez 546 femmes âgées de plus de 50 ans, le lien entre le mode de vie et le vieillissement du génome. Ils ont déterminé que l’aspirine freine le vieillissement du génome, notamment en luttant contre des modifications qui jouent un rôle dans le développement de tumeurs. Cependant, les chercheurs préviennent qu’il ne serait pas sage de commencer à prendre régulièrement de l’aspirine simplement pour lutter contre le cancer, compte tenu des effets secondaires qui peuvent accompagner la prise du médicament. Les conclusions de cette étude sont publiées dans le Journal of the National Cancer Institute.

De manière globale, il est considéré que l’aspirine à faible dose (“half a baby aspirin”: un centième de la dose prise contre les maux de tête), pris pendant les repas pour éviter des ulcères, a un effet positif pour les personnes à risque cardiovasculaire avéré, et neutre (et peut-être négatif) dans les autres cas.

Vitamines 

Des années de mauvaise nutrition accélèrent le processus de vieillissement. Les carences en vitamines et minéraux peuvent avoir des effets néfastes sur la santé des personnes âgées. Des études récentes indiquent que certaines vitamines possèdent des propriétés anti-oxydantes et empêchent le processus d’oxydation. Ces vitamines sont les vitamines A, E, C et la Bêta-carotène. Grâce à ces propriétés, elles peuvent retarder le processus de vieillissement.

Elles préviennent également la dégénérescence des vaisseaux sanguins, des articulations cardiaques et des lentilles oculaires.

Connue sous le nom de vitamine anti-oxydante et anti-âge, la vitamine B1 joue un rôle important dans le fonctionnement normal du système nerveux, la régulation des glucides et une bonne digestion.

Antioxydants

On parle beaucoup de prendre ces fameux antioxydants qui doivent nous protéger des « radicaux libres » et du vieillissement accéléré.

Pour comprendre les antioxydants, il faut comprendre les radicaux libres (RL). Ceux-ci sont produits lors de réactions impliquant l’oxygène (respiration, digestion, effort musculaire, défenses contre l’infection, …). Ce sont diverses molécules ayant en particulier un électron « en trop », qui les rend particulièrement instables et réactives. Tant qu’un système antioxydant n’a pas stoppé le processus, les radicaux libres vont « contaminer » d’autres molécules qui deviennent alors des radicaux libres dans un processus en chaîne. On appelle cette contagion de « l’électron en trop » oxydation.

Un déséquilibre de nos défenses anti-radicalaires peut-être lié à un manque d’antioxydants dans notre alimentation. En particulier, la cuisson trop forte et la conservation des aliments détruisent un grand nombre d’antioxydants.

Certains facteurs (comme l’âge, le tabac et le surpoids) vont augmenter la production de radicaux libres, et donc l’oxydation dans le corps.

Les antioxydants se trouvent dans un grand nombre d’aliments, leurs sources sont très variées. Cependant, les plantes, soumises en permanence aux UV du soleil, ont dû développer de puissants antioxydants pour survivre, en particulier les polyphénols et les caroténoïdes. Pour ces raisons, une alimentation riche en fruits et légumes peu cuits est salutaire.

Des aliments riches en antioxydants :

  • Vitamine C : poivron, goyave, oseille, citron, orange, kiwi, choux, papaye, fraises, …
  • Vitamine E : huile de tournesol, germe de blé, soja, maïs, beurre, margarine, œufs, …
  • Vitamine A : foie, beurre, œufs, …
  • Sélénium : poissons, œufs, viandes, …
  • Zinc : fruits de mer, viandes, pain complet, légumes verts
  • Coenzyme Q10 : soja, boeuf, petits poissons, épinards
  • Lycopène : tomate et fruits rouges
  • Astaxanthine : krill, crevettes, crustacés au pigment rouge
  • Acide alphalipoïque : épinard, viandes rouges, brocolis
  • Polyphénols (flavonoïdes et tanins en particulier) : tous les fruits et légumes colorés, baies, vin, thés, …

Autres substances au potentiel anti-oxydant :

  • Certaines vitamines B : B1, B5, B6,
  • Certains acides aminés : acétyl-L-carnitine, méthionine, cystéine, taurine, …
  • Les acides gras oméga 3
  • L’acide hyaluronique
  • Le bleu de méthylène
  • Les flavonoïdes
  • Certains composants de l’astragale

Malheureusement, aux Etats-Unis, les études portant sur l’absorption de vitamines ou de compléments alimentaires par les citoyens n’ont pas donné des résultats positifs.

En conclusion

L’inventaire qui a été dressé ici est incomplet. De nombreux autres produits sont encore considérés par certains comme ayant un potentiel pour favoriser une vie plus longue, par exemple certaines protéines, le resvératrol, les sirtuines, … Pour toutes ces substances, la question du dosage est bien sûr fondamentale, « ni trop, ni trop peu » ainsi que l’étude des effets combinés de plusieurs produits (voir notamment les projets de « polypill » ainsi que le Data Beta test).

Actuellement, nulle part au monde, un organisme public ou privé n’examine systématiquement l’impact positif pour la durée de vie de ces nombreuses substances, ni pour les souris de laboratoire, ni pour les humains.

L’extrême complexité administrative et légale rend – paradoxalement – les tests plus difficiles aujourd’hui que par le passé. La prise de conscience de l’importance de ces études pourrait être accélérée grâce à l’attrait récent pour les sénolytiques, les développements de tests plus automatisés utilisant de l’intelligence artificielle et surtout une prise de conscience longévitiste des gains de santé public et de bien-être envisageables.


La bonne nouvelle du mois : une semaine pour la longévité à Londres


Parmi les nombreuses conférences qui se tiennent dans le monde, celles qui se tenaient du 11 au 15 novembre durant la semaine de la longévité à Londres étaient particulièrement prometteuses. Elles ont en effet vu la rencontre d’investisseurs potentiels, de personnalités scientifiques, de femmes et d’hommes politiques, principalement du Royaume-Uni, bien sûr, mais aussi des Etats-Unis.

Pour en savoir plus :