Permettez-moi de vous parler de l’homme d’après-demain, dans le domaine de la santé (…) Probablement dans un futur pas très éloigné, la longévité humaine sera le double de ce qu’elle est aujourd’hui. Surtout, ce temps supplémentaire sera un temps de vie en bonne santé, sans handicap ni dépendance. 95% des cancers auront disparu (…). Le traitement assurera une guérison avant même que le sujet n’ait conscience de sa tumeur. Beaucoup d’autres maladies seront également identifiées très tôt et traitées avec efficacité. (…). La longévité humaine sera le double de ce qu’elle est aujourd’hui. (…) Plus qu’un transhumanisme effrayant, il importe que nous développions un hyperhumanisme appliqué à la santé.
Jean-Louis Touraine, professeur de médecine, député français (PS). 16 juin 2016, Maddyness.
Thème du mois: Évolutions récentes des recherches de longévité
Dans le monde, environ
60 millions de personnes travaillent pour améliorer la santé des femmes et des hommes. Médecins, infirmiers, personnels des hôpitaux et centres de santé, du chirurgien le plus prestigieux de New-York à l’obscure infirmière d’un dispensaire de campagne au Lesotho, tous accomplissent des tâches qui visent à améliorer la vie des 7,4 milliards de personnes qui peuplent notre planète
A côté de et aussi parmi ces travailleurs, des centaines de milliers de femmes et d’hommes ont pour objectif principal de découvrir des nouveaux moyens de soigner et d’améliorer notre vie. Ce sont des chercheurs qui travaillent, bien sûr, dans des organismes de recherche, mais aussi dans des universités, des hôpitaux, des entreprises pharmaceutiques, des administrations,…
Leurs progrès dans le domaine de la longévité sont multiples mais fragiles. Il est évidemment (et heureusement) impossible de tout décrire en quelques lignes mais un bref tour d’horizon des avancées de ces cinq dernières années donnera la mesure des espoirs ainsi que du chemin encore à parcourir.
Tous les chemins ne mènent pas au sommet
Commençons par les progrès mitigés. Durant les dernières années, certaines recherches qui apparaissaient auparavant prometteuses n’ont plus permis de nouvelles avancées indiscutées même si certains sont encore optimistes à leur sujet. Il s’agit notamment des expérimentations portant sur la restriction calorique, le buckminsterfullerène C60, les antioxydants, les hormones dont la DHEA et des vitamines.
Il faut rappeler, au sujet de pistes non confirmées, que les recherches de longévité n’ont une valeur forte que si elles sont reproduites et réalisées en
double aveugle. Par ailleurs, des intérêts financiers considérables et un aveuglement dû à des espoirs déçus peuvent bien sûr être en jeu.
Recherche fondamentale large
Google a annoncé des centaines de millions de dollars d’investissement via la firme
Google Calico créée en 2013. Cette société a pour but annoncé de lutter contre le vieillissement. Il a notamment engagé Cynthia Kenyon, renommée pour avoir réussi à prolonger considérablement la durée de vie des nématodes, petits vers très étudiés en laboratoires. Malheureusement, actuellement, Google Calico ne communique pas sur les résultats de ces travaux.
Google toujours va examiner le patrimoine génétique de milliers de sujets sains par sa
Baseline study ce qui devrait permettre de progresser considérablement dans la compréhension de la santé.
Par ailleurs, Human Longevity Inc., créé notamment par Craig Venter, l’homme le plus efficace dans le premier séquençage du génome humain,
affirme créer la base de données la plus importante et la plus complète au monde du génome entier, du phénotype et des données cliniques en vue d’une vie plus longue en meilleure santé.
Développements de l’intelligence artificielle à but médicalLa société IBM a développé depuis 2011 l’application
IBM Watson qui est capable de répondre à des questions et d’analyser des données en des quantités inaccessibles à l’être humain. IBM développe des partenariats avec des cliniques pour examiner des dossiers médicaux. Il n’existe pas encore d’application spécifique pour la longévité, mais l’analyse systématique et rapide des données en matière de santé pourra être poursuivie à cette fin.
Expérimentations et mesures plus rapides et plus performantes
Le coût du séquençage génétique continue à décroître de manière
exponentielle. Les expérimentations de type
laboratoire sur puce (lab-on-a-chip) sont de plus en plus performantes. Les progrès informatiques permettent des simulations d’expériences actuellement réalisées en laboratoire. Enfin, les développements d’appareils de mesure médicale et de moyens de traitement de l’information concernant la santé ont été considérables.
