La population mondiale de personnes âgées de plus de 65 ans augmente. Ces personnes âgées sont pour la plupart, porteurs de maladies chroniques. L’enjeu de santé publique actuel est d’améliorer ou de préserver la santé et la qualité de la vie de ces personnes. Les travaux de recherche actuels se concentrent sur l’identification des individus qui « vieillissent plus vite », afin de mieux comprendre les phénomènes sous-jacents, et de trouver un moyen d’empêcher ou de retarder la progression de la multi-morbidité associée au vieillissement. Pour cela, il est donc essentiel de comprendre comment les mécanismes biologiques sous-jacents au vieillissement se connectent entre eux et impactent le vieillissement.

En début de vie, des mécanismes compensatoires et homéostatiques fonctionnent constamment afin de préserver l’équilibre biochimique et prévenir le déclin fonctionnel. Au cours du vieillissement de l’individu, ces mécanismes commencent à diminuer et les dommages non-réparés s’accumulent (dommages cumulés). Il existe une variabilité interindividuelle très importante de ces mécanismes, qui est à l’origine de phénotypes de vieillissement différents. Alors que la « fragilité » d’une personne est corrélée à la réduction des mécanismes compensatoires, la plupart des critères actuellement proposés pour l’évaluer sont basés sur la mesures des dommages. Cependant, les dommages n’apparaissent qu’après l’épuisement des mécanismes compensatoires. Les auteurs de cet article proposent l’idée suivante : l’interaction entre les dommages et la réparation pourrait expliquer pourquoi certains individus vieillissement « plus rapidement » que d’autres ; en d’autres termes : l’étude conjointe des dommages et des mécanismes compensatoires de réparations est nécessaire.

Par ce travail, les chercheurs ont résumé les biomarqueurs du vieillissement, actuellement disponibles, et pouvant être obtenus chez l’homme : l’instabilité génomique, le raccourcissement des télomères, la sénescence cellulaire, l’épigénétique, les fonctions mitochondriales, le renouvellement protéique, l’épuisement des cellules souches, la détection dérégulée des nutriments, et l’altération de la communication intercellulaire.

L’apparition de mutations somatiques d’ADN au cours de vieillissement laisse supposer que la mesure de l’instabilité génomique pourrait être un biomarqueur du vieillissement. Cependant, il n’y a pas encore de tests fiables et valides permettant de quantifier ce phénomène.

Concernant la longueur des télomères, celle-ci est diminuée avec le vieillissement, mais l’ampleur du changement est différente en fonction du type cellulaire étudié et est extrêmement hétérogène à travers les individus. Le raccourcissement des télomères s’explique par une diminution de l’activité de la télomérase. La mesure de l’activité enzymatique de la télomérase dans les cellules humaines pourrait être informative pour évaluer le vieillissement. Cependant, les auteurs indiquent qu’il n’y a pas suffisamment de preuves dans la littérature pour envisager de mesurer le raccourcissement des télomères en tant que mécanisme ou biomarqueur de vieillissement. De plus, la pertinence clinique de mesurer la longueur des télomères n’est pas claire à ce jour.

La sénescence cellulaire est caractérisée par l’arrêt de réplication et des changements complexes de morphologie, d’organisation de la chromatine, d’expression et de sécrétion de biomarqueurs caractéristiques : p53, p21, β-galactosidase associée à la sénescence, et les facteurs SASP. La mesure de la sénescence cellulaire est faisable et informative pour évaluer le vieillissement biologique. Celle-ci devrait entrer très prochainement dans la recherche et la pratique clinique.

Les modifications épigénétiques telles que la méthylation de l’ADN, la modification des histones, la présence d’ARN non codant, apparaissant au cours de vieillissement. D’après différentes études réalisées, la méthylation de l’ADN semble être l’un des biomarqueurs les plus robustes du « vieillissement biologique », et pourrait être utilisé prochainement en pratique clinique.

D’autres marqueurs intéressants pourraient être d’origine mitochondriale : phosphorylation oxydative, P31 MRS, espèces réactives de l’oxygène (ROS), ADN mitochondrial (mtDNA). La théorie mitochondriale du vieillissement propose que l’accumulation de dommages aux mitochondries et à l’ADN mitochondrial induisent le vieillissement en réduisant la disponibilité énergétique et en augmentant la production de ROS.  Pour être de puissants biomarqueurs du vieillissement biologique, ils nécessitent une standardisation soignée. Effectivement, la mesure sanguine de ces marqueurs mitochondriaux peut être affectée par l’état cellulaire (telle que l’hypoxie).

La réparation des dommages cellulaires (macromolécules endommagées, organites) est un processus clé dans le maintien de l’intégrité cellulaire et les fonctions cellulaires. La capacité d’autophagie diminue avec l’âge, ce qui entraine l’accumulation de protéines endommagées non fonctionnelles. Evaluer les mécanismes de réparation, de recyclage, et d’élimination de macromolécules endommagées, pourrait permettre de mesurer le vieillissement biologique. Cependant, les méthodes actuelles de mesure ne sont pas encore concluantes et meilleures méthodes de mesure doivent être développées.

Enfin, l’évaluation de l’épuisement des cellules souches, du dérèglement de détection des nutriments, et de l’altération de la communication intercellulaire, pourraient également être des biomarqueurs intéressants pour évaluer le vieillissement d’un individu ; mais ils nécessitent eux-aussi davantage d’études pour les caractériser.

Aucun de ces marqueurs ne représente une mesure exhaustive du vieillissement biologique. Pour plus de pertinence, il faudrait réaliser d’autres études afin d’évaluer les interactions entre les phénomènes caractérisés par ces différents biomarqueurs. Pour atteindre ces objectifs, les phénomènes sous-jacents au vieillissement doivent être évalués à l’aide d’un groupe d’individu suffisamment nombreux et dispersé en âge (sur toute la durée de vie), pour représenter la variabilité de l’âge biologique dans la population générale. Il sera alors primordial d’évaluer les corrélations entre les différents paramètres mesurés. En effet, il faut déterminer si ce qui est observé provient de l’expression sous différentes formes du même processus ou d’une évolution indépendante de celui-ci.  Le développement d’un tel biomarqueur, robuste, du vieillissement biologique, aurait l’avantage d’identifier précocement des personnes qui vieillissent « plus vite » que les autres et de permettre la mise en place d’intervention pour prévenir la « fragilité ».

(1) Ferrucci, L. (2019). Measuring biological aging in humans: A quest. Aging Cell. 2019;00:e13080