La mort de la mort. Lettre de mars 2016. Numéro 84.

Je pense que chaque mort est tragique. Nous avons appris à l’accepter, le cycle de la vie et tout ça, mais les humains ont une opportunité de transcender les frontières naturelles. La durée de vie moyenne était de 19 ans, il y a mille ans et de 37 ans en 1800. Tout le monde croit à l’allongement de la durée de vie. Quand quelqu’un annonce la découverte d’un remède pour une maladie, on applaudit. On ne dit pas « Oh, zut, ça va repousser la date de la mort’ ».

Ray Kurzweil, chercheur et futurologue américain, Financial Times, 2013 (traduction)


Le droit des citoyens aux expérimentations médicales pour la longévité


 

Une part considérable des grandes expériences médicales et de psychologie réalisées avant le 21ème siècle ne seraient plus possibles aujourd’hui dans le respect des réglementations actuelles. Il en va ainsi des expériences de Milgram de soumission à l’autorité, de la réalisation du premier vaccin contre la rage par Pasteur, expérience comprenant l’inoculation volontaire de la maladie à un enfant, des innombrables recherches médicales à partir des cellules-souches issues d’Henrietta Lacks, femme décédée en 1951 d’un cancer foudroyant. Cette femme n’avait en effet jamais donné son accord pour que ses cellules soient utilisées.

Aujourd’hui, les législations protectrices des patients pour des tests sont devenues extrêmement strictes, particulièrement dans les pays les plus riches.


C’est bien sûr une très bonne nouvelle en matière de respect des personnes. Même les individus les plus faibles et les plus défavorisés sont protégés par les législations relatives à la santé publique.


Cependant, ceci peut avoir aussi pour conséquence que certaines recherches se feront plus lentement, entraînant le décès de certaines personnes des suites de maladies qui auraient pu être guéries.


Pour accélérer la mise à disposition de nouvelles thérapies, deux pistes peuvent être explorées:


1. Permettre aux personnes atteintes de maladies actuellement incurables de tester de nouveaux traitements
Si des thérapies sont testées sur des personnes qui vont bientôt décéder, les citoyens concernés n’ont pas grand chose à perdre en termes de durée de vie. Il faut cependant être attentif à ce qu’il s’agisse d’affections incurables à relativement court terme. Si nous envisageons la mort inéluctable après une longue durée, nous sommes d’ailleurs tous atteints d’une maladie héréditaire provoquant 100 % de décès après maximum 122 ans : la sénescence.

Par durée courte, il semble raisonnable de considérer une survie probable de moins de six mois et une survie possible de maximum un an. Si la durée est plus longue, la médecine peut progresser dans l’intervalle. De plus, le métabolisme humain étant extraordinairement complexe, plus la durée de survie probable est longue, plus la probabilité d’une survie encore beaucoup plus longue est importante.


Pour les personnes atteintes de ces maladies incurables, permettre un traitement expérimental en dehors des prescriptions médicales habituelles devrait être admis à condition que des informations précises et complètes soient données en ce qui concerne:
  • les risques d’avancement du décès ;
  • les risques d’augmentation des souffrances ;
  • la probabilité escomptée d’amélioration (chances de survie) et son ampleur (durée de survie).


Pour limiter les risques d’abus, il est souhaitable que les thérapies testées le soient sans aucun coût pour la personne, mais aussi sans aucune indemnisation. Si les patients devaient payer, il y aurait un risque de médecine « à deux vitesses », si les patients étaient payés, leur liberté de choix serait réduite.


2. Permettre à des personnes souhaitant faire avancer la science pour le bien collectif de tester de nouveaux traitements
Si les thérapies nouvelles testées liées à une vie en bonne santé beaucoup plus longue ne concernent que les personnes déjà en très mauvaise santé, cela ne permettra pas de progresser rapidement pour la recherche concernant le maintien de l’état de jeunesse. Or, prévenir vaut mieux que guérir et prévenir le vieillissement pourra être préférable un jour à la lutte contre les conséquences du vieillissement.


Il serait donc souhaitable de permettre à des citoyens informés de tester des thérapies nouvelles afin, non pas de lutter contre des maladies, mais de maintenir un état de bonne santé sans vieillissement beaucoup plus longtemps qu’aujourd’hui, voire un jour plus lointain, sans limitation de durée.


Si ces essais thérapeutiques viennent à être acceptés, il conviendra d’être particulièrement prudent, dans l’intérêt des sujets d’expérience et dans l’intérêt de la recherche. Outre les conditions mentionnées dans la première partie quant à l’information complète et la gratuité totale, il faudrait également :


  • la garantie d’une expérience avec deux groupes de sujets, un recevant la thérapie et l’autre recevant un placebo ;
  • la possibilité, pour les sujets d’expérimentation, de mettre fin à l’expérience en cas de désagrément imprévu ;
  • des conditions d’expérimentation en double aveugle (les sujets de l’expérimentation et ceux expérimentant ignorant, jusqu’à la fin du test, qui reçoit la thérapie et qui reçoit le placebo) ;
  • un engagement de publication des résultats complets, qu’ils correspondent aux attentes ou pas.

Idéalement, ces recherches devraient être effectuées par des organismes publics avec des fonds publics et les résultats des expériences devraient être accessibles et utilisables par tous.

Enfin, très important, il faudrait un délai le plus court possible entre les décisions d’expérimentation et leur mise en pratique ainsi qu’entre la fin de l’expérience et la publication des résultats. En effet, la lenteur à ces stades n’est pas une garantie d’efficacité et de sûreté, au contraire. De plus, comme le vieillissement concerne tous les citoyens de la planète et en tue des dizaines de millions chaque année, la prévention de la sénescence, si elle est possible, est un enjeu de santé sans aucun équivalent.

Avec les garanties citées, les intérêts des citoyens désireux de faire progresser la médecine, les souhaits des expérimentateurs désireux de lutter préventivement contre les maladies liées au vieillissement et les désirs des citoyens espérant une vie en bonne santé de plus en plus longue pourraient se rencontrer.

 


Nouvelle du mois: pas de  gènes de longévité découverts chez les Danois les plus âgés


 

Des animaux très similaires génétiquement ont des durées de vie maximales très différentes. La cause des longévités extrêmes chez l’être humain comporte une composante génétique forte. Malheureusement, une étude des variations génétiques de Danois très âgés (94 à 100 ans) n’a pas (encore?) permis de découvrir de liens entre certains gènes et la durée de vie.


Le chemin vers une thérapie génique pour la longévité est donc encore long et l’étude des patrimoines génétiques des femmes et des hommes âgés n’y suffira probablement pas.

Pour en savoir plus:

 

Laisser un commentaire