La mort de la mort. Numéro 23. Février 2011.

Rester jeunes, dynamiques et en bonne santé, c’est bien sûr notre souhait à tous
Bruno Clément. Présentateur de « Questions à la Une », émission consacrée au vieillissement. RTBF (télévision publique belge francophone). 16 février 2011.

 


Thème du mois : La « loi de Moore » et les progrès médicaux.


La loi de Moore, c’est en fait une conjoncture exprimée pour la première fois par Gordon Moore, cofondateur d’Intel, en 1965. Il affirmait que la complexité de certains composants informatiques doublait à intervalles réguliers. Plus tard, les spécialistes s’apercevront que c’est en fait dans de nombreux domaines informatiques que la puissance double ou que la place nécessaire est divisée par deux. Les deux domaines les plus spectaculaires de cette progressions sont la taille nécessaire au stockage des données et la vitesse de traitement des informations. Aujourd’hui, si vous avez un « smartphone » dans votre poche, il dispose à la fois de plus de puissance de calcul et de plus de capacité de stockage d’information qu’un appareil qui pesait plus d’une tonne il y a un demi-siècle.

Dans la plupart des domaines scientifiques, les progrès technologiques ont été effectués par bonds ou de manière linéaire. Par contre, les progrès des capacités informatiques eux suivent une progression exponentielle et c’est pourquoi, dans ce domaine, la capacité et la puissance sont des millions de fois supérieures à ce qu’elles étaient, il y a quelques décennies.
Ceci ne signifie cependant pas que toute l’informatique suive ces règles exponentielles. Ainsi, l’accès à internet a permis un accroissement d’accès à la connaissance sans équivalent parce que le stockage est dorénavant interconnecté. En une quinzaine d’années, la quantité d’informations accessible à partir d’un PC a ainsi été multipliée par des millions et n’est plus aujourd’hui de facto quasiment limitée que par la production des citoyens. Mais par contre, du fait notamment de la complexification des logiciels, beaucoup d’appareils informatiques contemporains démarrent et « travaillent » à peine plus vite aujourd’hui qu’il y a 20 ans.
Quelles seront et qu’elles ont déjà été les conséquences des progressions exponentielles pour les progrès médicaux? Il est possible de faire quelques rapides hypothèses.

– Le génome humain est aujourd’hui analysable en très peu de temps alors qu’il y a à peine 20 ans, quand les généticiens se sont attaqués au déchiffrement, c’était encore une opération titanesque. Dans ce domaine, tout porte à croire que les progrès informatiques vont permettre de déchiffrer toutes les composantes de la vie avec des progrès exceptionnels. Cela ne signifiera plus seulement connaître les gènes de l’être humain en tant qu’espèce mais aussi celui de chaque personne, celui des bactéries qui nous habitent, et même les mutations dans certaines de nos cellules. Le développement de l’interprétation des données, lui, ne suivra pas le même rythme mais, si les tendances actuelles se poursuivent, la détermination de la part des affections dues à des défauts du patrimoine génétique va continuer à s’accélérer.

– Les nanotechnologies médicales sont aujourd’hui d’application relativement restreinte. Une des raisons est que la technologie ne permet pas encore de réaliser des nanorobots c’est-à-dire des robots de taille suffisamment restreinte pour pouvoir être introduits dans le corps d’un être humain. Il est probable que l’accélération des progrès informatiques dans ces domaines, notamment en ce qui concerne la diminution de l’approvisionnement énergétique nécessaire, permettra des progrès rapides même s’ils ne sont pas exponentiels.

– Dans de nombreux domaines expérimentaux, les modèles informatiques peuvent être complémentaires aux modèles animaux et même aux modèles humains. La puissance de calcul est particulièrement importante pour ces analyses. C’est notamment dans le domaine des simulations neurologiques et cellulaires que les progressions nécessitent les plus grandes capacités de calcul. Cependant, le stade de l’expérimentation animale et humaine reste nécessaire. Les théories (surtout moléculaires et cellulaires) qui s’informatisent se révèlent souvent fausses lorsqu’elles sont testées sur des êtres vivants multicellulaires. Dans un avenir prévisible, même les progrès médicaux les plus spectaculaires et les plus rapides ne deviendront donc une (relative) certitude qu’après une latence de plusieurs années, le temps d’achever les expérimentations animale et humaine.