Médicaments
De très nombreux chercheurs étudient l’effet de substances sur la longévité. L’expérience la plus prometteuse est celle qui sera bientôt effectuée aux États-Unis sur des personnes âgées en bonne santé afin de déterminer si la metformine permet de faire progresser la durée moyenne de vie en bonne santé (
Targeting Aging with Metformin: TAME).
De très nombreuses autres substances ont donné des résultats prometteurs lors d’études récentes: rapamycine, bleu de méthylène, statines,…
Nanotechnologies et microchirurgies
Les interventions à l’intérieur du corps sont de moins en moins invasives. Il est possible d’introduire notamment des capteurs et des nanomédicaments de manière plus performante.
Parabiose
Suppression de cellules sénescentes
Réduction de la maladie d’Alzheimer (et des maladies neurodégénératives)
L’Union européenne et les Etats-Unis ont lancé deux projets ambitieux de recherche pour comprendre le cerveau et notamment les maladies neurodégénératives: respectivement le
Human Brain Project et le
Brain Activity Map Project. Nous comprenons de mieux en mieux ce qu’est la maladie d’Alzheimer mais, malheureusement, à ce jour, guérir ou même ralentir le développement de cette affection est un objectif encore éloigné.
Thérapies géniques
Selon certains, éviter le raccourcissement des télomères serait la solution qui permettrait d’allonger considérablement la durée de vie. Fin 2015, Liz Parrish, dirigeante de la société
Bioviva, est la première personne à avoir commencé à tester sur elle-même une thérapie génique dans le but explicite d’une réjuvénation par le rallongement de télomères.
Nous savons qu’une composante importante de la longévité est génétique. Au cours des dernières années, des gènes de plus en plus nombreux liés au vieillissement ont été étudiés tant chez l’être humain que chez l’animal. Une
étude publiée en 2014 portant sur 17 supercentenaires (personnes ayant vécu 110 ans et plus), n’a pu identifier aucune caractéristique génétique commune, mais les recherches continuent plus rapidement et sur des individus plus nombreux.
Des progrès qui pourraient être plus importants tant quantitativement que qualitativement
Vivre beaucoup plus longtemps en bonne santé apparaît de plus en plus, notamment dans le monde francophone, comme un objectif souhaitable et atteignable. Force est cependant de constater que les sommes d’argent spécifiquement investies par des citoyens pour la lutte contre le vieillissement restent très inférieures à celles investies dans d’autres causes.
En ce mois de juin 2016, en Europe, des milliards d’euros sont investis pour déterminer quel groupe de onze personnes parmi vingt-six concurrents est le plus apte à pousser une petite sphère (plus précisément un icosaèdre tronqué) d’environ 400 grammes dans un espace donné en suivant des règles complexes. Pour assister sur place où de manière virtuelle à
ces activités, des dizaines, voire des centaines de millions d’hommes et de femmes sont prêts à consacrer du temps, de l’énergie, de l’argent et de l’émotion en énorme quantité.
Peut-être qu’un jour, des compétitions seront organisées avec des règles et des prix adaptés aux enjeux collectifs de santé et de longévité… et avec la capacité de mobilisation du football. Des millions de citoyens enthousiastes regarderaient chaque soir si leur « amortelle » méduse
Turritopsis nage aussi bien qu’hier, si leur souris âgée « parabiosée » favorite réfléchit de mieux en mieux, grâce au chercheur de son équipe favorite. Des compétitions pourraient être organisées, calquées sur les
spectacles d’animaux de l’époque romaine, avec moins de violence et plus de variété.
La bonne nouvelle du mois : implantation de cellules neuronales chez des souris âgées
Auparavant, les scientifiques estimaient que la création de cellules neuronales n’était pas possible chez l’individu adulte. Nous savons aujourd’hui que des cellules-souches se trouvent même parmi les cellules neuronales de mammifères adultes. Une expérience d’implantation de cellules-souches a été réalisée dans l’hippocampe (partie du cerveau du rat) et a permis de constater que les cellules implantées se reproduisaient même chez des souris âgées.
Cette expérience est une de celles qui laisse entrevoir des perspectives positives sur le long chemin de la lutte contre les maladies neurodégénératives des personnes âgées.
Pour en savoir plus:
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Les liens vers d’autres articles se trouvent dans le corps du texte. Le site et la lettre hebdomadaire
Fight Aging (en anglais) sont extrêmement complets pour les informations scientifiques condensées
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