– Dans le domaine de l’échange d’informations, les progrès de l’informatique et des technologies de la communication ont permis des accélérations sans équivalents. De plus en plus, le travail en communautés virtuelles devient techniquement possible. Mais des progressions importantes de puissances de traitement sont encore nécessaires pour que les avantages entre autres en rapidité et en économies d’échelle de ce travail virtuel dépassent certains inconvénients matériels et psychologiques.

– Il y a ensuite le domaine, actuellement encore très peu utilisé de l’expérimentation scientifique réalisée par des systèmes experts. Dans ce domaine, les travaux réellement effectués sont encore en nombre réduit. A ce jour pour être utilisées, les connaissances acquises doivent encore être « absorbées », comprises, exploitées par des cerveaux humains et ceux-ci, jusqu’à nouvel ordre, ne sont pas extensibles.

– Dans un tout autre domaine, infiniment plus hypothétique, certains envisagent la « copie » de la conscience sur un support informatique. Copier un cerveau humain ou même un cerveau d’un animal est actuellement totalement impossible vu notamment la puissance informatique nécessaire. Cet obstacle précis sera vaincu, sauf interruption des progressions, dans quelques décennies au maximum. Pour les autres obstacles, certains les affirment infranchissables, d’autres doutent.

En conclusion de ce survol, il reste à se demander quel sera le résultat de la conjugaison de toutes ces progressions. Au jour d’aujourd’hui, la progression de l’espérance de vie semble linéaire (environ trois mois par année).

Mais cette apparence linéaire est le résultat (dans les pays « riches »):

  • d’une décroissance approximativement exponentielle des taux de mortalité. En effet depuis 150 ans les taux de mortalité sont divisés par deux tous les 30 ans environ!
  • d’une décroissance qui essentiellement porte sur les taux de mortalité des enfants et des jeunes adultes jusqu’à 1950, et essentiellement sur les retraités depuis.

Ceux qui annonçaient l’interruption des progrès vu les limites naturelles ont eu tort jusqu’ici. Ceux qui espèrent des progrès radicaux directement applicables dans les toutes prochaines années ont très probablement tort également. Mais ceux qui espèrent des progrès scientifiques rapides pour la compréhensions des mécanismes du vieillissement et la lutte contre celui-ci pour des animaux de laboratoire auront peut-être raison avant la fin de cette décennie.

 


La bonne nouvelle du mois : Le Time annonce l’homme immortel pour 2045


Le journal Time du 21 février a pour couverture: « 2045. The year Man Becomes Immortal ». De la page 20 à la page 27, le célèbre périodique (vendu à plusieurs millions d’exemplaires) explique de manière assez détaillée:

  • le concept de singularité (notamment en interrogeant Ray Kurzweil),
  • l’idée d’immortalité biologique (popularisée notamment par Aubrey de Grey également interrogé).

L’hebdomadaire explique donc assez longuement la notion que, si les progrès technologiques se poursuivent, la mort de vieillissement pour les êtres humains pourrait ne plus concerner l’être humain que pour une ou deux générations et l’intelligence artificielle pourrait dépasser l’intelligence humaine. L’article est signé par l’écrivain Lev Grossman. Il est accessible tant dans la version américaine que dans toutes les versions régionales du prestigieux périodique et peut être consulté en ligne.

 


 

• Pour en savoir plus :
http://sens.org
http://imminst.org
http://heales.org
http://immortalite.org

• Pour en savoir plus à propos des « lois » de Moore :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Moore (source de l’image)

• Pour réagir ou recevoir la lettre d’information :
info@heales.org

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